Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi par la société ELEC'CHANTIER 33 des faits suivants.
Le 12 décembre 2017, dans le cadre de l'instruction d'une autorisation d'urbanisme relative à la parcelle de M. B. située à X. dans le département de la Charente-Maritime, la société ENEDIS a indiqué à la Communauté d'Agglomération de la Rochelle qu'« aucune contribution financière n'est due par la C[ollectivité] C[hargée] de l'U[rbanisme] » au titre de l'article L. 342-11 du code de l'énergie.
Le 21 juin 2018, Monsieur J. a transmis à la société ENEDIS une demande de raccordement pour son installation située à X. dans le département de la Charente-Maritime, sur une parcelle achetée aux époux B.
Le 22 juin 2018, la société ENEDIS l'a informé du caractère complet de sa demande.
Le courrier précise également qu'elle a « reçu l'ensemble des éléments nécessaires à l'instruction de votre demande, et vous informe que votre dossier a été validé le 22/06/2018 ».
Le 26 juillet 2018, la société ENEDIS a relevé dans le cadre de la réalisation du devis des incohérences tenant à la numérotation des parcelles.
Elle a adressé à M. J. une demande de pièces complémentaires dont elle a accusé réception le 13 septembre 2018.
Le même jour, la société ENEDIS l'a informé par un courrier électronique qu'elle a « reçu l'ensemble des éléments nécessaires à l'instruction de [sa] demande de raccordement ». La société ENEDIS aurait indiqué, dans un second courrier électronique, que la demande de raccordement « nécessite des travaux d'allongement ou de renforcement du réseau public de distribution » devant être réalisés par un syndicat départemental d'énergie pour lequel les démarches à entreprendre lui auraient été transmises par pièces jointes au courrier.
Le 12 novembre 2018, dans le cadre d'une demande relative à l'état d'avancement de son dossier, M. J. a indiqué ne pas avoir reçu le formulaire de demande de desserte. Le même jour, la société ENEDIS lui a communiqué ledit formulaire et M. J. lui a adressé les documents manquants.
Le 13 novembre 2018, la société ENEDIS l'a informé par courrier électronique du fait que sa demande de raccordement « nécessite des travaux d'allongement ou de renforcement du réseau public de distribution » qui doivent être réalisés par un syndicat départemental d'énergie pour lequel les démarches à entreprendre lui ont été transmises par pièces jointes au courrier.
Le 19 novembre 2018, saisi d'une demande de M. J., le syndicat départemental d'électrification et d'équipement rural de la Charente-Maritime (SDEER) a confirmé la nécessité de travaux d'extension et a réalisé une proposition technique.
Le 6 décembre 2018, les propriétaires du chemin privé, M. et Mme B., ont écrit s'opposer « à la création d'une traversée de notre chemin […], que ce soit pour l'eau, l'électricité, le téléphone et autres fluides. » Ils ajoutent que « lors de la vente de notre terrain à Mr et Mme J., tout avait été prévu (tranchées et fourreaux), voici pourquoi aujourd'hui, nous nous opposons fortement à une quelconque traversée sur notre chemin. »
Le 16 janvier 2019, sur la base des éléments prévus par le SDEER, la société ENEDIS a adressé à M. J. une proposition de raccordement n° 7394851401 constituée d'un branchement électrique sans extension de réseau électrique sous maîtrise d'ouvrage ENEDIS.
Les 18 janvier 2019, 11 mars et 24 avril suivant, la société ELEC'CHANTIER 33, agissant en qualité de mandataire de M. J., a adressé une réclamation auprès de la société ENEDIS afin qu'un branchement de type 2 soit mis en œuvre en lieu et place des travaux d'extension.
La société ELEC'CHANTIER 33 a pour activité la mise en place d'alimentations électriques provisoires sur les chantiers de construction, principalement de maisons individuelles ainsi que la réalisation des démarches pour les demandes de raccordement définitif auprès de la société ENEDIS.
Entre-temps, les propriétaires du chemin privé ont réaffirmé le 14 février 2019 auprès de la société SOMELEC, intervenant pour le compte du SDEER, leur refus de signer la convention pour l'extension de réseau public sur leur chemin privé.
M. J. a également refusé de signer tant la proposition technique du SDEER que la proposition de raccordement de la société ENEDIS relative à cette extension de réseau public avec pose d'un coffret en limite de sa propriété et sur le chemin privé. En effet, en raison du refus d'un de ses voisins d'autoriser les travaux d'extension sur son chemin privé, il a réclamé un raccordement de type 2 avec un coffret implanté sur une autre parcelle que celle à alimenter électriquement.
Le 6 mars 2019, la société ELEC'CHANTIER 33 a informé le SDEER, d'une part, de l'opposition du voisin au passage du câble de réseau projeté par le SDEER pour le raccordement au réseau de distribution d'électricité sollicité par M. J. et, d'autre part, du refus de M. J. d'acquitter la contribution financière sollicitée par le SDEER.
Par un courrier du 29 avril 2019, la société ENEDIS a notamment précisé à la société ELEC'CHANTIER 33, d'une part, que la solution qu'elle avait présentée consistant à positionner le coffret en limite de propriété de la parcelle à raccorder constituait bien l'opération de raccordement de référence et, d'autre part, que la mention « sans extension de réalisation électrique sous maîtrise d'ouvrage ENEDIS » dans sa proposition de raccordement du 16 janvier 2019 signifiait « que l'extension ne sera pas opérée par ENEDIS, mais par le Syndicat Départemental d'Energie, en l'occurrence le Syndicat Départemental d'Electrification et d'Equipement Rural de la Charente-Maritime. »
A la suite d'un courrier en date du 2 juillet 2019, la société ENEDIS a procédé à la dépose de l'alimentation provisoire de l'installation définitive des époux J. le 8 juillet 2019, qui a été rétablie sur intervention du préfet de Charente-Maritime le 16 juillet 2019.
Vu la procédure suivante :
Par une saisine et trois mémoires récapitulatifs enregistrés sous le numéro 05-38-19 les 16 mai 2019, 19 juillet 2019, 6 août 2019 et 30 août 2019, la société ELEC'CHANTIER 33, agissant pour le compte de M. J., demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures :
A titre principal :
- de se déclarer compétent pour régler le différend ;
- de déclarer sa saisine recevable ;
- d'astreindre la société ENEDIS à réaliser le raccordement définitif de branchement type 2 sans délai ;
A titre secondaire :
- de confirmer les manquements de la société ENEDIS dans le traitement de sa demande de raccordement définitif et la discrimination exercée ;
- d'astreindre la société ENEDIS à une sanction pécuniaire à hauteur de 10 000 euros, eu égard au non-respect de ses obligations d'accès au réseau public dans des conditions transparentes et non-discriminatoires et eu égard à l'abus de position dominante exercée par Enedis dans ce dossier.
Dans le dernier état de ses écritures, la société ELEC'CHANTIER 33 ne demande plus de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier qu'elle subit depuis un an à hauteur de 10 000 euros. Ses prétentions sont réputées avoir été abandonnées.
En ce qui concerne la compétence du comité, elle soutient que :
- conformément aux dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie, celui-ci est bien compétent pour connaître du différend l'opposant à la société ENEDIS dans la mesure où les deux conditions sont réunies ; celle tenant à la qualité de la personne dès lors qu'il s'agit d'un utilisateur du réseau et l'autre tenant à l'objet du litige dès lors qu'il est relatif à l'accès au réseau ;
En ce qui concerne le bien-fondé de sa saisine, elle soutient que :
- les manquements de la société ENEDIS dans la gestion de son dossier de demande de raccordement définitif sont tels que les époux J. sont à ce jour pris en otage par celle-ci et, bien que la construction de leur maison soit achevée et livrée depuis le mois de décembre 2018, ils sont sans électricité définitive car le raccordement définitif n'a toujours pas été réalisé par la société ENEDIS alors que la demande de raccordement définitive a été envoyée le 21 juin 2018 ;
- les époux J. n'ont pas un accès au réseau dans des conditions non-discriminatoires ; qu'en effet, leur permis de construire a été accordé dans des conditions non respectueuses de la législation dans la mesure où la société ENEDIS a confirmé par courrier du 12 décembre 2017 qu'aucuns travaux d'extension de réseau public ne seraient nécessaires ; que dans le cas contraire, elle aurait dû préciser la nature des travaux à réaliser et le montant de la contribution en application des dispositions des articles L. 342-11 du code de l'énergie et L. 111-11 du code de l'urbanisme ; que si la société ENEDIS s'estime incompétente, elle aurait dû informer la commune qu'elle devait s'adresser au SDEER comme elle le fait pour d'autres dossiers ; qu'en outre, la société ENEDIS a failli dans la gestion de sa demande de raccordement définitif ; qu'en particulier, la société ENEDIS lui a envoyé la confirmation que son dossier était complet par cinq fois alors que le numéro de demande était à chaque fois différent, ce qui démontre que le dossier était bien à chaque fois repris sans aucune antériorité ; qu'enfin il existe bien un lien entre la demande d'instruction de l'autorisation d'urbanisme et la déclaration préalable pour le permis de construire des époux J. ;
- le branchement de type 2 est la seule solution à retenir au regard de la situation et du paragraphe 3.2 de la norme NF C 14-100 ; celle-ci allie respect des normes électriques, la sécurité et la situation actuelle de ces fonds enclavés ;
- les propriétaires du chemin privé ont parfaitement respecté leurs obligations au sens de l'article 682 du code civil dans la mesure où les tranchées et fourreaux pour le raccordement électrique des fonds ont bien été prévus ; qu'en outre, contrairement à ce qu'affirme la société ENEDIS, ils n'ont eu aucune difficulté pour réaliser les branchements en eau et téléphonie ;
- les époux J. ont validé la construction de leur maison parce qu'aucune extension du réseau n'a été préalablement prévue ;
- il résulte du point 6.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ENEDIS-PRO-RAC_21E validée par la Commission de régulation de l'énergie et du paragraphe 3.2.6.2 de la norme NF C 14-100 qu'il n'y a aucune obligation de réaliser une extension de réseau public sur le domaine privé ;
- la société ENEDIS a opéré une discrimination à son égard dans la mesure où, en décembre 2018, elle a accepté de réaliser à titre exceptionnel, un branchement de type 2 sur l'installation d'un autre usager qui se trouvait dans une situation parfaitement identique et parfaitement comparable à la sienne ;
- la société ENEDIS abuse de sa position dominante en s'obstinant à refuser de réaliser un branchement de type 2 ; que cet abus est tel qu'elle a coupé l'alimentation provisoire le 8 juillet 2019 sans délai et sans préavis au motif d'une « utilisation frauduleuse car les clients vivaient chez eux » alors même que le branchement provisoire était légal puisque bénéficiant d'une attestation CONSUEL délivrée le 7 janvier 2019 ; que les époux J. sont dans l'attente d'une réponse de la société ENEDIS sur leur demande d'indemnisation des aliments perdus et du préjudice moral subi et surtout de la date de réalisation des travaux d'alimentation provisoire prévus par celle-ci ; qu'en outre dans d'autres dossiers, en cas de retard dans les travaux de raccordement définitif, ENEDIS invite les utilisateurs du réseau à raccorder leur maison en fin de construction avec un branchement provisoire ; qu'enfin l'alimentation provisoire installée à la suite de la demande du préfet ne répond à aucune des normes de sécurité en vigueur NF C 14-100 et C 15-100 ;
- la société ENEDIS a également opéré des pratiques abusives et trompeuses à son égard ; qu'elle a, tout d'abord, indiqué avoir reçu sa demande complète le 16 janvier 2019 alors même qu'elle lui avait déjà communiqué la même information en juin 2018 puis en septembre et novembre de la même année et de nouveau en juillet 2019 ; qu'elle a, ensuite, indiqué dans la proposition de raccordement que celui-ci ne nécessitait pas d'extension du réseau sous sa maîtrise d'ouvrage avant de lui préciser que celle-ci devait être en réalité effectuée par le SDEER ; qu'elle a également indiqué que ce choix technique aurait été fait par le SDEER alors qu'il s'agit de sa décision, qu'elle a d'ailleurs confirmée à plusieurs reprises ; qu'enfin, contrairement à ce qu'elle a mentionné dans son courrier électronique du 18 janvier 2019, M. J. n'a jamais échangé avec celle-ci sur sa demande de raccordement ;
Par un mémoire en défense et trois mémoires récapitulatifs, enregistrés les 21 juin 2019, 29 juillet 2019, 19 août 2019 et 10 septembre 2019, la société ENEDIS, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocat, Me Anne-Laure-Hélène DES YLOUSES, demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
- à titre principal de se déclarer incompétent et, par conséquent, de déclarer irrecevables et infondées toutes les demandes, moyens, fins et prétentions ;
- à titre subsidiaire, d'une part, de rejeter la demande visant à l'astreindre à réaliser le raccordement définitif de branchement type 2 de M. J., d'autre part, de confirmer la solution technique de raccordement n° 7394851401 qu'elle a proposée et, enfin, de constater qu'aucun manquement ne peut lui être imputé dans la gestion du dossier de raccordement de M. J. En tout état de cause, de déclarer irrecevable et mal fondée la saisine ainsi que toutes les demandes, moyens, fins et prétentions.
En ce qui concerne la compétence du comité, elle soutient que :
- la saisine vise à contourner les exigences de l'article 682 du code civil applicable en cas de litige relatif à une servitude de passage ; qu'il appartient à M. J. de le résoudre avec son voisin ;
- le comité n'est ni compétent pour connaître d'un litige relatif à une servitude de passage ni pour connaître d'une demande indemnitaire ;
- le comité n'est pas non plus compétent pour connaître de pratiques trompeuses ou d'un abus de position dominante.
En ce qui concerne le bien-fondé de sa saisine, elle soutient que :
- la solution technique de raccordement proposée par la société ENEDIS est conforme à la réglementation technique applicable à ce type de raccordement ;
- le branchement de type 2 à l'entrée du chemin d'accès sollicité par M. J. n'est pas conforme à la norme NF C 14-100 ;
- le branchement de type 2 à l'entrée du chemin d'accès ne permet pas de passer outre le refus des voisins ni la conclusion d'une convention de servitude ;
- la demande de M. J. a été traitée avec toute la diligence possible et aucun manquement ne peut lui être imputé que ce soit dans le cadre de l'autorisation d'urbanisme ou dans le cadre de la procédure de raccordement définitif ; la répartition des compétences entre le SDEER et ENEDIS a bien été respectée et c'est à ce titre que le SDEER a précisé la nature des travaux d'extension à réaliser et le montant de la contribution ;
- la suspension du branchement provisoire des époux J. ne peut être constitutive d'un abus de position dominante de la part d'ENEDIS ; l'alimentation de l'installation définitive par un branchement provisoire depuis décembre 2018 est contraire à l'article D. 342-19 du code de l'énergie en l'absence de CONSUEL et aux engagements pris par les époux J. dans le cadre du contrat de raccordement provisoire ; la construction de l'habitation des époux J. est achevée et non « en fin de construction » comme le prétend la demanderesse ; le cas d'espèce ne peut faire l'objet d'une comparaison avec la prétendue acceptation de branchements provisoires en fin de chantier de construction par ENEDIS dans d'autres régions ; elle ne peut connaître le nom du fournisseur d'électricité retenu par les époux J. puisque ces derniers n'ont pas souscrit à un contrat de fourniture ;
- la solution technique consistant en une extension de réseau opérée par le SDEER n'est pas un choix technique de la société ENEDIS.
Par une décision du 12 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée initialement au 2 septembre 2019 à 17 heures. Par courrier adressé par porteur le 2 septembre, la société ENEDIS a demandé le report de la clôture d'instruction. Par deux décisions du 3 septembre 2019, l'instruction de la présente demande de règlement de différend a été rouverte et une nouvelle clôture de l'instruction a été fixée au 19 septembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, R. 134-7 et suivants.
Vu l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
Vu l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation.
Vu la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie.
Vu la décision du 15 juillet 2019 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 05-38-19.
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 30 septembre 2019, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, M. Henri DE LAROSIERE DE CHAMPFEU, M. Olivier CHALLAN BELVAL et M. Nicolas MAZIAU, membres, en présence de :
M. Emmanuel RODRIGUEZ, directeur adjoint de la direction des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché ;
M. Martial FOURNIER DE SAINT JEAN, rapporteur ;
Mme Virginie BRANCO, représentant la société ELEC'CHANTIER 33 ;
Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Me Anne-Laure-Hélène DES YLOUSES.
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Martial FOURNIER DE SAINT JEAN, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Mme Virginie BRANCO pour la société ELEC'CHANTIER 33 ; la société ELEC'CHANTIER 33 persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Anne-Laure-Hélène DES YLOUSES pour la société ENEDIS ; la société ENEDIS persiste dans ses moyens et conclusions ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions
1. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ou de réseaux fermés de distribution d'électricité ; […] Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement. La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. […] ».
2. Il résulte de ces dispositions qu'un différend n'entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d'attribution, qu'à une double condition, tenant, l'une à la qualité des personnes qu'un différend oppose, et l'autre, à l'objet du différend.
3. La société ENEDIS soutient que le comité n'est pas compétent pour connaître des demandes de la société ELEC'CHANTIER 33 dès lors qu'elles ne sont pas relatives à un différend portant sur l'accès au réseau l'opposant à la société ENEDIS mais à un litige relatif à une servitude de passage et à un litige relatif à des pratiques trompeuses ou un abus de position dominante et vise à contourner les exigences de l'article 682 du code civil en matière de servitude de passage.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société ELEC'CHANTIER 33, représentant M. J., et la société ENEDIS ont la qualité, respectivement d'utilisateur et de gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et que le présent différend porte sur la solution technique de raccordement proposée par la société ENEDIS qui a pour objet d'établir les conditions accès au réseau public de distribution d'électricité.
5. Par suite, le comité de règlement des différends est compétent pour connaître de la demande de règlement de différend opposant la société ELEC'CHANTIER 33 à la société ENEDIS en vertu des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie.
6. En second lieu, la société ENEDIS soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaître d'une demande indemnitaire formée par la société ELEC'CHANTIER 33.
7. Elle demande par conséquent au comité de déclarer la demande indemnitaire et la demande de préjudice irrecevables.
8. Il ressort des dernières écritures de la société ELEC'CHANTIER 33 que cette dernière ne demande plus de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier qu'elle subit depuis un an à hauteur de 10 000 euros. Ses prétentions sont donc réputées avoir été abandonnées.
9. Au surplus, il n'appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le cadre de sa compétence d'attribution fixée à l'article L. 134.19 précité et suivants du code de l'énergie, de condamner une des parties à la réparation d'un préjudice.
Sur la coupure de l'alimentation provisoire
10. Aux termes des dispositions de l'article D. 342-19 du code de l'énergie, applicable au présent litige, « I. - Doit faire l'objet, préalablement à sa mise sous tension par un distributeur d'électricité, d'une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements en vigueur pour le type d'installation considérée : 1° Toute nouvelle installation électrique à caractère définitif raccordée au réseau public de distribution d'électricité ; […] » L'abonné doit remettre cette attestation au distributeur « 1° Au plus tard à la date de demande de mise en service du raccordement dans le cas d'une installation nouvelle ; […] Elle n'est pas exigible lorsque le raccordement de l'installation n'a qu'un caractère provisoire ou lorsque la mise sous tension n'est demandée que pour une période limitée, en vue de procéder aux essais de l'installation. ».
11. Aux termes de l'article 3 de la procédure Enedis-PRO-RAC_23E, « La présente procédure s'applique aux Installations temporaires de consommation pour un même Site à raccorder dans les domaines de tension BT ou HTA. La présente procédure ne s'applique pas aux raccordements d'Installations définitives de consommation et aux raccordements d'Installations temporaires de consommation de courte durée (inférieure ou égale à 28 jours calendaires). »
12. Les dispositions du point 9.2 de la procédure Enedis-PRO-RAC_23E précise que « La durée maximale d'un branchement provisoire longue durée est fixée à 1 an. »
13. Toutefois, l'annexe 6 de la procédure Enedis-PRO-RAC_23E définissant le modèle de lettre d'engagement, prévoit que le demandeur atteste que : « ce raccordement est à caractère temporaire, conformément à l'article D 342-19 du code de l'énergie. Ce raccordement provisoire est uniquement destiné à l'alimentation de mon Installation pour la durée et l'usage définis ci-dessus. Il ne saurait en aucun cas servir à d'autres fins et/ou à l'alimentation d'une Installation électrique définitive sans CONSUEL. Je reconnais, et prends acte, qu'Enedis pourra, sans préavis, effectuer la suspension de l'alimentation électrique du Point de Livraison en cas de manquement à cette obligation » (emphase ajouté).
14. En premier lieu, la société ENEDIS soutient qu'une installation définitive ne peut être mise sous tension sans CONSUEL de même qu'elle ne peut être alimentée par un raccordement temporaire. Elle soutient en outre que la propriété des époux J. est achevée depuis décembre 2018.
15. En deuxième lieu, la société ENEDIS affirme que les époux J. ont accepté la lettre d'engagement prévue dans le formulaire de « Demande de raccordement provisoire au réseau public de distribution géré par ERDF » pris en application de l'article 1er alinéa 3 du décret n° 72-1120 du 14 décembre 1972 qui prévoit que la société ENEDIS pourra, sans préavis, procéder à la suspension de l'alimentation électrique du point de livraison en cas de non-respect des dispositions de l'article D. 342-19 du code de l'énergie ou au-delà du délai d'un an.
16. En troisième lieu, elle prétend que « l'alimentation de l'habitation principale de Monsieur J. par un branchement provisoire bien après l'expiration de la période fixée [à] 12 mois fixée [dans la lettre d]'engagement du raccordement provisoire, soit depuis le 1er mai 2019 est contraire à l'article D342-19 du Code de l'énergie et aux engagements pris par les époux J. dans le cadre du contrat de raccordement provisoire. »
17. Il résulte des dispositions de l'article D. 342-19 du code de l'énergie, qu'une attestation CONSUEL est obligatoire pour le raccordement définitif d'une installation définitive et facultative pour un raccordement provisoire d'une installation, sans qu'il soit précisé si cette installation a un caractère provisoire ou définitif.
18. Il s'infère également de la Documentation technique de référence de la société ENEDIS et du point 13 que le formulaire de « Demande de raccordement provisoire au réseau public de distribution géré par ERDF » correspond au formulaire ERDF-FOR-RAC_32E, abrogé par la procédure ERDF-PRO-RAC_23E. Ce formulaire, qui n'est plus applicable depuis le 1er mai 2016, est remplacé par le modèle de la lettre d'engagement prévu par la procédure Enedis-PRO-RAC_23E qui exclut l'alimentation par un raccordement provisoire d'une installation définitive sans CONSUEL.
19. Dès lors, un raccordement à caractère provisoire ne saurait donc servir à l'alimentation d'une installation définitive sans attestation CONSUEL.
20. Il ressort des pièces du dossier qu'une attestation CONSUEL a bien été délivrée aux époux J. en date du 7 janvier 2019, et qu'elle a été transmise le 10 janvier 2019 à la société ENEDIS, ce que cette dernière a confirmé lors de la séance publique par la voix de son conseil.
21. Par suite, le comité relève d'une part, qu'il n'est pas contesté par la société ENEDIS que c'est à bon droit que la société ELEC'CHANTIER 33 a demandé et obtenu une attestation CONSUEL pour son installation définitive alimentée par un raccordement provisoire et, d'autre part, que la société ENEDIS n'était pas fondée dans ce cadre à intervenir pour déposer l'alimentation provisoire de l'installation électrique des époux J.
Sur la détermination de l'opération de raccordement de référence et l'information du demandeur par la société ENEDIS
22. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 22 octobre 1969 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation, « Les installations électriques des bâtiments d'habitation doivent être conformes aux dispositions des normes NF. C 14-100 et NF. C 15-100 en vigueur au moment de la demande de permis de construire ou de la déclaration préalable de construction. »
23. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation, « L'arrêté du 22 octobre 1969 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation [qui prévoyait la conformité de ces installations aux dispositions des normes NF C 14-100 et NF C. 15-100] est abrogé. »
24. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 précité « Les installations électriques des bâtiments d'habitation mentionnées à l'article 2 du présent arrêté, conçues et réalisées selon les prescriptions du titre 10 de la norme NF C. 15-100 de 2002, la mise à jour de 2005 de la norme NF C. 15-100 de 2002 et ses amendements A1 à A5, et les ouvrages de branchement mentionnés à l'article 3, conçus et réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 de 2008 et ses amendements A1 à A3, sont présumés satisfaire aux objectifs du présent arrêté. »
25. Il résulte des dispositions précitées que la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 août 2016.
26. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité : « Pour l'application du présent arrêté, une opération de raccordement est un ensemble de travaux sur le réseau public de distribution et, le cas échéant, sur les réseaux publics d'électricité auquel ce dernier est interconnecté : (i) nécessaire et suffisant pour satisfaire l'évacuation ou l'alimentation en énergie électrique des installations du demandeur à la puissance de raccordement demandée ; (ii) qui emprunte un tracé techniquement et administrativement réalisable, en conformité avec les dispositions du cahier des charges de la concession ou du règlement de service de la régie ; (iii) et conforme au référentiel technique publié par le gestionnaire du réseau public de distribution. L'opération de raccordement de référence représente l'opération de raccordement qui minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement énumérés aux articles 1er et 2 du décret du 28 août 2007 susvisé, calculé à partir du barème mentionné à l'article 2. » En outre, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 28 août 2007 précédemment mentionné, « […] Les dispositions des deux alinéas précédents ne s'opposent pas à ce que le gestionnaire du réseau de distribution réalise une opération de raccordement différente de l'opération de raccordement de référence. Si le gestionnaire du réseau de distribution la réalise à son initiative, il prend à sa charge tous les surcoûts qui pourraient en résulter. S'il la réalise à la demande de l'utilisateur qui demande à être raccordé, ce dernier prend à sa charge tous les surcoûts éventuels. »
27. Il résulte des dispositions précitées que si le gestionnaire de réseau de distribution est tenu d'établir l'opération de raccordement de référence, il peut proposer une opération de raccordement différente dont il devra supporter les coûts si elle est à son initiative.
28. Dans le cadre des demandes de raccordement des consommateurs au réseau public de distribution d'électricité, la société ENEDIS peut ou non tenir compte de l'application de la norme NF C 14-100 pour proposer soit l'opération de raccordement de référence qui minimiserait la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement, soit une opération de raccordement différente de celle-ci, à son initiative ou à la demande de l'utilisateur dès lors que ladite norme n'est plus obligatoire.
29. Il ressort des pièces du dossier que la société ENEDIS a établi une proposition de raccordement avec une solution technique qui ne prévoit pas de travaux d'extension de sa part, mais qui nécessite en l'espèce des travaux d'extension de la part du SDEER ; que cette unique solution technique a été déterminée dans le cadre d'une application de la norme NF C 14-100 considérée comme impérative par les services de la société ENEDIS.
30. En second lieu, la société ELEC'CHANTIER 33 soutient que la société ENEDIS a opéré des pratiques trompeuses et abusives vis-à-vis des époux J. en manquant de transparence sur la nécessité de réaliser des travaux d'extension, sur la répartition de la maîtrise d'ouvrage entre la société ENEDIS et le SDEER, et en déclarant par cinq fois la complétude du dossier de demande de raccordement.
31. La société ENEDIS soutient qu'elle a dû confirmer à plusieurs reprises la complétude du dossier de demande de raccordement, faisant systématiquement l'objet de nouveaux numéros, puisque la société ELEC'CHANTIER 33 refusait les devis présentés par elle.
32. Toutefois le comité de règlement des différends et des sanctions relève un défaut d'information des pratiques mises en œuvre par la société ENEDIS dès lors que cette dernière n'apporte pas la preuve de la transmission de devis aux époux J. à la suite des déclarations de complétude du dossier de juin 2018 et septembre 2018 tout comme elle n'apporte pas la preuve du courrier électronique par lequel elle aurait informé les époux J. le 13 septembre 2018 de la nécessité de réaliser des travaux d'extension.
33. Par suite, l'élaboration de la solution technique sur le seul critère d'une application faussement perçue comme obligatoire de la norme NF C 14-100 ainsi que le défaut d'information imputable à la société ENEDIS amènent le comité de règlement des différends et des sanctions à demander à ladite société de réaliser une étude permettant de déterminer l'opération de raccordement de référence et, en tant que de besoin, l'opération de raccordement alternative, en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne information de la société ELEC'CHANTIER 33.
Sur le non-respect par la société ENEDIS de ses obligations de traitement non discriminatoires de la demande de raccordement des époux J.
34. Aux termes des dispositions de l'article L. 121-4 du code de l'énergie, la société ENEDIS doit assurer : « 2° Le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution. »
35. La société ELEC'CHANTIER 33 soutient que la société ENEDIS a réalisé un branchement de type 2 en décembre 2018 « à titre exceptionnel et dérogatoire » pour raccorder une installation enclavée présentant les mêmes caractéristiques que la propriété des époux J., sans recourir à une extension du réseau public. La société ENEDIS aurait ainsi opéré un traitement discriminatoire dans le traitement des demandes de raccordement qu'elle reçoit.
36. Néanmoins les pièces du dossier ne permettent pas de mettre le comité à même de constater que cette installation raccordée en décembre 2018 aurait les mêmes caractéristiques que l'installation des époux J. et que la société aurait ainsi opéré un traitement discriminatoire dans le traitement des demandes de raccordement.
37. Toutefois, il résulte des points 22 à 29 de la présente décision que la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire pour établir l'opération de raccordement de référence. Qu'en proposant une solution technique sur le seul fondement de cette norme, la proposition de raccordement, dite de référence, transmise par la société ENEDIS a été réalisée dans des conditions qui ne respectent pas les règles visant à garantir le principe d'accès non-discriminatoire au réseau.
Décide :Liens relatifs
Le comité de règlement des différends et des sanctions enjoint à la société ENEDIS de produire une proposition de raccordement se fondant sur l'opération de raccordement de référence, en tenant compte du caractère non-obligatoire de la norme NF C 14-100 et en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne information de la société ELEC'CHANTIER 33, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.
La présente décision sera notifiée à la société ELEC'CHANTIER 33 et à la société ENEDIS. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 8 octobre 2019.
Pour le Comité de règlement des différends et des sanctions :
Le président,
T. Tuot