CAA de PARIS, 6ème chambre, 17/10/2023, 22PA02379, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Adealis a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme totale de 36 495,46 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation anticipée du contrat de location d'une " safe box ".

Par un jugement n°1907791 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à verser à la société Adealis la somme de 877,60 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,5 % du jour de son échéance au jour du règlement, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 23 mai et 29 août 2022, la société Adealis, représentée par Me Benaroch, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) à titre principal de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à lui verser l'intégralité des sommes sollicitées en première instance, à titre subsidiaire de le condamner à lui verser la somme de 18 701,74 euros au titre du préjudice effectif résultant de la résiliation anticipée du contrat ;

3°) en tout état de cause de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux au versement de la somme de 1.500 euros au titre des frais de gestion du contentieux ;

4°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- elle est fondée à solliciter le paiement de la somme totale de 2 789,48 euros au titre des factures impayées ;
- à titre principal, elle a droit au paiement de l'indemnité de résiliation anticipée à hauteur de la somme de 25 206,89 euros et à titre subsidiaire, à une indemnité s'élevant à 18 701,74 euros en réparation du préjudice résultant de cette résiliation ;
- elle a droit également au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais de contentieux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juin et 6 octobre 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, représenté par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 3000 euros soit mise à la charge de la société Adealis au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Adealis sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Benaroch pour la société Adealis,
- et les observations de Me Moreau pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux.


Considérant ce qui suit :
1. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et la société Adealis ont conclu, le 31 mars 2015, un contrat de location n° 1696, incluant la maintenance, d'une sauvegarde de 8 To, pour une durée de cinq ans à compter du 7 mai 2015, soit jusqu'au 1er mai 2020, pour un montant mensuel de 249 euros HT, ainsi qu'un contrat d'assistance aux systèmes d'information portant sur ce matériel. A la suite de pannes affectant ce matériel, l'ONIAM a, par courrier du 2 février 2016, mis en demeure la société Adealis de lui livrer un système opérationnel au plus tard le 4 février suivant avant 16h, sous peine de prononcer l'annulation totale du contrat. Par un courrier du 8 février 2016, l'ONIAM a informé la société Adealis de la résiliation du contrat de location à compter du 11 février 2016. La société Adealis a présenté, le 29 janvier 2019, une demande tendant à se voir indemniser des préjudices résultant de la résiliation du contrat de location qu'elle estime fautive. Cette demande étant restée sans réponse, la société a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'ONIAM à l'indemniser des préjudices subis du fait de la résiliation anticipée du contrat de location. Par un jugement du 30 mars 2022, le Tribunal a estimé que l'ONIAM a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle en prononçant la résiliation anticipée du contrat de location aux torts exclusifs de la société Adealis et a fait droit partiellement à la demande d'indemnisation de cette dernière en condamnant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à verser à la société Adealis la somme de 877,60 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,5 % du jour de son échéance au jour du règlement, le surplus de sa demande étant rejeté. La société ADEALIS relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les droits à indemnité de la société Adealis quant aux loyers échus à la date de la résiliation :
2. La société Adealis réclame le paiement des loyers impayés au titre de la période allant du 1er février au 30 avril 2016, pour une somme totale de 2 789,48 euros TTC correspondant aux factures nos FCU05676 (915,94 euros) et FCU08626 (1 873,54 euros). L'article 5.4 des conditions générales du contrat de location précise que " tout mois commencé est dû en entier ". Comme l'a jugé le tribunal, il s'ensuit que la société Adealis a uniquement droit au paiement du loyer du mois de février 2016 qui s'élève, au regard des factures mentionnées ci-dessus, à la somme totale de 877,60 euros TTC. Elle n'est donc pas fondée à solliciter une indemnisation supplémentaire en appel au titre de factures impayées.
Sur les droits à indemnité de la société Adealis quant au préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat :
3. Si l'étendue et les modalités de l'indemnisation du cocontractant de l'administration suite à la résiliation du marché peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles, l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités fait toutefois obstacle à ce que ces stipulations prévoient une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation. Si, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'une des parties ou le juge soulève, avant la clôture de l'instruction, un moyen tiré de l'illicéité de la clause du contrat relative aux modalités d'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation anticipée, il appartient à ce dernier de demander au juge la condamnation de la personne publique à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat sur le fondement des règles générales applicables, dans le silence du contrat, à l'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général.

4. L'article 11 des conditions générales portant sur la résiliation stipule : " 11.1. Chacune des parties pourra résilier la location par lettre renouvelée avec un préavis de 2 mois. (...) 11.4. CBE se réserve également la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du Matériel, le paiement en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation égale H.T. au moment total des loyers H.T. postérieurs à la résiliation et pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une peine égale à 10 % de l'indemnité de résiliation. (....) ".

5. Il résulte de ces stipulations que, en cas de résiliation du contrat à l'initiative du locataire, celui-ci doit verser au bailleur, outre une somme égale au montant des loyers impayés, une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine, majorée d'une clause pénale de 10 %. En attribuant à la société Adealis l'intégralité des recettes escomptées sur les loyers dus et à échoir, augmentées de 10 %, et sans déduire de ce montant ni les charges dont la résiliation du contrat la dispense ni les profits qu'elle pourrait tirer de la vente ou de la location du matériel récupéré, l'article 11.4 précité des conditions générales du contrat fixe une indemnité contractuelle dont le montant est manifestement disproportionné au regard des préjudices dont se prévaut la société requérante ; de telles stipulations sont donc illicites et leur application ne saurait être opposée à l'ONIAM, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. Par suite, la société Adealis ne peut se prévaloir de ces stipulations contractuelles pour déterminer ses droits à indemnité résultant de la résiliation du contrat.

6. En revanche, en l'absence de faute de sa part, l'entreprise a droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour elle de la résiliation anticipée du contrat, y compris des frais qu'elle établit avoir engagés en vue de l'exécution du marché et du bénéfice qu'elle aurait été en droit d'attendre si le marché n'avait pas été résilié. L'indemnité due au titre de la résiliation du contrat en cause doit donc inclure une indemnité représentative du profit que la société Adealis aurait été en droit d'attendre si le marché n'avait pas été résilié le 11 février 2016, mais dûment exécuté jusqu'à l'échéance normale de celui-ci, soit jusqu'au 1er mai 2020. Toutefois, en dépit d'une mesure d'instruction diligentée par le tribunal administratif sur ce point, la société requérante n'a pas produit les justificatifs du coût d'achat du matériel loué à l'ONIAM. Dans la présente requête d'appel elle ne produit pas plus ces justificatifs mais entend soutenir qu'elle n'est pas propriétaire de ce matériel et admet seulement la déduction de frais de maintenance et de la taxe sur la valeur ajoutée pour solliciter une indemnité de 18 701,74 euros. Toutefois il résulte des stipulations de l'article 9.1 du contrat de location litigieux que la société Adealis est propriétaire du matériel. Dans ces conditions, faute de justificatifs probants, la société Adealis n'est pas fondée à titre subsidiaire à demander une indemnité d'un montant de 18 701,74 euros.
Sur l'indemnité de frais de recouvrement :

7. Si, dans ses conclusions présentées à titre principal, la société Adealis sollicite le versement d'une indemnité de frais de recouvrement à hauteur de la somme de 8 499,09 euros, elle ne présente aucun moyen à l'appui de cette demande qui ne peut donc qu'être rejetée.
Sur l'indemnité de frais de contentieux :
8. La société requérante sollicite une somme de 1 500 euros au titre de frais de contentieux en se prévalant de l'article 9 du contrat n° 1692. Toutefois ce dernier contrat est un contrat d'assistance informatique, distinct du contrat de location n° 1696 litigieux, et qui n'a pas été résilié. La société requérante ne peut donc en tout état de cause s'en prévaloir. Les conclusions susvisées doivent donc également être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Adealis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

10. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'ONIAM au titre du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Adealis est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Adealis et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,

J. BONIFACJ
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA02379



Retourner en haut de la page