Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par Mme Brigitte Hoermann, demeurant à Hoeheim (Bas-Rhin), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 avril 1993 et tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 3e circonscription du Bas-Rhin pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Alfred Muller, enregistré comme ci-dessus le 11 mai 1993 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l’intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 8 juin 1993 ;
Vu l’article 59 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Hoermann a déposé à la préfecture, dans les délais légaux, sa candidature pour l’élection législative qui s’est déroulée le 21 mars 1993 dans la 3e circonscription du Bas-Rhin ; que les bulletins de vote en sa faveur, diffusés par les soins de la commission de propagande, instituée en application de l’article L. 166 du code électoral portaient la mention « Génération verte » ; que l’un de ses adversaires au premier tour de scrutin, Mme Magdeleine Brom, estimant que l’utilisation de cette dénomination ainsi que le graphisme employé sur lesdits bulletins de vote étaient de nature à entraîner une confusion dans l’esprit des électeurs entre le mouvement « Génération Ecologie » qui lui apportait son soutien et l’étiquette politique choisie par Mme Hoermann, a saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d’obtenir que soient retirés les bulletins de vote litigieux et qu’il soit interdit à Mme Hoermann d’utiliser, sur tout document électoral, le titre « Génération verte » ; que ce magistrat, par une ordonnance du 18 mars 1993, a interdit à Mme Hoermann d’utiliser sur tout document électoral, et notamment sur les bulletins de vote, la mention « Génération verte », et a ordonné la mise sous séquestre de l’ensemble des bulletins, affiches et documents électoraux portant cette mention ;
Considérant que Mme Hoermann fait valoir devant le Conseil constitutionnel que cette décision de l’autorité judiciaire, qui n’avait pas compétence pour intervenir dans le déroulement des opérations préliminaires à une élection législative, l’a privée des suffrages d’un nombre important d’électeurs et a été par suite de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant que les décisions de la commission de propagande d’assurer la. diffusion des circulaires et des bulletins de vote des candidats à une élection législative qui répondent aux conditions légales, en application des dispositions combinées des articles L. 166, R. 34 et R. 38 du code électoral, constituent des actes préliminaires aux opérations électorales qui, en l’état de la législation, ne peuvent être contestés que devant le Conseil constitutionnel, juge de l’élection, à l’occasion du contentieux des opérations électorales ; qu’il suit de là qu’il n’appartient pas aux juridictions de l’ordre judiciaire d’enjoindre à un candidat de cesser d’utiliser une dénomination figurant sur les bulletins de vote diffusés par la commission de propagande ou de faire obstacle directement ou indirectement à l’utilisation de ces bulletins par les électeurs ;
Considérant toutefois que l’utilisation de la dénomination « Génération verte » était de nature à susciter la confusion, dans l’esprit des électeurs, avec les dénominations « Génération Ecologie » et « Les Verts » déjà utilisées ; que ce risque de confusion était encore aggravé par le choix du graphisme employé sur les documents électoraux ; que dès lors, dans les circonstances de l’espèce, l’intervention de l’ordonnance susmentionnée ne doit pas être considérée comme ayant eu pour effet d’altérer la sincérité du scrutin ; qu’il suit de là que l’unique grief de la requête doit être écarté ;
Sur les conclusions tendant au remboursement de frais exposés dans l’instance :
Considérant qu’aux termes de l’article 63 de la Constitution « Une loi organique détermine les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel, la procédure qui est suivie devant lui... » ; qu’en vertu de l’article 75-1 de la loi du. 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée... » ;
Considérant que M. Muller ne saurait utilement se prévaloir, devant le Conseil constitutionnel, au soutien de sa demande tendant au règlement par Mme Hoermann de la somme de 14 232 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 dès lors que cette disposition de procédure ne résulte pas, comme l’exige l’article 63 de la Constitution, d’une loi organique ; que dès lors ses conclusions doivent être rejetées, Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 juin 1993.
Le président,
ROBERT BADINTER