Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 février 2018, 17-13.979, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 24 novembre 2016), que M. X... et Mme Y..., qui vivaient en concubinage, ont acquis, en indivision, un bien immobilier, destiné au logement de la famille, financé par un emprunt bancaire consenti aux deux acquéreurs ; qu'après leur séparation, lors des opérations de liquidation et partage de l'immeuble indivis, M. X... s'est prévalu d'une créance pour avoir acquitté seul les échéances de remboursement ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'au moment du partage, il doit être tenu compte selon l'équité des dépenses engagées par l'un des coïndivisaires pour la conservation du bien indivis, lesquelles peuvent notamment consister en des remboursements d'échéances d'un emprunt immobilier ; que ce principe ne saurait être tenu en échec par la considération de ce que lesdits remboursements effectués par un concubin constitueraient, au regard des charges de la vie courante assumées par son partenaire, sa propre contribution auxdites charges dont il ne pourrait demander le remboursement à l'indivision ; qu'en retenant, pour débouter M. X... de sa demande de remboursement des échéances de crédit immobilier durant le concubinage, que le paiement par celui-ci des échéances de l'emprunt immobilier pendant la vie commune a - compte tenu de l'importante participation de Mme Y... aux dépenses de la vie courante du ménage - procédé de sa propre contribution auxdites dépenses, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil ;

2°/ que lors de la liquidation d'une société créée de fait, il n'y a lieu ni à la reprise, ni au remboursement des apports en industrie ; qu'en retenant, pour débouter M. X... de sa demande de remboursement des échéances de crédit immobilier durant le concubinage, soit pour la période antérieure au 18 avril 2012, que comme en matière de société créée de fait, il n'y a donc pas lieu ni à la reprise, ni au remboursement des apports en industrie, quand les apports opérés par M. X... n'étaient pas en industrie mais en numéraire, la cour d'appel a statué par un motif impropre en violation des articles 515-8, 1832 et 1873 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'au cours de la période de vie commune, M. X... acquittait les échéances de remboursement de l'emprunt tandis que Mme Y... assumait l'essentiel des charges de la vie courante, la cour d'appel en a souverainement déduit qu'il existait une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, de sorte que M. X... devait conserver la charge des échéances du prêt immobilier, sans qu'il y ait lieu à établissement de comptes entre les concubins sur ce point ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche en ce qu'il critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Jean-François X... de sa demande au titre du remboursement des échéances de crédit immobilier durant le concubinage, soit pour la période antérieure au 18 avril 2012 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la créance au titre du remboursement des échéances du prêt durant l'indivision : que l'article 515-8 du Code civil dispose que le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ; qu'il résulte de l'acte notarié du 30 octobre 1998 que les concubins ont acquis ensemble une maison d'habitation située à CLERMONT moyennant le prix principal de 620 000 FF ; qu'ils ont fait figurer à l'acte que le bien était acquis par Jean-François X... à hauteur de 60% et par Sylvie Y... à hauteur de 40 % ; que ce bien a été financé par un apport de 80 000 FF et par un prêt de 540 000 FF consenti par la Caisse d'Epargne de PICARDIE à Jean-François X... et Sylvie Y... ; qu'il a constitué le logement familial pendant l'union ; que Sylvie Y... ne conteste pas l'existence d'une créance de son ex-concubin au titre du remboursement des échéances du crédit immobilier à compter du 18 avril 2012, date de leur séparation ; qu'il n'est pas contesté que les 162 échéances de l'emprunt ont été prélevées sur le compte bancaire joint alimenté par le seul salaire de Jean-François X... ; qu'aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit supporter ces charges sans qu'il y ait lieu à l'établissement d'un compte entre eux ; que le remboursement des échéances d'un emprunt contracté pour l'acquisition du logement familial est une dépense de la vie commune ; que Sylvie Y... a, au moyen de son salaire, assuré une grande partie des paiements de vie courante du ménage, ainsi qu'en attestent les relevés bancaires de son compte personnel entre 2003 et 2012 versés aux débats, le premier juge ayant observé que les paiements effectués par carte bancaire à partir de ce compte sont pour la plupart émis au bénéfice d'enseignes de grande consommation (Atac, Lidl, Cora, Picard, intermarché, Decathlon...), et Jean-François X... ayant par ailleurs régulièrement ponctionné le compte de Sylvie Y... ; que les relevés du compte-joint alimenté par Jean-François X... seul portent trace principalement de prélèvements mensuels au titre des échéances de plusieurs crédits (crédit immobilier et crédits à la consommation), de paiement des taxes et impôts, de frais d'énergie et de télécommunication, ainsi que d'achats sur internet ; qu'apparaissent également des dépenses d'ordre alimentaire et vestimentaire, mais dans une proportion moindre que celles effectuées par Sylvie Y... à partir de son compte ; que Jean-François X... fait valoir que ses ressources lui auraient permis de faire face à l'intégralité des charges communes, ce qui est indifférent, dès lors qu'il est établi que Sylvie Y... a largement participé auxdites charges, et alors que les concubins ont clairement manifesté dans l'acte d'acquisition leur volonté de voir le bien attribué pour 60 % à Jean-François X... et pour 40 % à Sylvie Y... ; que compte tenu de ces éléments, il convient de considérer que le remboursement par Jean-François X... des échéances de l'emprunt immobilier pendant la vie commune a procédé de sa contribution aux dépenses de la vie commune, et qu'il n'y a pas lieu à l'établissement de comptes entre les concubins sur ce point. La décision est confirmée de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Sur la créance au titre du remboursement des échéances de prêt durant l'indivision : qu'aux termes de l'article 815-9 du Code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; que cette indemnité, contrepartie du droit de jouir privativement, est due même en l'absence d'occupation effective des lieux, dès lors que l'autre coïndivisaire a été privé de son droit d'en jouir ; mais tel n'est pas le cas, de l'indivisaire qui a les clés uniquement pour veiller à l'entretien du bien ou qui occupe le bien de façon ponctuelle, sans interdire la venue de ses coïndivisaires ; qu'en matière de société créée de fait, il n'y a lieu ni à la reprise, ni au remboursement des apports en industrie ; que chaque concubin sera réputé s'être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du foyer, sous quelque forme que ce soit, sans pouvoir faire une réclamation contre l'autre ; qu'aux termes des conclusions respectives des parties, il convient de constater qu'aucune des parties ne conteste sérieusement la répartition prévue par acte authentique d'acquisition ; que les droits de Sylvie Y... sur le bien sont fixés à hauteur de 40% et ceux de Jean-François X... à hauteur de 60% ; que Jean-François X... revendique cependant une créance à l'encontre de l'indivision à hauteur de 115.789,09 euros, au titre du remboursement des 162 échéances de crédit immobilier réglées depuis l'acquisition, ainsi qu'au titre du remboursement anticipé dudit prêt ; qu'il soutient avoir réglé seul, avec ses seuls revenus ces échéances, au même titre que l'ensemble des charges courantes du foyer, dans la mesure où Sylvie Y... a rapidement perdu son travail ; que Sylvie Y... ne conteste pas l'existence de la créance de Jean-François X... au titre du remboursement anticipé, ni pour les échéances réglées après son départ du domicile soit, à compter du 18 avril 2012 ; qu'elle s'oppose en revanche, à l'existence de la créance revendiquée au titre du remboursement des échéances du crédit immobilier durant la vie commune ; qu'elle soutient que les charges communes étaient amiablement réparties entre les concubins, selon leurs revenus respectifs, que selon cette répartition, Jean-François X... réglait notamment le crédit immobilier, charges d'énergie et taxes depuis le compte joint sur lequel était versé son salaire ; que Sylvie Y... réglait notamment les frais alimentaires, de vêtures et chaussures ; qu'il ressort des pièces versées et notamment des relevés bancaires de Sylvie Y... entre 2003 et 2012 qu'elle percevait des revenus propres et que la plupart des paiements se faisaient par carte bancaire au profit d'enseignes de grande consommation type ATAC, Lidl, Cora, Picard, Intermarché, Vêtimarché, Décathlon (etc.) ou de restauration type Quick, Buffalo
que par ailleurs, il est établi que Jean-François X... pouvait y faire des retraits réguliers avec sa propre carte bancaire pour des montants moyens mensuels entre 180 euros et 370 euros, selon les années ; que les relevés bancaires du compte-joint utilisé par Jean-François X... pour ces mêmes périodes font état de paiements principalement sous forme de prélèvements mensuels au titre des échéances de plusieurs crédits immobilier et consommation ou auto, du paiement des taxes et impôts, des charges d'énergie et télécommunication, d'assurance (etc.), mais également d'achats sur internet ; qu'il apparaît également des achats d'ordre alimentaire ou vestimentaire dans des proportions moindres que pour Sylvie Y... ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les parties ont chacune contribué aux charges communes du foyer qu'elles ont créé, selon une répartition librement choisie ; que le paiement du crédit immobilier pour l'acquisition du logement familial commun par Jean-François X... résultait de cette répartition amiable ; que comme en matière de société créée de fait, il n'y a donc pas lieu ni à la reprise, ni au remboursement des apports en industrie et chacune des parties sera ainsi réputée s'être acquittée jour par jour de sa part contributive aux charges du foyer, sous quelque forme que ce soit, sans pouvoir faire une réclamation contre l'autre ; que la demande de Jean-François X... tendant à réduire à néant les droits de Sylvie Y... tels que prévus par l'acte authentique d'acquisition, sera ainsi rejetée comme non fondée, sauf en ce qui concernent les échéances versées depuis le 18 avril 2012, dont le remboursement anticipé du prêt » ;

1°) ALORS QU'au moment du partage, il doit être tenu compte selon l'équité des dépenses engagées par l'un des coïndivisaires pour la conservation du bien indivis, lesquelles peuvent notamment consister en des remboursements d'échéances d'un emprunt immobilier ; que ce principe ne saurait être tenu en échec par la considération de ce que lesdits remboursements effectués par un concubin constitueraient, au regard des charges de la vie courante assumées par son partenaire, sa propre contribution auxdites charges dont il ne pourrait demander le remboursement à l'indivision ; qu'en retenant, pour débouter M. X... de sa demande de remboursement des échéances de crédit immobilier durant le concubinage, que le paiement par celui-ci des échéances de l'emprunt immobilier pendant la vie commune a – compte tenu de l'importante participation de Mme Y... aux dépenses de la vie courante du ménage – procédé de sa propre contribution auxdites dépenses, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du Code civil ;

2°) ALORS QUE lors de la liquidation d'une société créée de fait, il n'y a lieu ni à la reprise, ni au remboursement des apports en industrie ; qu'en retenant, pour débouter M. X... de sa demande de remboursement des échéances de crédit immobilier durant le concubinage, soit pour la période antérieure au 18 avril 2012, que comme en matière de société créée de fait, il n'y a donc pas lieu ni à la reprise, ni au remboursement des apports en industrie, quand les apports opérés par M. X... n'étaient pas en industrie mais en numéraire, la cour d'appel a statué par un motif impropre en violation des articles 515-8, 1832 et 1873 du Code civil.ECLI:FR:CCASS:2018:C100156
Retourner en haut de la page