Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 juin 2008, 07-40.652, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 7 décembre 2006) que M. X..., engagé comme responsable de site par la société OCE Business services en 1996, délégué syndical et secrétaire du comité d'entreprise de la société, a été affecté en qualité de responsable du site "Monsieur Bricolage", à la Chapelle Saint-Mesmin par avenant à son contrat de travail du 17 juillet 2003 ; que l'inspecteur du travail ayant le 23 octobre 2003 refusé une demande d'autorisation de licenciement du salarié fondée sur divers griefs dans l'exécution de cette fonction, l'employeur ne l'a pas réintégré dans ce poste en alléguant le refus de "Monsieur Bricolage" et lui a fait diverses propositions de mutation que le salarié n'a pas acceptées ; que cette réintégration a été ordonnée par plusieurs arrêts successifs de la cour d'appel de Versailles, statuant en référé, devenu définitifs ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale statuant au fond le 24 septembre 2004 d'une demande de réintégration et de diverses autres demandes ;

Sur le premier et le septième moyens réunis du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que la société Oce Business services fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la réintégration du salarié et de l'avoir condamnée à réintégrer M. X... sur le site de "Monsieur Bricolage" à la Chapelle Saint-Mesmin sous astreinte et de l'avoir en conséquence déboutée de sa demande reconventionnelle en remboursement des astreintes et dommages intérêts provisionnels payés en exécution des décisions du juge des référés alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié protégé mis à pied à titre conservatoire doit, en cas de refus de l'autorité administrative d'autoriser son licenciement, être réintégré dans son précédent poste ou, si la réintégration s'avère matériellement impossible, sur un poste équivalent n'entraînant aucune baisse de rémunération ou de qualification ; que constitue cette impossibilité matérielle le refus catégorique de l'entreprise utilisatrice, tierce aux procédures ayant opposé le salarié à son employeur, d'accueillir sur son site le salarié qui y avait été affecté par son employeur avant sa mise à pied ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir et offrait de prouver que la société «M. Bricolage», où le salarié se trouvait initialement affecté pour l'exécution du contrat de prestations de services conclu entre ces deux sociétés, avait exprimé, avant comme après que la réintégration de ce dernier avait été ordonnée par l'inspecteur du travail puis par la cour d'appel de Versailles statuant en référé, son refus catégorique d'accueillir à nouveau ledit salarié sur son site, d'ailleurs doté d'un nouveau responsable ; qu'en se bornant à relever, pour exclure toute impossibilité matérielle de réintégrer le salarié à son poste initial, que l'emploi occupé par ce dernier avait été maintenu, que les relations commerciales entre l'employeur et la société utilisatrice s'étaient poursuivies et qu'il n'était pas justifié que le comportement adopté par le salarié trois ans auparavant s'opposait à son retour, sans rechercher, comme elle s'y trouvait clairement invitée, si le refus catégorique de la société utilisatrice de travailler à nouveau avec le salarié ne constituait pas une impossibilité matérielle pour l'employeur de le rétablir dans ses précédentes fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-19 du code du travail ;

2°/ subsidiairement que (à supposer que la décision attaquée puisse être lue comme ayant exclu l'impossibilité matérielle de réintégrer le salarié à son poste initial en dépit du refus catégorique de la société utilisatrice de l'accueillir à nouveau sur son site) la cour d'appel aurait dû à tout le moins exposer le(s) moyen(s) par le(s)quel(s) elle aurait pu surmonter le refus catégorique opposé par la société utilisatrice, demeurée tierce aux procédures ayant opposé le salarié et son employeur, d'accueillir sur son site le salarié qui y avait été affecté par l'employeur avant sa mise à pied ; qu'en s'abstenant totalement de donner une telle précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-19 du code du travail ;

3°/ que la cassation à intervenir visant la disposition de l'arrêt ayant dit que le salarié devait être réintégré au poste qu'il occupait initialement sur le site de la société «M. Bricolage» situé à La Chapelle Saint-Mesmin entraînera l'annulation par voie de conséquence des chefs de dispositif déboutant l'employeur de ses demandes de suppression des astreintes et de remboursement de sommes allouées au titre de ses astreintes, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'emploi du salarié à la Chapelle Saint-Mesmin n'avait pas disparu a souverainement estimé que la réintégration du salarié dans cet emploi n'était pas matériellement impossible ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième, troisième, quatrième et sixième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à réintégrer dans les droits du salarié quinze jours de congés payés et dix-sept jours de réduction du temps de travail alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur soutenait que le salarié avait refusé l'ensemble des propositions de poste qui lui avaient été soumises compte tenu de l'impossibilité matérielle de le réintégrer à son poste initial ; qu'il était par ailleurs constant que bien que n'ayant accompli aucune prestation de travail depuis septembre 2003, le salarié avait continué à percevoir une rémunération ; qu'en ordonnant le rétablissement dans les droits du salarié des jours de congés payés et de RTT qu'il lui avait été demandé de prendre en novembre 2004 et qui avaient été décomptés de la rémunération due au titre de ce mois, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la perte de revenus en résultant pour l'intéressé n'avait pas été largement compensée par le maintien à son profit d'une rémunération qui ne lui était pas due en l'absence de toute prestation de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 143-10, L. 212-9, L. 223-1 du code du travail ;

2°/ que le non-respect des dispositions de l'article L. 212-9 et D. 223-4 du code du travail prévoyant un délai de prévenance en faveur des salariés, s'il est susceptible d'ouvrir droit pour ceux-ci à réparation de leur préjudice, ne leur confère en revanche pas le droit d'obtenir le rétablissement de jours de congés payés ou de RTT qu'ils ont d'ores et déjà pris ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 212-9, L. 223-1 et D. 223-4 du code du travail ;

3°/ que le juge doit viser et analyser, serait-ce sommairement, l'ensemble des pièces versées aux débats par les parties ; qu'en l'espèce elle faisait valoir que le salarié avait lui-même souhaité prendre au mois de novembre 2004 les dix-sept jours de RTT dont il sollicitait à présent le rétablissement ; qu'elle produisait, pour preuve, la lettre adressée par l'intéressé le 19 octobre 2004 à la société Oce Business services, aux termes de laquelle il déclarait : «de plus, je prendrais comme il se doit, mes dix-sept jours de RTT pendant le mois de novembre 2004 » ; qu'en affirmant, pour ordonner le rétablissement, dans les droits du salarié, de ces dix-sept jours de RTT, que l'employeur aurait imposé au salarié de prendre ses dix-sept jours de RTT au mois de novembre 2004, sans viser ni analyser cette pièce, qui démontrait que dès le 19 octobre 2004, le salarié avait lui-même manifesté le souhait de prendre ces jours à cette même période, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu d'abord que l'absence de travail effectif d'un salarié protégé dont le licenciement a été refusé et qui n'a pas été réintégré du fait de l'employeur ne le prive pas de l'intégralité des droits qu'il tient de son contrat de travail ;

Et attendu ensuite que l'arrêt qui a constaté que le salarié n'avait pas été en mesure de faire valoir ses droits à congés payés et ceux afférents à la réduction du temps de travail, n'encourt pas les griefs du moyen ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une somme à titre d'heures supplémentaires alors, selon le moyen :

1°/ que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en conséquence, le juge ne peut rejeter une demande de rappel d'heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il doit examiner les éléments que l'employeur est tenu de lui fournir ; que la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires peut éventuellement être établie par des fiches de présence remplies par le salarié à la demande de l'employeur ; que la cour d'appel n'a aucunement exigé de la société Oce qu'elle apporte aux débats les éléments de nature à justifier les horaires réalisés par le salarié ; que pour rejeter la demande du salarié, elle s'est bornée à lui reprocher de n'avoir pas accompagné la production de son tableau d'heures supplémentaires d'attestations de ses collègues de travail ; qu'elle a violé, par refus d'application, l'article L. 212-1-1 du code du travail ;

2°/ qu'il avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, en premier lieu, que l'ouverture et le démarrage du site Monsieur Bricolage, ainsi que les pics de production liés à l'activité du client et les pannes des machines, l'avaient obligé à travailler en décalé, voire tard le soir, ou la nuit et en fin de semaine, en deuxième lieu, que le tableau de l'ensemble de ses heures supplémentaires qu'il avait établi avait été soumis en son temps à l'employeur, lequel n'avait alors formulé aucune remarque, en troisième lieu, qu'il avait également versé aux débats des extraits de journaux internes à l'entreprise, avec notamment une déclaration de son supérieur hiérarchique, M. Z..., indiquant que le démarrage du site Monsieur Bricolage s'était effectué « sur les chapeaux de roue », impliquant « travail de nuit et week-end », en quatrième lieu, que c'était dans ce contexte qu'il avait dû faire des heures supplémentaires, renonçant même à prendre ses heures de délégation entre le 23 juin et le 22 septembre 2003, ainsi que huit jours de congés payés, et enfin, que la réalité des heures supplémentaires était démontrée par le contenu des clauses du contrat relatif, d'une part, à la prestation de l'entreprise sur le site Monsieur Bricolage, qui faisait état d'un important volume de travail tel qu'exigé par le client, et d'autre part, à la délégation de commandement dont il était titulaire en sa qualité de responsable de site, et qui le contraignait à prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement du site dans le respect des engagements contractuels des deux sociétés ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis par les deux parties, a constaté que la réalité de l'accomplissement des heures supplémentaires n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille huit.


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