Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 mai 2024, 22-24.594, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 mai 2024




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 447 F-D

Pourvoi n° N 22-24.594




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 MAI 2024

La société Samsic II (Samsic propreté), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 22-24.594 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [N], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Samsic II, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 octobre 2022), M. [N] a été engagé en qualité d'agent de service par la société TRN propreté le 14 septembre 1996. Le marché de travail sur lequel il était affecté a été repris par la société Samsic propreté le 1er juillet 2015, laquelle a conclu avec le salarié un contrat de travail prévoyant une reprise de l'ancienneté acquise auprès de l'entreprise sortante.

2. Le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 25 janvier 2018.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et de le condamner en conséquence au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le salarié du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'indemnité pour licenciement injustifié doit être fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte en fonction de l'ancienneté du salarié ; qu'en l'espèce, M. [N] ayant 21 ans d'ancienneté, l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvait excéder 16 mois de salaire brut, soit sur la base d'un salaire mensuel brut de 1497,30 euros, la somme de 23 960,48 euros ; qu'en écartant l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail pour allouer à M. [N] une somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif inopérant que l'indemnisation prévue serait contraire au principe de la réparation "adéquate" du préjudice en violation de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT, la cour d'appel a violé article L. 1235-3 du code du travail, issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, et l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur :

4. Aux termes du premier de ces textes, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

5. En application du deuxième, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

6. Aux termes du troisième, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

7. Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

8. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail, l'arrêt retient qu'il est des cas comme en l'espèce, qui restent exceptionnels, dans lesquels l'indemnisation légalement prévue apparaît insuffisante eu égard aux charges de famille du salarié, et aux difficultés de retrouver un emploi après un licenciement pour impossibilité de reclassement après un avis d'aptitude à un poste technique par le médecin du travail avec de fortes restrictions.

9. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation du chef de dispositif condamnant la société Samsic propreté à payer à M. [N] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant cette société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par des dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Samsic propreté à payer à M. [N] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 21 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:SO00447
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