Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 octobre 2020, 19-16.721, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 octobre 2020




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 752 F-D

Pourvoi n° T 19-16.721







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

1°/ M. Q... D..., domicilié [...] ,

2°/ M. I... D..., domicilié [...] ,

3°/ M. F... D..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° T 19-16.721 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), dans le litige les opposant à Mme S... N..., veuve B..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.


Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de MM. Q..., I... et F... D..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme B..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 janvier 2019), les consorts D... ont pris à bail des parcelles de terre dont Mme B... est usufuitière.

2. Par acte du 24 mars 2015, celle-ci leur a donné congé pour reprise par son fils M....

3. Les consorts D... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de ce congé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts D... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en nullité du congé, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime que lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à disposition d'une société, le congé doit mentionner cette circonstance ; que l'omission de cette précision dans le congé est de nature à induire le preneur en erreur ; qu'en constatant que le congé s'il fait mention de l'autorisation d'exploiter obtenue par l'Earl du Ready par arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 et précise également que cette autorisation s'étend à M. M... B..., ne fait pas littéralement état que les biens repris seront exploités par mise à disposition de l'Earl du Ready, sans en déduire la nullité du congé qui s'imposait, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles précités. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime :

5. Il résulte de ces textes qu'il incombe au bailleur, lors de la délivrance du congé dont il est l'auteur, de prévoir le mode d'exploitation des terres reprises et d'en informer loyalement le preneur évincé.

6. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que, s'il ne fait pas littéralement état que les biens seront exploités par une personne morale, le congé fait mention de l'autorisation d'exploiter obtenue par l'Earl du Ready par arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 et précise que cette autorisation s'étend à M. B..., ce qui constitue un indicateur sérieux que les biens repris vont être mis à la disposition de cette société.

7. En statuant ainsi, tout en relevant qu'il était nécessaire de recourir à des éléments extrinsèques au congé pour apprécier le projet de reprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne Mme B... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme B... et la condamne à payer aux consorts D... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour MM. Q..., I... et F... D....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts D... de leur demande en nullité du congé délivré le 24 mars 2014 avec effet au 11 novembre 2016 portant sur les immeubles sis commune de [...] : lieudit " [...] " cadastré section [...] pour 2ha 46a 90 ca et lieudit " [...] " cadastrée section [...] pour 6ha 68a 90 ca,

AUX MOTIFS PROPRES QU' " Aux termes de l'article L. 411-47 du code rural, le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire. A peine de nullité, le congé doit :

- mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;
- indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;
- reproduire les termes de l'alinéa premier de l'article L. 411-54. La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.
La possibilité d'exploiter les terres reprises dans le cadre d'une société découle implicitement de l'article L. 411-59 du code rural qui prévoit la possibilité pour le bénéficiaire de la reprise de se consacrer à l'exploitation du bien repris au sein d'une société et par l'avant-dernier alinéa de l'article L. 411-58 qui précise dans ce cas que si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.
Il résulte par ailleurs de la combinaison des articles L. 411-47 et L. 411-59 que lorsque les biens objet de la reprise sont destinés à être exploités dès leur reprise par mise à disposition d'une société, le congé doit mentionner cette circonstance, à peine de nullité.
Le congé est motivé comme suit : " ce congé vous est donné au motif qu'en application de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, Mme S... B... entend reprendre les parcelles en cause pour en permettre l'exploitation directe par son fils :
M... B..., né le [...] à Clermont de l'Oise, de nationalité française, agriculteur, demeurant [...] ) qui exploitera le bien repris à partir de son exploitation sise [...] ). Le bénéficiaire de la reprise prend l'engagement d'exploiter personnellement les biens repris pendant neuf années conformément à l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime.
Il prend aussi l'engagement d'occuper lui-même les immeubles bâtis s'il en existe, ou dans la négative, d'occuper une habitation située à proximité du bien repris et en permettant l'exploitation directe soit en l'espèce 5, [...] à [...].
Monsieur B... et l'Earl du Ready dont il est associé ont obtenu le 12 décembre 2014, une autorisation administrative d'exploiter ".

Mme S... N... veuve B... affirme que M. M... B... exploitera les biens dont la reprise est poursuivie dans le cadre de l'EARL du Ready dont elle produit les statuts. A l'examen de ces statuts, il apparait que M. M... B... en est devenu le seul associé exploitant après le départ à la retraite de Mme S... N... veuve B... constaté par une décision de l'assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 2008 ; après la cession par Mme S... N... veuve B... de la totalité de ses parts sociales à M. M... B..., ce dernier est l'unique associé de l'EARL du Ready.
Le congé s'il fait mention de l'autorisation d'exploiter obtenue par l'EARL du Ready par arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 et précise également que cette autorisation s'étend à M. M... B..., ne fait pas littéralement état que les biens repris seront exploités par mise à disposition de l'EARL du Ready.
En application de l'article L. 411-47 du code rural, congé échappe à la nullité encourue si l'omission querellée n'a pas été de nature à induire en erreur le preneur.
En l'espèce le congé précise que l'EARL du Ready a obtenu une autorisation d'exploiter les biens dont la reprise est poursuivie par un arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 antérieur de trois mois à la date de délivrance du congé.
Cette précision n'ayant d'utilité que dans la perspective d'une exploitation sociétale, elle constitue un indicateur sérieux que les biens repris vont être mis à disposition de cette société.
De même le congé étant un acte juridique destiné à produire effet, l'hypothèse avancée par les intimés selon laquelle l'autorisation d'exploiter obtenue par l'EARL du Ready dont le congé fait mention pourrait porter sur d'autres immeubles que ceux donnés à bail et pour lesquels il est donné congé est dépourvue de pertinence.
De plus, les informations que peut tirer le preneur de l'instruction du dossier par le préfet de la demande d'autorisation d'exploiter déposée par le bénéficiaire de la reprise notamment à l'occasion de la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture sont susceptibles de l'éclairer sur les conditions de la reprise et donc de suppléer l'incomplétude du congé.


En l'occurrence, l'arrêté préfectoral est antérieur de plus de trois mois à la délivrance du congé. Le préfet s'est prononcé au vu de l'opposition exprimée par M. F... D... sur le formulaire idoine que lui avait adressé M. M... B... le 14 août 2014 par courrier recommandé avec demande d'avis de réception. L'arrêté préfectoral précise que M. F... D... a également fait valoir des observations par un courrier du 5 novembre et par un courriel du 6 décembre 2014 dont les intimés se gardent de produire les copies et/ou de faire part de leur teneur.
Cet arrêté rappelle que M. M... B... est l'unique associé de l'EARL du Ready ; il est mentionné qu'il s'agit d'une petite unité d'exploitation de 57 ha 78a de terres, en système polyculture élevage, atelier laitier, que " ladite reprise de terres permettra à M. M... B... de consolider son exploitation sociétaire de petite dimension et ainsi de lui procurer un revenu supplémentaire ".
Cette dernière mention suffit à retirer tout doute sur le mode sociétal de l'exploitation des biens dont la reprise est poursuivie dans le cadre de l'EARL du Ready et non à titre individuel par M. M... B....
Le preneur s'étant vu en application de l'article L. 331-6 du code rural notifier l'arrêté préfectoral, il a donc eu nécessairement connaissance que M. M... B... exploitera les terres objet de la reprise dans le cadre de l'EARL du Ready de sorte que l'omission querellée n'a pas été de nature à l'induire en erreur.
Partant, le jugement ayant prononcé la nullité du congé en raison de cette omission est infirmé " ;

1°) ALORS QU' il résulte de la combinaison des articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime que lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à disposition d'une société, le congé doit mentionner cette circonstance ; que l'omission de cette précision dans le congé est de nature à induire le preneur en erreur ; qu'en constatant que " le congé s'il fait mention de l'autorisation d'exploiter obtenue par l'Earl du Ready par arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 et précise également cette autorisation s'étend à M. M... B..., ne fait pas littéralement état que les biens repris seront exploités par mise à disposition de l'Earl du Ready " sans en déduire la nullité du congé qui s'imposait, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles précités.

2°) ALORS (subsidiairement) QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en constatant que l'arrêté du 12 décembre 2014 suffit à retirer tout doute sur le mode sociétal de l'exploitation des biens dont la reprise est poursuivie dans le cadre de l'Earl du Ready et non à titre individuel par M. M... B... quand le dispositif de cet arrêté en son article 1 juge que " l'Earl du Ready et M. M... B... reçoivent l'autorisation d'exploiter 9ha 15a 80 de terres situées à [...], appartenant à la famille B... ", la cour en dénaturé les termes clairs et précis et a violé le principe sus-visé.

3°) ALORS (subsidiairement) QU' en constatant, pour exclure tout doute des consorts D... sur le mode sociétal de l'exploitation des biens repris, que l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 est antérieur de plus de trois mois à la délivrance du congé, que les informations que peut tirer le preneur de l'instruction du dossier par le préfet de la demande d'autorisation d'exploiter déposée par le bénéficiaire de la reprise seraient susceptibles de suppléer à l'incomplétude du congé et que le préfet s'est prononcé au vu de l'opposition exprimée par M. F... et de ses observations, ce dont il ressort uniquement que les consorts D... ont eu connaissance de l'existence de l'Earl du Ready, la cour a statué par des motifs impropres à caractériser la connaissance des consorts D... de l'exploitation des biens repris en mode sociétal et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé délivré le 24 mars 2014 avec effet au 11 novembre 2016 portant sur les immeubles sis commune de [...] : lieudit " [...] " cadastré section [...] pour 2ha 46a 90 ca et lieudit " [...] " cadastrée section [...] pour 6ha 68a 90 ca,

AUX MOTIFS QUE "
Sur les conditions de fond de la reprise :

En application de l'article L. 411-58 du code rural, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou pour l'un des bénéficiaires autorisés par ce texte.

Aux termes de l'article L. 411-59 du code rural, le bénéficiaire de la reprise doit se consacrer à l'exploitation pendant au moins neuf ans en participant aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation, posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir ; il doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité et en permettant l'exploitation directe.

Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux conditions précitées et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter.


L'opération de reprise consistant en une installation, un agrandissement ou une réunion d'exploitation pour son bénéficiaire, elle est soumise à la réglementation sur le contrôle des structures prévu par les articles L. 331-1 et suivant du code rural.

Les conditions exigées du bénéficiaire de la reprise sont cumulatives de sorte qu'à défaut pour celui-ci d'en satisfaire une, le congé aux fins de reprise ne saurait être validé.

***

N'étant pas contesté que M. M... B... est le fils de Mme S... N... veuve B..., il est un des bénéficiaires légaux du droit de reprise.


Ayant obtenu le 1er juillet 2001, le brevet professionnel option " responsable d'exploitation agricole ", M. M... B... dispose de la capacité professionnelle requise.

M. M... B... qui met en valeur dans le cadre de l'EARL du Ready une exploitation de 57ha 78a est également employé comme opérateur d'usinage auprès de l'entreprise GIMA (Groupement international de mécanique agricole) à temps complet sur une base de 35 heures de travail. Son lieu de travail est situé à [...] distant en fonction des deux itinéraires retenus par le site internet Mappy de 28,1 km et 30,3 km de son domicile, le temps de trajet étant approximativement de 30 minutes (29 minutes et 32 minutes).

Mme S... N... veuve B... produit six attestations dont deux émanent de personnes qui habitent dans la commune de [...], une d'un agriculteur d'une commune voisine, une d'un employé de l'organisme qui collecte les céréales récoltées par M. M... B., une d'une agricultrice retraitée.

Sans prendre en considération l'attestation du maire de la commune de [...] qui selon les intimés porte à caution en raison d'une confusion possible entre l'autorité des fonctions de ce magistrat et un litige privé, les autres attestations sont toutes concordantes et circonstanciées ; réunies, elles établissent avec suffisance que M. M... B... en sus de son emploi salarié met déjà seul en valeur son exploitation, disposant notamment pour ce faire du matériel adéquat. Elles témoignent également de l'implication de M. M... B... pour son exploitation et de sa motivation à reprendre la ferme familiale.

Il est également rappelé que sa pluriactivité a été prise en compte par le préfet dans le cadre de l'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter les terres données à bail aux consorts D....

Dès lors, il est retenu que son emploi salarié dans des fonctions d'exécution exclusives de tâches d'encadrement n'est pas incompatible avec l'agrandissement de son exploitation à hauteur de 9ha 15a et 60ca représentant la superficie des biens repris.

Le registre des immobilisations de l'EARL du Ready vient conforter que M. M... B... dispose au travers de cette société des moyens matériels, s'agissant notamment des engins agricoles et des bâtiments d'exploitation pour mettre en valeur en sus des terres déjà exploitées par cette société, les biens repris.

Par ailleurs, il résulte de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter que Mme S... N... veuve B... en sa qualité d'usufruitière des terres reprises et ses trois enfants qui en sont les nus-propriétaires (U... B..., H... B... et M... B...) ont donné leur accord à l'opération de reprise ce qui est de nature à garantir que M. M... B... disposera d'un titre régulier d'occupation des biens repris et de façon pérenne afin de pouvoir les exploiter.

Il est justifié par l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 autorisant l'EARL du Ready à exploiter les terres reprises que l'opération est conforme à la réglementation sur le contrôle des structures. Il n'a pas été formé de recours à l'encontre de cet arrêté.

Il résulte de ce qui précède que M. M... B... satisfait aux conditions de fond exigées du bénéficiaire de la reprise.

Partant, il y a lieu de valider le congé en ordonnant faute de départ volontaire des preneurs leur expulsion comme il sera dit au dispositif de la présente décision " ;

ALORS QUE les juges du fond sont tenus de viser et d'analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à affirmer que les attestations, réunies (?), versées aux débats par Mme N..., veuve B..., font état de la réalité des travaux agricoles effectués par M. M... B... de sorte qu'il participe aux travaux culturaux de façon effective et permanente comme l'exige l'article L. 411-59 du code rural sans même les viser, ni procéder à leur analyse sommaire, la cour a statué par voie de pure affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile.



TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts D... de leur demande d'expertise aux fins d'évaluer les indemnités de sortie,

AUX MOTIFS QUE " Sur la demande au titre des indemnités de sortie :

Quelque soit la cause qui a mis fin au bail, le preneur qui a par son travail ou par ses investissements apporté des améliorations au fonds a droit à l'expiration du bail en vertu de l'article L. 411-69 du code rural à une indemnité due par le bailleur.

La faculté expressément admise par l'article L. 411-71 du même code après sa modification par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 du recours à une expertise pour fixer le montant de cette indemnité et la liberté donnée à l'expert d'utiliser toute méthode lui permettant d'en évaluer avec précision, le montant ne fait pas échec au principe énoncé à l'article 146 du code de procédure civile selon lequel en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie. Il est rappelé que le recours à une expertise est prévu par ce texte pour fixer le montant de l'indemnité et non pour l'accueil du principe d'une indemnisation.

Les consorts D... qui se bornent à invoquer l'article L. 411-71 précité au soutien de leur demande d'expertise sans étayer par le moindre élément l'existence d'améliorations verront ainsi leur demande de ce chef rejetée " ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties ; qu'en constatant que les consorts D... se bornent à invoquer l'article L. 411-71 du code rural et de la pêche maritime au soutien de leur demande d'expertise quand il ressort de leurs conclusions qu'ils ont demandé cette mesure d'instruction également sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la cour a dénaturé leurs conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile.

2°) ALORS QUE le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail ; que la règlementation relative à l'indemnité de sortie du preneur est d'ordre public ; que le montant de cette indemnité peut être fixé par comparaison entre l'état du fonds lors de l'entrée du preneur dans les lieux et cet état lors de sa sortie ou au moyen d'une expertise ; qu'en ce dernier cas, l'expert peut utiliser toute méthode lui permettant d'évaluer avec précision le montant de l'indemnité due au preneur sortant ; qu'en constatant, pour débouter les consorts D... de leur demande d'expertise aux fins d'évaluer leurs indemnités de sortie, qu'ils " se bornent à invoquer l'article L. 411-71 précité au soutien de leur demande d'expertise sans étayer par le moindre élément l'existence d'améliorations.. ", la cour a ajouté à cet article une condition qu'il ne comporte pas et a violé les articles L. 411-69 et L. 411-71 3° du code rural et de la pêche maritime.

3°) ALORS QU' en tout état de cause, en refusant d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par les consorts D... au motif qu'ils " se bornent à invoquer l'article L. 411-71 précité au soutien de leur demande d'expertise sans étayer par le moindre élément l'existence d'améliorations.. ", la cour a statué par une motivation fondée sur la seule absence de preuve des améliorations, faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 143 et 146 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2020:C300752
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