Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 04/07/2024, 462452
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 04/07/2024, 462452
Conseil d'État - 3ème - 8ème chambres réunies
- ECLI:FR:CECHR:2024:462452.20240704
- Non publié au bulletin
Audience publique du jeudi 04 juillet 2024
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'annuler la décision du maire de Lillers du 21 novembre 2016 rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire, de condamner la commune de Lillers à lui verser 78 544,64 euros en réparation de son préjudice économique au titre de la perte de son régime indemnitaire, outre les sommes qui viendraient à devoir lui être versées ultérieurement, de lui enjoindre, d'une part, de lui verser, depuis le 29 avril 2016 et jusqu'à sa reprise d'activité, le régime indemnitaire auquel il est en droit de prétendre, et, d'autre part, de tenir compte du rétablissement dans ses droits pour le calcul de ses congés payés afférents et de ses droits à la retraite, de condamner la commune de Lillers à lui verser la somme de 1 550 euros au titre des frais médicaux, outre ceux qui seront justifiés ultérieurement, de lui enjoindre de prendre en charge le coût des séances de psychothérapie dont il justifiera, de la condamner à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, de la condamner au remboursement des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique indûment prélevées, soit la somme de 976,86 euros, outre toutes les cotisations qui pourraient continuer à être prélevées ultérieurement, de lui enjoindre de lui verser, depuis le 29 avril 2016 et jusqu'à la reprise de son activité, les cotisations du régime de retraite additionnelle de la fonction publique auxquelles il est en droit de prétendre et de dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 28 septembre 2016, pour les sommes dues à cette date, et pour celles dues à une date postérieure, à compter de la date à laquelle elles auraient dû lui être versées. Par un jugement n°1609709 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Lillers à verser à M. A... la somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016, et a rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n° 20DA01055 du 20 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de M. A..., en premier lieu, annulé la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers en tant qu'elle rejette sa demande tendant à la restitution des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique qui ont été indûment prélevées, en deuxième lieu, porté à 38 200 euros la somme de 1 000 euros que la commune a été condamnée par le tribunal administratif de Lille à lui verser en réparation des préjudices subis du fait de sa maladie imputable au service, en troisième lieu, enjoint à la commune de Lillers de lui restituer le montant des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique qui ont été indûment prélevées et renvoyé M. A... devant la commune de Lillers pour le calcul de ce montant, en quatrième lieu, réformé le jugement du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a de contraire à son arrêt et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions d'appel de M. A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 20 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui fait grief ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lillers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. B... A... et à la SAS Hannotin, avocat de la commune de Lillers ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., ingénieur principal territorial, qui occupait les fonctions de directeur général des services techniques de la commune de Lillers, a été placé en congé de maladie ordinaire le 29 avril 2016 pour un syndrome anxio-dépressif. Par un arrêté rectificatif du 21 novembre 2016, le maire de Lillers a reconnu la maladie de M. A... comme étant imputable au service à compter du 29 avril 2016. Par deux courriers en date des 28 septembre et 11 novembre 2016, M. A... a demandé au maire de Lillers le paiement de l'indemnité spécifique de service et de la prime de service et de rendement pendant son congé de maladie ainsi que l'arrêt du prélèvement sur son traitement des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique et l'indemnisation de divers préjudices qu'il estime avoir subis. Par un courrier du 21 novembre 2016, le maire de Lillers a rejeté ses demandes. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Douai n'a que partiellement fait droit à ses conclusions d'appel contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 juin 2020 qui avait rejeté l'essentiel de ses demandes.
2. Eu égard aux moyens soulevés, M. A... doit être regardé comme demandant l'annulation de cet arrêt en tant qu'il juge qu'il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire entre le 29 avril 2016 et le 31 mars 2020 et la condamnation de la commune à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision.
Sur le cadre juridique applicable :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable, repris actuellement à l'article L. 714-4 du code général de la fonction publique : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat ". Il résulte de ces dispositions et de celles du décret du 6 septembre 1991 pris pour leur application qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Si le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent, il appartient à la collectivité, lorsqu'elle décide l'institution d'un régime indemnitaire et sauf motif d'intérêt général, d'en faire bénéficier dans les mêmes conditions les fonctionnaires d'un même cadre d'emploi ne se trouvant pas dans une situation différente au regard de l'objet du régime institué et, pour les règles régissant les régimes indemnitaires qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même cadre d'emplois, de les appliquer identiquement à tous les fonctionnaires ne se trouvant pas dans une situation différente au regard de l'objet de ces règles.
4. D'autre part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, comme aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans leurs versions applicables au litige, dont les dispositions sont identiques sur ce point : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite ". Par ailleurs, aux termes de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, applicable aux fonctionnaires de l'Etat : " A l'issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu'autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. / Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais ". Enfin, aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés, dans sa version applicable au litige : " I. ' 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; / 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables ; (...) ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que les fonctionnaires de l'Etat placés en congé de longue maladie ou de longue durée n'ont pas droit au maintien des indemnités attachées à l'exercice des fonctions, hors les cas où ce congé résulte d'un accident ou d'une maladie imputables au service, de sorte qu'il est également interdit à une collectivité territoriale d'en prévoir le maintien à ses fonctionnaires placés dans les mêmes situations. En revanche, le bénéfice de ces indemnités est maintenu, dans les conditions définies à l'article 1er du décret du 26 août 2010, aux fonctionnaires de l'Etat placés soit en congé de maladie ordinaire soit en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service. Dans ce second cas, les fonctionnaires bénéficiant du maintien de l'intégralité de leur traitement en vertu des dispositions citées au point 4, ils conservent également le bénéfice intégral de ces régimes indemnitaires, dans le respect, quand ceux-ci prévoient une modulation, des dispositions du 2° du I de l'article 1er du même décret. Par conséquent, il est loisible à l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale, quand elle institue des indemnités attachées à l'exercice des fonctions, de prévoir le maintien du bénéfice de ces régimes aux fonctionnaires placés soit en congé de maladie ordinaire, soit en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service, dans des conditions qui peuvent être aussi favorables que celles prévues à l'article 1er du décret du 26 août 2010 et dans le respect du principe d'égalité suivant les modalités exposées au point 3.
Sur le pourvoi :
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune de Lillers a fondé le refus opposé à M. A... sur la circonstance que l'article 6 du règlement de service de la commune de Lillers prévoyait qu'" en cas d'absence non liée à un accident de service, il sera appliqué une retenue sur le régime indemnitaire mensuel (hors NBI) calculé au prorata du nombre de jours de maladie ", et ne prévoyait donc pas de maintien du régime indemnitaire en cas de congé pour maladie professionnelle.
7. M. A... soutenait devant la cour administrative d'appel, par voie d'exception, qu'en traitant différemment, d'une part, les fonctionnaires en congé pour accident de service, pour lesquels était prévu le maintien du régime indemnitaire pendant la durée du congé et, d'autre part, les fonctionnaires en congé pour maladie imputable au service, alors que leur situation est identique au regard de la finalité poursuivie, l'article 6 du règlement de service de la commune de Lillers méconnaissait le principe d'égalité. Pour écarter ce moyen, la cour a jugé qu'il résultait de la combinaison de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 et du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 que le maintien des indemnités qui sont attachées à l'exercice des fonctions, telles que l'indemnité spécifique de service et la prime de service et de rendement ici en litige, était interdit en tout état de cause pour les agents de la fonction publique de l'Etat, et par conséquent pour ceux de la fonction publique territoriale, durant certaines périodes de congés, notamment ceux consécutifs à un accident de service ou une maladie imputable au service. En statuant ainsi, alors, d'une part, que ce maintien est au contraire prévu pour les fonctionnaires de l'Etat placés en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service, comme il a été dit au point 5, et, d'autre part, que les fonctionnaires placés en congé pour accident de service et ceux placés en congé pour maladie imputable au service ne se trouvent pas dans une situation différente au regard de l'objet d'une règle relative à la rémunération au cours du congé, la cour a commis une erreur de droit.
8. M. A... est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant que la cour a jugé qu'il n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire et la condamnation de cette commune à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lillers la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que la somme demandée au même titre par la commune de Lillers soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
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D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 janvier 2022 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers et de condamnation de cette commune à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La commune de Lillers versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Lillers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune de Lillers.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 4 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Nicole da Costa
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
ECLI:FR:CECHR:2024:462452.20240704
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'annuler la décision du maire de Lillers du 21 novembre 2016 rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire, de condamner la commune de Lillers à lui verser 78 544,64 euros en réparation de son préjudice économique au titre de la perte de son régime indemnitaire, outre les sommes qui viendraient à devoir lui être versées ultérieurement, de lui enjoindre, d'une part, de lui verser, depuis le 29 avril 2016 et jusqu'à sa reprise d'activité, le régime indemnitaire auquel il est en droit de prétendre, et, d'autre part, de tenir compte du rétablissement dans ses droits pour le calcul de ses congés payés afférents et de ses droits à la retraite, de condamner la commune de Lillers à lui verser la somme de 1 550 euros au titre des frais médicaux, outre ceux qui seront justifiés ultérieurement, de lui enjoindre de prendre en charge le coût des séances de psychothérapie dont il justifiera, de la condamner à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, de la condamner au remboursement des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique indûment prélevées, soit la somme de 976,86 euros, outre toutes les cotisations qui pourraient continuer à être prélevées ultérieurement, de lui enjoindre de lui verser, depuis le 29 avril 2016 et jusqu'à la reprise de son activité, les cotisations du régime de retraite additionnelle de la fonction publique auxquelles il est en droit de prétendre et de dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 28 septembre 2016, pour les sommes dues à cette date, et pour celles dues à une date postérieure, à compter de la date à laquelle elles auraient dû lui être versées. Par un jugement n°1609709 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Lillers à verser à M. A... la somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016, et a rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n° 20DA01055 du 20 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de M. A..., en premier lieu, annulé la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers en tant qu'elle rejette sa demande tendant à la restitution des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique qui ont été indûment prélevées, en deuxième lieu, porté à 38 200 euros la somme de 1 000 euros que la commune a été condamnée par le tribunal administratif de Lille à lui verser en réparation des préjudices subis du fait de sa maladie imputable au service, en troisième lieu, enjoint à la commune de Lillers de lui restituer le montant des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique qui ont été indûment prélevées et renvoyé M. A... devant la commune de Lillers pour le calcul de ce montant, en quatrième lieu, réformé le jugement du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a de contraire à son arrêt et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions d'appel de M. A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 20 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui fait grief ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lillers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. B... A... et à la SAS Hannotin, avocat de la commune de Lillers ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., ingénieur principal territorial, qui occupait les fonctions de directeur général des services techniques de la commune de Lillers, a été placé en congé de maladie ordinaire le 29 avril 2016 pour un syndrome anxio-dépressif. Par un arrêté rectificatif du 21 novembre 2016, le maire de Lillers a reconnu la maladie de M. A... comme étant imputable au service à compter du 29 avril 2016. Par deux courriers en date des 28 septembre et 11 novembre 2016, M. A... a demandé au maire de Lillers le paiement de l'indemnité spécifique de service et de la prime de service et de rendement pendant son congé de maladie ainsi que l'arrêt du prélèvement sur son traitement des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique et l'indemnisation de divers préjudices qu'il estime avoir subis. Par un courrier du 21 novembre 2016, le maire de Lillers a rejeté ses demandes. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Douai n'a que partiellement fait droit à ses conclusions d'appel contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 juin 2020 qui avait rejeté l'essentiel de ses demandes.
2. Eu égard aux moyens soulevés, M. A... doit être regardé comme demandant l'annulation de cet arrêt en tant qu'il juge qu'il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire entre le 29 avril 2016 et le 31 mars 2020 et la condamnation de la commune à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision.
Sur le cadre juridique applicable :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable, repris actuellement à l'article L. 714-4 du code général de la fonction publique : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat ". Il résulte de ces dispositions et de celles du décret du 6 septembre 1991 pris pour leur application qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Si le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent, il appartient à la collectivité, lorsqu'elle décide l'institution d'un régime indemnitaire et sauf motif d'intérêt général, d'en faire bénéficier dans les mêmes conditions les fonctionnaires d'un même cadre d'emploi ne se trouvant pas dans une situation différente au regard de l'objet du régime institué et, pour les règles régissant les régimes indemnitaires qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même cadre d'emplois, de les appliquer identiquement à tous les fonctionnaires ne se trouvant pas dans une situation différente au regard de l'objet de ces règles.
4. D'autre part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, comme aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans leurs versions applicables au litige, dont les dispositions sont identiques sur ce point : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite ". Par ailleurs, aux termes de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, applicable aux fonctionnaires de l'Etat : " A l'issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu'autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. / Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais ". Enfin, aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés, dans sa version applicable au litige : " I. ' 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; / 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables ; (...) ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que les fonctionnaires de l'Etat placés en congé de longue maladie ou de longue durée n'ont pas droit au maintien des indemnités attachées à l'exercice des fonctions, hors les cas où ce congé résulte d'un accident ou d'une maladie imputables au service, de sorte qu'il est également interdit à une collectivité territoriale d'en prévoir le maintien à ses fonctionnaires placés dans les mêmes situations. En revanche, le bénéfice de ces indemnités est maintenu, dans les conditions définies à l'article 1er du décret du 26 août 2010, aux fonctionnaires de l'Etat placés soit en congé de maladie ordinaire soit en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service. Dans ce second cas, les fonctionnaires bénéficiant du maintien de l'intégralité de leur traitement en vertu des dispositions citées au point 4, ils conservent également le bénéfice intégral de ces régimes indemnitaires, dans le respect, quand ceux-ci prévoient une modulation, des dispositions du 2° du I de l'article 1er du même décret. Par conséquent, il est loisible à l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale, quand elle institue des indemnités attachées à l'exercice des fonctions, de prévoir le maintien du bénéfice de ces régimes aux fonctionnaires placés soit en congé de maladie ordinaire, soit en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service, dans des conditions qui peuvent être aussi favorables que celles prévues à l'article 1er du décret du 26 août 2010 et dans le respect du principe d'égalité suivant les modalités exposées au point 3.
Sur le pourvoi :
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune de Lillers a fondé le refus opposé à M. A... sur la circonstance que l'article 6 du règlement de service de la commune de Lillers prévoyait qu'" en cas d'absence non liée à un accident de service, il sera appliqué une retenue sur le régime indemnitaire mensuel (hors NBI) calculé au prorata du nombre de jours de maladie ", et ne prévoyait donc pas de maintien du régime indemnitaire en cas de congé pour maladie professionnelle.
7. M. A... soutenait devant la cour administrative d'appel, par voie d'exception, qu'en traitant différemment, d'une part, les fonctionnaires en congé pour accident de service, pour lesquels était prévu le maintien du régime indemnitaire pendant la durée du congé et, d'autre part, les fonctionnaires en congé pour maladie imputable au service, alors que leur situation est identique au regard de la finalité poursuivie, l'article 6 du règlement de service de la commune de Lillers méconnaissait le principe d'égalité. Pour écarter ce moyen, la cour a jugé qu'il résultait de la combinaison de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 et du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 que le maintien des indemnités qui sont attachées à l'exercice des fonctions, telles que l'indemnité spécifique de service et la prime de service et de rendement ici en litige, était interdit en tout état de cause pour les agents de la fonction publique de l'Etat, et par conséquent pour ceux de la fonction publique territoriale, durant certaines périodes de congés, notamment ceux consécutifs à un accident de service ou une maladie imputable au service. En statuant ainsi, alors, d'une part, que ce maintien est au contraire prévu pour les fonctionnaires de l'Etat placés en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service, comme il a été dit au point 5, et, d'autre part, que les fonctionnaires placés en congé pour accident de service et ceux placés en congé pour maladie imputable au service ne se trouvent pas dans une situation différente au regard de l'objet d'une règle relative à la rémunération au cours du congé, la cour a commis une erreur de droit.
8. M. A... est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant que la cour a jugé qu'il n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire et la condamnation de cette commune à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lillers la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que la somme demandée au même titre par la commune de Lillers soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
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D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 janvier 2022 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers et de condamnation de cette commune à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La commune de Lillers versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Lillers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune de Lillers.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 4 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Nicole da Costa
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin