Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 novembre 2011, 10-23.986, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 10-23.986
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, le 10 mars 2010) qu'au cours de sa réunion du 22 octobre 2007, le comité d'établissement de l'établissement Sud de l'unité économique et sociale (UES) " Véolia Générale des eaux " a procédé à la désignation des membres de son bureau, lesquels, en raison d'un partage des voix, ont été élus au bénéfice de l'âge ;
Attendu que le syndicat CGT des sociétés de l'UES " Véolia Générale des eaux " et ses six élus au comité d'établissement font grief à l'arrêt de dire, qu'en cas de partage égal des voix lors de l'élection des membres du bureau du comité d'établissement, il y a lieu de proclamer élu le plus âgé des candidats élus en présence et, en conséquence, de les débouter de leur demande tendant à voir modifier la composition du bureau, alors selon le moyen, que pour les élections internes du comité d'entreprise ou d'établissement, et particulièrement celles des membres du bureau, à défaut de règle préétablie dans le règlement intérieur du comité, en cas de partage égal de voix entre les candidats, doit être déclaré élu celui des candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix aux élections des représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou d'établissement et, en cas d'égalité, celui des candidats ayant le plus d'ancienneté dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il était constant que MM. X... , A..., Y... et Z..., qui s'étaient portés candidats aux fonctions de secrétaire et de représentant syndical suppléant au comité central d'entreprise, de trésorier, de secrétaire-adjoint et de représentant syndical suppléant au comité central d'entreprise, de trésorier-adjoint, ainsi que, pour certains d'entre eux, aux fonctions de délégués au comité central d'entreprise, avaient été élus sur les listes présentées par le syndicat CGT des sociétés de l'unité économique et sociale Véolia eau-Générale des eaux, lesquelles, tous collèges confondus, avaient recueilli 57, 57 % du total des suffrages exprimés lors du premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'établissement ; qu'en se refusant dès lors à déclarer ces candidats élus, au motif qu'ils avaient recueilli le même nombre de suffrages que les candidats qui s'étaient présentés face à eux tout en étant moins âgés, alors que ceux-ci avaient tous été élus sur des listes présentées par le syndicat FO, lesquelles, tous collèges confondus, n'avaient recueilli que 28, 63 % du total des suffrages exprimés lors du premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'établissement, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-1 et suivants du code du travail, ensemble les dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1133-1 du même code, de la directive 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 et des articles 225-1 et suivants du code pénal, telles qu'interprétées à la lumière de l'article 21 § 1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Mais attendu que la désignation des membres du bureau du comité d'entreprise, en cas de partage des voix et dans le silence du règlement intérieur, se fait, conformément aux règles habituelles du droit électoral et sans que soit porté atteinte au principe de non-discrimination en raison de l'âge, au profit du candidat le plus âgé ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour MM. Y..., Z..., X..., B..., C..., A... et le syndicat CGT des sociétés de l'unité économique et sociale Véolia eau-Générale des eaux région Sud.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'en cas de partage égal des voix lors de l'élection des membres du bureau du comité d'établissement, il y a lieu de proclamer élu le plus âgé des candidats élus en présence et d'AVOIR en conséquence débouté les exposants de leur demande tendant voir dire et juger que le secrétaire du comité d'établissement de l'UES VEOLIA EAU-GENERALE DES EAUX REGION SUD était Monsieur X..., que le trésorier était Monsieur A..., que Monsieur Y... était le secrétaire adjoint, que Monsieur Z... était le trésorier adjoint, que Messieurs Y... et Z... étaient délégués titulaires au C. C. E. dans les premier et deuxième collèges et que Monsieur X... était délégué suppléant au C. C. E. dans le premier collège.
AUX MOTIFS QUE le juge judiciaire, s'il a compétence pour se prononcer sur la régularité d'un vote intervenu en comité d'établissement, n'a pas de pouvoir pour déclarer élu tel candidat, par inversion des résultats ou désignation de tel candidat pour telle commission, comme il est sollicité par les élus et le syndicat CGT ; que force est de constater qu'un vote est intervenu en comité d'établissement le 22/ 10/ 2007, pour désigner le trésorier et le secrétaire du CE ; qu'en présence d'un partage des voix qui n'est pas contesté, le président qui a voté (il y a sept votants) a : " Pris acte de la désignation par le droit coutumier... " des élus FO aux deux postes de secrétaire et de trésorier, dans la mesure où ils étaient plus âgés que leurs adversaires ; qu'aucune irrégularité formelle n'est soulevée à l'encontre du vote intervenu (6 exprimés, un blanc), qui ne pouvait procéder que des membres du CE, comme cela a été le cas ; que la question soumise à la cour est donc seulement celle de l'illégitimité du critère coutumier retenu par le président du CE agissant es qualité, lorsqu'il a pris acte de la " désignation " de tel élu FO au profit de l'âge, tenant le partage des voix ;
que l'existence de cette coutume électorale n'est pas contestée dans sa réalité, dans l'application effective dont elle a fait l'objet dans les élections professionnelles antérieures dans d'autres comités, et dans la connaissance qu'en avaient les élus du CE, puisqu'aussi bien M. X... avait préparé un argumentaire pour contester ce " droit coutumier ", et n'a donc pas été surpris par son application en l'espèce, même s'il est parfaitement en droit de le contester ; que cette contestation consiste à vouloir substituer au critère coutumier un critère démocratique, à savoir celui résultant du nombre de voix obtenus aux élections collégiales, ou un critère résultant des années d'expérience au sein de la société ; qu'il convient d'observer tout d'abord que la règle de l'élection du secrétaire et du trésorier par les membres élus du CE qui s'inscrit dans le droit positif électoral, deviendrait, en cas de partage des voix, celle de l'élection au nombre de voix collégiales ; que ce fonctionnement qu'aucun texte ne prévoit, serait novateur par rapport à celui fondé sur la désignation coutumière et ne relèverait pas de l'hypothèse d'école dès lors que les influences des principaux syndicats (en terme de nombre de voix aux élections collégiales) se rapprocheraient pour parvenir à des collèges d'élus de nombre égal ; que les convictions développées par ailleurs par les appelants occultent quelque peu la place essentielle du comité d'entreprise en tant que tel, dont les membres sont régulièrement élus au suffrage proportionnel, et qui en tirent par la même leur légitimité qui ne saurait être soupesée à l'aune de nombre de voix générales obtenu pour être élu, ou de l'ancienneté dans l'entreprise ; que dans ce cadre général reprécisé, ce n'est que dans le strict cadre de l'élection au second degré des organes participant à son fonctionnement, en cas de partage de voix, que le président du comité d'établissement a fait application du critère coutumier, et a tiré à juste titre les conséquences de la légitimité du vote de chaque élu, et donc de l'impossibilité de se référer au nombre de voix collégiales ayant participé à leur élection, et de l'existence d'une coutume électorale qui n'a pu surprendre les intéressés ; que ni l'évolution de la législation en matière de représentativité des syndicats, s'agissant du fonctionnement d'un comité élu et de la régularité interne de ses décisions, ni le souci de discrimination entre salariés ne contrebalancent cette analyse ; qu'en effet, l'article L. 1132-1 du code du travail prohibe toute mesure discriminatoire à rencontre d'un salarié, directe ou indirecte, en raison de son âge, " notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de mutation, de promotion professionnelle, ou de renouvellement de contrat " ; qu'à supposer que la matière de l'élection professionnelle puisse être comprise dans l'orbite de cet article, force est de constater que les droits des salariés CGT en matière d'éligibilité au CE ont été respectés, et que la différence de traitement due à l'âge, pour la seule élection en qualité de secrétaire du CE ou du trésorier, est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, puisque le partage des voix, qui conditionne la mise en jeu du critère allégué de discriminatoire, est de nature à bloquer le fonctionnement du comité, ce qui pour le coup est contraire à l'intérêt de tous les salariés et de la politique sociale de l'entreprise ; qu'en définitive la coutume constitue aussi une source de droit, qui ne saurait être rejetée qu'en présence d'un droit positif expressément contraire, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce ; qu'ainsi la désignation des membres élus opérée par le président du CE n'était en l'espèce entachée d'aucune illégalité ou irrégularité ;
Et AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE la Cour de cassation considère, s'agissant des comités d'entreprise et d'établissement, en vertu d'une jurisprudence constante depuis plus d'un demi-siècle, qu'à défaut de règles préétablies dans le règlement intérieur du comité, c'est le plus âgé des candidats en présence qui doit être déclaré élu ; que le syndicat CGT des sociétés de L'UES VEOLIA EAU-GENERALE DES EAUX Région Sud, Messieurs X..., A..., B..., Y..., C... et Z... soutiennent cependant que des juges du fond et des juges des référés ont, à plusieurs reprises, adopté des solutions différentes ; qu'ils font état, à l'appui de leurs dires de toute une série de jugements rendus par le Tribunal de grande instance de TOULON le 30 janvier 1981, de CAEN le 10 avril 1979, de SAINT ETIENNE le 23 mai 1980, de ROUEN le 6 mai 1974, de TROYES le 25 juin 1978 et un arrêt de Cour d'appel de BESANCON du 30 janvier 1981 ; qu'ils font valoir que toutes ces décisions ont écarté volontairement la solution du privilège de l'âge puisqu'elles ont été rendues postérieurement aux premiers arrêts de la Cour de cassation choisissant le candidat le plus âgé ; qu'il convient toutefois de souligner que la jurisprudence de la Cour de cassation a été rappelée, de manière constante, dans des arrêts postérieurs aux décisions dont entendent se prévaloir le syndicat CGT des sociétés de l'UES VEOLIA EAU-GENERALE DES EAUX Région Sud, Messieurs X..., A..., B..., Y..., C... et Z... ; que la Cour de cassation a en effet rappelé dans un arrêt du 8 octobre 1982 et du 1er décembre 1987, que par application du droit coutumier électoral, il y avait lieu de proclamer élu le plus âgé des candidats en présence ; que le syndicat CGT des sociétés de l'UES VEOLIA EAU-GENERALE DES EAUX Région Sud, Messieurs X..., A..., B..., Y..., C... et Z... soutiennent qu'en application de l'article L. 1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte en raison de son âge ; que la désignation du candidat le plus âgé qui n'est pas objectivement et raisonnablement justifié par un objectif légitime, méconnaîtrait ces dispositions ; que cet argument ne saurait valablement prospérer ; qu'en effet, les personnes ont été élues selon des règles électorales légales non contestées ; que dès lors celles-ci ont toutes potentiellement le même droit à être désignées à telle ou telle fonction puisqu'elles tirent leur légitimité de l'élection et non pas de leur âge ;
ALORS QUE pour les élections internes du comité d'entreprise ou d'établissement, et particulièrement celles des membres du bureau, à défaut de règle préétablie dans le règlement intérieur du comité, en cas de partage égal de voix entre les candidats, doit être déclaré élu celui des candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix aux élections des représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou d'établissement et, en cas d'égalité, celui des candidats ayant le plus d'ancienneté dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il était constant que Messieurs X..., A..., Y... et Z..., qui s'étaient portés candidats aux fonctions de secrétaire et de représentant syndical suppléant au C. C. E., de trésorier, de secrétaire-adjoint et de représentant syndical suppléant au C. C. E., de trésorieradjoint, ainsi que, pour certains d'entre eux, aux fonctions de délégués au comité central d'entreprise, avaient été élus sur les listes présentées par le syndicat CGT des sociétés de l'U. E. S. VEOLIA EAU-GENERALE DES EAUX, lesquelles, tous collèges confondus, avaient recueilli 57, 57 % du total des suffrages exprimés lors du premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'établissement ; qu'en se refusant dès lors à déclarer ces candidats élus, au motif qu'ils avaient recueilli le même nombre de suffrages que les candidats qui s'étaient présentés face à eux tout en étant moins âgés, alors que ceux-ci avaient tous été élus sur des listes présentées par le syndicat FO, lesquelles, tous collèges confondus, n'avaient recueilli que 28, 63 % du total des suffrages exprimés lors du premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'établissement, la Cour d'appel a violé les articles L. 2325-1 et suivants du Code du travail, ensemble les dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1133-1 du même code, de la directive 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 et des articles 225-1 et suivants du Code pénal, telles qu'interprétées à la lumière de l'article 21 § 1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.