CAA de PARIS, 8ème chambre, 29/04/2024, 23PA00903, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 juillet 2021, notifiée le 29 juillet 2021, par laquelle la chambre d'appel de la fédération française de basket-ball a confirmé la décision de la commission fédérale de discipline en date du 26 mai 2021 lui infligeant une interdiction d'exercice de la fonction de joueuse pour une durée de six semaines fermes assortie de six semaines avec sursis.

Par un jugement n° 2120204/6-2 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la chambre d'appel de la Fédération française de basket-ball du 19 juillet 2021 et a mis à la charge de la fédération française de basket-ball une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés les 2 mars et 29 juin 2023 la fédération française de basket-ball, représentée par Me Domat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2120204 du 3 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que pour annuler la décision de la chambre d'appel de la fédération française de basket-ball du 19 juillet 2021, le tribunal, qui n'était nullement lié par la décision rendue par le conseil des prud'hommes, a jugé qu'elle était entachée d'erreur dans l'appréciation de l'exactitude matérielle des faits ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024, Mme A..., représentée par Me Veber, conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Paris qui a annulé la décision de la chambre d'appel de la fédération française de basket-ball du 19 juillet 2021 et au rejet de la requête, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Fédération française de basket-ball au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en absence de notification des griefs retenus à son encontre ;
- les instances fédérales n'étaient pas compétentes pour se prononcer sur le caractère abusif de la rupture de son contrat avec l'union sportive de la glacerie et de sa promesse d'embauche avec la société SBI dès lors que cela ressort de la seule compétence de la juridiction prud'homal ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur dans l'appréciation de l'exactitude matérielle des faits et d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du sport ;
- le code du travail ;
- les règlements généraux de la fédération française de basket-ball ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jamet, pour la fédération française de basket-ball, et de Me Veber, pour Mme A....

Une note en délibéré a été présentée par Mme A..., le 29 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 26 mai 2021, la commission fédérale de discipline de la fédération française de basket-ball (ci-après FFBB) a infligé à Mme B... A... une interdiction d'exercice de la fonction de joueuse pour une durée de six semaines fermes assortie de six semaines avec sursis. Cette décision a été confirmée par la chambre d'appel de la FFBB par décision du 19 juillet 2021. Cette dernière décision a été contestée devant la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français (ci-après CNOSF), laquelle, dans sa proposition de conciliation du 15 septembre 2021, a considéré que c'est à bon droit que la chambre d'appel de la FFBB avait sanctionné Mme A... et a proposé de s'en tenir à la décision du 19 juillet 2021 de la chambre d'appel de la FFBB. Mme A... s'est opposée à cette proposition de conciliation. Par un jugement du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris, saisi par Mme A..., a annulé la décision du 19 juillet 2021. La FFBB relève appel de ce jugement.

Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article 5 des Statuts de la FFBB : " La licence prévue à l'article L131-1 et suivants du Code du sport et délivrée par la Fédération marque l'adhésion volontaire de son titulaire à l'objet social et aux statuts et règlements de celle-ci. ". Aux termes de l'article 1-1 de l'annexe 1 du règlement disciplinaire général de la FFBB, pris en application des articles L. 131-8 et R. 131-3 2° du code des sports, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Peut être sanctionnée toute personne physique et/ou morale mentionnée à l'article 2 : (...)/ 3.qui aura commis une faute contre l'honneur, la bienséance, la discipline sportive ou n'aura pas respecté la déontologie sportive à l'égard de la Fédération, d'un organisme fédéral, d'une association ou société sportive ou d'un licencié ; / 4. qui aura fraudé ou tenté de frauder, notamment sur son identité ou sur l'identité d'autres personnes ;(...) ". Selon l'article 22 de ce règlement : " Les sanctions applicables sont : (...) / 11) Interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la fédération ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., licenciée de la FFBB depuis la saison 2003/2004, évoluait au sein du " pays voironnais basket club " (ci-après le PVCB) lors de la saison 2018/2019. Elle a signé, le 2 juillet 2019, avec l'union sportive de la glacerie (ci-après l'US " La Glacerie ") un contrat à durée déterminée spécifique de joueuse professionnelle avec mission d'intérêt général pour une durée de deux saisons sportives, soit 2019/2020 et 2020/2021. Le 12 mai 2020, alors qu'elle avait déjà fait part à son nouveau club de sa volonté de rompre son contrat, Mme A... a informé son employeur que son conjoint venait d'être recruté, à compter du 1er juillet 2020, par la société Super U de Voiron, par ailleurs partenaire du PVCB, et qu'elle bénéficiait elle-même d'une promesse d'embauche dans la même ville en contrat à durée indéterminée, datée du 7 mai 2020, auprès de la société SBI, également partenaire du PVCB, en qualité d'assistante administrative. Elle a en conséquence sollicité la rupture anticipée de son contrat de travail sur le fondement des dispositions de l'article L. 1243-2 du code du travail, selon lesquelles " (...) le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. (...) ". Toutefois, le 4 juillet 2020, alors qu'aucune déclaration d'embauche n'avait été faite par la société SBI, la presse locale a annoncé le retour de Mme A... au sein du PVCB, dans les termes suivants : " (...) C'est un très joli coup qu'a réalisé le Pays Voironnais Basket Club en cette intersaison 2020 : faire revenir B... A... un an seulement après son départ pour la Glacerie (...) ". Un contrat " joueuse d'intérêt général " a été signé avec ce club le 28 juillet 2020 pour la période du 1er août 2020 au 20 juin 2022. Mme A... a produit devant la chambre d'appel de la FFBB un courrier daté du 25 juin 2020, dans lequel la société SBI indique qu'en raison de la pandémie de covid-19, elle ne souhaitait pas honorer la promesse d'embauche du 7 mai 2020.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a donné des explications contradictoires devant la commission fédérale de discipline de la FFBB puis devant la chambre d'appel de la FFBB, sur les raisons de l'absence de suite donnée à la promesse d'embauche de la société SBI, l'intéressée ayant initialement indiqué que la promesse " a été rompue à l'amiable car cela c'est mal passé " avant de produire, devant la chambre d'appel, le courrier du 25 juin 2020 faisant allusion aux conséquences de la pandémie. Il ressort également des pièces du dossier que la société SBI avait la qualité de partenaire du PVCB et que la promesse d'embauche émanant de cette société, puis sa décision de ne pas honorer cette promesse, prise quelques semaines plus tard sans qu'il soit établi ni même allégué que les difficultés induites par la crise sanitaire censées la justifier n'étaient pas prévisibles à la date du 7 mai 2020, ont permis successivement à Mme A... de rompre son contrat " joueuse d'intérêt général " avec l'US " La Glacerie " et d'en signer un autre avec le PVCB. Eu égard à cet enchaînement de circonstances, de coïncidences, de contradictions et nonobstant le fait que, par un jugement du 8 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Cherbourg en Cotentin n'a pas, au vu des seuls éléments produits devant lui, retenu le caractère abusif de la rupture du contrat entre Mme A... et l'US " La Glacerie ", la chambre d'appel de la FFBB n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation en considérant que la conjonction " des faits et des éléments présentés constitue (...) un faisceau d'indices important laissant à penser que la rupture du contrat JIG de l'appelante résultait de la mise en place d'un procédé en contradiction avec la bienséance et la déontologie sportive lui permettant de contracter avec son ancien club à Voiron ".

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la chambre d'appel de la FFBB aurait entaché sa décision d'erreur dans l'appréciation de l'exactitude matérielle des faits pour annuler sa décision du 19 juillet 2021.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :

7. En premier lieu, aux termes de l'article de l'article 11 du règlement disciplinaire général de la FFBB : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'une instruction, la personne chargée de l'instruction établit un rapport qu'elle adresse à l'organe disciplinaire et à la personne poursuivie au vu des éléments du dossier et de tout renseignement recueilli par tout moyen. (...) ". Selon l'article 13.1 du règlement : " La personne poursuivie et, le cas échéant, son représentant légal est convoqué ou invité à se présenter devant l'organe disciplinaire par l'envoi d'un document énonçant les griefs retenus dans les conditions prévues à l'article 9, au minimum sept jours avant la date de la séance. / La lettre de convocation ou d'invitation indique à la personne poursuivie l'ensemble des droits définis au présent article. ". Aux termes de l'article 13.3 de ce règlement : " La personne poursuivie et, le cas échéant, son représentant légal, son conseil ou la personne qui le représente peut consulter, avant la séance, le rapport et l'intégralité du dossier. A cette fin, elle pourra demander à : / - Consulter le dossier sur place ; / - S'en faire expédier copie par voie électronique ; / - S'en faire expédier copie par voie postale à ses frais (...) ". Et aux termes de l'article 20 de ce règlement : " L'organe disciplinaire d'appel statue en dernier ressort. / Il se prononce au vu du dossier de première instance et des productions d'appel, dans le respect du principe du contradictoire. / Le président de séance ou la personne qu'il désigne, établit un rapport exposant les faits et rappelant les conditions du déroulement de la procédure. Ce rapport est présenté oralement en séance. / Les dispositions des articles 13 à 15 et 17 ci-dessus sont applicables devant l'organe disciplinaire d'appel. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la lettre du 10 mai 2021 par laquelle Mme A... a été convoquée devant la commission fédérale de discipline précise, sur plus d'une page, les faits qui ont conduit la FFBB à lui faire grief d'avoir commis un manquement à la bienséance et à la déontologie sportive en ce qui concerne la rupture du contrat à durée déterminée spécifique de joueuse avec mission d'intérêt général (JIG) qu'elle avait conclu avec le club de l'Union sportive La Glacerie pour les années 2019/2020 et 2020/2021, en méconnaissance des articles 1-1.3. et 1-1.4. de l'annexe 1 au règlement disciplinaire général de la FFBB. Cette lettre précisait, notamment, que Mme A... pouvait consulter l'ensemble des pièces du dossier et en obtenir copie, possibilité dont elle n'indique pas qu'elle aurait souhaité en faire usage mais que cela lui aurait été refusé. Par ailleurs, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même dans ses écritures, Mme A... a pu produire devant la chambre d'appel le document attestant de la rupture, le 20 juin 2020, par la société SBI, de la promesse d'embauche qu'elle lui avait adressée le 7 mai 2020, qu'elle n'avait pas produit devant la commission fédérale de discipline, et ainsi " efficacement assurer sa défense ". Dans ces conditions, alors même que la convocation devant la chambre d'appel, en date du 5 juillet 2021, et qui n'a pas été produite au dossier de l'instance, n'aurait pas précisé de nouveau les griefs formulés à l'encontre de Mme A..., dont il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision de la chambre d'appel qu'ils auraient été différents de ceux examinés en première instance devant la commission fédérale, Mme A... n'a été privé d'aucune garantie et le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la chambre d'appel de la FFBB ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, contrairement à ce que Mme A... soutient, la compétence exclusive du conseil des prud'hommes pour connaître du litige qui l'a opposée à l'US " La Glacerie " s'agissant de la rupture du contrat signé le 2 juillet 2019 ne faisait pas obstacle à ce que la chambre d'appel de la FFBB apprécie, comme elle l'a fait, si les faits exposés au point 3 du présent arrêt constituaient ou non un manquement à la déontologique sportive ou un comportement frauduleux proscrit par les 3 et 4 de l'article 1-1 de l'annexe 1 du règlement disciplinaire général de la FFBB.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la FFBB est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision du 19 juillet 2021, par laquelle sa chambre d'appel a confirmé la sanction infligée à Mme A... et, d'autre part, mis à la charge de la FFBB une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la FFBB, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement à la FFBB de la somme de 1 500 euros qu'elle réclame au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :


Article 1er : Le jugement n° 2120204 du 3 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Mme A... versera à la FFBB la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération française de basket-ball et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 29 avril 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA00903



Retourner en haut de la page