Décret du 6 mai 2016 portant dissolution d'une association

NOR : INTD1611709D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/5/6/INTD1611709D/jo/texte
JORF n°0106 du 7 mai 2016
Texte n° 19

Version initiale


Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur,
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code des relations entre le public et l'administration ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 212-1 ;
Vu l'ordonnance du 30 mars 2016 par laquelle le Conseil d'Etat a suspendu l'exécution du décret du 14 janvier 2016, en tant qu'il porte dissolution de l'« Association des musulmans de Lagny-sur-Marne » ;
Vu le décret du 14 janvier 2016 portant dissolution de trois associations « Retour aux sources », « Le retour aux sources musulmanes » et « Association des musulmans de Lagny-sur-Marne » ;
Vu les statuts de l'association « Association des musulmans de Lagny-sur-Marne », déclarée le 8 mai 2015 à la sous-préfecture de Meaux sous le numéro W771012572 ;
Vu le courrier du 1er avril 2016, notifié par voie administrative le 1er avril 2016, par lequel M. A a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de l'« Association des musulmans de Lagny-sur-Marne » et, d'autre part, invité à présenter des observations dans un délai de quinze jours à compter de cette notification ;
Vu le courrier en date du 14 avril 2016, reçu le 18 avril 2016, par lequel M. A, président de l'« Association des musulmans de Lagny-sur-Marne », a fait valoir ses observations ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : (…) 6° (…) qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; 7° (…) qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger (…) » ;
Considérant que par décret du 14 janvier 2016, les associations « Retour aux sources », « Le retour aux sources musulmanes » et « Association des musulmans de Lagny-sur-Marne » ont été dissoutes sur le fondement de ces dispositions ;
Considérant, en effet, que ces trois associations, étroitement imbriquées à la fois par leurs structures, leur organisation et leurs activités, visaient en réalité, nonobstant leur objet légal à caractère cultuel et socio-éducatif, à promouvoir une idéologie radicale provoquant au jihad et à organiser le départ de combattants en zone irako-syrienne, en perpétuant les valeurs et messages de l'ancien imam de la mosquée de Lagny-sur-Marne, M. B, notamment par l'intermédiaire de cadres qui en sont proches et qui ont partagé ses actions avant son départ en Egypte à la fin de l'année 2014 ; qu'à cette fin, plusieurs élèves de la mosquée de Lagny-sur-Marne ont été envoyés en formation en Egypte auprès de M. B, afin d'y suivre des cours axés sur la mort en martyr avant, pour certains d'entre eux, de partir pour la zone irako-syrienne et, pour plusieurs, d'y décéder ; que, pour l'ensemble de ces raisons, ces associations ont été regardées comme constituant l'un des centres majeurs en Ile-de-France pour l'endoctrinement et le recrutement de combattants volontaires, ayant favorisé le départ d'une quinzaine d'entre eux et appelant les militants pro-jihadistes présents sur le territoire national à y commettre des actions terroristes, en lien avec la filière d'acheminement de combattants volontaires de Clichy-sous-Bois, démantelée en février 2015, dans le cadre d'une information du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme ; qu'en outre, les cadres principaux de ces associations sont en relation avec des individus de l'entourage de l'un des auteurs des attentats de janvier 2015 ;
Considérant enfin que des perquisitions administratives effectuées le 2 décembre 2015, dans le cadre de l'état d'urgence, au domicile de plusieurs personnes gérant en droit ou fait ces associations ou fréquentant la mosquée ont mis en évidence leur appartenance à la mouvance radicale pro-jihadiste et ont permis de découvrir, notamment, l'installation d'une école coranique clandestine au domicile du dirigeant de fait de l'association, école disposant, en tant que matériel pédagogique, de disques de chants religieux à la gloire des martyrs du jihad liés à l'organisation terroriste Jabhat Al Nosra ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de leurs activités d'endoctrinement, de recrutement et d'acheminement de candidats au jihad armé ainsi que de leurs relations avec des personnes mises en cause dans des activités à caractère terroriste, ces associations ont été regardées comme provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur non-appartenance à une religion au sens du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure et comme se livrant sur le territoire français à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger au sens du 7° du même article et dissoutes pour ces motifs ; que pour l'ensemble de ces raisons, la mosquée de Lagny-sur-Marne a également été provisoirement fermée par arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 1er décembre 2015, reconduit le 25 février 2016, pris sur le fondement de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ;
Considérant toutefois que l'exécution du décret du 14 janvier 2016 prononçant ces dissolutions a été suspendue par le juge des référés du Conseil d'Etat, en tant qu'il portait dissolution de l'« Association des musulmans de Lagny-sur Marne », à raison d'un doute sérieux quant à la régularité de la procédure contradictoire mise en œuvre préalablement à son édiction ; que, pour cette raison, l'association a été mise à même de présenter ses observations sur l'intention de prononcer de nouveau sa dissolution pour les mêmes motifs ; que les observations présentées par son président, par courrier du 14 avril 2016, ne remettent pas en cause le bien-fondé de la dissolution envisagée ; que, par suite, il y a lieu de retirer le décret du 14 janvier 2016 en tant qu'il porte dissolution de l'« Association des musulmans de Lagny-sur-Marne » et de prononcer à nouveau la dissolution de cette association pour l'ensemble des motifs énoncés ci-dessus ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :


  • Le décret du 14 janvier 2016 susvisé est retiré en tant qu'il prononce la dissolution de l'« Association des musulmans de Lagny-sur Marne ».


  • L'« Association des musulmans de Lagny-sur-Marne » est dissoute.


  • Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait le 6 mai 2016.


François Hollande
Par le Président de la République :


Le Premier ministre,
Manuel Valls


Le ministre de l'intérieur,
Bernard Cazeneuve

Nota. - L'identité des personnes mentionnées dans les motifs du présent décret figure dans le texte intégral du décret notifié aux représentants de l'association dissoute.
Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 219,3 Ko
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