Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 février 2018, 17-86.952, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Nessim Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 3 novembre 2017 qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine sous l'accusation de tentative d'assassinat ;

Vu le mémoire produit ;





Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 122-1 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit qu'il existe des charges suffisantes à l'encontre de M. Nessim Z... d'avoir, le 28 juin 2015, tenté de donner volontairement la mort à Mme Alicia A..., avec préméditation, a prononcé en conséquence la mise en accusation et l'a renvoyé de ce chef devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine ;

"aux motifs qu'il se déduit de l'ensemble des éléments du dossier que M. Z... ne doit pas être considéré comme ayant été atteint d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement, ou le contrôle de ses actes au sens de l'article 122-1 al. 1 du code pénal, et qu'il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions ;

"alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans contradiction, exclure « tout trouble psychique » tout en relevant que sur les trois expertises médicales de l'intéressé, deux ont conclu à l'abolition de son discernement et la troisième à l'altération de son discernement ; que ni le refus de M. Z... de se faire soigner, ni les conclusions de l'expertise psychologique n'étaient propres à répondre à la question de l'existence d'un trouble psychique ; qu'en excluant celui-ci, contrairement à l'unanimité des experts-psychiatriques faisant au minimum état d'une altération du discernement au moment des faits, sans mieux s'en expliquer et par des motifs totalement impropres à réfuter ces conclusions médicales, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Nessim Z..., a frappé à l'arme blanche Mme Alicia A... ; que M. Z... ayant été mis en examen du chef de tentative d'assassinat, plusieurs examens psychiatriques ont relevé l'existence d'un trouble mental ayant aboli le discernement de l'agresseur ; que d'autres examens, psychiatrique ou psychologique, ont retenu au contraire la possibilité d'une responsabilité ; qu'au terme de l'information, le juge d'instruction, faisant application de l'article 706-120 du code de procédure pénale, a dit qu'il existait des charges suffisantes contre M. Z... d'avoir commis les faits reprochés et a ordonné la transmission de la procédure au procureur général aux fins de saisine de la chambre de l'instruction ;



Attendu que, pour dire n'y avoir lieu de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 122-1, alinéa 1, du code pénal, et renvoyer le mis en examen devant la cour d'assises compétente, l'arrêt énonce que si deux expertises concluent à l'abolition du discernement de M. Z... et une expertise ne retient que l'altération, il résulte des pièces de la procédure ainsi que des débats que plusieurs éléments objectifs militent cependant en faveur non d'une abolition mais d'une simple altération de son discernement au moment des faits ; que la chambre de l'instruction examine tour à tour à ce sujet les souvenirs précis du mis en examen, le mécanisme de son état au domicile de sa victime, le choix d'armes en contradiction avec un état de démence ou de fureur maniaque décrit par certains experts, le doute très sérieux sur la réalité d'une amnésie qui a pu apparaître comme particulièrement fluctuante, les traces chez le mis en examen d'une personnalité pouvant être séductrice, hystériforme, égocentrée, pouvant être manipulatrice, l'absence d'un quelconque suivi psychiatrique de M. Z... avant les faits ; que les juges évoquent ensuite la consommation importante de stupéfiants, qui ne doit pas s'analyser comme une cause d'abolition du discernement mais au contraire comme une circonstance aggravante ; que les juges ajoutent que la caractérisation du trouble bipolaire repose principalement sur les déclarations de M. Z..., que l'expertise psychologique si elle n'a pas pour mission de se prononcer sur l'abolition du discernement, n'a pas mis en évidence d'anomalies de fonctionnement mental mais relève une fragilité psychique dans le registre de la persécution et que, s'agissant de son suivi psychiatrique en détention le directeur de l'établissement pénitentiaire a fait connaître que M. Z... se présente à chaque convocation médicale du service médico psychologique régional mais après chaque consultation refuse la mesure de prise en charge proposée puis renouvelle une demande de consultation, le directeur concluant que la posture de l'intéressé semble donc davantage procéder d'une stratégie que d'une carence des services de santé ; que les juges en déduisent qu'il convient de s'appuyer tout particulièrement sur les éléments objectifs et matériels du dossier, sur les déclarations de la partie civile qui mieux que quiconque connaît la personnalité de M. Z... et du mis en examen lequel argue principalement de son amnésie, sur les conclusions du rapport des experts MM. B... et X..., pour écarter chez M. Z... l'abolition de son discernement au moment des faits et retenir une altération ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, qui procèdent d'une analyse des expertises psychiatriques et psychologique ainsi que des déclarations des experts et répondent aux articulations essentielles des mémoires des parties, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;



D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges, de l'absence d'abolition, au moment des faits, du discernement de la personne mise en examen, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Fossier , conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2018:CR00462
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