(LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2022)
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, sous le n° 2021-832 DC, le 30 novembre 2021, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Jean-Claude ANGLARS, Jean BACCI, Philippe BAS, Jérôme BASCHER, Arnaud BAZIN, Mmes Nadine BELLUROT, Catherine BELRHITI, Martine BERTHET, MM. Étienne BLANC, Jean-Baptiste BLANC, Mme Christine BONFANTI-DOSSAT, MM. Bernard BONNE, Michel BONNUS, Mme Alexandra BORCHIO FONTIMP, M. Gilbert BOUCHET, Mme Céline BOULAY-ESPÉRONNIER, M. Yves BOULOUX, Mmes Toine BOURRAT, Valérie BOYER, MM. Max BRISSON, Laurent BURGOA, Alain CADEC, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, M. Jean-Noël CARDOUX, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Mme Marie-Christine CHAUVIN, M. Guillaume CHEVROLLIER, Mme Marta de CIDRAC, M. Pierre CUYPERS, Mme Laure DARCOS, M. Marc-Philippe DAUBRESSE, Mmes Annie DELMONT-KOROPOULIS, Patricia DEMAS, Catherine DEROCHE, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, Catherine DUMAS, Françoise DUMONT, Dominique ESTROSI SASSONE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, MM. Gilbert FAVREAU, Bernard FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Mme Laurence GARNIER, M. Fabien GENET, Mmes Frédérique GERBAUD, Béatrice GOSSELIN, Sylvie GOY-CHAVENT, MM. Daniel GREMILLET, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Daniel GUERET, Alain HOUPERT, Jean-Raymond HUGONET, Jean-François HUSSON, Mmes Corinne IMBERT, Else JOSEPH, Muriel JOURDA, MM. Roger KAROUTCHI, Christian KLINGER, Marc LAMÉNIE, Mme Florence LASSARADE, M. Daniel LAURENT, Mme Christine LAVARDE, MM. Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Ronan LE GLEUT, Henri LEROY, Gérard LONGUET, Mmes Vivette LOPEZ, Viviane MALET, MM. Didier MANDELLI, Thierry MEIGNEN, Mme Marie MERCIER, M. Sébastien MEURANT, Mme Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Philippe MOUILLER, Mme Laurence MULLER-BRONN, M. Philippe NACHBAR, Mme Sylviane NOËL, MM. Jean-Jacques PANUNZI, Philippe PAUL, Cyril PELLEVAT, Cédric PERRIN, Stéphane PIEDNOIR, Mme Kristina PLUCHET, M. Rémy POINTEREAU, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, Frédérique PUISSAT, Isabelle RAIMOND-PAVERO, MM. Jean-François RAPIN, Damien REGNARD, Olivier RIETMANN, Hugues SAURY, Stéphane SAUTAREL, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Mme Elsa SCHALCK, MM. Bruno SIDO, Jean SOL, Laurent SOMON, Philippe TABAROT, Mme Claudine THOMAS, MM. Cédric VIAL et Jean Pierre VOGEL, sénateurs.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
- la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 13 décembre 2021 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :
1. Les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Ils contestent la conformité à la Constitution de son article 6 et sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale ainsi que son article 35. Ils contestent également la place dans la loi de financement de la sécurité sociale des articles 28, 41, 46, 68, 70, 73, 74, 75, 76, 86, 87, 90, 94, 95 et 105 ainsi que la procédure d'adoption de certaines dispositions des articles 37 et 93.
- Sur l'article 6 :
2. L'article 6 de la loi déférée modifie l'article 50 de la loi du 14 décembre 2020 mentionnée ci-dessus afin notamment de reporter jusqu'au 31 décembre 2028 la possibilité pour les établissements de santé assurant le service public hospitalier de conclure un contrat avec les agences régionales de santé pour obtenir le versement d'une dotation par les organismes de la branche maladie.
3. Les sénateurs requérants contestent le rattachement de cet article au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, dans la mesure où il serait dépourvu d'effet sur les comptes de la sécurité sociale.
4. Ils soutiennent également que cet article met en œuvre des dispositions qui placent à la charge de la Caisse d'amortissement de la dette sociale les dotations versées par les organismes de la branche maladie aux établissements de santé assurant le service public hospitalier, ce qui serait contraire à l'exigence d'équilibre financier de la sécurité sociale. Ils demandent par conséquent au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées de l'article 50 de la loi du 14 décembre 2020 et du C du paragraphe II septies de l'article 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 mentionnée ci-dessus.
5. Le C du paragraphe II septies de l'article 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 prévoit que la Caisse d'amortissement de la dette sociale assure la couverture des dotations de la branche maladie versées, dans la limite de 13 milliards d'euros, au titre du soutien exceptionnel au désendettement des établissements de santé relevant du service public hospitalier pour favoriser leur investissement.
6. L'article 50 de la loi du 14 décembre 2020 dispose que les organismes de la branche maladie peuvent verser une dotation annuelle aux établissements de santé assurant le service public hospitalier et que ce versement est soumis à la conclusion par chaque établissement concerné, avant le 31 décembre 2021, d'un contrat pour une durée maximale de dix ans avec l'agence régionale de santé. Il prévoit également que la somme de ces dotations ne peut excéder 13 milliards d'euros.
7. Les dispositions contestées de l'article 6 modifient cet article 50 afin de prévoir que « Lorsqu'un contrat ou un avenant au précédent contrat a pour seul objet de concourir à la compensation des charges résultant d'opérations d'investissements structurants, il peut être conclu jusqu'au 31 décembre 2028. Les versements interviennent avant le 31 décembre 2030 ». Elles prévoient également que la dotation peut être comptabilisée par l'établissement de santé en plusieurs fois en fonction de l'échéancier des versements.
8. En premier lieu, le premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ». L'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale détermine le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale.
9. Les dispositions contestées ont pour objet de reporter, au-delà du 31 décembre 2021, la date limite de signature des contrats entre les agences régionales de santé et les établissements publics de santé et, par suite, les versements de dotations par les organismes de la branche maladie qui lui sont subordonnés. Elles constituent donc, au sens du paragraphe V de l'article LO 111-3, des dispositions ayant un effet sur les dépenses de l'année des régimes obligatoires de base.
10. En second lieu, la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.
11. Les dispositions contestées de l'article 6 de la loi se bornent à modifier l'article 50 de la loi du 14 décembre 2020 pour reporter la date limite de conclusion des contrats entre les agences régionales de santé et les établissements publics de santé.
12. Elles ne modifient pas les dispositions déjà promulguées du C du paragraphe II septies de l'article 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 qui mettent à la charge de la Caisse d'amortissement de la dette sociale le montant des dotations versées par les organismes de la branche maladie aux établissements de santé. Elles ne les complètent pas davantage, ni n'en affectent le domaine d'application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies.
13. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'exigence d'équilibre financier de la sécurité sociale ne peut qu'être écarté.
14. Par conséquent, les deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa du paragraphe I et le second alinéa du paragraphe V de l'article 50 de la loi du 14 décembre 2020, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l'article 35 :
15. L'article 35 approuve le rapport sur le financement de la sécurité sociale pour la période 2022-2025 accompagnant la loi déférée en application du paragraphe I de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale.
16. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître les exigences de l'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 en application duquel tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale doit être accompagné d'une augmentation de ses recettes permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale au-delà du 31 décembre 2033. Au soutien de ce grief, ils font valoir que la trajectoire financière quadriennale décrite dans ce rapport serait « manifestement incompatible » avec un amortissement de la dette sociale d'ici au 31 décembre 2033, dès lors que les déficits prévus pour les années à venir impliqueront nécessairement de nouveaux transferts de dettes à la Caisse d'amortissement de la dette sociale.
17. Il résulte de l'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 que tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation de ses recettes permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale au-delà du 31 décembre 2033.
18. Les dispositions contestées se bornent, en application du paragraphe I de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, à approuver le rapport figurant en annexe B à la loi déférée décrivant, pour les quatre années à venir, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
19. Elles n'ont ainsi ni pour objet ni pour effet de procéder à de nouveaux transferts de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale.
20. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 ne peut donc qu'être écarté.
21. Par conséquent, l'article 35 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur les dispositions dont la place dans la loi déférée est contestée :
22. Les sénateurs requérants contestent le rattachement des articles 28, 41, 46, 68, 70, 73, 74, 75, 76, 86, 87, 90, 94, 95 et 105 au domaine des lois de financement de la sécurité sociale dans la mesure où elles n'auraient pas d'effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèveraient pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
23. L'article 28 de la loi déférée a pour objet, à son paragraphe I, de rehausser le taux de contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques et, à ses paragraphes II à IV, de modifier les modalités d'encadrement de certaines recherches médicales.
24. Les dispositions de ces paragraphes II à IV, qui se bornent à modifier les conditions dans lesquelles sont évalués certains projets de recherche médicales, notamment par la création de comités d'éthique locaux, n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Elles ne trouvent donc pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont ainsi contraires à la Constitution.
25. L'article 41 modifie les conditions dans lesquelles sont exécutées les mesures de contention ou d'isolement appliquées à des personnes hospitalisées sans leur consentement, et notamment les cas dans lesquels le juge des libertés et de la détention doit être saisi pour les renouveler au-delà de certaines durées.
26. Ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
27. L'article 46, qui se borne à prévoir que l'Etat peut, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, autoriser la mise en place et le financement, par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, d'une carte professionnelle pour les intervenants et intervenantes de l'aide à domicile, a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
28. L'article 68 autorise les orthoptistes à réaliser certains actes et à établir certaines prescriptions. Au regard de leur incidence attendue sur les dépenses d'assurance maladie, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
29. L'article 70, qui soumet à de nouvelles obligations l'activité des centres de santé exerçant dans les domaines dentaire ou ophtalmologique, n'a pas d'effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
30. Les articles 73 et 74 prévoient que l'Etat peut autoriser, à titre expérimental, respectivement les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes à exercer leur art sans prescription médicale pour une durée de trois ans et dans six départements. Au regard de leur incidence attendue sur les dépenses d'assurance maladie, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
31. L'article 75, qui prévoit les conditions dans lesquelles peut être expérimentée la prise en charge des frais occasionnés par la promotion et la mise à disposition de l'accès gratuit au guide du bon usage des examens d'imagerie médicale au sein de l'espace numérique des médecins généralistes, n'a pas d'effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
32. L'article 76 prévoit, à titre expérimental, que les infirmiers en pratique avancée peuvent réaliser certaines prescriptions médicales. Au regard de leur incidence attendue sur les dépenses d'assurance maladie, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
33. L'article 86 de la loi déférée instaure, à compter du 1er juillet 2022, un entretien postnatal précoce obligatoire. La création d'un entretien postnatal précoce obligatoire, pris en charge par l'assurance maladie, distinct des examens prénataux et postnataux obligatoires et destiné à l'ensemble des femmes ayant accouché, a une incidence sur les dépenses de l'année et des années ultérieures des régimes obligatoires de base qui affectent directement leur équilibre. Dès lors, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
34. L'article 87, qui se borne à prévoir que la Caisse nationale d'assurance maladie met en œuvre des campagnes d'information sur les compétences des sages-femmes, n'a pas d'effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, pour utiles qu'elles puissent être, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
35. L'article 90, qui prévoit que les organismes d'assurance maladie complémentaire mettent à la disposition des professionnels de santé des services numériques en vue de l'application du dispositif du tiers payant sur certaines prestations en matière d'optique, d'audiologie et de soins dentaires, ne modifie pas les conditions selon lesquelles est assuré le paiement de la part des rémunérations prise en charge par les régimes obligatoires de base d'assurance maladie. Dès lors, ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses et sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Elles ne trouvent donc pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont contraires à la Constitution.
36. L'article 94, qui autorise la cession à titre gratuit de biens meubles acquis par l'agence nationale de santé publique au profit de certaines personnes publiques, n'a pas d'effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
37. L'article 95, qui organise le partage de certaines informations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé et vise à améliorer l'information des assurés, n'a pas d'effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
38. L'article 105 concerne les travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique. Il prévoit notamment que les plateformes exerçant certaines activités de conduite et de livraison, peuvent proposer à leurs travailleurs des prestations de protection sociale complémentaire bénéficiant à titre collectif à l'ensemble des travailleurs de la plateforme et qui sont versées par des mutuelles, institutions de prévoyance ou entreprises d'assurance. Il précise également que sont exclues de l'assiette des cotisations et contributions sociales des travailleurs concernés les contributions des plateformes au financement de la protection sociale de leurs travailleurs. Ces dispositions, qui portent sur l'assiette des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, trouvent leur place en loi de financement de la sécurité sociale de l'année, ainsi que celles du reste de l'article 105 qui en sont inséparables et ont donc été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur la procédure d'adoption du 2° du paragraphe II de l'article 93 :
39. Il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution, notamment de la première phrase de son premier alinéa aux termes de laquelle : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec les dispositions restant en discussion. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.
40. Le 2° du paragraphe II de l'article 93 prévoit que, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et jusqu'au 31 décembre 2022, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à rétablir, adapter ou compléter les dispositions mentionnées à l'article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 1226-1-1 du code du travail, ainsi que les dispositions prises en application de ces mêmes articles.
41. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions d'avoir été introduites en méconnaissance de l'article 45 de la Constitution.
42. Introduites en nouvelle lecture, ces dispositions sont en relation directe avec celles prévoyant la prise en charge exceptionnelle de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1226-1 du code du travail qui figuraient à l'article 46 du texte initial. Ainsi, elles ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :
43. Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure prévue à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale qui détermine le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
- En ce qui concerne les dispositions prévoyant la remise d'un rapport :
44. L'article 63 prévoit que, dans un délai d'un an à compter de sa promulgation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la révision des actes hors nomenclature et leur financement.
45. Le paragraphe III de l'article 64 prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant la liste des dispositifs médicaux en nom de marque qui peuvent faire l'objet d'une substitution.
46. Le paragraphe III de l'article 85 prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la contraception masculine.
47. L'article 106 prévoit qu'au plus tard le 31 janvier 2022, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'amélioration de la couverture sociale contre le risque d'accidents du travail et de maladies professionnelles de certains travailleurs indépendants.
48. Ces dispositions n'ont pas pour objet d'améliorer l'information et le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale au sens des dispositions du 4° du C du paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
- En ce qui concerne d'autres dispositions :
49. L'article 14 a pour objet de permettre la transmission, par le centre national de traitement des données fiscales, d'informations relatives à la contribution sociale généralisée acquittée à divers organismes.
50. L'article 22 prévoit que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales mettent à la disposition des artistes auteurs le certificat de précompte afférent aux cotisations et contributions versées.
51. L'article 27 prévoit que, en cas de récidive, l'amende réprimant le fait pour un grossiste-répartiteur de ne pas respecter les obligations de service public auxquelles il est soumis est portée à un maximum de 10 % du chiffre d'affaires annuel le plus élevé des trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits.
52. Le paragraphe II de l'article 37 est relatif à la dématérialisation et la transmission électronique des documents permettant la prise en charge des soins, produits et prestations.
53. L'article 48 prévoit que, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le directeur général de l'agence régionale de santé peut mettre en place une plateforme d'appui gériatrique aux établissements et services sanitaires et médico-sociaux ainsi qu'aux professionnels de santé libéraux apportant des soins ou un accompagnement aux personnes âgées.
54. L'article 50 prévoit que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie assure au bénéfice des départements, des maisons départementales des personnes handicapées et des maisons départementales de l'autonomie, un rôle d'accompagnement, de conseil, d'audit et d'évaluation, en vue notamment de garantir la qualité du service et de veiller à l'égalité de traitement des demandes de droits et de prestations de soutien à l'autonomie.
55. L'article 52 modifie les conditions dans lesquelles les établissements et services sociaux et médico-sociaux évaluent et font procéder à l'évaluation de la qualité des prestations qu'ils délivrent selon une procédure élaborée par la Haute Autorité de santé.
56. L'article 60 fixe les règles auxquelles sont soumis les fabricants de dispositifs médicaux pour éviter les risques de rupture de disponibilité de ces dispositifs.
57. L'article 67 prévoit un mécanisme de pénalités à l'encontre des pharmaciens titulaires d'officine en cas de manquement à l'obligation de désactivation de l'identifiant unique figurant sur l'emballage de certains médicaments signalés.
58. L'article 72 modifie le calendrier de mise en place, par la Haute Autorité de santé, d'un référentiel de bonnes pratiques et de la certification obligatoire des prestataires de service et des distributeurs de matériels destinés à favoriser l'autonomie et le retour à domicile.
59. Les 1° et 2° de l'article 80 prévoient deux nouvelles dérogations aux règles relatives à la prescription de certains médicaments et aux activités de pharmacie ainsi que le recueil des avis de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sur ces expérimentations.
60. L'article 91 prévoit d'informer les bénéficiaires du revenu de solidarité active de la possibilité d'effectuer un examen de santé proposé par la sécurité sociale.
61. L'article 99 permet aux organismes de sécurité sociale, à Pôle emploi et aux administrations de l'Etat d'échanger les données qu'ils détiennent et qui sont nécessaires au bénéfice de certains droits ou au versement de prestations.
62. L'article 101 prévoit l'information des allocataires des prestations familiales sur la nature et l'étendue de leurs droits.
63. Ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et ne sont pas relatives aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées à ces régimes et organismes, ni aux règles portant sur la gestion des risques par ces mêmes régimes ou organismes. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
64. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
Le Conseil constitutionnel décide :Liens relatifs
Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 :
- les articles 14, 22, 27 ;
- les paragraphes II à IV de l'article 28 ;
- le paragraphe II de l'article 37 ;
- les articles 41, 46, 48, 50, 52, 60 et 63 ;
- le paragraphe III de l'article 64 ;
- les articles 67, 70, 72 et 75 ;
- les 1° et 2° de l'article 80 ;
- le paragraphe III de l'article 85 ;
- et les articles 87, 90, 91, 94, 95, 99, 101 et 106.
Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
- les deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa du paragraphe I et le second alinéa du paragraphe V de l'article 50 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 6 de la loi déférée ;
- l'article 35 de la loi déférée.Liens relatifs
Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le 16 décembre 2021.
Décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021