Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 3 juin 2004, 03-84.959, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me CHOUCROY et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE MGI, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 3 juillet 2003, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Jean-Jacques X..., du chef de tentative d'escroquerie ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-4 et suivants, 313-1 et 441-1 du Code pénal, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, pour débouter la société MGI de ses demandes, relaxé le prévenu, Jean-Jacques X... ;

"aux motifs que le délit reproché au prévenu n'est pas constitué ; qu'en effet, s'il ne fait pas de doute que le prévenu a fait établir frauduleusement une facture mentionnant de manière inexacte que la presse était vendue avec garantie, en revanche, il n'a jamais invoqué le bénéfice de cette garantie ; qu'il convient de rappeler qu'il a assigné la société MGI devant la juridiction consulaire sur le fondement de la garantie des vices cachés ; que si donc il a eu l'intention de commettre une escroquerie, cette intention ne s'est pas concrétisée dans un commencement d'exécution, le délit étant resté au stade des actes préparatoires ;

"qu'il n'est pas possible non plus de considérer que le prévenu s'est rendu coupable d'un usage de faux ; qu'en effet, l'élément intentionnel de cette infraction suppose que l'auteur fasse état de la pièce fausse pour en tirer profit ou pour nuire à autrui ;

que tel n'est pas le cas en l'espèce, Jean-Jacques X... ne s'étant jamais prévalu des fausses stipulations que comporte la facture, cette pièce n'ayant été produite en justice que comme preuve de la vente ;

"alors que, d'une part, le prévenu, qui, après avoir acquis pour un prix de 700 000 francs hors taxes une presse d'occasion vendue sans garantie pour 550 000 francs ainsi qu'une plieuse, diverses prestations et commissions, puis, qui, après s'être rendu compte que la presse était défectueuse, fait assigner son vendeur devant le tribunal de commerce pour obtenir la résiliation de la vente de la presse en produisant à l'appui de son action une fausse facture de 700 000 francs pour la seule presse mentionnant l'existence d'une garantie de six mois pièces et main d'oeuvre, se rend ainsi nécessairement coupable d'une tentative d'escroquerie au jugement même s'il n'a pas expressément invoqué dans sa demande la garantie de six mois figurant sur la fausse facture, dès lors que la différence de prix de la presse résultant de ce faux document par rapport à celui très inférieur qu'il a réellement acquitté, démontre que l'intéressé a voulu tromper les juges sur la valeur de cet objet ;

qu'en refusant dans ces conditions de reconnaître l'existence de la tentative d'escroquerie dénoncée par la partie civile et débouter cette dernière de ses demandes, la Cour a violé l'article 313-1 du Code pénal ;

"alors que, d'autre part, s'il n'existe de faux ou d'usage de faux punissable qu'autant que la pièce contrefaite ou altérée est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice, la loi n'exige pas que ce préjudice soit consommé ou inévitable, une simple éventualité ou possibilité de préjudice suffisant à consommer l'infraction ; que, dès lors en l'espèce où la Cour a constaté formellement que le prévenu avait introduit une action en résiliation d'une vente en produisant une fausse facture majorant considérablement le prix de l'objet vendu par rapport à celui qu'il avait effectivement acquitté, les juges d'appel ont violé l'article 441-1 du Code pénal en refusant d'admettre l'existence du délit d'usage de faux pour débouter la partie civile de ses demandes" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 313-1 et 121-5 du Code pénal ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Jacques X..., gérant de la société Techniprint, a acheté, en mars 1996, une presse OFFSET à la société MGI, pour le prix de 550 000 francs hors taxes ; que cette machine s'étant révélée défectueuse, il a assigné en novembre 1996 la société venderesse devant le tribunal de commerce en résolution de la vente pour vices cachés ; que, devant la juridiction consulaire, il a produit une fausse facture mentionnant un prix de 700 000 francs hors taxes et une garantie de six mois qu'il avait fait établir par la secrétaire de la société MGI ;

Attendu que, pour relaxer Jean-Jacques X... du chef de tentative d'escroquerie, l'arrêt énonce que, s'il ne fait pas de doute qu'il a fait établir frauduleusement une facture mentionnant de manière inexacte que la presse était vendue avec garantie, en revanche, il n'a jamais invoqué le bénéfice de cette garantie ; que les juges ajoutent que, si le prévenu a eu l'intention de commettre une escroquerie, le commencement d'exécution n'est pas caractérisé, le délit étant resté au stade des actes préparatoires ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si, en produisant de mauvaise foi à l'appui d'une action en justice une facture mensongère faisant état d'un prix supérieur à celui réellement acquitté, le prévenu n'avait pas tenté, en trompant la religion du juge, de faire condamner son adversaire à des sommes qui ne sont pas dues, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse en date du 3 juillet 2003 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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