Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 29 janvier 2004, 00-12.367, Inédit
Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 29 janvier 2004, 00-12.367, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 00-12.367
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 29 janvier 2004
Décision attaquée : cour d'appel de Caen (1re chambre, section civile et commerciale) 1999-09-23, du 23 septembre 1999- Président
- Président : M. ANCEL
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 septembre 1999), que lors du déchargement de conteneurs de combustible irradié qui se trouvaient à bord du navire Pacific Pintail et devaient être acheminés à l'usine de la COGEMA de La Hague, un conteneur a été déséquilibré et a heurté le navire ; qu'à la demande de la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg et du Nord Cotentin, propriétaire de la grue avec laquelle avait été effectué le déchargement, un président de tribunal de commerce a désigné M. X..., expert, qui a sollicité l'avis de deux techniciens, MM. Y... et Z... ; que le tribunal de commerce saisi ultérieurement, a, au vu du rapport de l'expert, retenu la responsabilité de la société Peiner, vendeur de la grue, de la société Peiner Maschinen AG, constructeur de celle-ci et de la société Flender AG, constructeur du réducteur équipant la grue et condamné ces sociétés et la compagnie d'assurance HDI à payer certaines sommes à la chambre de commerce et d'industrie, à la COGEMA et aux assureurs britanniques du navire et du conteneur ; que les sociétés Peiner, Flender et la compagnie HDI ont relevé appel de ce jugement ; Sur le premier moyen du pourvoi principal : Attendu que les sociétés Peiner Maschinen AG, Flender AG et la compagnie HDI font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de nullité de l'expertise et de les avoir condamnées au paiement de certaines sommes, alors, selon le moyen : 1 / que, dès lors qu'un homme de l'art est désigné comme expert par une décision à caractère juridictionnel, cet homme de l'art ne peut intervenir à l'expertise sans que l'ordonnance juridictionnelle le désignant ait été contradictoirement rendue à l'égard des parties à l'expertise ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 16, 264 et 278 du nouveau Code de procédure civile ; 2 / que l'homme de l'art désigné par une décision juridictionnelle, rendue au terme d'une procédure non contradictoire, ne peut procéder à l'expertise sans que la décision le désignant ait été signifiée aux parties à l'expertise ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 16, 264, 278 et 503 du nouveau Code de procédure civile ; 3 / que, lorsqu'il est désigné par une décision juridictionnelle comme expert, l'homme de l'art est titulaire de tous les droits légalement conférés à l'expert dans la conduite de l'expertise, au besoin en concours avec l'expert précédemment désigné ; que si l'homme de l'Art intervient au contraire en tant que simple sapiteur, à l'initiative de l'expert, il peut seulement émettre un avis, dans une spécialité étrangère à celle de l'expert, et n'est pas doté des pouvoirs conférés à l'expert dans la conduite de la mesure d'instruction ; qu'eu égard aux missions respectives de l'expert et du sapiteur, les irrégularités qui peuvent affecter la désignation d'un expert ne peuvent être écartées au motif que l'homme de l'art aurait pu intervenir en tant que sapiteur ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 16, 264, 278 et 503 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'après avoir relevé que la complexité technique de la mission rendait nécessaire la consultation de spécialistes en métallurgie et en électricité ou électronique, l'arrêt retient exactement que le fait que l'expert ait cru devoir saisir le juge d'une demande de désignation de spécialistes était dépourvu de portée, l'expert ayant le pouvoir de recueillir l'avis de techniciens de sa propre initiative ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le deuxième moyen du pourvoi principal : Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen : 1 / que faute d'avoir recherché si l'Institut de soudure n'avait pas été saisi par M. Y... et si celui-ci n'avait pas excédé sa mission de sapiteur, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 278 du nouveau Code de procédure civile ; 2 / que, faute d'avoir recherché si l'Ecole centrale n'avait pas été saisie par M. Y... et si celui-ci n'avait pas excédé sa mission de sapiteur, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 278 du nouveau Code de procédure civile ; 3 / que les juges du fond n'ont pas davantage recherché si M. Z... n'avait pas accompli des diligences excédant la mission d'un sapiteur à raison de la mission qui lui a été confiée par l'expert ou encore des points sur lesquels il a pris parti ; qu'à cet égard encore, l'arrêt est dépourvu de base légale au regard de l'article 278 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel, analysant les diverses interventions de l'expert, a relevé, sans avoir à procéder à d'autres recherches, que ce dernier, qui avait notamment fait procéder à de nouvelles investigations en matière de soudure, avait conservé l'initiative de la totalité des opérations ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen du pourvoi principal : Attendu que les sociétés font encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que lorsque l'expert estime opportun de recourir à un sapiteur, tout avis émis par le sapiteur doit être communiqué aux parties pour que celles-ci puissent formuler leurs observations avant que l'expert émette lui-même ses conclusions ; qu'en décidant que l'expertise était régulière, tout en constatant que l'avis émis par le sapiteur le 17 février 1995 en réponse aux dires des parties n'avait pas été communiqué à ces dernières, les juges du fond ont violé les articles 16 et 278 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que l'arrêt, relève que, par une note du 6 juillet 1993, le sapiteur a émis un premier avis et transmis aux parties les travaux du laboratoire CETIM, que, par une note du 23 mai 1994, M. X... a avisé les parties qu'il avait prescrit des investigations supplémentaires à l'Institut de soudure, que le 27 juin 1994 un rapport de cet institut a été adressé à M. Y..., que le 30 septembre 1994, M. Y... a consigné le résultat de ses recherches, que cet avis qui portait en annexe le rapport de l'Institut de soudure a été contesté par les parties, de sorte qu'une réunion a été organisée pour leur permettre une vérification contradictoire de l'échantillon analysé ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'avis du technicien avait été porté à la connaissance des parties, la note du 17 février 1995 ne faisant que reprendre cet avis, et répondu aux dires des parties ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, tels que reproduits en annexe : Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à faire constater la nullité ou l'inopposabilité du rapport d'expertise et d'avoir prononcé certaines condamnations à leur encontre ; Mais attendu que l'arrêt retient que les demandes de la Chambre de commerce et d'industrie ont été communiquées aux sociétés appelantes bien avant la date fixée pour le dépôt des observations, que ces sociétés ont fait connaître à l'expert leurs commentaires sur les dires de la COGEMA et des sociétés BNFL et PNTL et qu'aucune disposition légale n'impose le dépôt d'un pré-rapport ; que par ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois ; Condamne les sociétés Peiner Maschinen AG, Flender AG, la compagnie Haftpflichtverband Der Deutschen Industrie (HDI) et la société Peiner aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Peiner Maschinen AG, Flender AG et de la compagnie HDI ; les condamne in solidum à payer à la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg et du Nord Cotentin la somme de 2 000 euros et à la société COGEMA la même somme ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quatre.