Conseil d'État, 7ème chambre, 12/10/2022, 464074, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 7ème chambre, 12/10/2022, 464074, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 7ème chambre
- ECLI:FR:CECHS:2022:464074.20221012
- Non publié au bulletin
Audience publique du mercredi 12 octobre 2022
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Infokey a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par Nantes Métropole pour le marché de "fourniture-maintenance de postes de travail informatiques et d'équipements connectés avec une perspective de structuration de la filière locale de réemploi des équipements et matériels numériques" et en particulier la décision du 18 janvier 2022 de rejet de sa candidature.
Par une ordonnance n° 2204396 du 3 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a annulé cette procédure de passation.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 30 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Nantes Métropole demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Infokey ;
3°) de mettre à la charge de la société Infokey la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Nantes Métropole ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nantes que, par un avis d'appel public à la concurrence du 29 octobre 2021, Nantes Métropole a engagé une procédure négociée pour la passation d'un accord-cadre mono-attributaire de fourniture et de maintenance de postes de travail informatiques et d'équipements connectés, " avec une perspective de structuration de la filière locale de réemploi des équipements et matériels informatiques ". Par un courrier du 18 janvier 2022, le groupement constitué des sociétés Dynamips et Infokey a été informé par la métropole qu'il n'était pas admis à présenter une offre. Saisi par la société Infokey, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a annulé cette procédure de passation par l'ordonnance attaquée du 3 mai 2022.
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / (...) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ".
3. Les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative sont rendues à la suite d'une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d'assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Si les parties peuvent présenter en cours d'audience des observations orales à l'appui de leurs écrits, elles doivent, si elles entendent soulever des moyens nouveaux, les consigner dans un mémoire écrit. Le juge, qui ne saurait accueillir de tels moyens sans avoir mis le défendeur à même de prendre connaissance du mémoire qui les invoque, peut, compte tenu de ces nouveaux éléments, décider que la clôture de l'instruction n'interviendra pas à l'issue de l'audience mais la différer à une date dont il avise les parties par tous moyens. S'il décide de tenir une nouvelle audience, l'instruction est prolongée jusqu'à l'issue de cette dernière.
4. Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, pour annuler la procédure de passation attaquée devant lui, s'est fondé sur un moyen tiré de ce que l'accord-cadre en litige ne pouvait être passé dans le cadre d'une procédure négociée. En se fondant sur ce moyen soulevé à l'audience, qui n'a pas été consigné dans un mémoire écrit, il a entaché son ordonnance d'une irrégularité.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Nantes Métropole est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2142-16 du code de la commande publique : " L'acheteur qui entend limiter le nombre de candidats indique, dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt, les critères objectifs et non-discriminatoires qu'il prévoit d'appliquer à cet effet, le nombre minimum de candidats qu'il prévoit d'inviter et, le cas échéant, leur nombre maximum. "
8. Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, pour l'application de ces dispositions, d'assurer l'information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures. Par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats. Cette information appropriée des candidats n'implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures, sauf dans l'hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d'autres candidatures ou à retenir d'autres candidats.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier indiquant au groupement conjoint Dynamips - Infokey les motifs du rejet de sa candidature, que, dans son appréciation de la candidature du groupement au titre du critère n° 1 de sélection des candidatures relatif à la " qualité des références produites portant sur les prestations ayant un caractère similaire ", Nantes Métropole a notamment relevé que "Infokey s'appuie sur de nombreux partenaires mais Dynamips, le partenaire local, ne présente aucun client atteignant 1000 utilisateurs ". En retenant cet élément d'appréciation dont il n'est pas établi qu'il serait inexact, Nantes Métropole n'a pas, contrairement à ce que soutient la société Infokey, fait usage d'un critère de sélection ou d'une exigence minimale de capacité qui aurait dû être porté à la connaissance des candidats.
10. En second lieu, Nantes Métropole n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant, au titre du critère de sélection des candidatures intitulé " Composition et complémentarité de l'équipe ", que le nombre de profils proposés par les membres du groupement pour exécuter les prestations du marché était insuffisant.
11. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société Infokey devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes doit être rejetée.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Infokey la somme de 4 500 euros, au titre de l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 3 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Infokey devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : La société Infokey versera la somme de 4 500 euros à Nantes Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Nantes Métropole et à la société Infokey.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 septembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.
Rendu le 12 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin
La secrétaire :
Signé : Mme Pierrette Kimfunia
ECLI:FR:CECHS:2022:464074.20221012
La société Infokey a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par Nantes Métropole pour le marché de "fourniture-maintenance de postes de travail informatiques et d'équipements connectés avec une perspective de structuration de la filière locale de réemploi des équipements et matériels numériques" et en particulier la décision du 18 janvier 2022 de rejet de sa candidature.
Par une ordonnance n° 2204396 du 3 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a annulé cette procédure de passation.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 30 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Nantes Métropole demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Infokey ;
3°) de mettre à la charge de la société Infokey la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Nantes Métropole ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nantes que, par un avis d'appel public à la concurrence du 29 octobre 2021, Nantes Métropole a engagé une procédure négociée pour la passation d'un accord-cadre mono-attributaire de fourniture et de maintenance de postes de travail informatiques et d'équipements connectés, " avec une perspective de structuration de la filière locale de réemploi des équipements et matériels informatiques ". Par un courrier du 18 janvier 2022, le groupement constitué des sociétés Dynamips et Infokey a été informé par la métropole qu'il n'était pas admis à présenter une offre. Saisi par la société Infokey, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a annulé cette procédure de passation par l'ordonnance attaquée du 3 mai 2022.
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / (...) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ".
3. Les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative sont rendues à la suite d'une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d'assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Si les parties peuvent présenter en cours d'audience des observations orales à l'appui de leurs écrits, elles doivent, si elles entendent soulever des moyens nouveaux, les consigner dans un mémoire écrit. Le juge, qui ne saurait accueillir de tels moyens sans avoir mis le défendeur à même de prendre connaissance du mémoire qui les invoque, peut, compte tenu de ces nouveaux éléments, décider que la clôture de l'instruction n'interviendra pas à l'issue de l'audience mais la différer à une date dont il avise les parties par tous moyens. S'il décide de tenir une nouvelle audience, l'instruction est prolongée jusqu'à l'issue de cette dernière.
4. Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, pour annuler la procédure de passation attaquée devant lui, s'est fondé sur un moyen tiré de ce que l'accord-cadre en litige ne pouvait être passé dans le cadre d'une procédure négociée. En se fondant sur ce moyen soulevé à l'audience, qui n'a pas été consigné dans un mémoire écrit, il a entaché son ordonnance d'une irrégularité.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Nantes Métropole est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2142-16 du code de la commande publique : " L'acheteur qui entend limiter le nombre de candidats indique, dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt, les critères objectifs et non-discriminatoires qu'il prévoit d'appliquer à cet effet, le nombre minimum de candidats qu'il prévoit d'inviter et, le cas échéant, leur nombre maximum. "
8. Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, pour l'application de ces dispositions, d'assurer l'information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures. Par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats. Cette information appropriée des candidats n'implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures, sauf dans l'hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d'autres candidatures ou à retenir d'autres candidats.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier indiquant au groupement conjoint Dynamips - Infokey les motifs du rejet de sa candidature, que, dans son appréciation de la candidature du groupement au titre du critère n° 1 de sélection des candidatures relatif à la " qualité des références produites portant sur les prestations ayant un caractère similaire ", Nantes Métropole a notamment relevé que "Infokey s'appuie sur de nombreux partenaires mais Dynamips, le partenaire local, ne présente aucun client atteignant 1000 utilisateurs ". En retenant cet élément d'appréciation dont il n'est pas établi qu'il serait inexact, Nantes Métropole n'a pas, contrairement à ce que soutient la société Infokey, fait usage d'un critère de sélection ou d'une exigence minimale de capacité qui aurait dû être porté à la connaissance des candidats.
10. En second lieu, Nantes Métropole n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant, au titre du critère de sélection des candidatures intitulé " Composition et complémentarité de l'équipe ", que le nombre de profils proposés par les membres du groupement pour exécuter les prestations du marché était insuffisant.
11. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société Infokey devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes doit être rejetée.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Infokey la somme de 4 500 euros, au titre de l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 3 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Infokey devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : La société Infokey versera la somme de 4 500 euros à Nantes Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Nantes Métropole et à la société Infokey.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 septembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.
Rendu le 12 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin
La secrétaire :
Signé : Mme Pierrette Kimfunia