Le Conseil constitutionnel a été saisi de trois recours, émanant pour les deux premiers de plus de soixante députés chacun et pour le dernier de plus de soixante sénateurs, contre la loi de finances pour 2018.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I/ Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, la loi de finances déférée méconnaîtrait le principe de sincérité de la présentation des ressources et des charges de l'Etat garanti par l'article 32 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Il sera relevé sur ce point que, dans son avis n° HCFP-2017-4 du 24 septembre 2017 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2018, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que les hypothèses faites en matière de recettes étaient prudentes et qu'un « effort visant à une budgétisation plus réaliste » avait été fait sur le budget de l'Etat. Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi de finances, le Gouvernement a notamment tiré les conséquences de l'audit conduit par la Cour des comptes au mois de juin 2017, qui avait mis en lumière 4,2 milliards d'euros de sous-budgétisations sous-jacentes à la loi de finances initiale pour 2017. Il n'y a donc eu aucune intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances, selon le critère de la sincérité fixé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-448 DC du 1er août 2001 (cons. 60).
Le recours identifie plus particulièrement un certain nombre de prévisions de recettes et de dépenses comme « trompeuses et faussées » ; ainsi par exemple en matière de lutte contre la fraude, de transition écologique, d'immigration, ou s'agissant du secteur énergétique public. Ces allégations ne sont, cependant, nullement étayées. Comme l'exige l'article 32 de la LOLF, le Gouvernement s'est fondé sur les informations disponibles et a tenu compte des prévisions qui pouvaient raisonnablement en découler. Quant à l'évaluation des effets des réformes fiscales prévues par le projet, et notamment de l'instauration du prélèvement forfaitaire unique et de l'impôt sur la fortune immobilière, elle a reposé sur les méthodes usuelles.
Le grief sera écarté dans ses différentes branches.
II/ Le I, 6° de l'article 5 de la loi déférée rétablit au sein du code général des impôts (CGI) un article 1414 C pour y prévoir que les redevables de la taxe d'habitation dont le montant des revenus retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu n'excède pas le niveau visé au 2 du II bis ajouté à l'article 1417 par le 8° du même paragraphe - soit la somme de 28 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 500 euros pour chacune des deux premières demi-parts et 6 000 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième - bénéficient, pour leur résidence principale, d'un dégrèvement d'office. En vertu des dispositions combinées du 2 du I et du 7° du II de l'article 1414 C, le montant de ce dégrèvement sera égal à 30 % en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020, de la cotisation de taxe d'habitation de l'année d'imposition, déterminée, sauf exceptions, en retenant le taux global d'imposition et les taux ou le montant, lorsqu'ils sont fixés en valeur absolue, des abattements appliqués pour les impositions dues au titre de 2017. Un mécanisme de lissage, en fonction du niveau de revenu, accompagne le dispositif au 3 du I de l'article 1414 C.
Les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs requérants soulèvent, à l'encontre de ces dispositions, deux séries de griefs.
1°/ Le produit de la taxe d'habitation étant affecté aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, il est soutenu en premier lieu qu'elles portent atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Mais ce grief est infondé.
Le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution impose que, dans les conditions fixées par une loi organique, les recettes fiscales et les autres ressources propres représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de leurs ressources ; l'article LO 1114-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) a traduit cette exigence par la règle suivant laquelle, pour chaque catégorie, la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003, soit 60,8 % pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale. En 2015, le ratio d'autonomie atteignait pour elles 68,6 %.
Or la mesure critiquée prenant la forme d'un dégrèvement, elle est dépourvue de tout effet sur le montant des ressources propres des communes et de leurs groupements : le fait qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1960, 1 et 1641, I-A-c du CGI, l'Etat se substitue au redevable pour le paiement de tout ou partie de la cotisation de taxe d'habitation ne retire pas à cette dernière son caractère de produit d'une imposition au sens de l'article LO 1114-2 du CGCT (cf. notamment la décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004, cons. 25, à propos de la prise en charge, par l'Etat, d'un crédit de taxe professionnelle). Il n'en serait allé différemment que si le législateur avait prévu un dispositif d'exonération, même compensé financièrement pour les collectivités. Tel n'est pas le cas de la loi de finances déférée.
Il y a lieu d'observer en outre que, d'une part, il ne résulte ni de l'article 72-2 de la Constitution, ni d'aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d'une autonomie fiscale (décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 64) et en particulier d'un pouvoir de taux et que, d'autre part et en tout état de cause, les bases imposables sur lesquelles s'exerce le pouvoir de décision des collectivités comprennent celles qui font l'objet d'un dégrèvement. Les dispositions litigieuses n'affectent donc en rien les prérogatives des communes en matière de taxe d'habitation, sans qu'il puisse être utilement soutenu que ce pouvoir sera en pratique affaibli du fait de la moindre acceptabilité politique d'une éventuelle hausse des taux.
2°/ a) Les requérants font encore reproche à la mesure, qui bénéficiera à près de 80 % des foyers fiscaux, d'introduire une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques garantie par l'article 13 de la Déclaration de 1789. Ils se prévalent notamment de la décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 (cons. 77 et suivants) par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution des dispositions instituant une contribution carbone sur certains produits énergétiques, selon un tarif fixé en fonction de la quantité de dioxyde de carbone émis, mais assorties de régimes d'exemption totale d'une ampleur telle qu'ils créaient une rupture d'égalité.
Ce précédent est cependant dépourvu de pertinence. Contrairement à la contribution carbone, qui avait le caractère d'un impôt incitatif poursuivant un objectif de lutte contre le changement climatique à raison duquel la concentration de la charge fiscale sur des produits n'y contribuant que marginalement était de nature à porter atteinte au principe d'égalité, la taxe d'habitation est pour les communes et leurs groupements un impôt de rendement.
Or il est de jurisprudence constante que le législateur est libre de déterminer le champ d'un impôt de rendement pour autant qu'il se fonde sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les objectifs qu'il s'assigne. Le Conseil constitutionnel a, ainsi, tout récemment rappelé qu'il est loisible au législateur, lorsqu'il institue un tel impôt, de ne pas le faire reposer sur l'ensemble des contribuables à la condition de ne pas créer de différence de traitement injustifiée (décision n° 2017-755 DC du 29 novembre 2017, cons. 33) et il sera rappelé que l'impôt sur la fortune, en raison du seuil de montant de patrimoine, ou la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, du fait du dégrèvement dit « barémique » qui est à la charge de l'Etat, pèsent sur une très faible proportion de foyers ou d'entreprises, respectivement.
S'agissant de la taxe d'habitation elle-même, les données relatives à l'année 2016 font ressortir que, pour 28,18 millions de résidences principales imposables, seuls 54,8 % des redevables la payaient alors à taux plein, 17,6 % n'en payant aucune parce qu'ils étaient exonérés ou bénéficiaient d'un dégrèvement total, les 27,6 % restants bénéficiant d'un dégrèvement partiel. En outre, loin que le critère du revenu soit étranger à la taxe d'habitation, il est d'ores et déjà mis en œuvre pour les régimes d'exonération ou de dégrèvement en vigueur, et n'est pas sans liens avec l'assiette de l'imposition, définie par référence à la valeur locative qui est représentative d'une capacité contributive. Les critères mis en œuvre apparaissent ainsi objectifs et rationnels.
b) Il est également soutenu qu'en faisant peser la charge sur un nombre restreint de contribuables, la réforme fait peser sur eux une charge manifestement excessive au regard de leurs facultés contributives. Mais, d'une part, les dispositions critiquées laissent inchangé le montant de leur cotisation de taxe d'habitation, le mécanisme du dégrèvement n'entraînant qu'une substitution de l'Etat à ceux qui en bénéficient. D'autre part, toute éventuelle hausse des taux serait supportée par l'ensemble des redevables, le dégrèvement nouvellement institué étant calculé sur la base des taux et abattements appliqués pour les impositions dues au titre de 2017.
c) Les députés requérants font valoir que le barème fixé pour bénéficier de la mesure serait contraire au principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'ainsi que cela a été rappelé plus haut, le seuil du revenu fiscal de référence est augmenté de 8 000 euros pour les deux premières demi-parts supplémentaires mais de 6 000 euros seulement à compter de la troisième demi-part. Mais outre qu'un tel dispositif n'est pas sans précédents (voir ainsi, pour la taxe d'habitation précisément, les dispositions du II de l'article 1417 actuellement en vigueur), il procède du constat que les charges de famille, notamment les charges liées à l'occupation d'un logement, n'augmentent pas linéairement. L'impôt sur le revenu pondère certes de la même manière toutes les personnes à charge, mais assortit cette pondération d'un plafonnement du quotient familial qui a le même effet. Loin de déroger au principe d'égalité, la disposition critiquée en assure ainsi le respect.
d) Enfin la mesure ne saurait être regardée, comme le soutiennent les sénateurs requérants, comme créant une rupture d'égalité entre les communes. S'il est exact que, suivant les caractéristiques sociales de leur population, le dégrèvement d'office concernera une proportion plus ou moins grande des redevables de la taxe d'habitation, leurs recettes fiscales resteront, dans tous les cas, inchangées.
Aux yeux du Gouvernement, aucun des griefs soulevés contre l'article 5 de la loi déférée n'est donc fondé.
III/ L'article 28 de la loi déférée instaure un prélèvement forfaire unique d'imposition des revenus mobiliers perçus par les personnes physiques (PFU), au taux de 30 %, prélèvements sociaux compris. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent qu'il serait contraire, à deux égards, aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques.
1°/ Selon les requérants, le traitement identique des revenus et gains de cession de valeurs mobilières d'une part, des revenus du travail d'autre part, serait un corollaire nécessaire du principe d'égalité devant les charges publiques. Mais la différence de traitement instituée entre les revenus du capital mobilier, soumis à une imposition à taux proportionnel, et les autres catégories de revenus, soumis au barème progressif, trouve sa justification dans la différence de nature entre ces revenus, qui procèdent au demeurant de facteurs de production dont les caractéristiques ne sont pas les mêmes, en termes par exemple de mobilité internationale. Elle est ainsi fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi, qui est d'assurer une meilleure lisibilité et prévisibilité du traitement fiscal des produits et gains de cession générés par les investissements mobiliers des particuliers.
2°/ Il est allégué en second lieu par le recours que le PFU remet en cause le caractère progressif de l'imposition globale du revenu des personnes physiques et porte par là atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.
Il est vrai que, sans être consacrée en tant que telle comme principe de valeur constitutionnelle, la progressivité de l'imposition globale du revenu est un élément du contrôle, par le Conseil constitutionnel, du respect, par le législateur, des exigences inhérentes à l'égalité devant les charges publiques (voir notamment la décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993, cons. 29 à 32, à propos de la déductibilité d'une fraction de la CSG, la décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997, cons. 23 à 25, à propos de l'exonération des versements des salariés au régime complémentaire d'épargne retraite par capitalisation, ou enfin la décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, cons. 25 à 28, à propos d'une disposition soumettant les prestations de retraite versées sous forme de capital à un taux de prélèvement libératoire de 7,5 %).
En l'espèce toutefois, dès lors que les autres catégories de revenus demeurent soumises au barème progressif de l'impôt sur le revenu et que les contribuables disposeront de la faculté d'opter pour l'imposition de leurs revenus mobiliers selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu, le grief ne saurait être retenu. Dans la décision mentionnée ci-dessus du 28 juillet 2011, le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs admis la soumission à un barème proportionnel de certaines catégories de revenus. La circonstance qu'il a ultérieurement, dans la décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 (cons. 50), jugé conforme à la Constitution l'assujettissement au barème de l'IR des revenus de capitaux mobiliers, assorti d'un certain nombre d'aménagements et de dispositifs dérogatoires, n'invalide nullement la solution.
Les griefs dirigés contre l'article 28 pourront donc être écartés.
IV/ Les trois recours visent les dispositions de l'article 31 supprimant l'impôt sur la fortune (ISF) et instituant, aux articles 964 et suivants du CGI, un impôt sur la fortune immobilière (IFI).
1°/ La réforme est d'abord contestée dans son principe, en ce que l'IFI nouvellement institué frappe spécifiquement les actifs immobiliers alors, selon les députés auteurs des deux premières saisines, que rien ne justifierait, s'agissant d'une imposition sur le patrimoine, de les traiter différemment des autres éléments de celui-ci, et notamment des valeurs mobilières. La distinction ainsi établie caractériserait, faute que les investissements immobiliers puissent être regardés comme moins productifs ou moins risqués par nature, une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques consacré par l'article 13 de la Déclaration de 1789.
Le Gouvernement ne partage nullement cet avis.
Il y a lieu d'observer, d'une part, que contrairement à ce qui est soutenu, l'IFI est un impôt de rendement. Si la suppression concomitante de l'ISF doit améliorer le financement de l'économie, son objet propre est de procurer des ressources budgétaires à l'Etat.
Or, d'autre part, le législateur détermine librement, selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, le champ et l'assiette d'un impôt de rendement pour autant que le périmètre retenu procède de critères objectifs et rationnels en rapport avec les objectifs qu'il s'assigne (en ce sens notamment la décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984, cons. 17, à propos d'une disposition soumettant les institutions financières à une contribution annuelle, la décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, cons. 26, concernant un nouvel article 302 bis KH du CGI instituant une taxe à la charge des opérateurs de communications électroniques, ou encore la décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 110 à 112, s'agissant d'une contribution complémentaire à la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance) et que la base imposable soit représentative d'une capacité contributive, appréciée selon des règles tenant compte des caractéristiques de l'impôt (cf. la décision n° 133-181 DC du 30 décembre 1981, cons. 6 et 7, à propos de l'impôt sur les grandes fortunes, ou la décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, cons. 6, à propos de l'impôt sur la fortune).
Il était donc loisible au législateur d'instituer un impôt frappant la capacité contributive que confère aux personnes physiques la détention d'un patrimoine foncier constitué de biens et droit immobiliers. Eu égard au but qu'il se propose, les placements mobiliers ne pouvaient qu'être exclus de l'assiette, sans qu'il y ait lieu de distinguer, parmi eux, entre ceux qui sont risqués et les autres et sauf à ce que leur sous-jacent direct ou indirect soit constitué de biens ou droits immobiliers ; de même et contrairement à ce qui est soutenu, les objets d'antiquité, d'art ou de collection n'auraient pu valablement y être inclus.
Ce premier grief sera donc écarté.
2°/ Au sein même des actifs immobiliers, les choix faits par le législateur dans la définition de l'assiette de l'IFI sont ensuite critiqués sur sept points par les députés et les sénateurs requérants.
Il sera rappelé au préalable que, pour des raisons de cohérence, le principe général posé à l'article 965 du CGI résultant du I, A de l'article 31 de la loi de finances déférée, est que l'assiette de l'impôt est constituée non seulement des biens et droits immobiliers appartenant aux redevables, mais aussi de leurs parts ou actions dans des sociétés et organismes détenant directement ou indirectement de tels biens et droits immobiliers, à hauteur de la fraction de leur valeur qui en est représentative.
a) A ce principe, le a du 2° du nouvel article 965 apporte une dérogation en prévoyant que ne sont pas retenus pour le calcul de cette fraction les immeubles affectés à l'exploitation de la société opérationnelle, c'est-à-dire ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, qui les détient, et ceci quelle que soit l'activité de la société dans laquelle le redevable détient des titres. Ce prolongement de la traditionnelle exonération, figurant à l'article 975, de l'outil de travail du contribuable, qui existait pour l'IGF et avait été jugée conforme à la Constitution (décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, cons. 6 à 10), trouve sa limite dans le cas où les immeubles sont donnés à bail à un tiers par la société dont il détient directement ou indirectement des titres. Contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, l'exception du bien professionnel est alors sans objet et c'est donc sans méconnaître le principe d'égalité que le législateur ne les en a pas fait bénéficier alors même que l'entité locataire exercerait également une activité opérationnelle (décision n° 2016-743 DC du 29 décembre 2016, paragraphes 21 et 22).
b) Le 3° de ce même article 965 précise qu'aucun rehaussement ne sera effectué si le redevable, de bonne foi, démontre qu'il n'était pas en mesure de disposer des informations nécessaires à l'estimation de la fraction de la valeur des parts ou actions représentative de biens ou droits immobiliers qu'il détient indirectement. Les sénateurs requérants soutiennent que cette notion est insuffisamment précise et méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi (décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. 9).
Mais cette disposition est la contrepartie nécessaire de la taxation de principe des actifs immobiliers indirectement détenus. Elle ne s'expose pas à la critique qui lui est faite, les termes de la loi étant clairs et imposant aux redevables de justifier par tous moyens de preuve des diligences qu'ils auront accomplies pour recueillir ces informations. Enfin par sa décision n° 2016-743 DC du 29 décembre 2016 (paragraphes 18 à 22), le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 3° de l'article 29 de la loi n° 2016-1918 de finances rectificative pour 2016 introduisant à l'article 885 O ter du CGI des dispositions identiques concernant l'ISF et la notion de biens professionnels.
c) L'article 968 règle le sort des actifs immobiliers faisant l'objet d'un démembrement de propriété, pour prévoir, à titre de principe, qu'ils sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier pour leur valeur en pleine propriété mais qu'il en va différemment lorsque, notamment, la constitution de l'usufruit résulte, comme il est dit au 1°, de l'application de l'article 757 du code civil, de l'article 767 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, ou de l'article 1098 du même code ; dans ces diverses hypothèses, l'imposition est répartie entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, les actifs concernés étant compris dans les patrimoines de l'un et de l'autre suivant les proportions fixées par l'article 669 du CGI en fonction de l'âge de l'usufruitier.
Cette ligne de partage, critiquée tant par les députés auteurs de la deuxième saisine que par les sénateurs requérants comme contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, à l'obligation pour le législateur d'épuiser la compétence que lui donne l'article 34 de la Constitution, aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques et au droit de propriété, résulte des considérations suivantes.
Les diverses hypothèses, mentionnées ci-dessus, visées au 1° de l'article 968 sont celles dans lesquelles la constitution de l'usufruit procède, non pas d'un acte du plein propriétaire initial, mais directement des prévisions de la loi civile, qui l'impose en particulier, dans des conditions et sous des réserves qui ont évolué avec la loi du 3 décembre 2001, pour le conjoint survivant en cas de décès de son époux laissant des enfants ou descendants, ainsi qu'en disposait jusqu'alors l'article 767 du code civil et qu'en dispose, depuis lors, l'article 757, ou qui la permet, sur décision des enfants qui ne sont pas issus des deux époux, à l'article 1098. Dans ces différents cas, rien ne justifierait que le démembrement de la propriété ne se traduise pas, pour l'imposition à l'IFI, par la répartition de l'assiette entre usufruitier et nu-propriétaire. Il sera observé à cet égard, s'agissant du nu-propriétaire, qu'ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, la circonstance que le bien ne soit pas productif de revenus ne fait pas obstacle à ce qu'il soit pris en compte dans la détermination de la capacité contributive (cf. en ce sens la décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, cons. 11 et la décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 90). En outre et contrairement à ce qui est soutenu, ne saurait être opposée la décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 (cons. 24 à 28), qui avait jugé contraire à la Constitution une disposition qui, dans une hypothèse particulière, imposait la prise en compte, dans le calcul de l'ISF du nu-propriétaire, de la valeur du bien en pleine propriété, ce que ne prévoit pas la loi déférée.
Dans les autres cas, c'est-à-dire pour les usufruits conventionnels (résultant en particulier d'une donation) ou testamentaires (article 1094-1 du code civil), le démembrement de propriété procède d'un acte délibéré du propriétaire initial. Cette particularité caractérise une différence de situation qui justifie une différence de traitement, les règles d'assiette laissant alors à l'entière charge de l'usufruitier l'IFI afférent au bien concerné.
L'article 968 du CGI ne se différencie pas, sur ce point, des règles anciennement applicables à l'IGF et à l'ISF, pour lesquels elles avaient été jugées conformes à la Constitution (décision n° 81-133 DC du 30 décembre 1981, cons. 10 à 12). Il ne s'en distingue pas non plus sur le traitement de l'usufruit légal, à ceci près toutefois que, lors du déplacement, en 2001, des dispositions relatives au conjoint survivant de l'article 767 à l'article 757 du code civil, les règles fiscales de l'article 885 G du CGI n'avaient pas été adaptées en conséquence, de sorte que depuis lors, les nus-propriétaires concernés ne supportaient aucune charge d'ISF au titre de ces biens. C'est la raison pour laquelle, au titre des dispositions transitoires, le A du IX de l'article 31 de la loi de finances déférée prévoit que la règle de répartition de l'imposition ne s'appliquera, pour les démembrements relevant de l'article 757, qu'à ceux opérés à compter du 1er janvier 2018.
Il apparaît ainsi que les dispositions critiquées, qui ne méconnaissent pas l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et par lesquelles le législateur a pleinement exercé sa compétence, ne méconnaissent ni le principe d'égalité ni le droit de propriété.
d) Les sénateurs requérants critiquent également les dispositions de l'article 971 du CGI réputant compris dans le patrimoine du preneur, qu'il s'agisse du redevable lui-même ou d'une société dont il détient des parts, les actifs immobiliers faisant l'objet d'un contrat de crédit-bail, pour une valeur qui s'entend sous déduction du montant des loyers et de l'option d'achat restant à courir jusqu'à l'expiration du bail. S'il est exact que le crédit-preneur ne dispose sur le bien d'aucun droit réel, il s'agit d'éviter une différence de traitement artificielle avec le cas du propriétaire qui a emprunté pour acquérir le bien. Loin de méconnaître le principe d'égalité, la disposition tend à en assurer la mise en œuvre, étant observé qu'ainsi que cela a été précédemment rappelé, la prise en compte de la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et de droits n'implique pas que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l'assiette de l'impôt (décisions n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, cons. 11 et n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 90).
e) C'est de la même préoccupation que procède l'article 972, en vertu duquel est incluse dans le patrimoine immobilier taxable du redevable la fraction de la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie ou de capitalisation qu'il a souscrits représentative des unités de compte constituées de droits et biens immobiliers ou de parts de sociétés ou organismes détenant directement ou indirectement de tels biens, et en particulier de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ou d'organismes de placement collectif immobilier (OPCI) - investissements dits « pierre-papier ». Il est vrai qu'ainsi que le soutiennent les sénateurs requérants, les souscripteurs ne possèdent aucun droit réel sur ces actifs immobiliers, qui n'entrent pas dans leur patrimoine puisqu'ils sont la propriété de l'entreprise d'assurance et ne déterminent que la somme que celle-ci leur devra, égale à la contrevaleur en euros de ces unités de compte. Il apparaît cependant plus conforme au principe d'égalité de traiter comme le propriétaire direct ou indirect le souscripteur qui, en l'absence même de droits réels, recueille les produits des actifs immobiliers constituant le sous-jacent des unités de compte de son contrat d'assurance-vie ou de capitalisation.
f) Les propriétés en nature de bois et forêts et parts de groupements forestiers agricoles sont, en vertu des I et II de l'article 976, exonérés, comme auparavant au titre de l'ISF en vertu de l'article 885 H, à hauteur des trois quarts de leur valeur imposable. La différence de traitement, par rapport aux autres actifs immobiliers, répond au motif d'intérêt général tiré de la nécessité de ne pas fragiliser un secteur dans lequel les rendements sont particulièrement faibles et dont l'importance, dans le contexte notamment de la transition écologique, a été reconnue par plusieurs plans de soutien. L'article 793 du CGI les exonère, de même, de droits de mutation à titre gratuit depuis 1930, afin de favoriser une gestion responsable et d'éviter une surexploitation des forêts.
g) Enfin au titre des règles de calcul de l'impôt, le I de l'article 973 prévoit un abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle des immeubles occupés à titre de résidence principale par leur propriétaire. Cette règle, qui n'est pas nouvelle, poursuit l'objectif d'intérêt général d'encourager l'accession à la propriété pour la résidence principale.
3°/ Les règles déterminant, à l'article 974 créé par l'article 31 de la loi de finances déférée, les dettes prises en compte pour le calcul de l'actif net, sont contestées sur trois points.
a) Selon les sénateurs requérants, portent une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques les dispositions du II prévoyant que les dettes correspondant à des prêts contractés pour l'achat d'un bien ou droit immobilier imposable mais prévoyant le remboursement du capital au terme du contrat sont néanmoins déductibles chaque année à hauteur du montant total de l'emprunt diminué d'une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre d'années écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre d'années total de l'emprunt. Il est soutenu à cet égard que si la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales sont des objectifs de valeur constitutionnelle et s'il est loisible au législateur de prendre des dispositions pour faire obstacle à des montages juridiques destinés à éluder une imposition, il ne peut en revanche instituer une présomption irréfragable en omettant de permettre aux contribuables, par une clause de sauvegarde, de démontrer que leurs choix ne répondent pas à une pure préoccupation d'optimisation fiscale (en ce sens notamment la décision n° 2014-437 QPC du 20 janvier 2015, cons. 10).
En l'espèce toutefois, la disposition critiquée a moins le caractère d'une règle anti-abus que celui d'une règle d'assiette qui tend à restituer à l'opération sa réalité économique ; sans remettre en cause la déductibilité de l'emprunt, elle se borne à déterminer le rythme suivant lequel il est déductible. Il en va de même pour les prêts ne prévoyant pas de terme pour le remboursement du capital, visés au second alinéa du même paragraphe.
b) En ce qui concerne, en deuxième lieu, les dettes contractées auprès des membres du foyer fiscal, le 1° du III prévoit qu'elles ne sont pas déductibles. Cette neutralisation des flux internes, contestée par les députés auteurs de la deuxième saisine, résultait pour l'ISF de la construction même de l'impôt, et fait directement écho, pour l'IFI, à l'article 964 prévoyant que les membres font l'objet d'une imposition commune. La dette d'un membre du foyer envers un autre membre du foyer n'étant dès lors rien d'autre que la dette du redevable envers lui-même, elle ne saurait être déduite.
c) Présente en revanche le caractère d'une disposition anti-abus la règle énoncée au IV de l'article 974 et suivant laquelle, lorsque la valeur des biens et droits immobiliers entrant dans l'assiette de l'impôt excède 5 millions d'euros et que le montant total des dettes admises en déduction, en application du droit commun, au titre d'une même année d'imposition excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil n'est admis en déduction qu'à hauteur de 50 % de cet excédent. Une clause de sauvegarde ayant été prévue par le législateur au second alinéa du paragraphe, c'est, notamment, l'effet de seuil s'attachant au mécanisme qui, selon le recours des sénateurs et celui des députés auteurs de la première saisine, caractériserait une rupture de l'égalité devant les charges publiques.
Il y a cependant lieu d'observer que s'il est arrivé au Conseil constitutionnel de déclarer une disposition contraire, pour ce motif, à la Constitution (décision n° 2015-498 QPC du 20 novembre 2015, cons. 7), il n'exerce en la matière qu'un contrôle restreint, ne sanctionnant que des effets de seuil manifestement disproportionnés (pour des réitérations récentes voir les décisions n° 2017-638 QPC du 16 juin 2017, paragraphe 7, à propos des conditions requises pour bénéficier d'un sursis d'imposition et n° 2017-755 DC du 29 novembre 2017, paragraphe 38, à propos des contributions exceptionnelle et additionnelle mises à la charge des redevables de l'impôt sur les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard d'euros et trois milliards d'euros, respectivement). Eu égard aux montants en cause et aux taux d'imposition à l'IFI, l'effet de seuil litigieux, qui est inhérent au dispositif, n'est nullement de nature à créer une rupture caractérisée d'égalité devant les charges publiques.
4°/ Selon l'article 885 I bis du CGI en vigueur, les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont, à concurrence des trois quarts de leur valeur, pas comprises dans les bases d'imposition à l'ISF sous réserve du respect de certaines conditions ; parmi celles-ci figure, au d), un délai global de conservation de ces parts ou actions pendant une durée d'au moins six ans.
Comme en conviennent les sénateurs requérants, l'abrogation, au 1er janvier 2018, des dispositions relatives à l'ISF, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre à des redevables ayant des engagements de conservation en cours de se soustraire à cette condition. L'exonération d'ISF au titre des années passées ne leur sera définitivement acquise que pour autant qu'ils les respectent jusqu'au terme initialement prévu, sans qu'aucun obstacle constitutionnel y fasse obstacle.
Le recours fait cependant valoir que, dans la mesure du moins où les sociétés en cause détiendraient directement ou indirectement des actifs immobiliers qui ne sont pas affectés à leur exploitation, ces parts ou actions entreront, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative desdits actifs, dans l'assiette de l'IFI du redevable. Il y aurait là une atteinte aux effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations légalement acquises, et donc à la garantie des droits de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, cons. 13 à 20). Force est toutefois d'observer que l'ISF et l'IFI sont des impositions distinctes et que les contribuables ne sauraient se prévaloir d'une attente légitime à ce que des biens exonérés d'ISF le soient également de tout autre impôt existant ou à venir. Le grief sera donc écarté.
5°/ L'article 979 institue une règle de plafonnement en vertu de laquelle l'impôt sur la fortune immobilière du redevable est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus au titre des revenus et produits de l'année précédente et, d'autre part, 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l'année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire. Ces dispositions sont identiques à celles, applicables à l'ISF, qui figurent à l'article 885 V bis du CGI et qui ont été déclarées conformes à la Constitution (décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 87 à 97) ; en particulier, dans un cas comme dans l'autre, les pensions alimentaires ne sont pas déduites des revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement. Les députés auteurs de la première saisine font certes valoir que ces pensions, ou du moins celles dont le versement était ordonné ou homologué par le juge judiciaire, étaient en revanche déductibles du patrimoine imposable à l'ISF, pour leur valeur capitalisée, et qu'il en va différemment au titre de l'IFI. Il n'en reste pas moins que le législateur a pu prévoir que ces dépenses, qui ne font pas partie des dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu, ne seraient pas déduites de celui-ci pour le calcul du plafonnement de cet impôt. L'atténuation du plafonnement qui en résulte ne saurait caractériser une rupture d'égalité devant les charges publiques.
6°/ Quant au moyen tiré de ce que l'entrée en vigueur, dès le 1er janvier 2018, des dispositions de l'article 31 de la loi de finances déférée ne permet pas aux intéressés de procéder à des arbitrages patrimoniaux et de réinvestir leur épargne dans des actifs non soumis à imposition, il ne saurait prospérer : le droit de disposer librement de son patrimoine, attribut essentiel du droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 (décision n° 96-363 DC du 9 avril 1996, cons. 20 à 22), n'en est, en tout état de cause, nullement affecté.
Aucun des griefs articulés contre l'article 31 n'étant fondé, le Conseil constitutionnel pourra constater que cet article est conforme à la Constitution.
V/ Au titre de la taxation des biens somptuaires, les articles 33, 34 et 36 de la loi de finances déférée alourdissent la charge fiscale pesant, respectivement, sur les navires de plaisance et de sport d'une longueur égale ou supérieure à 30 mètres et d'une puissance propulsive égale ou supérieure à 750 kW par une augmentation du montant du droit annuel de francisation et de navigation, sur les véhicules dont la puissance excède 36 chevaux-vapeur par la création d'un prélèvement supplémentaire à la taxe additionnelle sur l'immatriculation et sur les voitures d'occasion d'une puissance excédant 10 chevaux-vapeur par une modification du barème de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation.
1°/ Les requérants soutiennent que les dispositions des articles 33 et 34 sont contraires au principe d'égalité devant les charges publiques en ce que le critère d'imposition retenu, c'est-à-dire la puissance fiscale, ne constituerait pas un critère rationnel en rapport avec les objectifs poursuivis par le législateur faute d'être en rapport avec la valeur vénale du navire ou du véhicule.
Ce grief est infondé.
Conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables. Dans un objectif de rendement budgétaire, le législateur peut ainsi décider de prendre comme critère d'imposition la puissance fiscale des véhicules et fixer une limite inférieure d'assujettissement. Au demeurant, si, s'agissant par exemple des voitures, tous les véhicules onéreux ne sont pas d'une puissance supérieure à 36 chevaux fiscaux, tous les véhicules de cette puissance sont onéreux ; le critère, qui présente en outre des vertus de simplicité de gestion, est d'autant plus pertinent que, lors de la revente de ces véhicules en occasion, leur puissance fiscale et leur catégorie leur permettent une bien moindre décote, à la différence des véhicules de faible puissance. Il en va de même pour les navires de plaisance et de sport d'une longueur supérieure à 30 mètres et d'une puissance propulsive supérieure à 750 kW, qui sont des biens peu courants et onéreux.
2°/ A l'appui de leur contestation de l'article 36 relatif aux véhicules d'occasion, les sénateurs requérants indiquent que le critère de la puissance fiscale n'est pas pertinent dès lors qu'il concerne, compte tenu du seuil à partir duquel la taxe s'applique, une très grande variété de véhicules.
Cette objection ne saurait prospérer.
En effet, le législateur, en assujettissant à la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules la revente des véhicules dont la puissance excède 10 chevaux fiscaux, a entendu inciter les automobilistes à choisir des véhicules moins puissants pour une mobilité plus sobre en énergie. Il a pu choisir la limite de 10 chevaux-fiscaux, en-deçà de laquelle se trouvent les véhicules les moins émetteurs de CO2. Cette limite concernera aussi bien les véhicules conventionnels que les véhicules hybrides. Il est à souligner sur ce point que ces derniers, alors qu'ils échappent au malus applicable aux voitures les plus polluantes lors de leur première immatriculation, pourront se trouver assujettis à la nouvelle taxe compte tenu de leur puissance fiscale, cette dernière tenant compte du fait qu'ils ne roulent pas toujours en mode électrique et polluent alors autant que des véhicules conventionnels.
Les articles 33, 34 et 36 de la loi déférée sont donc conformes à la Constitution.
VI/ Parmi les diverses mesures de l'article 41, deux sont contestées par les sénateurs requérants.
1°/ Le II de cet article modifie l'article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 qui avait fixé les conditions financières d'accompagnement du renforcement, par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, du rôle des régions en matière de développement économique, domaine dans lequel elles ont la responsabilité exclusive de définir des orientations, et d'aides aux entreprises, qu'elles sont désormais, pour la plupart, seules habilitées à attribuer.
L'article 149 avait ainsi prévu, d'une part, un fonds de soutien exceptionnel de 450 millions d'euros et, d'autre part, l'attribution aux régions d'une fraction de TVA nette, à hauteur d'un ratio au numérateur duquel figuraient notamment diverses dotations dont ce fonds de soutien exceptionnel, qui trouvait ainsi une forme de pérennisation. C'est sur cette dernière mesure que revient la disposition en cause, qui selon le recours porterait atteinte à l'obligation, imposée par le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution et rappelée à l'article 1614-1-1 du CGCT, d'accompagner de ressources déterminées par la loi toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales.
Mais il n'en est rien. D'une part, cette obligation constitutionnelle ne saurait trouver à s'appliquer pour des créations ou extensions de compétences n'entraînant, pour les collectivités concernées, aucune dépense obligatoire et leur donnant seulement la possibilité d'intervenir dans un domaine (décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, cons. 9) ; tel est précisément le cas des aides aux entreprises. D'autre part et en tout état de cause, le dynamisme du produit de la TVA, dont la progression est évaluée au niveau national à 2,4 % en 2018, assure aux régions, compte tenu même de la réforme critiquée, des ressources supplémentaires de l'ordre de 98 millions d'euros.
2°/ Le IX de l'article 41 procède à une nouvelle baisse de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et les sénateurs requérants voient là une méconnaissance des dispositions du cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, selon lequel la loi prévoit des mécanismes de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. Or tel n'est en aucun cas l'objet de la DCRTP, qui vise seulement à compenser le différentiel existant, lors du remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, entre le rendement de l'ancienne et celui des nouvelles impositions, afin de lisser les effets de la réforme ; elle n'a pas été conçue comme un mécanisme de péréquation et ne présente d'ailleurs pas les caractéristiques d'un tel mécanisme.
Les griefs dirigés contre l'article 41 pourront donc être écartés.
VII/ La modification, par l'article 89 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, de l'article 1599 bis du CGI a organisé le transfert aux régions du dynamisme de la ressource procurée par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : la fraction qui leur est attribuée a été portée de 25 à 50 %, cette mesure s'accompagnant, en contrepartie, du versement par les régions aux départements d'une dotation dont le montant correspond à 25 points du produit de la cotisation de 2016.
L'article 85 de la loi déférée se propose de fixer des règles différentes pour la région Auvergne-Rhône-Alpes en lui attribuant, eu égard aux spécificités que présente pour elle la présence sur son territoire de la métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier, une fraction de 25 % seulement du produit de la CVAE sur le territoire de la métropole, la quote-part de cette dernière passant corrélativement de 23,5 % à 48,5 %.
Ces spécificités tiennent aux compétences de la métropole de Lyon, qui vont au-delà de celles d'un département et de celles d'une métropole de droit commun. Outre qu'elle a conservé une clause de compétence générale à l'article L. 3642-1 du CGCT, elle a en matière économique, outre des missions générales comparables à celles des régions (conduite d'un projet d'aménagement et de développement économique à l'article L. 3611-2 ; promotion et rayonnement du territoire à l'article L. 3641-1, I-b), des attributions spéciales qui s'apparentent également aux leurs : elle intervient dans l'élaboration du schéma régional de développement économique et d'internationalisation des entreprises et peut, en cas de désaccord, élaborer son propre schéma d'orientations stratégiques (article L. 4251-15) ; elle peut subventionner des organismes de création et de reprise d'entreprises (article L. 1511-7), participer au capital de certaines sociétés (article L. 3641-1) et participer aux pôles de compétitivité (article L. 3641-1, I-b), autant de facultés qui ne sont, dans le droit commun, pas réunies dans le chef d'une même collectivité ni d'un même établissement public de coopération intercommunale.
Dans ces conditions, la présence de la métropole de Lyon place nécessairement la région dans une situation particulière, ses compétences en matière économique ne pouvant pas s'exercer sans tenir compte de la situation particulière de la métropole de Lyon, qui a symétriquement besoin de ressources plus importantes que les départements. La différence de traitement résultant de l'article 85, qui est au demeurant limitée - évaluée à 0,2 % des recettes de la région et 0,26 % des recettes de la métropole, est ainsi justifiée par une différence de situation. Le grief tiré par les députés auteurs de la première saisine et par les sénateurs requérants de l'atteinte au principe d'égalité sera donc écarté.
Contrairement à ce qui est soutenu, la disposition a par ailleurs sa place en loi de finances, comme l'avait celle qu'elle tend à modifier, en tant qu'elle touche aux conditions d'affectation d'une imposition. En outre, la modification de la répartition du produit de la CVAE a en effet un impact sur l'assiette de l'impôt, l'incidence des abattements votés par les deux collectivités concernées en étant affectée.
Les griefs articulés contre l'article 85 ne sont dès lors pas fondés.
VIII/ Les trois recours contestent les dispositions de l'article 126 de la loi déférée, dont le 4° du I prévoit en un article L. 442-2-1 nouveau du code de la construction et de l'habitation (CCH), pour les logements ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL) et gérés par des organismes d'habitations à loyer modéré, une réduction de loyer de solidarité appliquée aux locataires dont les ressources sont inférieures à un plafond, et dont le 2° du même paragraphe complète l'article L. 351-3 du CCH pour y disposer que le montant de l'APL est réduit, pour les bénéficiaires par ailleurs concernés par la mesure de l'article L. 442-2-1, à hauteur d'une fraction comprise entre 90 et 98 % de la réduction de loyer de solidarité.
A la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aucun des griefs soulevés n'apparaît cependant fondé.
1°/ Il est soutenu en premier lieu que les dispositions critiquées méconnaissent, à un double titre, le principe d'égalité devant la loi.
a) Serait d'abord instituée une différence de traitement injustifiée entre les bénéficiaires d'une APL et les autres locataires du parc social public, les seconds bénéficiant, comme les premiers, de la réduction de loyer de solidarité sans supporter, comme eux, la diminution d'une aide. Mais ce raisonnement ne saurait prospérer.
D'une part, en effet, c'est au regard de l'économie de chaque dispositif pris isolément qu'il y a lieu d'apprécier le respect du principe d'égalité. Or la mesure de réduction de loyer de solidarité imposée aux bailleurs s'applique en fonction d'un critère objectif et rationnel, en rapport avec l'objet de la loi, caractérisant une différence de situation entre locataires et tiré du niveau de leurs ressources, en fonction de la composition du foyer et de la zone géographique.
D'autre part, rien n'imposait de restreindre le champ de cette mesure pour le faire coïncider avec celui de la réduction des APL, dont les modalités d'attribution reposent sur un critère de ressources fixé à un niveau légèrement inférieur à celui de la réduction de loyer de solidarité, et dépendent en outre du montant du loyer, conformément à leur objet. Une superposition exacte des deux dispositifs n'aurait eu de sens que s'il s'était seulement agi de poursuivre un objectif budgétaire de réduction des dépenses. Tel n'est précisément pas le cas, l'article 126 de la loi déférée ayant pour objet de freiner, s'agissant des loyers du parc social public, l'effet inflationniste de certains instruments de la politique du logement dont celui des APL et, dans le cadre d'une réflexion plus large sur la bonne adaptation des niveaux de loyer aux ressources des ménages, d'améliorer l'accès des plus modestes au logement social.
b) C'est ensuite une rupture d'égalité entre bailleurs qui est mise en avant, les bailleurs sociaux étant seuls visés par la mesure de réduction de loyer de solidarité, par opposition aux bailleurs du parc privé.
Mais cette différence de traitement est justifiée par la différence de situation entre les premiers, qui assurent une mission de service public de logement des ménages les plus modestes et de mixité des populations qui est leur vocation même et qui leur impose des modalités d'exercice fortement réglementées, et les seconds, qui n'interviennent dans le logement social qu'à titre facultatif et accessoire. Elle est en outre en rapport direct avec l'objet de la mesure, qui est de garantir le maintien de l'accessibilité des logements sociaux aux publics auxquels ils sont destinés.
Quant aux logements-foyers conventionnés en application du 5° de l'article L. 351-2, qui sont également exclus du dispositif de l'article L. 442-2-1 nouveau du CCH par le 5° du I de l'article 126, ils s'adressent aux populations les plus fragiles qui relèvent d'un autre type de prise en charge et de mesures d'insertion sociale.
2°/ La deuxième série de griefs vise les conséquences de la réduction de loyer de solidarité pour les bailleurs concernés, dont l'équilibre financier serait remis en cause par une mesure portant une atteinte injustifiée aux contrats en cours et aux situations légalement acquises, en méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789.
Mais le Gouvernement ne partage pas ces analyses. Outre que le montant des loyers contractuellement défini n'est pas directement affecté par la mesure, qui est une aide attachée à la personne, dont l'attribution est soumise à des conditions dont le respect fait l'objet d'un examen régulier, la disposition contestée non seulement procède de la nécessité de garantir la maîtrise et l'équilibre des comptes publics, consacré comme un objectif à l'article 34 de la Constitution, mais se rattache en outre à l'objectif de valeur constitutionnelle de la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent (décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995, cons. 7). Ce double motif d'intérêt général est suffisant pour justifier les atteintes alléguées aux situations en cours.
Celles-ci sont au demeurant limitées dans leurs conséquences, compte tenu notamment de l'existence d'un mécanisme de lissage et de péréquation horizontale prévu par le d) du 10° du I de l'article 126 de la loi déférée, complétant à cette fin les dispositions de l'article L. 452-4 du CCH par un II qui permet la modulation de la cotisation versée annuellement à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et assise sur les loyers appelés.
3°/ L'article 126 est enfin critiqué pour renvoyer au pouvoir réglementaire diverses mesures qui relèveraient, selon les sénateurs requérants, du domaine législatif, telles que la fixation du montant mensuel de la réduction de loyer de la solidarité, la faculté de prévoir un montant spécifique pour les colocations ou encore la détermination de la fraction à concurrence de laquelle le montant de l'APL sera réduit. Mais la loi a encadré ces mesures d'application avec une précision suffisante.
L'article 126 de la loi déférée est dès lors conforme à la Constitution.
IX/ Le contrat de rente viagère est une convention de prêt à intérêts de droit privé, dans laquelle le prêteur personne physique perçoit du débiteur, société d'assurance ou mutuelle le plus souvent, des versements périodiques d'un montant fixe, convenu à l'avance. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, différentes lois sont intervenues pour garantir le pouvoir d'achat des rentes par des majorations légales dont le coût a été financé par crédits budgétaires. C'est, dans l'état actuel des textes, en vertu du VIII de l'article 41 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 que l'Etat prend à sa charge une part des dépenses incombant aux organismes débiteurs de rentes perpétuelles au titre de la majoration légale, elle-même prévue par les dispositions combinées du III de la même loi, de la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 révisant certaines rentes viagères constituées entre particuliers et de l'article 2 de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions.
L'article 142 de la loi déférée met fin à cette prise en charge, devenue résiduelle ; les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs requérants critiquent cette disposition comme contraire au principe d'égalité devant les charges publiques et portant atteinte à la garantie des droits, au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle. Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
1°/ Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, l'article 142 n'aurait pas pour effet de faire « supporter exclusivement aux compagnies d'assurance le poids financier d'une obligation légale instituée dans un objectif de solidarité nationale ». Si la majoration légale visait, lors de sa mise en place, à protéger les bénéficiaires de certaines rentes viagères des effets de la forte inflation observée après 1945, elle ne profitait qu'aux seuls clients des organismes débirentiers concernés et au titre de ces seules rentes, sans portée générale. A cet égard, il apparaît que les majorations légales de rentes - dès lors que leur remboursement était assuré en tout ou partie par l'Etat - ont pu constituer un avantage commercial au profit des organismes débirentiers, accroissant l'attrait exercé par les rentes viagères faisant l'objet d'une majoration et, indirectement, par les autres produits distribués par ces derniers.
La suppression de cette prise en charge ne constitue dès lors pas une rupture d'égalité devant les charges publiques au détriment des organismes débirentiers, qui sont par ailleurs tous traités de la même façon par la loi. Le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité sera donc écarté.
2°/ C'est en vain, par ailleurs, que les sénateurs requérants invoquent à l'encontre de l'article 142, en l'absence de tout élément de rétroactivité, une atteinte aux effets que les organismes débirentiers pouvaient légitimement attendre de situations légalement acquises, et donc à la garantie des droits de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (décision déjà mentionnée du 19 décembre 2013, cons. 13 à 20).
Il sera d'abord observé, à cet égard, que le dispositif a déjà connu plusieurs évolutions et a en particulier été restreint aux contrats souscrits avant le 1er janvier 1987, pour un taux de remboursement variant entre 10 et 97 % des majorations légales versées aux bénéficiaires des rentes viagères, en fonction de la date de souscription du contrat et de la nature de l'organisme débirentier. Une telle variabilité ne saurait fonder une attente légitime de maintien indéfini des effets de la législation en vigueur.
En outre et en tout état de cause, un tel effet ne saurait être reconnu à un dispositif non limité dans le temps, et dépourvu d'exigences de contreparties pour les débirentiers qui en bénéficiaient (cf. a contrario, sur le terrain de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, CE, Plén., 9 mai 2012, n° 308996, Min. c/ Société EPI et CE, Plén., 25 octobre 2017, n° 403320, Min. c/ Société Vivendi).
3°/ Enfin et contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions en cause n'affectent nullement les contrats en cours, le principe du remboursement partiel par l'Etat des majorations de rentes étant extérieur aux contrats conclus entre les organismes débirentiers et les bénéficiaires de rentes viagères, ni le droit de propriété. La liberté d'entreprendre n'est pas davantage en cause faute qu'il soit apporté une quelconque restriction aux activités de production, de distribution ou de services.
Les griefs articulés contre l'article 142 ne sont pas fondés.
Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les auteurs des saisines n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi de finances pour 2018. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.Liens relatifs
Observations du Gouvernement sur la loi de finances pour 2018