Plan interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme : bilan et perspectives

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  • (ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU 19 DÉCEMBRE 2017 - ADOPTÉ À L'UNANIMITÉ)

    1. Dans le cadre de l'évaluation du Plan interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (PILCRA) et de la préparation du suivant, le Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH) a saisi la CNCDH, par lettre du 10 septembre 2017, d'une double mission d'évaluation et de propositions.
    2. Conformément à ses textes constitutifs, aux "Principes de Paris " (1), et en tant que rapporteur national indépendant sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie depuis plus de vingt-cinq ans (2), la CNCDH entretient un dialogue privilégié avec les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile engagés dans ce combat. A ce titre, elle suit de près l'action de la DILCRAH, dont elle avait préconisé la création, et avait accueilli favorablement l'adoption des deux premiers plans d'action triennaux (2012-2014 (3), 2015-2017 (4) ). Pour rappel, l'élaboration d'un plan national d'action répond à l'engagement pris par la France, devant le Conseil des droits de l'Homme (2008) et le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations unies - CERD (2010) (5), de rendre sa politique publique de lutte contre le racisme plus cohérente et plus conforme à la Déclaration adoptée par la Conférence mondiale contre le racisme qui s'est tenue à Durban en 2001 (6). La situation française en matière de racisme et de discriminations qui y sont liées fait encore l'objet de nombreuses préoccupations, comme l'illustre les dernières observations de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance du Conseil de l'Europe (ECRI) adressées à la France (7) ou encore la teneur des recommandations formulées par les Etats membres des Nations unies à la France dans le cadre de l'examen périodique universel (8).
    3. Compte tenu du court délai imparti, la CNCDH n'a pas été en mesure de procéder à une large consultation de la société civile au-delà de ses propres membres comme elle avait pu le faire en 2012 à la demande du Délégué interministériel en vue de la préparation du premier plan d'action (9). La présente note repose sur les travaux existants de la CNCDH, ainsi que sur l'expertise de ses membres, représentants de la société civile et experts reconnus pour leurs compétences en matière de droits de l'homme. La mission d'évaluation en cours, confiée à l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGEN), devrait compléter utilement cette note, notamment en apportant des éléments d'analyse plus précis quant au déploiement territorial du Plan. Par ailleurs, la CNCDH tient à préciser que le prochain rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, remis chaque année au Premier ministre le 21 mars, sera consacré au suivi des recommandations formulées dans les éditions précédentes (10). Le rapport annuel constitue en effet le principal outil d'analyse et d'orientation des politiques publiques en la matière.
    4. Pour répondre précisément à la demande qui lui a été faite de "contribue[r] de manière significative à l'élaboration du prochain plan interministériel 2018 - 2020 ", la CNCDH s'attachera à identifier des pistes d'amélioration de l'action publique, sans bien entendu prétendre à l'exhaustivité. Par mesure de pragmatisme, et afin de ne pas être redondant avec la mission d'évaluation en cours, elle n'abordera les actions déployées dans le cadre du précédent Plan que dans la perspective d'enrichir le suivant, la CNCDH ayant déjà procédé à une analyse détaillée du Plan 2015 - 2017 dans l'édition 2015 de son rapport annuel.

    I. Observations liminaires

    5. Le plan national d'action, renouvelé à intervalles réguliers depuis 2012, contribue indéniablement à donner une impulsion forte et durable à l'action publique de lutte contre toutes les formes de racisme, et ce afin de promouvoir le "vivre " et le "faire " ensemble. La CNCDH a eu l'occasion à plusieurs reprises de souligner l'avancée que constituait le second Plan par rapport au précédent, tant par les moyens mobilisés (100 millions d'euros sur trois ans), que par son inscription dans une démarche proactive (quatre axes prioritaires - mobiliser, sanctionner, lutter contre les discours de haine sur Internet, éduquer et transmettre - et quarante actions ciblées) (11). Dans un contexte marqué par une dégradation de la cohésion sociale dans de nombreux pays d'Europe qui font face parallèlement à une montée des populismes, et alors que sont attisées de toute part la peur et la suspicion à l'égard de l' " autre ", la CNCDH ne saurait que trop insister sur la nécessité de ne pas relâcher les efforts. En effet, la lutte contre le racisme, au-delà d'une simple question morale, reste une question politique, car le racisme est un renoncement aux valeurs républicaines et une menace pour la démocratie, et parce que ce combat doit s'accompagner d'actions qui rendent possible et construisent "l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion ". Le prochain plan triennal d'action devrait être l'occasion de montrer la pleine mesure de l'ambition gouvernementale sur ces questions. A cet égard, la CNCDH formulera plusieurs observations liminaires.
    6. En premier lieu, la Commission recommande que le budget alloué à la mise en œuvre du prochain plan soit, si ce n'est augmenté, à tout le moins reconduit. Le maintien du budget de la DILCRAH pour l'année 2018, à hauteur d'environ 6,2 millions d'euros, est appréciable en période de restriction budgétaire. Toutefois, l'élargissement du champ d'intervention de cette dernière à la lutte contre les actes et agissements de haine et de discrimination envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) depuis le 22 décembre 2016 (12) n'a pas été assorti d'une hausse subséquente de ses moyens, ce qui est inquiétant eu égard à l'ampleur et à la diversité des tâches à accomplir. Parallèlement, elle ne peut que se faire l'écho des inquiétudes formulées par plusieurs partenaires de l'Etat (collectivités territoriales, acteurs de la société civile) dans la mise en œuvre des politiques publiques (dont le Plan) quant à la baisse importante et prévisible de leurs moyens.
    7. En deuxième lieu, la nature même de la mission de la DILCRAH implique, pour obtenir des résultats tangibles, que son action s'inscrive dans une approche partenariale. Précisément, la plus-value d'une telle institution, en tant qu'interlocuteur privilégié, et du Plan, en tant qu'outil stratégique et programmatique, est leur propension à accroître la force de frappe de l'action antiraciste, en favorisant les échanges et les synergies entre les acteurs pertinents. A cet égard, le rattachement depuis novembre 2014 de la DILCRAH aux services du Premier Ministre (et non au seul ministre de l'Intérieur), préconisé par la CNCDH depuis sa création, a été unanimement salué comme un progrès. Qu'il s'agisse du PILCRA ou du Plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT (13), il est primordial que l'ensemble des ministères s'investisse pleinement dans leur élaboration, leur mise en œuvre et leur suivi, tout comme dans toute politique publique dédiée à la lutte contre toutes les formes d'intolérance et de haine. Le réseau de correspondants de la DILCRAH dans l'ensemble des ministères et secrétariats d'Etat doit donc continuer à être mobilisé (14).
    Par ailleurs, la CNCDH souhaite attirer l'attention de la DILCRAH sur la nécessité d'associer plus étroitement les acteurs de la société civile dans l'élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques de lutte contre le racisme, car c'est sur eux que repose une part conséquente de l'action de terrain. Le manque de consultation lors de la phase d'élaboration et de mise en œuvre du Plan 2015 - 2017, due à son élaboration dans l'urgence à la suite des attentats de janvier 2015, avait suscité des regrets parmi les membres de la CNCDH. Aussi note-t-elle avec satisfaction le souhait exprimé par le Délégué interministériel (15) de consulter les principaux acteurs de la société civile œuvrant dans la lutte contre le racisme (ONG, syndicats, personnalités qualifiées, etc.) pour construire le suivant. Cette étape est primordiale pour s'assurer, d'une part, de la pertinence du prochain plan d'action au regard des problématiques rencontrées sur le terrain et, d'autre part, de l'obtention de la plus large adhésion possible à la stratégie et à l'action interministérielles - prérequis à son effectivité. Outre cette consultation ponctuelle, des interactions plus régulières entre la DILCRAH et les acteurs de la société civile seraient souhaitables ; si ces derniers sont légitimement perçus comme de potentiels relais locaux susceptibles de distiller l'action gouvernementale sur le terrain (via l'octroi de subventions et le déploiement d'actions prioritaires), ils devraient également être appréhendés comme des ressources à mobiliser suivant une approche plus ascendante (dite "bottom-up "). La CNCDH proposera à la DILCRAH, dans cette note, de nouvelles modalités de concertation avec les acteurs de la société civile.
    8. En troisième lieu, le prochain Plan devrait s'inscrire dans la même philosophie que le précédent, en ciblant quelques axes prioritaires et des actions précises pour être le plus opérationnel possible. La démarche d'évaluation entreprise par la DILCRAH, qui avait manqué lors de la phase d'élaboration du second Plan, permettra opportunément d'orienter les mesures à développer pour accroître la pertinence et l'efficacité du prochain. Afin de faciliter un suivi régulier du Plan, il serait souhaitable de réfléchir, dès sa phase de construction, aux modalités pratiques de mise en œuvre des actions ciblées, en identifiant, pour chacune d'elle, la liste des opérateurs, les moyens (humains et matériels) nécessaires, un calendrier prévisionnel (notamment s'il s'agit de renforcer un dispositif préexistant) et, quand cela s'y prête, des critères d'évaluation. Les modalités de pilotage du Plan devraient reposer sur des échanges réguliers avec l'ensemble des acteurs concernés - notamment les pouvoirs publics, les acteurs de la société civile et la CNCDH, en tant que Rapporteur national indépendant sur ces questions (16).
    Par ailleurs, il serait opportun de rappeler en introduction que le Plan ne vise pas à embrasser l'ensemble des champs de l'action publique relevant de près ou de loin du combat antiraciste, et que des choix ont dû être faits, en concertation avec l'ensemble des acteurs pertinents. Au-delà du Plan, la lutte contre le racisme et les discriminations qui y sont liées doit mobiliser l'ensemble des acteurs et irriguer les politiques publiques et, à ce titre, le champ d'action de la DILCRAH ne peut se limiter au PILCRA. Sans toujours nécessiter une intervention directe, d'autres questions qui ont une incidence certaine sur les fractures de la société dont les relents de xénophobie et de racisme sont un symptôme parmi les plus préoccupants prêtent à attention (débat sur la laïcité, question de l'immigration, de l'accueil des migrants et des réfugiés, etc.) (17).
    La DILCRAH devrait être particulièrement attentive, en lien avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, aux constats et préconisations des instances européennes et internationales (à l'instar du CERD (18), de l'ECRI (19), de l'Union européenne - à travers par exemple le cadre de l'Union pour les stratégies nationales d'intégration des Roms), s'assurer de leur bonne transmission à ses partenaires, et en assurer un suivi régulier. A titre d'exemple, parmi les deux recommandations prioritaires dites de "suivi intermédiaire " que l'ECRI a adressé à la France en 2016, et qui exigent des réponses au plus tard deux ans après la publication du rapport, figure le traitement des demandes de domiciliation présentées par des personnes appartenant à des groupes vulnérables tels que les Roms (20), problème maintes fois mis en exergue par la CNCDH (21). Sur ce point très précis, il reviendrait à la DILCRAH, si ce n'est de se saisir elle-même de la question, d'alerter la DIHAL et ministère en charge du logement.
    9. En quatrième et dernier lieu, il serait opportun de préciser, dans la présentation générale, les principes qui guident l'action publique. Précisément, les principes d'égalité et d'universalité qui animent la lutte contre le racisme doivent porter les mesures qui sont mises en œuvre en son nom, dans une approche globale et intégrée loin de toute "concurrence victimaire " et sans établir de hiérarchie d'aucune sorte entre les racismes. Pour autant, chaque manifestation de racisme nécessite néanmoins une attention spécifique et des réponses adaptées, en accordant une attention particulière au racisme "du quotidien ", qui se manifeste souvent sous des formes subtiles et voilées (22). La CNCDH promeut également le besoin de transversalité et de décloisonnement en la matière, ainsi que la nécessité de ne pas dissocier le racisme et la lutte contre les discriminations qui y sont liées, afin de mener une lutte globale, coordonnée et efficace. En ce sens, afin que son périmètre d'action soit clairement borné, le titre même du prochain plan d'action pourrait être modifié de manière à intégrer la lutte contre les discriminations à raison de l'origine réelle ou supposée, dans la mesure où l'action de lutte contre le racisme doit tendre à faire respecter le principe d'égalité entre les personnes discriminées. C'est d'ailleurs l'approche retenue par le Gouvernement pour le Plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT. Dans ce cadre, il conviendrait d'accroître les moyens et les effectifs de la DILCRAH.

    I. - Mobiliser la société, partout en France, pour prévenir et combattre le racisme sous toutes ses formes

    10. Pour la CNCDH, la mobilisation de l'ensemble des forces vives de la nation, partout en France, pour favoriser la prise de conscience et l'engagement individuel et collectif dans ce combat, ainsi que l'ancrage territorial de l'action publique, doivent constituer un axe prioritaire du Plan d'action. C'est d'ailleurs la volonté de mise en mouvement autour de la lutte contre le racisme qui domine dans le dernier Plan, pour "prolonger le sursaut citoyen qui a fait suite aux attentats de janvier " (23). Le Plan 2018 - 2020 doit poursuivre et approfondir la dynamique engagée, en veillant tout particulièrement à agir sur les faiblesses observées dans la mise en œuvre du précédent.
    A) Suivi des mesures du Plan 2015 -2017
    11. Dans l'ensemble, il apparait que l'appel du Président de la République, qui a érigée la lutte contre le racisme et l'antisémitisme au rang de Grande Cause Nationale de l'année 2015, a été entendu et que le Plan a reçu un accueil plutôt favorable de la part de l'ensemble des acteurs de la lutte antiraciste. Plusieurs lacunes et/ou maladresses pourraient néanmoins être évitées par la suite.
    1) Les campagnes de sensibilisation
    12. Le Gouvernement est bien évidemment dans son rôle lorsqu'il mène des campagnes de sensibilisation sur des phénomènes sociaux qui nuisent au vivre-ensemble. Pour combattre le racisme et ses dérivés, il faut certes les dénoncer, mais aussi libérer la parole et ouvrir des discussions sur ces sujets aussi sensibles soient-ils. Néanmoins, compte tenu de la complexité du sujet abordé, les plus grandes précautions devraient être prises dans le choix de l'approche et du contenu pour atteindre les effets escomptés.
    13. A cet égard, la CNCDH a vivement réagi à la campagne du Gouvernement #TousUnisContrelaHaine (24), lancée le 21 mars 2016 à l'occasion de la Semaine d'éducation contre le racisme et l'antisémitisme, dont le taux de pénétration a été significatif (presque trois quarts des Français l'auraient vu), tout comme les vives polémiques qu'elle a suscitées (25). Cette campagne révèle de la part de ses promoteurs (26) une méconnaissance dommageable et surprenante des manifestations contemporaines de racisme, dont la CNCDH s'attache pourtant tous les ans à préciser les contours (27).
    14. Pour rappel, cette dernière se compose de six vidéos de 30 secondes montrant des scènes de vandalisme et des agressions physiques (28) avec, en fond sonore, des voix qui débitent des préjugés racistes (29) puis, pour finir, la formule suivante : "Le racisme, l'antisémitisme, les actes antimusulmans, ça commence par des mots, ça finit pas des crachats, des coups, du sang ". Le message ainsi véhiculé est que les préjugés racistes conduisent à des actes de violence, alors même que la CNCDH ne cesse de rappeler qu'il n'y a pas de lien systématique entre préjugés racistes et passages à l'acte et que l'évolution des opinions et celle des actes obéissent à des logiques distinctes (30). En outre, le choix de porter l'attention sur les manifestations les plus extrêmes du racisme est très réducteur, dans la mesure où le racisme ordinaire, du quotidien, se présente principalement sous des formes subtiles et voilées (préjugés, insultes, paroles humiliantes, méfiance, mise à l'écart, discriminations, etc.). De même, l'omission de certaines cibles privilégiées du racisme contemporain interroge ; les Roms, par exemple, n'y figurent pas alors qu'il s'agit du groupe qui est confronté au rejet le plus vif en France. A l'instar de la mise en scène problématique du racisme, l'approche retenue interroge au regard des objectifs visés. La campagne mise sur le choc émotionnel plutôt que sur la dimension didactique et interactive. Le spectateur n'est pas invité à se distancier des scènes de violence, le seul moment critique tenant dans la brève formule lancée à la fin du clip par un contradicteur " Mais vous êtes sérieux ? Vous croyez à ce que vous dites, là ? ". Une telle campagne apparait ainsi inefficace, si ce n'est contreproductive, d'autant plus qu'aucune issue, aucun recours possible à la violence, ne sont proposés. Par ailleurs, s'il s'agit d'interpeller les personnes qui ont des préjugés racistes, au-delà des quelques minoritaires qui ont commis des agressions physiques, alors il est fort probable qu'elles ne se soient pas sentis concernées.
    15. A l'inverse, la campagne associative et digitale #DeboutContreLeRacisme est mieux construite, plus solide et percutante. Elle comporte plusieurs témoignages de personnes de tous âges et de toutes origines qui rapportent des propos racistes, ce afin de pointer la violence des mots. Menée par quatre associations antiracistes (LICRA, SOS Racisme, LDH, MRAP), avec le soutien du Gouvernement et le label "grande cause nationale ", cette campagne articulée autour d'une citation d'Alphonse de Lamartine - "Je suis de la couleur de ceux qu'on persécute " -, a bénéficié de nombreux relais médias du 28 novembre au 21 décembre 2015. Lancée sur Facebook, puis rendue accessible sur la plateforme participative www.DeboutContreLeRacisme.org, elle a permis d'atteindre des millions de personnes (31), en interpellant et en invitant les citoyens à agir. La dimension participative est importante dans la mesure où la lutte contre le racisme doit reposer sur les efforts de tous, et non des seuls spécialistes. Aussi, l'élaboration d'outils participatifs visant à proposer aux citoyens ordinaires des moyens de s'engager concrètement contre le racisme, et de s'approprier ainsi la philosophie du Plan d'action, doit être privilégiée.
    La CNCDH recommande qu'une nouvelle campagne de sensibilisation grand public soit inscrite dans le Plan 2018-2020, en privilégiant la dimension participative, et en veillant à porter une attention accrue à la chaîne de préparation et de validation. A cet égard, il semble indispensable que soit associée à la phase d'élaboration a minima la DILCRAH, ainsi que son conseil scientifique composé de chercheurs et d'experts reconnus en matière de lutte contre le racisme. Il serait par ailleurs opportun de consulter les associations ainsi que des spécialistes en psychologie sociale et cognitive pour s'assurer de la pertinence et de l'efficacité de la campagne envisagée au regard des objectifs poursuivis et du public cible.
    2) L'ancrage territorial des politiques de lutte contre le racisme
    a) La refonte des politiques locales de citoyenneté
    16. En la matière, le Plan 2015 - 2017 comporte plusieurs mesures complémentaires : installation d'une instance opérationnelle dans chaque département, adoption de plans territoriaux de lutte contre le racisme ou encore constitution de missions de citoyenneté auprès des préfets. Si cette refonte des politiques locales de citoyenneté est indispensable, à ce stade, le bilan apparait mitigé.
    17. La CNCDH avait déjà formulé un certain nombre d'observations sur l'action 5 du Plan relative à l'institution, dans chaque département, des CORA (Comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme). Cette ambition n'est pas nouvelle puisque les CORA ont remplacé les COPEC (Commission pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté), qui avait elles-mêmes succédé aux CODAC (Commission départementale d'accès à la citoyenneté), et les CODAC aux Cellules départementales de coordination de la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme. Partant du constat que les COPEC étaient des instances peu opérationnelles qui fonctionnaient de manière très inégale suivant les différents départements, l'objectif affiché de la réforme était de "recentrer les priorités " et de "rendre le pilotage beaucoup plus opérationnel ". Trois ans plus tard, si l'installation des CORA dans la quasi-totalité des départements de France doit être saluée - les derniers arrêtés préfectoraux instituant ces instances étant très récents (32) -, leur action semble encore très inégale sur le terrain. Il ressort que, dans certains territoires, surtout lorsqu'ils présentent des acteurs de terrain structurés, cette instance aurait permis de dynamiser l'action territoriale de lutte contre le racisme. Dans l'ensemble, toutefois, les remontées de terrain laissent apparaitre des structures encore peu opérantes, dont la mise en place a parfois été laborieuse ; elles restent souvent peu connues ou reconnues. Certains membres de la CNCDH ont fait part de leurs interrogations face à la composition de plusieurs d'entre elles (33) ; d'autres ont regretté, dans plusieurs départements, la faible inclusion des acteurs de la société civile (34) ; le côté "grande messe " de certaines réunions, qui ne se concentraient pas sur les aspects concrets, a également été relevé. A la lumière de ces retours de terrain, il apparait que les évolutions identifiées dans le processus de restructuration d'une partie des instances départementales vont à rebours des préconisations formulées par le rapport dit "Mechmache-Bacqué " (35), qui mettait en exergue les attentes des acteurs locaux (tissu associatif, professionnels, etc.), et plus largement de tous les citoyens, vis-à-vis des institutions, pour être davantage entendus et impliqués dans le processus de construction de l'action publique locale. Si le recentrage de l'instance décisionnelle autour d'un nombre réduit d'interlocuteurs s'entend dans la mesure où il vise à rendre son pilotage plus opérationnel, l'action 5 du Plan prévoyait que soit associé un comité d'orientation "largement ouvert aux partenaires publics, privés et associatifs (élus, associations, CESER, fédérations professionnelles, syndicats…) ". Une telle structuration, telle que mise en place par exemple dans l'Essonne, devrait permettre d'inscrire les politiques locales de citoyenneté dans une démarche véritablement partenariale (36).
    18. Dans le même ordre d'idées, l'adoption de plans locaux de lutte contre le racisme et l'antisémitisme dans une douzaine de territoires (plans départementaux, communaux ou intercommunaux) doit évidemment être encouragée afin d'engager une action ciblée et coordonnée au plus près des territoires et des habitants. A ce jour, plusieurs membres de la CNCDH ont relevé le caractère flou et peu fédérateur de plusieurs plans locaux, l'absence de mise en œuvre effective et leur manque de visibilité. La réussite d'un plan local d'action repose sur l'appropriation qui en est faite par l'ensemble des parties prenantes (citoyens, tissu associatif, professionnels, élus, etc.) ; ces dernières devraient être consultées et impliquées tout au long du processus d'élaboration, de suivi et de mise en œuvre, à l'instar de ce que préconise le rapport dit "Mechmache-Bacqué ", et selon l'approche basée sur les droits de l'homme (37). A cet égard, il est également possible de s'inspirer des bonnes pratiques recensées par le Conseil de l'Europe dans plusieurs pays européens, à l'instar du Plan interculturel de Barcelone, qui place l'interaction au centre du Plan pour promouvoir le "vivre " et le "faire " ensemble (38).
    19. En somme, l'action des CORA semble positive à certains égards et dans quelques territoires mais, globalement, ces instances doivent encore être consolidées pour être à la hauteur des attentes placées en elles. Elles jouent indubitablement un rôle précieux dans le cadre des opérations d'appels à projets auprès des ONG dans les territoires. Néanmoins, elles peinent encore à assurer une fonction de coordination entre les parties prenantes. La CNCDH ne peut, d'ailleurs, que souligner les difficultés d'articulation des actions 6 (institution des CORA) et 7 (constituer des missions citoyenneté auprès des préfets) du Plan. Contrairement à l'ambition portée par l'action 7 de "recréer une capacité d'impulsion et d'animation autour des préfets et de leurs collaborateurs ", les délégués des préfets semblent n'être que peu placés dans une situation d'animateurs des territoires ; ils sont plutôt les observateurs attentifs des initiatives développées par les acteurs locaux. En outre, il convient de s'assurer de l'articulation, indispensable, de l'action des CORA avec les mesures mises en œuvre dans le cadre de la politique de la ville (diagnostics territoriaux, formations, plans territoriaux de prévention des discriminations, soutien aux associations) (39). Il serait nécessaire de mieux définir le rôle respectif des acteurs impliqués, ainsi que leur articulation. A cet égard, il est regrettable que les acteurs territoriaux de la politique de la ville ne soient pas associés aux CORA, sinon par l'intermédiaire des maires (40). De même, il conviendrait de veiller à la bonne articulation des plans locaux de lutte contre le racisme avec les plans territoriaux de lutte contre les discriminations.
    20. A l'évidence, ces observations doivent être placées dans le contexte de la restructuration récente de l'action publique locale, sa consolidation progressive étant susceptible de résoudre certains des difficultés identifiées. Si rien n'est figé, un accompagnement et un suivi renforcé de cette restructuration par la DILCRAH apparaissent nécessaires. S'il est regrettable que la refonte des politiques locales de lutte contre le racisme n'ait pas été précédée d'une évaluation précise de l'action des COPEC, la CNCDH ne peut saluer l'évaluation en cours des CORA qu'elle avait appelée de ses vœux. Si elle apporte des éléments assez précis, elle permettra de mieux cerner, une fois les points d'achoppement mis en évidence, les axes à développer pour améliorer l'efficacité du dispositif.
    La consolidation de l'ancrage territorial des politiques de lutte contre le racisme devrait figurer dans le Plan 2018 - 2020, en veillant particulièrement à l'articulation des différents acteurs, en mutualisant le cas échéant les moyens humains et matériels investis. Un accompagnement et un suivi renforcé par la DILCRAH apparaissent nécessaires jusqu'à ce que les CORA deviennent des lieux d'échange, de diagnostic partagé, de mobilisation et d'engagement au confluent des actions de tous les acteurs engagés sur le terrain, institutionnels et non institutionnels. Dans un premier temps, il sera probablement nécessaire de cibler un nombre restreint de territoires dans lesquels devraient se concentrer en priorité les efforts de tous les acteurs. A terme, néanmoins, cette concentration des efforts, notamment sur les 1300 territoires de la géographie prioritaire de la politique de la ville, ne doit pas conduire à délaisser le reste du territoire qui n'est pas épargné, lui non plus, par le racisme, l'antisémitisme et les phénomènes de discrimination. Il est primordial que les acteurs de la société civile, dans leur diversité, soit parties prenantes de ce processus, à l'instar de ce que préconise le rapport dit "Mechmache-Bacqué ", et selon l'approche basée sur les droits de l'homme.
    b) Le soutien aux acteurs de terrain
    21. La déclinaison territoriale de l'action de la DILCRAH repose à ce jour principalement sur des partenariats noués au niveau national et des subventions octroyées aux acteurs de terrain. A l'échelle nationale, des partenariats ont été conclus avec des associations, lieux de mémoire et d'histoire et des établissements d'enseignement supérieur (41).
    22. A l'échelon local, 218 projets ont été subventionnés dans 60 départements pour un montant total de 1,4 millions d'euros en 2016, chiffre qui devrait s'élever à 545 projets en 2017 pour un montant légèrement inférieur à 2 millions d'euros dans 89 départements à l'issue de la clôture budgétaire de l'année. Ces derniers, répartis de manière assez équitable en France hexagonale, ont été soutenus par le biais d'un appel à projets locaux dont le pilotage est assuré par les préfets (sélection des dossiers, gestion des subventions octroyées sur les fonds de la DILCRAH). La CNCDH constate avec satisfaction que des structures de taille diverse ont ainsi été subventionnées, non seulement les organisations aux moyens financiers et humains importants, mais également des structures plus modestes portant un projet local ciblé (42). Elle salue également le travail initié par la DILCRAH et son conseil scientifique en vue de préciser les critères et les modalités de sélection des dossiers dans le cadre de l'appel à projets, dans un souci de plus grande transparence (43). Il est regrettable, toutefois, que cet appel à projets n'ait pas porté davantage dans les territoires d'Outre-mer (notamment à Mayotte et en Guyane). Ceci peut peut-être s'expliquer par le fait qu'il n'ait pas été suffisamment relayé, ou encore par la faible densité, le manque de structuration et la fragilité du tissu associatif - surtout à Mayotte -, alors même qu'il joue dans ces territoires plus qu'ailleurs un rôle incontournable et reconnu de soutien aux pouvoirs publics (44). Les besoins sont par ailleurs bien réels, même si les phénomènes racistes souffrent d'une invisibilité statistique en raison du faible nombre de plaintes et de procédures judiciaires ouvertes en la matière (45), tendance qui s'inscrit dans un contexte plus général de difficultés d'accès à la justice, notamment à Mayotte et en Guyane (46). En la matière, l'action de la DILCRAH pourrait précisément participer à consolider les associations les plus fragiles qui œuvrent dans le champ de la lutte contre le racisme et la promotion du vivre-ensemble. Par ailleurs, il a été porté à l'attention de la CNCDH que les délais de constitution des dossiers de demande de financement étaient très courts au regard de la lourdeur des démarches à engager, vu que les montages impliquent en général plusieurs parties prenantes devant se coordonner (47).
    La CNCDH encourage les pouvoirs publics à poursuivre et à renforcer le soutien apporté à l'action des acteurs de terrain, qui agissent au plus près des populations. A cet égard, elle constate avec satisfaction le lancement d'un nouvel appel à projets pour combattre le racisme et l'antisémitisme le 31 octobre 2017 pour l'année 2018 auprès des préfectures. La DILCRAH devrait porter une attention accrue aux projets portés dans les Outre-mer, en s'assurant notamment que l'appel à projets y est suffisamment relayé par les préfectures, voire au-delà (mission locale, hôtels de ville, etc.). Un délai suffisant devrait par ailleurs être laissé aux candidats pour constituer leur dossier de candidature, les montages impliquant en général plusieurs parties prenantes devant se coordonner.
    23. Dans le cadre du soutien accordé aux acteurs de terrain, il convient de s'interroger sur le calendrier et les modalités d'attribution des subventions, qui prennent aujourd'hui de plus en plus souvent la forme d'appels à projets, à l'instar des fonds alloués par la DILCRAH. Ces questionnements s'inscrivent dans un contexte marqué par des inquiétudes légitimes quant à la fragilisation du tissu associatif en lien avec le manque d'ambition de la politique de la ville, la suppression du ministère s'y rapportant et la raréfaction des moyens (48). Ce constat est d'autant plus préoccupant que ces acteurs participent au maintien du lien social, et à la lutte contre l'exclusion en soutenant l'action des services publics, voire tiennent à bout de bras le vivre-ensemble dans certains territoires fragiles. La DILCRAH devrait s'impliquer dans ces réflexions. En effet, le PILCRA doit s'inscrire dans le cadre d'une action plus large tenant compte des réalités de terrain : discriminations souvent cumulatives, ressorts multiples du vivre-ensemble, manque général de moyens et nécessité d'un combat transversal, reposant sur des actions cohérentes et complémentaires. A minima, il pourrait être envisagé qu'une partie des fonds soit allouée de façon pluriannuelle, et non uniquement sur appels à projets, certaines actions devant être soutenues sur le long terme pour être pérennes et constituer une réelle plus-value sociale.
    La CNCDH invite les pouvoirs publics, dans un contexte marqué par la raréfaction des moyens, à réfléchir aux modalités d'attribution des subventions accordées aux acteurs de la société civile en matière de lutte contre le racisme, les discriminations et la promotion du vivre-ensemble. A minima, il pourrait être envisagé qu'une partie des fonds soit allouée de façon pluriannuelle, et non uniquement sur appels à projets.
    3) La mobilisation du savoir et de la recherche
    24. La recherche sur les questions du racisme et des discriminations qui y sont liées a été particulièrement dense ces dernières années, avec le soutien de la DILCRAH sur plusieurs projets (49). Dans le cadre du PILCRA, cette dynamique s'est manifestée par l'installation le 8 février 2016 d'un Conseil scientifique auprès de la DILCRAH, composé de chercheurs représentant différentes disciplines des sciences humaines et sociales et d'experts de la lutte antiraciste, à l'instar de la CNCDH (action 23) (50). Il a également été question de la création d'une bourse de recherche dont le pilotage serait assuré par le Conseil scientifique (51). La CNCDH ne peut que soutenir une telle proposition et invite la DILCRAH à privilégier l'interdisciplinarité pour garantir la diversité et la complémentarité des approches, et à favoriser les projets de recherche apportant un éclairage scientifique à l'action publique de lutte contre le racisme, afin qu'ils s'inscrivent pleinement dans les missions dévolues à la DILCRAH. En outre, il serait intéressant de valoriser davantage l'ensemble des travaux scientifiques disponibles sur ces thématiques, élan déjà initié à travers la conception d'un MOOC (Massive Open Online Course) ouvert en mars 2017 par le sociologue Michel Wieviorka et la Fondation Maison des Sciences de l'Homme, qui a permis de dresser un état des lieux de la connaissance sur ces questions.
    La CNCDH invite la DILCRAH, en lien avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, à réaliser une cartographie des activités d'enseignement et de recherche dans le champ du racisme et des discriminations, afin d'accroître la visibilité de l'offre de formation et de recherche dans chaque territoire comme au plan national. Le cas échéant, la création d'un site internet dédié, mis à jour régulièrement, permettrait utilement de valoriser les résultats de la recherche et de capitaliser les savoirs sur ces thématiques.
    B) Pour aller plus loin : accroître les interactions avec la société civile et ne pas oublier les outre-mer
    1. Inclure pleinement, dans le Plan et sa mise en œuvre, les Outre-mer et prendre en compte les spécificités ultramarines
    25. La déclinaison territoriale du Plan 2015-2017 dans les Outre-mer s'est traduite, principalement, par l'installation des CORA et de partenariats avec les lieux de mémoire (52). Mis à part ces quelques mesures, l'action de la DILCRAH ne s'est portée qu'à la marge sur ces territoires, comme l'illustre notamment le faible nombre de projets locaux subventionnés (voir supra).
    26. Les travaux menés par la CNCDH depuis plus d'un an sur la question de l'effectivité des droits de l'homme dans les Outre-mer ont mis en exergue, sur fond de tensions sociales plus ou moins vives selon les territoires, la réalité des manifestations de rejet et de traitements discriminatoires dont souffrent certains groupes de population, à l'instar des Amérindiens et des Bushinengué en Guyane, et des étrangers. Dans ses dernières observations, le CERD, tout en soulignant les situations très diversifiées des populations ultramarines et notamment des communautés autochtones, constate que ces dernières (de même que les minorités et les personnes d'ascendance africaine des collectivités d'Outre-mer) sont les principales victimes de discriminations (53). Il apparait indispensable de prendre la mesure des spécificités des formes et des manifestations du racisme dans les différents territoires d'Outre-mer pour cibler précisément les mesures à déployer. En ce sens, la CNCDH salue la décision prise en octobre 2017 par la délégation Outre-mer de l'Assemblée nationale, de réaliser une enquête sur les discriminations dans les Outre-mer (54). La délégation a bien entendu été destinataire de tous les avis rendus par la CNCDH depuis un an et demi sur les Outre-mer.
    La CNCDH invite la DILCRAH à suivre les recommandations des instances internationales en incluant pleinement, dans le Plan et sa mise en œuvre, les Outre-mer et en prenant davantage en compte les spécificités ultramarines. Les actions à déployer dans le cadre du Plan devraient s'appuyer sur les résultats de l'enquête en cours sur les discriminations dans les Outre-mer (menée sous l'égide de la délégation Outre-mer de l'Assemblée nationale), ainsi que sur les recommandations formulées par la CNCDH dans la série d'avis rendus depuis un an et demi sur l'effectivité des droits de l'homme dans les Outre-mer.
    2) Impliquer plus étroitement les acteurs de terrain, notamment ceux de la société civile, dans la définition des orientations, la mise en œuvre et le suivi de l'action interministérielle de lutte contre toutes les formes de racisme
    27. Les acteurs de la société civile sont reconnus pour leur expertise, leur forte capacité de mobilisation, ainsi que la complémentarité indispensable de leur action avec celle des pouvoirs publics pour prévenir et lutter contre le racisme et les discriminations qui y sont liées et, ainsi, promouvoir le vivre-ensemble. Partant de ce constat, la CNCDH déplore que ces derniers soient encore trop cantonnés au rôle de relais de l'action publique, dans une logique de partenariat vertical qui se décline principalement par l'octroi de subventions. Ainsi, ils n'ont été que très peu consultés lors de la phase d'élaboration et de suivi du Plan 2015 - 2017, et plusieurs d'entre eux, par l'intermédiaire de leur représentant siégeant à la CNCDH, ont fait le constat d'un manque de dialogue avec la DILCRAH et de leur souhait d'être davantage entendus, particulièrement les syndicats. Au-delà de la consultation ponctuelle bienvenue prévue pour élaborer le prochain Plan, l'instauration d'un dialogue permanent avec la société civile et d'un partenariat davantage horizontal (voire sur certains aspects d'une approche "bottom up "), fondé sur la transparence et la réciprocité, participerait sans aucun doute à la légitimité, la pertinence et l'efficacité de la politique publique de lutte contre le racisme, ainsi qu'à la cohérence et l'efficience des stratégies et des actions menées de part et d'autre (55).
    La CNCDH recommande d'instaurer un cadre de dialogue permanent avec les acteurs de la société civile (à l'instar des associations et des syndicats), sur la base d'un partenariat davantage horizontal valorisant les dynamiques de réciprocité. A cette fin, il serait utile de préparer, avec l'appui des acteurs pertinents (dont les acteurs de la société civile et la CNCDH), un document d'orientation définissant le périmètre, les ambitions et les moyens de ce partenariat, en identifiant des pistes pour l'approfondir. La CNCDH encourage par ailleurs la DILCRAH à envisager la création, auprès d'elle, d'un collège de la société civile (56) afin, d'une part, d'assurer le suivi et le pilotage de ce document d'orientation, d'autre part, d'impliquer plus étroitement ces acteurs dans le processus de définition, de mise en œuvre et de suivi de l'action publique de lutte contre le racisme et les discriminations qui y sont liées.

    II.- Promouvoir, au quotidien, le "vivre " et le "faire " ensemble, dans toutes les spheres de la vie sociale

    28. La recherche a depuis longtemps mis en évidence l'importance du "vivre " et du "faire " ensemble pour dépasser les préjugés qui sous-tendent le racisme aussi bien que toutes les formes d'intolérance. Il est ainsi primordial de promouvoir, au quotidien, les interactions entre les différentes composantes de la société, dans toutes les sphères de la vie sociale. Il est également nécessaire de s'attaquer aux racines du racisme, qui se nourrit de fantasmes et de méconnaissance, en déconstruisant les préjugés et les idées préconçues. En la matière, beaucoup reste à faire.
    A) Suivi des mesures du Plan 2015 -2017
    29. La moitié des mesures du Plan 2015 - 2017 se concentre sur le volet préventif de la lutte contre le racisme, par l'éducation et la culture, en ciblant en priorité la jeunesse. L'action préventive, dès lors qu'il s'agit d'agir sur les mentalités et les pratiques, nécessite un travail et un suivi de long terme pour en apprécier les effets. Il est donc primordial, sur ce point, que le Plan 2018 - 2020 s'inscrive dans la continuité du précédent.
    3) L'école mise au cœur des actions de prévention
    30. Depuis des années, la CNCDH consacre une partie de son rapport annuel à l'action du ministère de l'Education nationale, convaincue que l'école - lieu d'apprentissage du vivre ensemble et de la construction de l'esprit citoyen -, demeure l'un des remparts les plus efficaces contre toutes formes de racisme. Aussi note-t-elle avec satisfaction le choix de porter une attention particulière sur l'école (actions 24 à 33). La CNCDH se contentera de formuler ici des observations générales et renvoie, pour une analyse plus détaillée de l'action relevant du champ de compétence du ministère de l'Education nationale et de ses partenaires, à la partie dédiée de son rapport annuel.
    31. L'effort de structuration des ressources consacrées à la lutte contre le racisme rejoint le souhait exprimé par la CNCDH de mutualiser, valoriser et structurer la masse de ressources disponibles, et d'accroître la visibilité des tiers extérieurs qui proposent notamment d'intervenir en classe. Les projets développés - la mobilisation et la mise en réseau des lieux de mémoire et de culture (actions 31 et 32) fruit d'un important travail interministériel (DILCRAH, ministères de la Culture, de la Défense et de l'Education nationale) (57) ; l'élaboration, en partenariat avec le réseau Canopé, du site "Eduquer contre le racisme et l'antisémitisme " (action 24) (58) - appellent deux observations.
    Premièrement, si ces ressources officielles semblent globalement connues (notifications sur la boîte mail académique à l'occasion de la semaine du 21 mars et, après les attentats de 2015, amélioration progressive du référencement du site sur le Web), elles apparaissent peu mobilisées par les enseignants, qui mettent en avant le manque de temps pour se les approprier (59). La prochaine étape devrait alors être de réfléchir aux moyens d'une meilleure appropriation du contenu par le public cible. A ce titre, prévoir un temps d'appropriation des ressources proposées, dans les modules de formation dédiés à ces questions ou dans le cadre des temps de concertation des équipes au sein des établissements scolaires, constitue une piste à explorer.
    Deuxièmement, l'ingénierie et l'expertise des tiers extérieurs devraient être davantage exploitées. A cet égard, si l'école reste encore assez cloisonnée, il faut souligner l'effort d'ouverture progressive aux tiers extérieurs (associations, éducation populaire, etc.), dont l'onglet "agir avec les partenaires " de la plateforme est une illustration, tout comme le récent rattachement de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative au ministère de l'Education nationale (60), ou encore la création récente de la Réserve citoyenne. Concernant ce dernier point, il serait intéressant d'évaluer l'expérimentation récente d'une formation de candidats de la Réserve citoyenne (61), afin d'envisager un possible déploiement à plus grande échelle.
    La CNCDH recommande à la DILCRAH :

    - de s'assurer que le travail interministériel de mobilisation des lieux de mémoire et de culture soit mené jusqu'à son terme ;
    - de développer et faire vivre, en lien avec le ministère de l'Education nationale, la plateforme "Eduquer contre le racisme et l'antisémitisme ". Il pourrait être pertinent, à cette fin, d'insérer un onglet permettant aux utilisateurs de réagir sur les contenus proposés ou les manques observés, afin que cet outil soit le plus pertinent et opérationnel possible. Pour s'assurer de l'utilité des ressources proposées, il serait utile de réfléchir aux moyens de leur meilleure appropriation par le public cible, dans les modules de formation dédiés à ces questions ou dans le cadre des temps de concertation des équipes au sein des établissements scolaires.

    32. En matière de formation, les priorités définies dans le cadre du Plan national de formation des enseignants, pour les années 2015 et suivantes, sont pertinentes (transmission des valeurs de la République, laïcité, enseignement laïc du fait religieux, sensibilisation à la prévention des discriminations) et se sont concrétisées par la mise en place d'actions de formation variées. Elles sont en phase avec les nouveaux programmes et les évolutions pédagogiques promues par le ministère (éducation morale et civique, histoire, enseignement laïc du fait religieux), et les axes préconisés par le Plan 2015 - 2017. Les efforts doivent être poursuivis pour atteindre les résultats souhaités, en portant une attention particulière au public cible - des modules de sensibilisation devant également être proposés aux enseignants des matières dites scientifiques et technologiques, qui apparaissent souvent moins à l'aise sur ces questions - et à l'approche pédagogique retenue. Il ressort en effet de la consultation de plusieurs enseignants une tonalité assez négative sur l'offre de formations, qui pourrait s'expliquer par le fait qu'elles ne sont pas assez ancrées sur l'activité des enseignants, ni liées à des situations concrètes de travail (62). Des manques sont par ailleurs clairement identifiés, notamment en matière d'éducation aux médias et d'usage des nouvelles technologies (63). Le réseau national des ESPE (Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation), R-ESPE, pourrait être mobilisé pour étudier comment mieux assurer la formation initiale des enseignants à cet égard et participer au suivi de sa réalisation.
    La CNCDH recommande à la DILCRAH d'être attentive aux modules de formation initiale et continue proposées aux équipes enseignantes et pédagogiques en matière de lutte contre le racisme et de promotion du vivre-ensemble, en lien avec le ministère de l'Education nationale et celui de l'Enseignement supérieur ; en veillant à ce qu'ils répondent bien aux besoins identifiés sur le terrain (à l'instar de l'éducation aux médias et de l'usage des nouvelles technologies), et qu'ils s'adressent à l'ensemble des équipes enseignantes, y compris les professeurs des matières dites scientifiques et technologiques.
    33. Les actions 26 à 30 du Plan, qui visent à prévenir et à lutter contre les manifestations de racisme en milieu scolaire, ont été déclinées dans différents niveaux d'enseignement. Concernant les établissements d'enseignement supérieur, on peut notamment citer la conception d'un MOOC sur les thèmes du racisme et de l'antisémitisme à destination des formateurs, ainsi que la constitution d'un réseau de référents "Racisme-Antisémitisme " dans chaque établissement d'enseignement supérieur. Il est à espérer que ce réseau, lancé officiellement le 7 décembre 2016, pourra constituer un appui et un relais important au sein des établissements, notamment des ESPE. S'agissant des écoles et établissements scolaires, la CNCDH entend souligner les efforts mis en œuvre pour améliorer le climat scolaire et le "bien vivre ensemble ", notamment afin de prévenir les situations de harcèlement (64). Comme toute mesure de ce type, seul un suivi sur le long terme permettra d'apprécier les avancées concrètes sur le terrain. Les premiers résultats observés lors de la phase exploratoire de l'enquête "Religions, racismes, discriminations " conduite par l'université Lyon II ont mis en évidence le caractère décisif de l'organisation du travail au sein de l'établissement sur la pertinence des stratégies adoptées face à des incidents ou pour traiter ces questions sensibles en classe, et plus précisément de l'existence de temps de concertation effectifs entre les personnels. Or ces temps ne sont pas prévus formellement dans le service des équipes pédagogiques et éducatives, et ne sont pas toujours prévus dans les établissements.
    La CNCDH invite la DILCRAH, en lien avec le ministère de l'Enseignement supérieur, à assurer le suivi du réseau de référents "Racisme-antisémitisme " au sein des établissements d'enseignement supérieur, afin qu'il se concrétise par la mise en place d'actions concrètes dans le champ de la formation, de la recherche et de la "vie de campus ". De même, la concrétisation et l'impact des mesures prises pour améliorer le climat scolaire et accroître la pédagogie de la sanction dans les écoles et établissements scolaires devraient être suivis de près, en lien avec le ministère de l'Education nationale. A la lumière des récents travaux de recherche, la CNCDH recommande d'envisager l'inclusion, dans le service des personnels éducatifs et pédagogiques, d'un temps de concertation et de travail en équipe, ou a minima d'encourager les chefs d'établissement à les organiser dans leur établissement respectif.
    4) L'impulsion renouvelée de la semaine de lutte contre le racisme et l'antisémitisme
    34. La CNCDH salue l'impulsion donnée, depuis 2015, à la Semaine de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui a revêtu un caractère interministériel, sans se cantonner au système scolaire (action 36). Elle a donné lieu à des actions riches et diversifiées portées par les acteurs de l'école et ses partenaires. Elle s'est par ailleurs déclinée dans plusieurs secteurs, comme les centres de loisirs et clubs sportifs ou les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Un répertoire interactif d'actions éducatives (conférences, expositions, théâtre, projections vidéo, interventions dans les écoles…) a été créé pour capitaliser les bonnes pratiques (65). Il s'agirait à présent, pour la DILCRAH qui pilote cette Semaine, d'en élargir encore le champ et d'encourager les mobilisations visant le monde du travail et se déroulant dans les entreprises et les administrations.
    La CNCDH recommande à la DILCRAH de poursuivre, sur les prochaines années, l'impulsion donnée à la Semaine de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, en l'inscrivant pleinement dans l'agenda interministériel, pour qu'elle devienne un temps fort de la lutte antiraciste. A cet égard, il conviendrait de mobiliser l'ensemble de la société civile, sans oublier le monde du travail, dans le secteur public comme privé - par le biais des syndicats notamment.
    5) Des actions multiples dans le champ du sport, outil de transmission des valeurs du bien vivre ensemble
    35. Dans le champ du sport, les actions 38 et 40 se sont principalement déclinées par le développement d'outils de sensibilisation au service des acteurs du sport (action 38) (66), et le renforcement du partenariat entre le ministère des Sports et la LICRA à des fins d'observation et d'accompagnement des victimes (actions 38 et 40) (67). Ce partenariat a permis la conduite en 2016 d'une enquête d'observation sur les comportements racistes et antisémites dans le monde du sport ainsi que la réalisation d'un flyer pour mieux faire connaître le dispositif juridique d'écoute et de soutien aux victimes de la LICRA (68). L'objectif de formation de "1000 ambassadeurs du sport ", visé par l'action 39, ne sera pas atteint, seuls 174 référents "citoyens du sport " ayant été désignés au 1er octobre 2017 (69). La CNCDH souhaite également saluer la campagne de sensibilisation gouvernementale #Coupdesifflet lancée en mai 2015, et plus particulièrement le volet portant sur le racisme (juin 2016), qui a été un succès (70). Ces actions doivent être menées au plus près des organismes de terrain et à cet égard la mobilisation des Offices municipaux du sport (déjà sensible dans nombre d'entre eux) doit être encouragée.
    36. Faire mieux connaître le dispositif d'écoute et d'accompagnement de la LICRA et responsabiliser le mouvement sportif, à tous les niveaux figurent parmi les principaux enjeux. Il s'agira également d'accompagner les fédérations sportives dans la mise en œuvre de leurs nouvelles obligations légales (formation "éducation et citoyenne " des sportifs de haut niveau et des professionnels (71), mise en place d'un comité d'éthique et d'une charte d'éthique (72) ), de même s'agissant de la déclinaison de la récente loi visant à renforcer le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (73).
    La CNCDH invite la DILCRAH et le ministère des Sports à ne pas relâcher leurs efforts, d'autant plus nécessaires dans le cadre, d'une part, de la préparation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des JO de Paris en 2024 et, d'autre part, de la persistance des manifestations de racisme dans le sport et de la demande d'aide et d'expertise exprimée par les acteurs de terrain (74). A cette fin, il serait opportun de consulter les acteurs pertinents (sans oublier les associations très impliquées sur ces thématiques comme l'Union nationale sportive Léo Lagrange, la Fédération nationale des offices municipaux du sport ou encore la Fédération sportive et gymnique du travail, etc.) et porter une attention particulière aux critères de répartition des subventions, avec les dits acteurs, et en concertation avec le ministère des Sports. Le cas échéant, le volet dédié du prochain Plan devrait être cohérent avec le plan d'action prévu par le ministère des Sports pour décliner la feuille de route du 26 septembre 2017 comprenant un chantier de lutte contre les discriminations.
    B) Pour aller plus loin : agir davantage sur les expériences sociales vécues par les personnes pour qu'elles soient en adéquation avec le discours promu
    6) Favoriser un apprentissage actif de la citoyenneté à l'école
    37. Plusieurs études récentes, notamment celles du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) (75), ont mis en évidence les défaillances du système éducatif français concernant l'apprentissage de la citoyenneté. Le paradoxe est le suivant : si les programmes d'enseignement civique sont bien structurés, sur le terrain les lacunes sont nombreuses (heures d'enseignement non dispensées dans leur totalité, pratique non généralisée du débat argumenté, faible engagement des élèves dans les instances de gouvernance des établissements, taux d'abstention des lycéens records aux élections de la vie lycéenne…). Cette carence est d'autant plus dommageable que la recherche montre que c'est par un apprentissage actif, par le débat et les projets concrets, que l'élève comprend et s'approprie les valeurs de la citoyenneté. La lutte contre le racisme s'inscrit indubitablement dans ce cadre, en ce qu'elle nécessite le développement de dispositions d'esprit permettant aux élèves d'adopter une posture et une prise de distance critique face aux préjugés et aux idées préconçues, afin de ne pas tomber dans les pièges de l'essentialisation, de la simplification à outrance et de la manipulation (mécanismes dangereux que l'on retrouve à la fois dans le racisme et la radicalisation). C'est pourquoi le volet relatif à la lutte contre le racisme en milieu scolaire du prochain plan triennal d'action devrait, pour la CNCDH, se concentrer sur l'accompagnement nécessaire de la mise en œuvre dans les établissements scolaires du nouvel enseignement moral et civique et du Parcours citoyen, dont la mise en œuvre ne fait que commencer, en portant une attention soutenue à la promotion aux méthodes et approches pédagogiques susceptibles de favoriser, chez les élèves, le développement des dispositions d'esprit permettant de lutter contre le racisme et les préjugés qui les sous-tendent (discussion et débat argumenté, projets collectifs et pratiques collaboratives, engagement dans les instances de vie collégienne et lycéenne, etc.). La CNCDH est très attachée à la liberté pédagogique de l'enseignant, qu'il ne s'agit en aucun de circonscrire ; l'objectif est bien d'impulser une dynamique forte et positive en faveur d'un apprentissage actif de la citoyenneté, en impliquant étroitement les chefs d'établissement et les équipes enseignantes et pédagogiques, et en agissant sur plusieurs leviers complémentaires (valorisation des bonnes pratiques, formations, organisation du travail au sein des établissements, accompagnement à l'échelle académique et ministérielle, etc.).
    La CNCDH recommande qu'un volet important du futur plan triennal d'action soit dédié au suivi et à l'accompagnement de la mise en œuvre, dans les écoles et établissements scolaires, du nouvel enseignement moral et civique et du Parcours citoyen, en impulsant une dynamique forte et positive en faveur d'un apprentissage actif de la citoyenneté. Cela implique de porter une attention particulière aux méthodes et approches pédagogiques promues par l'Education nationale et mis en œuvre dans les écoles et établissements scolaires, susceptibles d'aiguiser l'esprit critique des élèves et de promouvoir le vivre-ensemble.
    7) Intégrer pleinement dans le champ des politiques publiques la lutte contre les discriminations directement ou indirectement liées au racisme
    38. Le prochain plan d'action devrait s'attaquer de front à la lutte contre les discriminations directement ou indirectement liées au racisme, dans tous les champs de la vie sociale (éducation, emploi, logement, accès aux biens et services publics, loisirs, etc.) et dans toutes ses formes (discriminations directes, indirectes et "systémiques ") (76). Placée dans l'agenda politique dans les années 2000, la question des discriminations fait désormais partie du lexique des débats publics. Depuis la loi du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, le champ d'application du droit de la non-discrimination s'est d'ailleurs considérablement étendu, mais l'action pénale reste marginale. Ces discriminations ne reculeront qu'au prix d'une mise en mouvement du droit et d'une mobilisation du Gouvernement ainsi que, dans son sillage, l'ensemble de ses partenaires institutionnels et non institutionnels. A ce jour, il n'existe pas de réelle politique publique de lutte contre les discriminations (si ce n'est la brève existence d'un secrétariat d'Etat à l'Egalité réelle), mais des actions éparses menées de part et d'autre. Selon le critère de discrimination retenu, l'action publique n'est pas comparable. Elle est relativement active, par exemple, pour lutter contre les discriminations fondées sur le genre. A l'inverse, si on parle beaucoup des discriminations liées à l'origine réelle ou supposée des personnes, l'ampleur et la persistance de ces phénomènes n'étant plus à démontrer (77), cette question tend à être peu présente sur l'agenda politique et public.
    39. Trois principaux facteurs explicatifs peuvent être distingués.
    De manière générale, en matière de lutte contre les discriminations, les voies de recours sont peu mobilisées et la mise en œuvre effective du droit bute sur deux difficultés majeures, celle de réunir des preuves et la réticence des victimes à révéler ce qu'elles ont subi, ceci n'étant pas de nature à constituer un levier de changement dans le comportement des acteurs publics et privés, face aux discriminations dans les différents champs de la vie sociale. Une réflexion approfondie sur les règles de droit, leur appropriation et leur mise en œuvre effective pourrait être utile (voir infra).
    Par ailleurs, l'existence d'indicateurs est indispensable. D'une part, elle favorise l'identification des discriminations, en permettant aux acteurs publics et privés (responsables de recrutement, bailleurs sociaux, agents des services publics, etc.) de se sentir concernés par la question et ainsi de développer un regard réflexif sur leurs pratiques. D'autre part, elle permet d'agir plus efficacement contre ces discriminations, en évaluant de près les dispositifs mis en œuvre pour les combattre. C'est pourquoi les statistiques sont largement utilisées pour lutter contre les discriminations fondées, par exemple, sur les critères du genre ou du handicap. L'usage de ces statistiques n'est toutefois pas transposable en l'état pour celles fondées sur les critères "ethno-raciaux ". Ce constat vaut également pour certains des dispositifs en vigueur, à l'instar des quotas ou de la parité, dans la mesure où l'usage des catégories "ethno-raciales " est légitimement perçu comme un problème. D'autres pistes d'action doivent être explorées, comme l'usage plus systématique d'indicateurs rendant compte de la vulnérabilité de certaines catégories de la population sans être pour autant apparentés à des statistiques ethniques (voir infra).
    En outre, les pouvoirs publics font encore preuve d'une certaine frilosité à prendre le problème à bras-le-corps. Des approches plus indirectes d'intervention sont privilégiées. L'action publique en la matière passe ainsi principalement par la politique de la ville, sur la base d'une approche territoriale. A cet égard, il est à noter que la politique de la ville représente moins de 1 % du budget de l'Etat, ce qui en limite sérieusement la portée. En outre, des registres autres que celui de la discrimination sont parfois mobilisés. A titre d'exemple, en milieu scolaire, les professionnels utiliseraient davantage le registre du "harcèlement " pour caractériser des situations relevant des discriminations et lutter contre elles (78), ce registre apparaissant plus légitime, car peut-être plus relayé par l'Institution (79). D'ailleurs, la pleine reconnaissance et l'appropriation des problèmes de harcèlement par l'Education nationale se sont traduites ces dernières années par la promotion d'une doctrine de l'intervention, s'appuyant sur plusieurs dispositifs complémentaires, qui commence à donner des résultats encourageants. Cette approche ne permet pas, toutefois, de prendre en compte l'ensemble de la problématique (80). De manière générale, les approches indirectes d'intervention tendent à perdre de vue le vécu des victimes, ainsi que tout un pan de la question, notamment lorsqu'il s'agit de discriminations indirectes et/ou institutionnelles mettant en cause des mécanismes internes à l'administration et aux services publics. Or les discours de principe promus par l'Etat ne seront entendus que si les expériences sociales vécues par les personnes sont en adéquation, d'autant plus dans le cadre de leurs interactions avec les pouvoirs publics. C'est pourquoi il serait nécessaire que la lutte contre les discriminations soit pleinement intégrée dans le champ des politiques publiques, sans omettre celles fondées sur le critère de l'origine réelle ou supposée des personnes, et en adoptant une approche intersectionnelle (prenant en compte les situations de discriminations multiples) et multisectorielle (prenant en compte l'interdépendance des sphères sociales : scolarité, travail, accès au logement, etc.).
    40. A cet égard, il convient de relever une évolution significative, dans le sillage du Comité interministériel à l'égalité et la citoyenneté qui a placé la lutte contre les discriminations au rang de priorité transversale des politiques publiques. Cette mobilisation doit être poursuivie et se concrétiser par des mesures de promotion de l'égalité et de lutte effective contre les discriminations. En ce sens, si les annonces du Président de la République sont encourageantes (81), la baisse générale des moyens alloués pour y parvenir - notamment ceux de la politique de la ville - est inquiétante.
    La CNCDH invite la DILCRAH à se saisir de la question des discriminations directement ou indirectement liées au racisme, en promouvant une doctrine de l'intervention, dans la mesure où le rôle de coordination en matière de lutte contre les discriminations semble lui être de plus en plus dévolu (82), et qu'elle est déjà mobilisée sur plusieurs chantiers s'y rapportant. Dans l'élan engagé par le Comité interministérielle à l'égalité et à la citoyenneté (2015) et à la suite des récentes annonces du Président de la République sur ce sujet, l'ensemble des ministères, dans leur champ d'action respectif, devrait être partie prenante à cette réflexion et action interministérielles, en privilégiant une approche intersectionnelle (prenant en compte les situations de discriminations multiples) et multisectorielle (prenant en compte l'interdépendance des sphères sociales : scolarité, travail, accès au logement, etc.).
    8) Inclure un volet sur la lutte contre le racisme et les discriminations à raison de l'origine réelle ou supposée dans le monde du travail
    41. Dans la continuité des travaux engagés par le précédent gouvernement, le prochain Plan devrait mettre particulièrement l'accent sur le monde du travail (83), qui n'est pas épargné par le racisme et qui est particulièrement touché par les discriminations à raison de l'origine (accès au stage et à l'emploi, accès au CDI, inégalités de salaire, situations de harcèlement, etc.) (84). Si l'opération de testing fondée sur l'envoi de CV à des grandes entreprises (aboutissant à la publication des résultats dans une logique de name and shame) doit être saluée, cette seule entrée ne suffira pas à changer la donne. Plusieurs constats peuvent être dressés.
    42. Ces questions ne sont pas suffisamment internalisées dans les entreprises et les administrations, dans le cadre de la gestion des ressources humaines et du dialogue social, malgré l'accord national interprofessionnel en faveur de la diversité signé en 2006 par une large majorité d'organisations syndicales (85). Si leur implication s'accroit, ces questions apparaissent encore souvent "sous-traitées " aux associations et aux tribunaux pour les cas les plus graves et manifestes. Il apparait que les entreprises et les administrations ne savent pas toujours comment appréhender ces problématiques et se retrouvent souvent désarmées face à des situations graves, comme celles d'injures racistes ou de situation de harcèlement au travail du fait de l'origine des personnes, ce qui peut se traduire par de l'inaction, voire par l'étouffement du problème, la fonction publique n'étant pas épargnée (86). A ce propos, la CNCDH souligne que les représentants de plusieurs syndicats membres ont regretté la trop faible place accordée au monde du travail et aux syndicats (87) dans le Plan 2015 - 2017, et ont fait part de leur souhait d'être davantage entendus par la DILCRAH. Le dialogue social est en effet un cadre essentiel pour favoriser dans les entreprises et les administrations le "travailler ensemble " et lutter contre les divisions entre travailleurs (par ex., entre les travailleurs détachés et leurs collègues), susceptibles d'alimenter les mécanismes de rejet et d'intolérance. Il apparait par ailleurs souhaitable de soutenir la mise en œuvre de la Charte de la diversité en entreprise (88), qui s'inscrit dans la démarche "RSE ", en engageant une réflexion sur le renforcement de l'engagement volontaire, via la mise en place d'actions concrètes, et l'instauration d'indicateurs de suivi des pratiques.
    43. Cette absence de mobilisation se couple d'un manque de formation. La formation à la non-discrimination des chargés de recrutement des grandes entreprises, actée par la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté (89), constitue une avancée mais elle ne mentionne pas explicitement les managers, qui sont souvent partie prenante du processus de recrutement et d'avancement. En outre, dans la dynamique lancée par la Charte de la diversité (2004) et le Label diversité (2008) (90), il apparait que les discriminations liées à l'âge, au genre et au handicap ont nettement reculé, à l'inverse de celles liées à l'origine (91).
    44. L'absence d'indicateurs de discrimination qui différencie les discriminations à raison de l'origine des autres (dont l'âge, le genre ou encore le handicap) constitue un véritable obstacle, dans la mesure où lutter contre les discriminations implique de pouvoir les mesurer pour appréhender leur ampleur et évaluer les résultats obtenus après une politique active visant à les combattre. Pourtant, de tels outils existent bel et bien, sans qu'ils soient apparentés à des statistiques ethniques, mais ils sont encore peu connus et utilisés. C'est par exemple le cas du testing (92). Ce dernier est aujourd'hui reconnu comme un élément de preuve par la jurisprudence et, depuis 2016, par la loi (93) en ce qu'il permet d'établir l'existence d'une discrimination. Il est néanmoins encore trop méconnu comme outil permettant d'évaluer l'ampleur de ce type de discriminations. Pour ce faire, ces opérations doivent être renouvelées à intervalles réguliers pour assurer un suivi des améliorations, sans se contenter d'opérations ponctuelles qui révèlent à chaque fois la persistance du problème (94). Les entreprises pourraient se saisir davantage de ces outils, notamment dans le cadre de la transposition prochaine de la directive 2014/95/UE dite "RSE " introduisant, pour certaines d'entre elles, des règles de publication de leurs informations extrafinancières, incluant entre autres les mesures prises pour lutter contre les inégalités de traitement et les discriminations. Des initiatives européennes intéressantes méritent par ailleurs d'être soulignées, à l'image de l'ordonnance-cadre tendant à lutter contre la discrimination d'octobre 2017 votée par la région bruxelloise qui renforce les moyens de contrôle (95).
    La CNCDH recommande à la DILCRAH de s'engager dans la lutte contre le racisme et les discriminations dans le monde du travail, en y consacrant un volet du prochain plan. Plusieurs pistes d'action complémentaires sont envisageables. D'une part, il serait souhaitable que la DILCRAH engage un dialogue soutenu avec les partenaires sociaux, conformément au souhait exprimé par plusieurs d'entre eux, pour inscrire davantage ces questions dans le cadre du dialogue social (au sein des instances représentatives du personnel, des branches et des entreprises), et en redynamisant le cas échéant l'accord national interprofessionnel en faveur de la diversité (2006) et l'engagement volontaire des entreprises signataires de la Charte de la diversité. D'autre part, l'instauration d'une obligation de création d'indicateurs de non-discrimination à raison de l'origine (à l'instar du testing, pouvant être réalisé par un expert indépendant ou auto-réalisé au sein de l'entreprise) dans les entreprises et administrations, pourrait permettre de mesurer et évaluer les progrès réalisés. Enfin, il pourrait être envisagé d'élargir l'obligation de formation à la non-discrimination dans les entreprises d'au moins 300 salariés, notamment aux personnels de gestion des ressources humaines et aux managers, et d'inclure un module obligatoire sur les indicateurs en matière discrimination à raison de l'origine, pour en faciliter la pleine appropriation.
    9) Veiller à l'exemplarité accrue de l'Etat et des élus de la République
    a) Veiller à la prise de parole publique
    Le rôle des responsables politiques
    45. Lors du colloque intitulé "ouvrir le regard porté sur l'Autre " organisé par la CNCDH le 11 octobre 2016, à Saint-Denis, l'impact de la parole publique, que ce soit celle de responsables politiques ou de figures médiatiques, sur l'appréhension de l'altérité et sur la stigmatisation de certains groupes a été mis en exergue. De graves dérapages, dans le cadre d'un contexte propice aux relents de discours xénophobes et à connotation raciste (échéances électorales, attentats terroristes, question de l'immigration, de l'accueil des réfugiés, des demandeurs d'asiles et des migrants dits économiques, débat autour de la laïcité…), ont occupé ces dernières années l'espace médiatique. S'il ne s'agit bien heureusement pas de la tendance générale, une vigilance accrue doit être portée à ces discours anxiogènes tendant à exploiter ou ancrer des préjugés, à banaliser la parole raciste dans l'ensemble de la société française et à nuire aux efforts consentis par ailleurs pour lutter contre ces phénomènes. A cet égard, la CNCDH salue l'action de la DILCRAH qui a consisté à condamner publiquement les dérapages de certaines prises de parole publiques et à signaler aux parquets les propos tenus par des élus lui paraissant pouvoir faire l'objet de poursuites.
    La CNCDH invite la DILCRAH :

    - à être particulièrement vigilante sur les discours de haine tenus par les élus de la République et à l'égard de ceux aspirant à le devenir ;
    - à en appeler aux différents partis politiques pour que tous s'engagent, par-delà les clivages idéologiques traditionnels, à veiller autant que possible à la dignité des propos tenus par leurs adhérents dans la sphère publique ;
    - à encourager les partis politiques à signer la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste dans sa version révisée, conformément au souhait émis par le congrès du Conseil de l'Europe (96).

    Le rôle des médias
    46. Les médias contribuent incontestablement à forger des représentations sur les autres. Ils participent également à créer du lien social car ils constituent un lieu de résonnance permettant à une société donnée de prendre conscience de la communauté de destin de ses membres, en temps de liesse comme de crise. La responsabilité des acteurs de l'audiovisuel est ainsi triple :

    - représenter à la fois plus et mieux la diversité de la société française pour lutter contre les phénomènes d'exclusion, d'incompréhension et d'isolement (97) ;
    - donner davantage la parole aux tenants d'une vision pacifiée et positive de la France plurielle pour faire contrepoids aux discours alarmistes et déclinistes de personnalités bénéficiant pour certaines d'une large couverture médiatique ;
    - s'engager à ce que la composition des travailleurs du secteur de l'information, des médias et de la communication reflète la pluralité de la société française.

    La CNCDH invite la DILCRAH, en lien avec le ministère de la Culture et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, à soutenir et mettre en place des actions visant à atteindre ces objectifs (98). A minima, il conviendrait de s'assurer que les acteurs des médias soient formés à la rhétorique discriminatoire, pour qu'ils soient à même de l'identifier et de réagir en conséquence.
    b) S'assurer que l'ensemble des agents de la fonction publique responsables du recrutement, et ceux en contact avec le public, soient sensibilisés à ces questions, et veiller à la pertinence des modules de formation dédiés
    47. Les agents exerçant une mission de service public doivent être les premiers engagés dans la lutte contre toutes les formes de racisme, en adoptant un comportement irréprochable, dans le respect des règles de déontologie professionnelle. L'attention doit particulièrement portée sur les agents parties prenantes dans le processus de recrutement (99), ainsi que ceux les plus en contact avec le public. A cet égard, les efforts engagés ces dernières années, en lien avec la démarche engagée par les différents ministères de double labellisation à la diversité à l'égalité professionnelle, doivent être poursuivis, dans le cadre du Forum de l'action publique et du chantier "Action publique 2022 " visant à rénover les politiques de ressources humaines dans la fonction publique (100).
    48. En matière de formation initiale et continue des agents, il est à noter l'existence d'une kyrielle de modules abordant les questions de racisme et de discrimination. S'il est pertinent de concentrer les efforts sur les professions en contact avec le public (à l'instar des enseignants, des personnels de police et de gendarmerie, des personnels de justice), la maquette des formations disponibles manque de visibilité et, à la connaissance de la CNCDH, aucune étude d'ampleur n'a été conduite pour évaluer la pertinence des contenus, des techniques et des choix pédagogiques retenus au regard des objectifs poursuivis et des attentes des agents, malgré l'utilité que représenterait une telle démarche.
    La CNCDH recommande que le module obligatoire de sensibilisation à la lutte contre le racisme et les discriminations (101), actuellement destiné aux nouveaux agents de la fonction publique d'Etat, soit décliné dans le champ de la formation continue des agents de l'Etat et déployé dans le cadre de la formation initiale et continue des agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale (102). En outre, elle invite la DILCRAH, d'une part, à dresser un état des lieux de l'ensemble des formations proposées aux fonctionnaires sur les questions de racisme et de discrimination ; et, d'autre part, à envisager la conduite d'une mission d'évaluation des modules de formation proposés aux agents de la fonction publique en contact avec le public sur ces questions pour s'assurer de leur pertinence et envisager, le cas échéant, des voies d'amélioration possibles. Une telle mission pourrait être confiée à l'inspection générale de l'administration, en lien avec les écoles de formation et leurs partenaires institutionnels et associatifs. En outre, la CNCDH recommande à la DILCRAH d'encourager les écoles de formation à s'appuyer le plus largement possible sur l'état des lieux qu'elle dresse chaque année sur le racisme en France, pour disposer de données à jour sur l'évolution et les caractéristiques des manifestations de racisme, les dynamiques qui les sous-tendent, ainsi que sur leurs conséquences sur le vivre ensemble et la trajectoire de vie des personnes.
    C) En finir avec l'exclusion persistante de l'école d'une partie des enfants à raison de leur origine réelle ou supposée
    49. Si l'accès à certains droits et services publics peut être marqué par des discriminations directes et/ou indirectes toujours intolérables, celles qui consistent à refuser l'accès à l'école à un enfant en raison de son origine réelle ou supposée sont particulièrement inadmissibles. Outre le fait que l'accès à l'éducation a des répercussions tout au long de la vie d'une personne, l'école est et doit rester le lieu par excellence de l'apprentissage du vivre ensemble, et non un lieu d'exclusion. L'accès à l'éducation est une exigence constitutionnelle (103) mise en œuvre par les dispositions de l'article L.111-1 du code de l'éducation qui dispose que "le droit à l'éducation est garanti à chacun ", autrement dit à toutes personnes résidant sur le territoire national. L'obligation scolaire de 6 à 16 ans, et plus généralement le respect du droit à l'éducation, s'impose tant à l'enfant et à ses responsables légaux qu'aux pouvoirs publics (104). Il est dès lors inacceptable que des enfants se voient refuser l'accès à l'école, surtout quand sont en cause des pratiques hétérogènes et opaques de certains élus de la République et l'absence d'une action publique globale, coordonnée et proactive visant à mettre fin à ces atteintes répétées au droit à l'éducation (105). Ce alors même que la CNCDH, à l'instar de nombreux acteurs associatifs et institutionnels (Nations unies, Conseil de l'Europe, Défenseur des droits…), alerte depuis plusieurs années les autorités sur l'urgence et la gravité de la situation. Le comité des droits de l'enfant des Nations unies, dans ses dernières observations adressées à la France (2016), a notamment exprimé ses inquiétudes sur le non-respect du droit à la scolarisation des enfants au prétexte de leur origine réelle ou supposée en appelant l'Etat à "garantir à tous les enfants le droit à l'éducation sans discrimination " (106). Presque trente ans après l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre 1989, il serait plus que temps que ce droit fondamental soit enfin garanti à chaque enfant.
    50. Cette absence de réponse d'ampleur est d'autant plus inacceptable que, pour les enfants qui en sont victimes (107), se voir privé d'école, levier essentiel d'intégration et d'insertion professionnelle, risque d'attiser, voire conforter, le rejet dont ils peuvent déjà être victimes. Jusque-là, ni le ministère de l'Education nationale (108) -bien qu'il faille noter quelques initiatives intéressantes - (109), ni l'éphémère secrétariat d'Etat à l'égalité réelle, ni la DILCRAH, n'a joué le rôle de chef de fil de l'action publique pour s'assurer du respect du droit à l'éducation pour tous. Il conviendrait de lancer une dynamique de changements autour d'un chef de fil bien identifié et impliquant l'ensemble des acteurs concernés (ministère de l'Intérieur, DIHAL, collectivités locales, préfets, services déconcentrés de l'Etat, associations, etc.) pour réfléchir aux cadres d'une politique publique efficace et coordonnée. Sur ce plan, la dimension interministérielle de la DILCRAH devrait permettre une réponse plus efficace. En outre, il ne faudrait pas que les sensibles améliorations, liées à l'implication de plusieurs acteurs (associations, préfectures, Défenseur des droits en cas de saisine, etc.) visant à faire intervenir la préfecture pour procéder à une inscription scolaire d'office, dispensent les élus locaux, pour des raisons politiques, de procéder à l'inscription administrative des enfants dans les écoles élémentaires et primaires, en attendant l'intervention du préfet.
    La CNCDH, appelant les pouvoirs publics à prendre la mesure de l'urgence et de la gravité de la situation, recommande d'engager une action interministérielle, globale, proactive et coordonnée permettant à tous les enfants d'être scolarisés, quel que soit leur origine réelle ou supposée, conformément aux lois en vigueur. A cet égard, elle renvoie aux recommandations, précises et complémentaires, formulées dans ses travaux antérieurs, notamment dans l'édition 2016 du rapport sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (pp. 177-181), et son avis du 6 juillet 2017 sur l'effectivité du droit à l'éducation dans les Outre-mer. Il s'agirait en outre de répondre à l'une des recommandations formulées par le comité des droits de l'enfant des Nations unies à la France en 2016, et d'envoyer un signal fort à l'orée de la célébration prochaine des trente ans de la Convention internationale des droits de l'enfant.
    51. La CNCDH souhaite aussi relayer des remontées inquiétantes qui lui sont parvenues, à savoir que des enfants seraient au cours de leur scolarité, en particulier dans les établissements publics du second degré, victimes de rejet, voire d'exclusion, en raison de leur confession réelle ou supposée. Cette question a déjà fait l'objet de discussions au sein des gouvernements successifs, mais les pistes de réponse envisagées ne sont pas encore visibles. Tout comme l'exclusion de certaines catégories d'enfants aux portes de l'école, les processus d'exclusion à l'œuvre au sein même des écoles et établissements scolaires doivent être vigoureusement combattus.
    La CNCDH recommande à la DILCRAH de se saisir des processus d'exclusion à l'œuvre au sein même des écoles et établissements scolaires à l'égard de certains élèves en raison de leur origine ou de leur religion réelles ou supposées, en y invitant également le ministère de l'Education nationale.

    III. - Réguler l'espace numérique pour lutter contre les discours de haine sur l'internet

    c) Suivi des mesures du Plan 2015 - 2017
    52. La prolifération inquiétante des contenus haineux sur la Toile, depuis le milieu des années 2000 (révolution du "Web 2.0 ") pose la question de l'efficacité des politiques mises en œuvre et de l'effectivité des dispositifs juridiques existants, en particulier de l'arsenal répressif. Dans l'ensemble, il apparait que les pouvoirs publics se retrouvent souvent désarmés pour encadrer ce nouveau mode d'expression et de communication, qui vient bousculer le monopole des médias et des professionnels des médias traditionnels ayant une connaissance et une pratique de la déontologie de la communication publique. Dès lors, ériger la lutte contre les discours de haine au rang d'axe prioritaire du Plan national d'action est tout à fait pertinent. Si quelques avancées notables doivent être soulignées, les moyens mobilisés ne sont manifestement pas encore à la hauteur des enjeux.
    53. S'agissant des avancées, la mise en service de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) par le ministère de l'Intérieur en 2009, ainsi que l'installation en son sein d'une cellule "Discriminations sur le Web " en 2015 (110), répondant à une recommandation formulée par la CNCDH, doivent être saluées (action 18). Avec peu de moyens à sa disposition, cette équipe composée d'une vingtaine d'enquêteurs (111) exerce une compétence transversale couvrant un champ d'infractions particulièrement large (atteintes aux mineurs, terrorisme, discours de haine, escroqueries et extorsions, etc.). Cette plateforme effectue un travail remarquable, comme plusieurs des membres de la CNCDH ont pu le constater lors d'une visite sur site le 12 avril 2016 et dispose d'une visibilité grandissante (112), comme en témoigne l'inflation des signalements, ce dont il faut se réjouir.
    54. En sus de l'approche pénale (centralisation, traitement et transmission aux services de police compétents des signalements reçus), doit être mise en exergue l'approche partenariale initiée à plusieurs niveaux, qui constitue probablement une des pistes les plus sérieuses pour lutter contre toutes les formes de criminalité numérique. PHAROS entretient un dialogue constant avec les acteurs compétents au niveau national (autorités publiques, associations, etc.) et international (instances européennes et internationales, etc.), ainsi qu'avec les intermédiaires de l'Internet (fournisseurs d'accès, hébergeurs, sites de référencement). Par ailleurs, un groupe de contact permanent " contenus de haine en ligne " se réunit tous les trimestres, afin d'instaurer un dialogue entre l'Etat (ministère de l'Intérieur, de la Justice, secrétariat d'Etat au Numérique) et les opérateurs du numérique (113). Cette dynamique est relayée par le tissu associatif, qui procède à de nombreux signalements et tente également d'améliorer la coopération avec les acteurs du Net, mais aussi par les instances européennes. Citons notamment le code de conduite signé en mai 2016 entre la Commission européenne et les IT Companies (Facebook, Microsoft, Twitter et Youtube), qui les engage à lutter contre les discours de haine en ligne dans tous les pays européens (114), et les travaux de l'INACH (International Network Against Cyber Hate), notamment son projet soutenu par la Commission européenne depuis 2016 Research, report, remove : countering cyber-hate (115). Le mouvement contre les discours de haine déployé depuis janvier 2017, à l'initiative du Conseil de l'Europe, doit également être relevé (116).
    55. Enfin, face au retard accumulé par les associations antiracistes sur les réseaux sociaux, le soutien de la DILCRAH aux associations au cours de ces trois dernières années pour construire et développer leur écosystème numérique, et ainsi développer leurs "services à la population " (en lien avec les actions 21 et 24) est opportun. Les membres de la CNCDH font ainsi état d'avancées appréciables : action juridique dédiée aux discours de haine sur le Net ; partenariats au niveau européen et avec les acteurs du Net, notamment pour développer des méthodes et des outils communs ; présence accrue de la parole antiraciste sur la Toile pour faire contrepoids à la déferlante de contenus haineux (117). Les améliorations, en quelques années, sont encourageantes et doivent être soutenues sur le long terme par la DILCRAH pour "gagner la bataille des idées " sur Internet, en valorisant également le "cyber-activisme ", forme de militantisme qui peut avoir tendance à être dépréciée (118). Une dynamique intéressante est en train de se mettre en place et commence petit à petit à faire bouger les lignes. Il s'agit de la soutenir et de la promouvoir.
    D) Pour aller plus loin : poursuivre dans la voie engagée en mobilisant des moyens à la hauteur des enjeux
    56. Le chemin à parcourir est encore long pour obtenir des résultats satisfaisants. Malgré quelques retraits de contenu, des blocages de site, des déréférencements (119) et parfois même des condamnations en justice (120), sous-tendus par une prise de conscience progressive des acteurs du Net et une dynamique multi-acteurs plus offensive, une rapide consultation sur Internet avec quelques mots clés permet de constater que de nombreux propos haineux continuent à circuler en toute impunité. Plusieurs constats s'imposent.
    57. Premier constat : PHAROS reçoit bien de nombreux signalements pour de tels propos, mais les délais de traitement sont souvent très longs (près d'un an), ce qui ne manque pas de contraster avec les dimensions d'instantanéité et d'interactivité qui caractérisent l'Internet. Ceci peut s'expliquer en partie par le fait que les signalements liés aux questions de terrorisme et de radicalisation et les urgences vitales sont traitées en priorité. Si cet état de fait est bien entendu compréhensible, il révèle également l'existence d'une équipe sous-dimensionnée pour faire face à la hausse des signalements reçus ces dernières années et, dès lors, le manque dommageable de moyens humains, matériels et techniques de la plateforme pour accomplir ses missions. Si l'on ajoute à ces longs délais de traitement la complexité et la longueur des actions menées pour obtenir ne serait-ce qu'un déréférencement, on est amené à s'interroger sur l'efficacité de l'action publique.
    58. Deuxième constat : la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN) (121) souffre cruellement d'ineffectivité (122). En la matière, le Plan 2015 - 2017 comprenait des mesures intéressantes (e-rappel à la loi, obligation faite aux hébergeurs de contenus destinés au public français de disposer d'une représentation juridique en France, distinction entre les hébergeurs passifs et actifs, simplification du dispositif de signalement, élaboration d'un cahier des charges contraignant pour les plateformes, mise en place d'avertissements et de sanctions à l'encontre des plateformes, etc.), dont certaines d'entre elles faisaient écho aux préconisations formulées par la CNCDH dans un avis dédié en 2015 (123). Mais la mise en œuvre de ces mesures, dans l'ensemble, s'est avérée insuffisante. C'est notamment le cas des deux mesures contenues dans l'action 17. La première visait à obliger les hébergeurs de contenus destinés au public français à disposer d'une représentation juridique en France, afin qu'ils soient soumis au droit français. Pour sa part, la CNCDH avait proposé de définir précisément le champ d'application territorial de l'article 6 de la LCEN, ses dispositions devant s'appliquer à toute entreprise ayant son siège social à l'étranger et exerçant une activité économique dirigée vers le territoire français. Dans la mesure où les règles de responsabilité des prestataires de l'Internet ne sont pas satisfaisantes (complexité et absence corrélative de mise en œuvre), la seconde mesure portait sur la création d'un statut d'opérateur stratégique de l'Internet distinguant "les hébergeurs passifs […] et les sites de partage, réseaux sociaux, moteurs de recherche " afin de renforcer la responsabilité des plateformes du numérique en clarifiant le régime applicable aux hébergeurs (124). La CNCDH s'est elle-même prononcée à plusieurs reprises en faveur de la distinction entre les prestataires de l'Internet jouant un rôle passif et ceux jouant un rôle actif sur les contenus mis en ligne (notamment par le biais des services de référencement ou de classement et en procédant à des recommandations personnalisées aux internautes), en appliquant à ces derniers un régime de responsabilité renforcée (obligation de détection préventive des actes illicites, obligation d'information rapide des autorités publiques, coopération avec ces dernières pour identifier les auteurs d'une infraction). Il est regrettable que ni l'une ni l'autre n'ait été mise en œuvre.
    59. Troisième constat : cette question dépasse les frontières nationales dans la mesure où, du fait du non-respect de leurs obligations légales par certaines sociétés commerciales étrangères (125), les pouvoirs publics français sont trop souvent réduits à l'impuissance. Dès lors que cette absence de coopération est conjuguée à l'anonymat des internautes, l'autorité judiciaire française est mise en grande difficulté pour obtenir, dans les meilleurs délais, les éléments d'identification (adresse IP, etc.) des personnes suspectées d'avoir commis un délit. L'un des signes révélateurs est constitué des résultats de plusieurs testings réalisés en 2016 montrant l'absence d'effet d'une part importante des signalements réalisés auprès de plusieurs plateformes (126), malgré les engagements pris (127). Après l'assignation en justice qui a suivi, par plusieurs associations antiracistes françaises, des principaux réseaux sociaux et plateformes internet, des améliorations sensibles ont toutefois été observées (128). Aussi une politique de lutte efficace ne peut-elle faire l'économie, ni de l'instauration d'un dialogue avec les opérateurs du Net, ni à l'évidence d'une réflexion et d'une action à l'échelle européenne dans un objectif de régulation, l'un et l'autre axe devant encore être renforcés et consolidés.
    60. Quatrième et dernier constat : l'action publique de lutte contre les discours de haine sur Internet, pour être pleinement efficace et effective, ne peut être appréhendée en vase clos, sans s'ancrer plus généralement dans la lutte contre l'ensemble des contenus et comportements illicites sur la Toile.
    Partant de ces constats, et ne pouvant que relever le caractère nécessairement interministériel de la lutte contre le discours de haine sur Internet, la CNCDH encourage vivement l'Etat à poursuivre et à amplifier son action dans le cadre du prochain Plan d'action 2018 - 2020, voire d'envisager un plan d'action plus global de lutte contre les comportements et contenus illicites diffusés sur la Toile qui pourrait être piloté par le secrétariat d'Etat au Numérique. Quelle que soit la solution retenue, elle nécessite un portage politique fort, l'investissement de moyens à la hauteur des enjeux et des efforts déployés sur plusieurs terrains complémentaires :

    - la poursuite et le renforcement du dialogue initié avec les acteurs de l'Internet, dans un objectif de régulation ;
    - la poursuite et le renforcement de la réflexion et de l'action conduites à l'échelle européenne dans un objectif de régulation et d'établissement d'un socle commun de règles impératives, ce qui doit se traduire au mieux par le positionnement de la France comme un moteur de la coopération européenne en la matière, a minima par sa participation accrue aux travaux transversaux initiés par les différentes instances (notamment Union européenne et Conseil de l'Europe) ;
    - le renforcement des moyens humains, techniques et matériels de PHAROS pour lui permettre de remplir ses missions multiples et en forte tension, à la hauteur de leur étendue et de leur importance ;
    - le soutien du tissu associatif pour l'aider à structurer encore davantage son expertise et sa présence sur le Web, lui permettant ainsi de faire contrepoids à la déferlante de contenus haineux ;
    - la mise en œuvre effective des réformes qui s'imposent pour améliorer les dispositifs issus de la loi LCEN, en procédant à une évaluation de sa mise en œuvre depuis 2010 (ce qui n'a étonnamment jamais été entrepris à la connaissance de la CNCDH) et en prenant en compte les nombreuses pistes de réforme émises par la CNCDH dans son Avis sur la lutte contre les discours de haine sur Internet et dans son rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ; Entre autres, il serait nécessaire d'engager une réflexion sur le régime de responsabilité des prestataires du Web et sur les conséquences juridiques des signalements, comme y invitent les récentes évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (129), et sur les cadres juridiques d'enquête (en envisageant notamment l'extension de l'enquête sous pseudonyme pour les discours de haine sur Internet).

    IV. - Faire reculer significativement le "chiffre noir " et améliorer le traitement judiciaire du contentieux raciste

    E) Suivi des mesures du Plan 2015 - 2017
    10) Des évolutions législatives qui vont dans le bon sens dont la mise en œuvre doit être suivie de près
    61. La lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie a investi le champ judiciaire de façon progressive depuis la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme et repose aujourd'hui sur un arsenal législatif assez complet. Les pouvoirs publics doivent néanmoins porter une attention continue aux évolutions parfois nécessaires de la législation, celles-ci devant toutefois s'opérer dans le respect des droits et libertés fondamentaux.
    62. A cet égard, la CNCDH note avec satisfaction le maintien des abus de la liberté d'expression dans le champ de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Elle a ainsi alerté à plusieurs reprises les pouvoirs publics sur les risques d'un basculement des infractions incriminant les discours de haine, abus de la liberté d'expression, dans le code pénal (action 11) (130). Elles présentent en effet une spécificité telle qu'elles ne peuvent être qu'une exception très encadrée au principe général de la liberté d'expression, la loi du 29 juillet 1881 définissant, de manière fine et évolutive, l'équilibre à maintenir entre la liberté d'expression, qu'elle protège, et ses limites. L'ambition n'est pas, en effet, de fixer une "doxa pénalement sanctionnée " (131), mais bien de responsabiliser la prise de parole publique en distinguant ce qui est tolérable dans l'expression verbale de ce qui ne l'est pas. Ce maintien s'est utilement accompagné de la modification de certaines spécificités procédurales pour faciliter les poursuites. Ces évolutions, ainsi que d'autres réformes récentes, méritent d'être saluées dès lors qu'elles renforcent la cohérence du cadre normatif et complètent le dispositif répressif.
    63. En matière de droit de la presse, plusieurs des dispositions de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté (132) visent à lutter plus efficacement et plus fermement contre le racisme. Entre autres, elle élève la peine encourue en matière d'injures publiques à caractère raciste (initialement 6 mois d'emprisonnement et 22 500 euros d'amende) pour l'aligner sur celle des diffamations et provocations à la discrimination, à la haine et à la violence, à savoir un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Elle exclut également l'excuse de provocation en matière d'injures racistes, afin de stabiliser une solution jurisprudentielle parfois mal maitrisée par les juges du fond, et rend possible la requalification des faits en cours de procédure pour les diffamations, les injures et les provocations à caractère raciste, "dans le respect du contradictoire ". La CNCDH a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur ces réformes (133).
    64. En matière de contentieux de droit commun, de droit pénal général, il faut souligner la généralisation de la circonstance aggravante de racisme à l'ensemble des crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement - auparavant limitée à quelques crimes ou délits (134) - (action 12) (135), qui a pour conséquence d'accroître le quantum de la peine encourue, dès lors que la circonstance aggravante raciste est constituée (136). Cette évolution marque l'aboutissement d'un cheminement engagé depuis une quinzaine d'années.
    65. En matière de discriminations, l'introduction par la loi relative à la modernisation de la justice du XXIe siècle de l'action de groupe (action 15), notamment dans le cadre des relations de travail (137) constitue une réelle avancée, en ce qu'elle favorise l'accès au droit et qu'elle est susceptible de constituer un levier de changement dans le comportement des acteurs publics et privés, face aux discriminations dans l'emploi. L'enjeu principal de la consécration en droit d'une telle action de groupe est, au-delà de la logique indemnitaire, social : il s'agit de favoriser l'accès à la justice à des citoyens confrontés à un contentieux commun, dont la valeur pécuniaire peut être modique, et qui, en raison de circonstances personnelles particulières, n'oseraient ou ne pourraient recourir efficacement à la justice. Il faut tout de même souligner les dispositions pouvant constituer des freins à sa mise en œuvre, notamment le fait qu'elle soit réservée aux seules associations, et syndicats en matière d'emploi, et que les dépenses et frais liés à la procédure soient pris en charge, à ses débuts, par l'association ou le syndicat en question (138).
    La CNCDH préconise à la DILCRAH de suivre la mise en œuvre de l'action de groupe en matière de discriminations et, le cas échéant, de réfléchir aux améliorations souhaitables pour la rendre pleinement effective.
    11) Des efforts bienvenus pour cerner le "chiffre noir "
    66. La CNCDH s'alarme depuis plusieurs années de l'ampleur du chiffre noir, ces actes délictueux qui échappent totalement au radar de la Justice. Les forces de police et de gendarmerie enregistrent, en moyenne, chaque mois, près de 800 plaintes portant sur des infractions commises "en raison de la race, de l'origine, de l'ethnie ou de la religion " (139). On suspecte depuis longtemps que le taux de plainte est dérisoire au regard des actes de cette nature réellement commis, ce qui est problématique dans la mesure où la plainte de la victime constitue dans la majorité des cas le préalable nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique.
    67. A ce titre, les mesures prises pour mieux appréhender les faits infractionnels et estimer l'ampleur du chiffre noir sont appréciables, dans la mesure notamment où ce dernier fait souvent l'objet de spéculations. En complément des efforts des ministères de l'Intérieur et de la Justice pour améliorer la fiabilité de leurs statistiques d'activité sur ce contentieux (140), la CNCDH note avec satisfaction la concrétisation de l'action 9 du Plan qui permet de compléter les statistiques administratives d'une enquête de victimation, répondant à l'une de ses recommandations. Précisément, dans le cadre de l'enquête "Cadre de vie et sécurité ", réalisée depuis 2007 par l'INSEE, en collaboration avec l'Observatoire nationale de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) (141), les enquêtés peuvent préciser le caractère "raciste, antisémite ou xénophobe " des injures subies depuis 2007, des actes de menaces depuis 2012 et des violences physiques depuis 2016. Tout comme l'enquête "Trajectoire et Origines ", réalisée en 2009 auprès de plus de 22 000 personnes par l'institut national des études démographiques (INED), elle révèle l'ampleur de la victimation vécue. Conformément aux prévisions, il apparait qu'une infime partie des injures et des menaces racistes est effectivement signalée, et encore moins sous la forme de plainte (142). Il faut, bien entendu, tenir compte du fait que le taux de plaintes varie selon la nature de l'infraction (plus la perception du degré de gravité est forte, plus le taux de signalement est important), et qu'il est particulièrement faible pour les infractions relevant de propos oraux ; or l'essentiel du contentieux raciste est un contentieux délictuel verbal, fait d'injures, de diffamations ou de menaces. L'ajout prévu, à partir de 2018, d'un nouveau module de l'enquête portant spécifiquement sur les atteintes à caractère discriminatoire devrait permettre d'affiner encore davantage les données sur ce type d'actes.
    La CNCDH recommande de compléter les enseignements recueillis sur les injures et les menaces racistes par une exploitation des données sur les violences physiques, les atteintes aux biens et les discriminations à caractère raciste, afin de disposer d'un tableau plus complet et précis du phénomène de sous-déclaration en fonction de la nature de l'infraction raciste subie. Cette estimation du chiffre noir pourra permettre, si elle est effectuée à intervalles réguliers dans le cadre de l'enquête "Cadre de vie et sécurité ", d'apprécier si les mesures prises par les pouvoirs publics permettent d'en diminuer l'ampleur.
    68. Cette sous-déclaration peut être imputable à divers facteurs, mais il apparaît clairement que le fait pour les victimes de ne pas percevoir le processus pénal comme étant en capacité de constater l'infraction subie et d'obtenir une réparation suffisante, tant sur le plan symbolique que pécuniaire, n'est pas de nature à encourager la déclaration de cette criminalité aux ressorts intimes et particuliers. Aussi, la CNCDH ne peut que soutenir l'action 10 du Plan relative à la publication des condamnations prononcées par les tribunaux pour les infractions à caractère raciste. Le ministère de la Justice fait part depuis plusieurs années de l'intérêt qu'il porte à cette proposition, dont la concrétisation prend néanmoins du temps en raison de la nécessité d'encadrer strictement la publication de ces données (format, périmètre des données diffusées, modalités d'anonymisation, etc.). Elle permettra, le cas échéant, d'améliorer la transparence et la visibilité de l'action judiciaire, de provoquer un effet de dissuasion et de renforcer la confiance du citoyen dans la détermination des juridictions à poursuivre et sanctionner ces infractions.
    Afin de rester cohérent avec le Plan 2015-2017, la CNCDH préconise la publication effective sur une base annuelle du bilan des condamnations prononcées par les juridictions pour les différentes incriminations relevant du racisme. A cet égard, les efforts du ministère de la Justice, en collaboration étroite avec la Sous-direction de la statistique et des études (SDSE), doivent être poursuivis.
    69. A l'évidence, néanmoins, cette action prise isolément n'aura qu'un faible impact sur l'ampleur du chiffre noir. En tout état de cause, le prochain plan d'action triennal devra proposer des mesures complémentaires afin de s'attaquer aux racines du problème. Depuis plusieurs années, et à la suite de ces échanges avec son homologue britannique, la CNCDH met en exergue l'expérience acquise par le Royaume-Uni en invitant les pouvoirs publics à en tirer profit (143). Plus pistes évoquées infra s'en inspirent directement.
    12) Des dispositifs à optimiser pour améliorer la protection et l'accompagnement des victimes
    70. Une fois l'affaire portée à la connaissance de la justice, il faut y apporter une réponse ferme et personnalisée, à la fois pour protéger les victimes et pour dissuader les infracteurs de répéter leur passage à l'acte. Dans ses derniers rapports annuels, la CNCDH a identifié trois principaux défis à relever : améliorer l'accompagnement des victimes, accroître le taux d'élucidation et diversifier les peines. En la matière, le Plan 2015 - 2017 a permis plusieurs avancées, qui sont toutefois loin d'être suffisantes (144).
    71. En premier lieu, la CNCDH salue les efforts déployés pour diversifier les réponses répressives et accroître la pédagogie de la sanction (action 13). Elle note avec satisfaction l'ajout de la peine complémentaire de stage de citoyenneté (dit "Stage d'apprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen ") pour les délits prévus par la loi de 1881 (145). Ces peines à valeur pédagogique permettent de faire de la répression un moment de l'apprentissage du respect dû à l'autre et de la vacuité des préjugés, en imposant à l'infracteur des activités en lien avec la nature de l'acte commis (146). A ce jour, dans près de 60 % des cas, la réponse pénale passe par une procédure alternative et non par une poursuite.
    La CNCDH encourage les parquets à nouer des partenariats avec des associations ou des lieux culturels pour développer l'offre de stages de citoyenneté spécialisés dans la lutte contre le racisme, à l'instar de la convention signée entre le Parquet de Paris et le Mémorial de la Shoah (147). Elle invite également la DILCRAH à poursuivre dans la voie du développement d'une offre locale et également répartie sur l'ensemble du territoire français (y compris dans les Outre-mer).
    72. Toujours dans l'idée de privilégier des peines individualisées et pédagogiques, la CNCDH se réjouit que le recours à l'ordonnance pénale en matière d'injures racistes (action 19) ait été écarté par le ministère de la Justice, faisant écho à l'avis défavorable qu'elle avait émis dans son rapport de 2015. L'ordonnance pénale répondait en effet au besoin de désengorger les tribunaux et d'absorber le contentieux de masse (type sécurité routière) au mépris des droits de la défense (absence de débat contradictoire). C'est pour cette raison que le législateur a circonscrit cette procédure simplifiée à des faits simples, sans gravité commis par des personnes majeures (art. 495 du code de la procédure pénale). Un tel recours aurait envoyé un mauvais message aux Français en laissant penser que le caractère grave de l'injure raciste puisse être sacrifié sur l'autel de considérations d'ordre pratique, d'autant plus qu'il est apparu que ce dernier "ne pourrait garantir la célérité ni l'effectivité de la réponse pénale, pour les faits à caractère raciste " (148). Enfin et surtout, l'ordonnance pénale est, par nature, un mode de réponse pénale ni individualisé, ni pédagogique.
    73. En second lieu, la CNCDH se félicite des mesures prises pour spécialiser davantage l'aide aux victimes d'actes racistes (action 16). Outre la diversification de l'offre de formation, les outils pratiques mis à la disposition des agents sur l'intranet et l'adoption de la Charte de l'accueil du public et de l'assistance aux victimes (149), le soutien renforcé aux associations d'aide aux victimes, via la signature d'une convention de partenariat entre la LICRA et l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM), apparait déterminant pour proposer à ces dernières un accompagnement juridique et psychologique adapté. Dans ce cadre, le volet actuellement privilégié est celui de la formation ; une journée de formation réciproque (formation juridique pour la LICRA et formation psychologique pour France Victime) est prévue à l'attention des présidents de sections de la LICRA et des présidents des associations de France Victime. Cette double spécialisation est la bienvenue dans la mesure où l'accueil de la victime et l'enregistrement de la plainte doivent nécessairement s'accompagner - pour plus d'efficacité - d'une approche psychologique, du fait de la difficulté pour la victime atteinte dans sa dignité à exprimer oralement sa perception des faits dénoncés, et d'une approche juridique, du fait de la technicité dudit contentieux. De la bonne maîtrise de la technicité de ce contentieux dépend la qualité des investigations diligentées et ainsi l'amélioration du taux d'élucidation, préalable à la réponse pénale.
    La CNCDH préconise de soutenir les associations d'aide aux victimes dont le rôle est majeur pour informer les victimes de leurs droits. Le partenariat entre la LICRA et France Victime devrait être poursuivi et approfondi pour spécialiser l'aide aux victimes de racisme et être suivi de près par la DILCRAH, le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice, pour qu'il porte ses fruits.
    74. La CNCDH regrette que l'action 28 du Plan, qui prévoyait la réalisation par les corps d'inspection générale (éducation nationale, jeunesse et sports, intérieur, affaires sociales, service judiciaires) d'une enquête d'évaluation de la qualité du dispositif de signalement, n'ait pas été mise en œuvre. Le développement de nouvelles plateformes de signalement, tant à destination des personnels que des usagers du service public, la sous-déclaration massive pour ce type d'infractions et l'opacité de certaines procédures de signalement, invitent à réaliser une telle enquête.
    La CNCDH recommande la mise en œuvre effective de l'action 28 du Plan 2015 - 2017, soit la réalisation par les corps d'inspection générale (éducation nationale, jeunesse et sports, intérieur, affaires sociales, service judiciaires) d'une enquête d'évaluation de la qualité du dispositif de signalement.
    F) Pour aller plus loin : conduire une action coordonnée pour réduire la sous-déclaration
    75. Il ressort des travaux de la CNCDH que deux principaux types de freins peuvent conduire les victimes à ne pas entreprendre la démarche de porter plainte. Du point de vue de la victime, tout d'abord, atteinte dans sa dignité, un sentiment de honte, des difficultés à exprimer oralement sa perception des faits dénoncés et la peur de représailles, du fait que le contentieux raciste est souvent interpersonnel, peuvent constituer un obstacle. Par ailleurs, la peur d'être mal compris, de ne pas être entendu ou encore le découragement des victimes à la suite de leur orientation par les services de police vers les associations, ou encore l'absence de poursuites judiciaires, relèvent d'un problème de nature systémique. Cette appréhension des victimes se manifeste parfois, au-delà du dépôt de plainte, par leurs difficultés à persévérer dans les démarches devant les autorités judiciaires (150). Faire reculer cette sous-déclaration massive des infractions racistes, qui empêche que des comportements inadmissibles puissent passer au tamis de la Justice, relève d'une responsabilité collective à laquelle tous les acteurs doivent souscrire. A cet égard, les ministères de l'Intérieur et de la Justice, dans leurs échanges nombreux et féconds avec la CNCDH, ont montré avec quelle acuité l'ampleur du phénomène les préoccupe. Il convient, à présent, de concentrer pleinement les efforts sur la mise en œuvre de mesures permettant d'agir sur les causes multiples de la sous-déclaration.
    76. A cette fin, la CNCDH réitère ci-dessous les propositions qui lui semblent les plus pertinentes pour encourager le dépôt de plainte, professionnaliser l'accueil des victimes et améliorer le taux d'élucidation (151), autant de pistes à creuser dans le cadre du Plan 2018-2020. Par ailleurs, plusieurs études en cours devraient utilement préciser les contours du traitement judiciaire des infractions racistes, de la prise de plainte à son issu, et permettre de cibler davantage encore les voies d'améliorations souhaitables (152).
    13) Inciter au dépôt de plainte
    77. Il convient avant tout d'agir sur les pratiques encourageant la sous-déclaration et conduisant, de facto, au blocage systémique du traitement judiciaire des infractions racistes. D'après les remontées de terrain, certains fonctionnaires de police ou de gendarmerie auraient parfois tendance, lors du dépôt de plainte, à ne pas retenir le caractère raciste des faits, aujourd'hui circonstance aggravante spéciale (art. 132-76 du code pénal). Cette absence de prise en compte du caractère raciste peut tenir soit aux préjugés de certains fonctionnaires à l'égard de ces plaignants, soit, plus souvent sans doute, à leur réticence devant la complexité qu'ils attribuent à une telle qualification dans un contexte difficile qu'ils maîtrisent mal. Plus grave encore, les plaignants seraient parfois encouragés à consigner leur vécu dans une "main courante " ou un procès-verbal de renseignement judiciaire, plutôt qu'à déposer plainte. Ceci n'est pas acceptable dans la mesure où l'un et l'autre n'ont aucune valeur juridique, et qu'il relève de la seule compétence du procureur de la République de décider de l'opportunité des poursuites (153). Le "refus de plainte ", voire de signalement tout court, peut également prendre la forme d'une invitation à repasser plus tard, ou d'une réorientation vers les associations, ce qui peut entraîner un découragement de la personne victime. Ces pratiques, qui interviennent de surcroît à un moment où les personnes sont vulnérables, car atteintes dans leur identité et leur dignité, et donc peu enclines à chercher à faire valoir leurs droits face à un représentant de l'Etat récalcitrant, ne sont pas acceptables.
    78. Le prochain Plan doit aller au-delà du précédent, qui s'en tenait au constat "dommageable " du refus de plainte (154), sans l'assortir de mesures concrètes. A minima, il convient de souligner l'important travail de sensibilisation de la hiérarchie policière mené à l'échelle locale, notamment par les procureurs de la République. En effet, il ne faudrait pas que la masse des infractions racistes, qui relève pour la plupart de propos oraux (injures, diffamations, menaces), soit considérée comme des incidents mineurs et implique, dans l'hypothèse d'une distinction des infractions en fonction de leur degré présumé d'importance, un moindre investissement de la part des enquêteurs. Or l'on sait qu'au-delà même de l'acte en soi qui atteint un individu isolé, son impact sur tout le groupe social auquel l'individu en question a été assigné est fortement préjudiciable et a des effets délétères sur la cohésion sociale.
    La CNCDH recommande aux ministères de l'Intérieur et de la Justice de rappeler aux forces de l'ordre l'importance qui s'attache au respect du droit à porter plainte (ainsi que les sanctions encourues en cas de manquement), la nécessité de mettre en évidence le mobile raciste des faits, ainsi que le caractère prioritaire de leur traitement, qui exige un signalement immédiat des faits au parquet (155). A cette occasion, il conviendrait de mettre l'accent sur la gravité des actes racistes quelle que soit leur nature, ainsi que leurs effets délétères sur la cohésion sociale.
    79. La CNCDH recommande d'aller encore plus loin, dans la mesure où la main courante relève d'une pratique policière qui n'existe pas textuellement et qu'elle n'entraîne aucune poursuite judiciaire. Le ministère de la Justice s'est déjà manifesté auprès des parquets et des procureurs généraux en diffusant des consignes en défaveur de la main-courante et des procès-verbaux de renseignement judiciaire pour ce type d'infractions.
    En matière d'infractions de cette nature, la CNCDH recommande d'envisager de proscrire, ou à tout le moins de vivement déconseiller, l'enregistrement d'une main courante ou d'un procès-verbal de renseignement judiciaire, comme c'est déjà le cas pour certaines infractions, notamment s'agissant de violences conjugales. Les ministères de l'Intérieur et de la Justice devraient articuler leurs positions à cet égard, en donnant des consignes fortes en ce sens aux enquêteurs, chacun dans son champ de responsabilité. Précisément, le ministère de l'Intérieur devrait adresser aux services enquêteurs des instructions précises (156), à l'instar de ce qu'a fait le ministère de la Justice à l'égard des parquets et des procureurs généraux.
    80. En sus, on ne peut faire fi des relations parfois tendues entre la police et les "minorités visibles " qui se cristallisent sur la question des pratiques de contrôles d'identité discriminatoires. Ces tensions, et le manque de dialogue qui prévaut encore, ne peuvent qu'altérer la confiance des justiciables et accroître leurs réticences à franchir le pas d'un commissariat de police, surtout pour signaler une infraction raciste. Un ensemble convergent d'études a ainsi mis en évidence la surreprésentation des jeunes hommes issus des minorités visibles dans les contrôles de police, ce qui a notamment entraîné la condamnation de l'Etat pour "faute lourde " par la Cour de cassation le 9 novembre 2016 (157). Le principal problème est que le cadre juridique est inopérant en la matière, du fait de l'absence de traçabilité des contrôles, problème accentué par l'absence d'évaluation de leur nombre et des conditions de leur mise en œuvre. Si les mesures prises par l'ancien gouvernement pour assurer un meilleur suivi et une plus grande transparence de l'action policière sont encourageantes, la décision rendue par la Cour de cassation confirme les réserves déjà émises par la CNCDH, à savoir que le dispositif actuel ne présente pas de garanties d'efficacité suffisantes.
    81. La CNCDH ne recommande pas nécessairement d'en faire un axe central du Plan 2018 - 2020, tant le sujet est complexe et nécessiterait un plan d'action à lui seul, mais elle invite la DILCRAH à être particulièrement vigilante en la matière et à encourager le Gouvernement à encadrer davantage ces pratiques. La volonté affichée de ce dernier de continuer dans la voie engagée, notamment par l'expérimentation de l'enregistrement systématique des contrôles, et de réintroduire une forme de proximité avec la population, par le biais d'une "police de sécurité du quotidien ", est louable, notamment à l'heure de l'extension des pouvoirs de police à l'occasion des interventions dont les possibilités ont-elles-mêmes été étendues. La question est à présent de savoir si la réforme envisagée prendra ces problématiques à bras-le-corps et permettra d'agir sur les modes d'intervention de la police et le répertoire d'actions mobilisé sur le terrain. Sur ces questions, l'avis sur la prévention des pratiques de contrôles d'identité abusives et/ou discriminatoires (158) adopté à l'unanimité par la CNCDH le 8 novembre 2016 pourrait servir de point de repère. Dans tous les cas, il apparait qu'inverser les tendances à l'œuvre dans certains territoires nécessitera du temps et un portage politique fort.
    La CNCDH appelle la DILCRAH à encourager le Gouvernement à encadrer davantage les pratiques de contrôles d'identité susceptibles de cristalliser les tensions entre la police et les "minorités visibles ", et à réintroduire une forme de proximité avec la population dans le cadre de l'activité policière pour accroître les liens de confiance. Elle invite les pouvoirs publics à s'appuyer sur les recommandations formulées dans l'avis de la CNCDH adopté le 8 novembre 2016 sur la prévention des pratiques de contrôles d'identité abusives et/ou discriminatoires, qui intègre des pistes de réflexion nécessaires sur les modes d'intervention de la police et le répertoire d'actions mobilisé sur le terrain. Ces mesures pourraient être intégrées dans le Plan 2018-2020, voire envisagées dans le cadre d'un plan d'action plus global dédié à l'amélioration nécessaire des relations police-population.
    14) Professionnaliser la mission d'accueil
    82. Au-delà des avancées précédemment évoquées, la CNCDH note avec satisfaction le projet d'expérimenter en 2018 (159) le dispositif de "pré-plainte en ligne " pour certains faits à caractère raciste, conformément à la recommandation qu'elle avait formulée dans l'édition 2015 de son rapport annuel (160). Ce dispositif, qui permet aux victimes d'effectuer leur déclaration sur Internet et d'obtenir un rendez-vous auprès du commissariat ou de la brigade de gendarmerie de leur choix pour signer une plainte, présente plusieurs avantages. Outre le fait d'éviter à la victime un long temps d'attente au commissariat, il facilite l'accès à l'information pour les justiciables, aide les victimes à formaliser leur vécu au plus près de l'événement traumatique, et peut permettre une orientation de la procédure vers un interlocuteur spécialiste. Dans son rapport 2016 sur la lutte contre le racisme, la CNCDH avait émis un certain nombre d'observations qui devraient être prises en compte ; elle approfondira encore davantage ce point dans l'édition 2017 de son rapport annuel.
    La CNCDH recommande l'expérimentation effective du dispositif de pré-plainte en ligne pour certains faits à caractère raciste, prévue pour le printemps 2018. La CNCDH et les principales associations antiracistes devraient être informées et consultées sur les options en cours de discussion.
    83. Toujours dans l'idée de professionnaliser l'accueil et la prise de plainte, il est à relever la présence dans certaines villes de Grande Bretagne et des Etats-Unis de services de police spécialisés sur le contentieux raciste et discriminatoire. Ces derniers reçoivent une formation spécifique et développent une expertise qui permet d'améliorer le traitement judiciaire des plaintes pour ce qui relève des "hate crimes ". Ce n'est pas le cas en France, bien qu'il faille mentionner, outre les 132 correspondants "aide aux victimes " présents au sein des directions départementales de la sécurité publique et des 414 correspondants locaux au sein des commissariats, la présence de référent (s) désigné (s) sur ces questions dans quelques commissariats et compagnies de gendarmerie (161). Quand ils existent, ils ont vocation à être les interlocuteurs privilégiés des victimes, des associations d'aide aux victimes et du parquet et plus spécifiquement, en leur sein, du pôle anti-discrimination et des magistrats référents en matière de contentieux raciste et discriminatoire. Il y a lieu de relever, depuis le lancement du Plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT, en décembre 2016, qu'une réflexion est menée avec les directions centrales de la police nationale, la Préfecture de Police et le SSMSI, pour établir une doctrine d'accueil des personnes LGBT, avec la désignation de référents accueil LGBT (162). L'inclusion systématique dans cette réflexion de la question de l'accueil des victimes de racisme et de discriminations serait opportune.
    La CNCDH préconise la désignation, au sein des commissariats et des compagnies de gendarmerie, d'un (ou plusieurs) enquêteur (s) référent (s) chargés de la lutte contre le racisme et les discriminations. Ces derniers devraient, le cas échéant, recevoir une formation spécifique sur les spécificités de ce contentieux.
    15) Encourager la poursuite d'investigations approfondies pour accroître le taux d'élucidation
    84. Une fois les faits racistes rapportés à la justice, le traitement judiciaire débute et l'enjeu devient alors d'accroître le taux d'élucidation des affaires traitées, sur lequel repose l'efficacité de la politique pénale. Un taux d'élucidation élevé permet de faire reculer le sentiment d'impunité et le phénomène infractionnel, les infracteurs ayant la quasi-certitude que leur comportement recevra le cas échéant un traitement judiciaire. C'est d'autant plus important que les actes racistes reposent sur des préjugés souvent profondément ancrés et que les infracteurs, pour éviter la récidive, doivent intégrer la norme sociale. L'enjeu porte véritablement sur la capacité à qualifier le délit, et donc l'intention qui sous-tend une situation caractérisée de raciste. Pour ce faire, il est essentiel, d'une part, d'avoir une vision claire de ce qui constitue un acte "raciste " aujourd'hui, la conception du sens commun du racisme n'étant pas toujours en adéquation avec les nouvelles formes de racisme - ce qui peut poser problème au stade de la qualification des faits -, d'autre part, de conduire des investigations approfondies et complètes, ce qui suppose non seulement une compétence technique, mais encore une volonté de consacrer du temps à la recherche des preuves. En la matière, beaucoup reste à faire, tant dans l'espace public réel que dans l'espace virtuel (voir infra).
    85. La façon dont sont diligentées les investigations dépend largement de l'investissement des enquêteurs et de la gravité des faits rapportés. Le contentieux raciste se caractérise par un taux élevé de classements sans suite, et ainsi par l'absence de toute réponse pénale, faute de caractérisation suffisante ou faute d'identification de l'auteur (163). Il arrive également que certaines infractions rejoignent le contentieux général, de droit commun, faute de caractérisation du mobile raciste, par manque de preuve ou par absence d'investigation approfondie (164). Dans pareil cas, la lumière complète sur l'affaire ne sera pas faite, la victime ne se sentira pas reconnue et l'auteur ne sera pas appelé à saisir toute la portée de son acte. Aussi l'enjeu est-il d'encourager des investigations aussi complètes et approfondies que possible. En outre, la CNCDH souhaite mettre en exergue l'approche britannique consistant, d'une part, à indiquer pour chaque plainte s'il s'agit d'une infraction à caractère raciste ou non pour affiner la qualification de l'acte et, d'autre part, à conférer à la perception de la victime d'un crime de haine une place centrale dans la qualification de l'infraction. Elle diffère de l'approche française, où la pratique visant à interroger la victime sur la possible motivation raciste ou discriminatoire de l'acte n'est pas courante, et où le témoignage de la victime est un élément parmi d'autres, dont la valeur est laissée à l'appréciation de l'agent de police qui reçoit la plainte. Dans la mesure où la circonstance aggravante de racisme a été généralisée à l'ensemble des crimes et des délits punis d'une peine d'emprisonnement, s'inspirer de l'approche britannique permettrait, outre une qualification plus précise de l'infraction, de sensibiliser les forces de sécurité à cette circonstance aggravante.
    La CNCDH recommande, sur le modèle britannique, d'envisager, à titre expérimental, sur un ressort pilote, d'indiquer pour chaque plainte s'il s'agit d'une infraction à caractère raciste ou non et d'autre part, de conférer une place centrale à la perception de la victime dans la qualification des infractions relevant du contentieux raciste et discriminatoire. Elle recommande enfin d'encourager en matière d'infractions racistes des investigations approfondies, en créant une sorte de culture de la recherche de la preuve.
    86. En outre, ce contentieux étant délicat à traiter, en raison des écueils procéduraux, des difficultés à rapporter la preuve du mobile raciste ou encore à déterminer l'imputation des discours de haine lorsqu'ils sont exprimés puis diffusés sur Internet, la formation des personnels concourant à la justice est capitale. Trop peu d'enquêteurs et de magistrats sont sensibilisés à la technicité de ce contentieux, faute de formation suffisante et d'expérience eu égard au faible nombre d'affaires déclarées. Si l'effort fourni par l'École nationale de la magistrature dans le champ de la formation continue doit être relevé (165), les auditeurs de justice n'y sont sensibilisés qu'à la marge (166). En outre, la CNCDH s'interroge sur la systématicité de la formation aux spécificités juridiques de ce contentieux des magistrats référents en matière de contentieux raciste et discriminatoire et des personnels investis dans les pôles anti-discriminations. Quant aux enquêteurs, les efforts pour diversifier la formation sont encourageants, mais pas nécessairement concluants (voir supra) (167).
    La CNCDH recommande que soient poursuivis les efforts de formation des personnels concourant à la justice (enquêteurs, magistrats) dans le champ de la formation initiale et continue, en la rendant systématique pour l'ensemble des référents anti-discriminations (dans les ressorts juridiques mais aussi, le cas échéant, les référents désignés au sein des commissariats et des compagnies de gendarmerie). S'agissant des magistrats, il serait utile d'envisager d'inclure, dans la formation initiale, un module sur la technicité du contentieux raciste (et plus généralement du contentieux relevant du champ des "crimes de haine "), ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Concernant les enquêteurs, davantage d'entre eux doivent être formés à la technicité de ce contentieux et aux techniques développant l'approche psychologique de l'accueil des victimes. En outre, la CNCDH recommande d'encourager une coopération renforcée des enquêteurs et des magistrats, mais aussi des associations et des CORA, pour faciliter le travail d'enquête et favoriser la constitution de procédures complètes.
    87. Enfin, la CNCDH rappelle la nécessité pour la France de mettre en œuvre les recommandations des organes des traités relatives à la problématique de l'intersectionnalité, concept qui vise à révéler la spécificité de situations caractérisées par des discriminations multiples, multidimensionnelles et qui s'amplifient, rendant alors très complexe leur appréhension juridictionnelle (168). Cette réflexion est d'autant plus nécessaire et légitime dans un contexte de multiplication des critères de discrimination (169), qui accroît le risque de dilution des critères de discrimination liés à l'origine réelle ou supposée des personnes, et nécessite une connaissance fine de la complexité des situations de discrimination. Les organes internationaux, relayés par les victimes et les associations, s'inquiètent de l'insuffisante prise en compte de cette problématique dans l'élaboration des textes de loi, et de l'insuffisante capacité du processus pénal à se saisir des mobiles pluriels d'intolérance et à prendre la mesure de l'intégralité du préjudice subi. Certains groupes se situent en effet à la jonction de plusieurs vulnérabilités qui, parfois, ne peuvent être réduites aux seuls critères racistes (appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée). Ces derniers peuvent se cumuler à d'autres critères tels que le sexe, la précarité sociale ou le lieu de résidence. Ces dimensions multiples étant difficiles à manier par les praticiens du droit, il n'est pas rare que, face à un tel cumul de critères, pour des raisons de simplification et de célérité du traitement judiciaire, un seul d'entre eux soit finalement retenu au stade de la qualification juridique des faits.
    Pour faire suite aux recommandations des organes des traités relatives à la problématique de l'intersectionnalité, il serait souhaitable que la France mène une réflexion sur cette approche ambitieuse des discriminations, et repense son droit ou, à défaut, la mise en œuvre de son droit, en lien avec ces vulnérabilités particulières, en ne perdant jamais de vue le vécu des victimes. La CNCDH recommande que cette réflexion soit inscrite à l'agenda interministériel et souhaite y être pleinement associée, afin de promouvoir l'approche basée sur les droits de l'homme. Elle invite tout particulièrement la DILCRAH, dont le champ d'intervention a été récemment étendu à la lutte contre la haine anti-LGBT, à s'approprier ces réflexions. De même, le législateur et le juge devraient prendre en compte le cumul et l'intersectionnalité des discriminations et en assurer une juste réparation.

    1 Décret n° 2007-1137 du 26 juillet 2007 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, article 11 ; Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme (20 décembre 1993) A/RES/48/134, Compétences et attributions, paragraphe 3-F.

    2 Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.

    3Plan national d'action contre le racisme et l'antisémitisme 2012-2014.

    4Plan d'action 2015-2017 : La République mobilisée contre le racisme et l'antisémitisme.

    5 CERD, Observations finales du comité pour l'élimination de la discrimination raciale, France, 27 août 2010, CERD/C/FRA/CO/17-19.

    6 Nations Unies, Rapport de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Durban, 31 août-8 septembre 2001, A/CONF.189/12, Programme d'action, §191a).

    7 ECRI, rapport sur la France, cinquième cycle de monitoring, 1er mars 2016, CRI (2016) 1.

    8 L'EPU est un mécanisme unique des Nations unies pour améliorer la situation des droits de l'homme dans ses Etats membres.

    9 La CNCDH a consulté, en janvier 2011, un certain nombre d'associations de lutte contre le racisme, de personnalités qualifiées, de syndicats et la HALDE afin de recueillir leurs observations et recommandations en vue de l'élaboration du plan 2012 - 2014. Cette consultation a donné lieu à la rédaction d'une note qui a été transmise aux services compétents. Une deuxième consultation a eu lieu dans le courant du mois de septembre 2011 sur la base d'un projet de plan national. A cette occasion, la CNCDH a pu émettre un certain nombre de recommandations et de réserves, en vue de l'amélioration du futur plan. L'introduction du plan reprenait certaines de ces recommandations quant aux besoins de transversalité, de cohérence et de visibilité, bien que le volet opérationnel se soit ensuite avéré assez décevant. Concernant le Plan 2015 - 2017, une partie du rapport 2015 de la CNCDH était consacrée à l'appréciation et à l'analyse de ces mesures.

    10 La Commission, dans sa double mission de veille et de propositions, accompagne ce rapport depuis 2005 d'une série de recommandations.

    11 Le précédent plan se contentait de compiler les dispositifs dont la France a su se doter au cours des dernières années sans présenter de stratégie globale permettant de garantir la cohérence, l'effectivité et l'efficacité de la lutte contre le racisme - sans doute par manque de "souffle " traduisant une véritable volonté politique.

    12 Décret n° 2016-1805 du 22 décembre 2016 modifiant le décret n° 2003-1164 du 8 décembre 2003 portant création du comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

    13 Les nouvelles attributions de la DILCRAH sont coordonnées, par délégation du Premier ministre, sous l'égide du secrétariat d'Etat chargé de la ville, et de la lutte contre les discriminations, et - depuis mai 2017 - du secrétariat d'Etat chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes (Décret n° 2017-1066 du 24 mai 2017 relatif aux attributions déléguées à la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes).

    14 Pour rappel, le décret constitutif précise que "le comité interministériel de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans, présidé par le Premier ministre, comprend le ministre de l'intérieur, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre des affaires étrangères, le ministre chargé des affaires sociales, le ministre chargé de la jeunesse, le ministre chargé de l'éducation nationale et le ministre chargé de la ville ".

    15 Conseil scientifique de la DILCRAH du 16 octobre 2017.

    16 Pour rappel, pour le précédent Plan, il était prévu qu'un Comité interministériel se réunisse chaque année autour du Premier ministre et qu'un Comité de pilotage réunisse chaque trimestre les représentants des différents ministères et la DILCRAH pour apprécier son bon déroulement et adopter, le cas échéant, les réorientations nécessaires.

    17 Certaines thématiques ont une incidente certaine sur les fractures de la société dont le racisme est un symptôme parmi les plus préoccupants (comme par exemple la politique migratoire, l'accès à la culture et aux loisirs, etc.), tandis que d'autres sont déjà traitées dans le cadre de plans d'action complémentaires (par ex., "Egalité et citoyenneté : la République en actes ", "Grande mobilisation de l'Ecole pour les valeurs de la République ", "Citoyens du sport ", "priorité jeunesse ", etc.) ou bien inscrites dans le cadre d'une action interministérielle (par ex., l'application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements illicites coordonnée par la DIHAL ; l'action menée par la Délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer, etc.).

    18 CERD, observations finales sur les 20e et 21e rapports périodiques de la France, 10 juin 2015, CERD/C/FRA/20-21.

    19 ECRI, rapport sur la France, cinquième cycle de monitoring, 1er mars 2016, CRI (2016) 1.

    20 La seconde recommandation prioritaire concerne le renforcement de la lutte contre les stéréotypes et les préjugés raciaux et homo/transphobes.

    21 Voir CNCDH, Recommandations sur la mise en œuvre de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 et sur l'accès aux droits des populations dites "roms " (communiqué), 26 juillet 2013 ; Avis sur le respect des droits fondamentaux des populations vivant en bidonvilles - mettre fin à la violation des droits, 20 novembre 2014 ; Avis sur les discriminations fondées sur la précarité sociale, 26 septembre 2013 ; Avis "Logement : un droit pour tous " - Permettre un accès effectif et non discriminatoire au logement, 16 juin 2016 ; rapport 2016 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

    22 A cet égard, il est à noter que certains groupes de population victimes de racisme et discriminations qui y sont liées n'ont jusque-là pas été pleinement pris en compte dans l'action publique de lutte contre le racisme, à l'instar des Roms, groupe le plus rejeté en France, ou encore les Asiatiques, qui ont fait l'objet d'une recrudescence d'actes racistes ces dernières années.

    23 Plan 2015 - 2017, p.3.

    24 http://www.gouvernement.fr/tous-unis-contre-la-haine#xtor=SEC-800137

    25 D'après une enquête d'opinion menée par l'institut BVA citée dans la contribution écrite de la DILCRAH au rapport 2016 de la CNCDH, le taux de pénétration a atteint presque le niveau des campagnes de sécurité routière et son taux d'agrément (i.e d'adhésion) serait de 63 %.

    26 La campagne gouvernementale "Tous unis contre la haine " a été coordonnée par l'équipe du Service d'information du gouvernement, avec l'absence apparente de concertation avec la DILCRAH et les chercheurs compétents en la matière.

    27 Voir l'état des lieux dressé chaque année par la CNCDH dans le rapport sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie depuis 1990.

    28 Les scènes sont les suivantes : un musulman frappé dans une ruelle, un juif attaqué par une bande dans un escalier, un couple agressé par des anti-arabes, une synagogue taguée "Mort aux juifs ", un homme noir bastonné par deux skinheads, une tête de porc sur les grilles d'une mosquée. Chaque vidéo est précédée d'une cartouche "inspiré de faits réels ".

    29 "Les juifs contrôlent tout, les médias, les banques (…) et en plus, ils se font passer pour des victimes " ; "Les Noirs, ils sont pas pareils, c'est génétique (…) on dira ce qu'on voudra, ils en foutent pas une… " - ; "Tous ces musulmans ça me fait peur (…) c'est tous des terroristes ". Vers la fin du clip, un contradicteur les interpelle : "Mais vous êtes sérieux ? Vous croyez à ce que vous dites, là ? ".

    30 Fort heureusement, un préjugé ne se matérialise pas systématiquement par un passage à l'acte. De même, l'évolution de l'opinion publique française dans son ensemble ne saurait se réduire à la seule évolution des actes racistes enregistrés, ceux-ci pouvant être le fait de minorités violentes particulièrement actives. Pour autant, cette disjonction entre acte et opinion trouve sa limite en ce que l'infraction au mobile raciste se nourrit nécessairement du préjugé raciste.

    31 D'après l'étude réalisée par les associations précitée, cette campagne a été relayée à la télévision (470 diffusions en France, 170 dans les pays francophones), au cinéma (10.500 annonces) et a permis d'atteindre 4 millions de personnes sur les réseaux sociaux.

    32 Décret n° 2016-830 du 22 juin 2016 portant création des comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (CORA). Les CORA, présidés par les préfets, ont été officiellement installés dans 96 départements entre 2016 et 2017.

    33 Le préfet est compétent concernant la composition des CORA.

    34 A titre d'exemple, l'arrêté du 7 août 2017 instituant le CORA des Hauts-de-Seine met en place une commission comprenant 29 membres dont 15 responsables administratifs, 9 représentant des cultes, le président de l'association des maires du département et seulement 4 représentants des associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, et aucun syndicat.

    35 M-H Bacqué, M. Mechmache, Pour une réforme radiale de la politique de la ville. Ça ne se fera plus sans nous. Citoyenneté et pouvoir d'agir dans les quartiers populaires ", rapport remis en juillet 2013 au ministre chargé de la Ville.

    36 Voir l'évaluation du Plan 2015 - 2017 de la CNCDH, dans l'édition 2015 de son rapport annuel, pp. 169-172.

    37 La CNCDH travaille actuellement sur une étude relative à cette question.

    38 https://www.coe.int/en/web/interculturalcities/good-pratice

    39 Conformément à la circulaire du Premier ministre n° 5729-SG du 20 juillet 2014 relative à l'élaboration des contrats de ville, la lutte contre les discriminations constitue un axe transversal des contrats de ville 2015/2020 et doit se traduire par la mise en place de "plans territoriaux stratégiques " au sein de chaque contrat. Le cadre de référence LCD du ministère de la ville a été édité en 2014 et transmis au réseau territorial du ministère et à ses partenaires (en particulier les collectivités) afin de s'approprier la démarche, l'approche méthodologique et les différents outils.

    40 Contribution du CGET au rapport 2017 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

    41 Une soixantaine d'associations (LICRA, SOS Racisme, UEJF, etc.), des lieux de mémoire et d'histoire (Mémorial de la Shoah, Mémorial du Camp des Miles, Musée de l'histoire de l'immigration, etc.) et des établissements d'enseignement supérieur (Lyon 2, IHTP-Paris VIII, etc.) ont bénéficié d'une subvention de la DILCRAH.

    42 Il serait souhaitable de disposer d'un bilan financier distinguant les financements mis œuvre par les services de l'État et les moyens alloués à la société civile et aux ONG pour leur permettre de déployer des programmes d'action à grande échelle et/ou innovants.

    43 Conseil scientifique de la DILCRAH du 16 octobre 2017.

    44 Voir les différents avis de la CNCDH sur l'effectivité des droits de l'homme dans les Outre-mer.

    45 Contribution écrite du ministère des Outre-mer au rapport 2016 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

    46 CNCDH, Avis sur l'accès au droit et à la justice dans les Outre-mer, essentiellement en Guyane et à Mayotte, 22 juin 2017.

    47 A cet égard, la campagne 2017-2018 pose les mêmes difficultés : à titre d'exemple, dans les Hauts-de-Seine, le dépôt de candidature est compris entre le 6 novembre et le 22 décembre 2017, soit un mois et demi pour constituer le dossier.

    48 Plusieurs mesures cumulatives font craindre un impact conséquent sur l'action associative locale : réduction du budget alloué à la politique de la ville, baisse du budget des collectivités locales par une diminution de la dotation de l'Etat et la suppression de la taxe d'habitation, suppression des emplois aidés, suppression de la réserve parlementaire, etc.

    49 Voir par ex. le projet "Religion, discriminations et racisme en milieu scolaire " porté par l'université Lyon 2 ; le projet de l'EQUIPEX "Matrice " sur les témoignages ; la création d'un centre de recherche et de formation contre le racisme et l'antisémitisme à l'Université Paris VIII, etc.

    50 Christine Lazerges est membre du conseil scientifique en tant que Présidente de la CNCDH.

    51 Proposition discutée lors du conseil scientifique de la DILCRAH du 16 octobre 2017.

    52 On peut citer notamment le Mémorial ACTe de Guadeloupe ou encore le comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, via le concours "la flamme de l'égalité " et dans la perspective de la création, à Paris, d'une fondation pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage.

    53CERD, observations finales sur les 20e et 21e rapports périodiques de la France, 10 juin 2015, CERD/C/FRA/20-21, §11 à 14.

    54 Cette étude devrait notamment porter sur les discriminations raciales, celles envers les LGBT et celles fondées sur le handicap.

    55 Il est à noter que certains ministères se sont lancés dans cette dynamique, à l'instar du ministère des Affaires étrangères qui a élaboré, le 17 mars 2017, un Document d'orientation politique relatif au partenariat entre le ministère et la société civile. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/photos-videos-publications-infographies/publications/enjeux-planetaires-cooperation-internationale/documents-de-strategie-sectorielle/article/document-d-orientation-politique-relatif-au-partenariat-entre-le-ministere-des

    56 Les contours (composition, fonctionnement) devraient être définis en concertation avec les intéressés. La CNCDH prépare actuellement une étude visant à proposer des orientations méthodologiques aux pouvoirs publics afin qu'ils puissent décliner dans leur champ d'action respectif l'approche basée sur les droits de l'homme, incluant les modalités de concertation et de participation de la société civile.

    57 La DILCRAH et les ministères de la Culture, de la Défense et de l'Education nationale ont organisé en décembre 2015 une réunion de leurs réseaux territoriaux respectifs, afin de travailler sur les outils nécessaires au déploiement de ce projet sur l'ensemble du territoire. Un réseau des lieux de mémoire de la Shoah a d'ores et déjà été mis en place, officiellement lancé le 23 mars 2016 ( http://www.ambassadeurs-memoire-shoah.org/).

    58 Le site https://www.reseau-canope.fr/eduquer-contre-le-racisme-et-lantisemitisme.html a été mis en ligne en mars 2016.

    59 D'après les premiers résultats observés lors de la phase exploratoire de l'enquête "Religions, racismes, discriminations " conduite par l'université Lyon II.

    60 Décret n° 2017-1080 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre de l'éducation nationale

    61 La LICRA a expérimenté en 2017, une première opération de formation de candidats de la Réserve Citoyenne de Rhône-Alpes.

    62 D'après les premiers résultats observés lors de la phase exploratoire de l'enquête "Religions, racismes, discriminations " conduite par l'université Lyon II.

    63 La formation dispensée est encore insuffisante, bien que l'éducation aux usages numériques responsables fasse partie des priorités du Plan national de formation ces dernières années. D'après Divina Frau-Meigs, spécialiste de la question, au rythme actuel de 20 000 agents de l'Education nationale formés par an, il faudrait attendre l'année 2096 pour que tous soient formés aux outils numériques (Intervention à la conférence TEDx "Peut-on apprendre à vivre ensemble ? ", organisée par l'équipe TEDxChampsElysées, le 11 décembre 2016, à la Maison de la Radio). L'enquête OCDE-TALI 2013 souligne en outre que l'utilisation des nouvelles technologies fait partie des besoins prioritaires en formation continue identifiés par les enseignants ( http://www.oecd.org/edu/school/talis-2013-results.htm).

    64 Par ex., structuration de groupes académiques "climat scolaire " pour accompagner les établissements dans cette démarche ; élaboration d'un guide de référence de rappel du droit et des sanctions en matière de racisme64, développement de la médiation par les pairs et site internet collaboratif "climat scolaire " proposant des ressources issues des expériences de terrain64, etc. La CNCDH salue particulièrement la mise à disposition d'un outil de pilotage, sous la forme d'une enquête locale de climat scolaire, qui rejoint sa recommandation s'agissant de la nécessité d'une mesure plus fine des manifestations de racisme pour cibler les actions de prévention à déployer sur le terrain.

    65 https://www.dilcrah.fr/semaine21mars/

    66 Mise à jour en 2017 du guide juridique sur la prévention et la lutte contre les incivilités, les violences et les discriminations dans le sport, qui sera diffusée à partir de janvier 2018 ; élaboration du guide "Mieux appréhender les conséquences juridiques des phénomènes d'incivilités, violences et discriminations dans le sport ".

    67 Le soutien financier est ainsi passé de 41 000 euros en 2015 à 57 000 euros en 2016, principalement affecté à la mise en œuvre des mesures 38 à 40 du Plan.

    68 http://www.licra.org/wp-content/uploads/A4_VICTIMES_080616.pdf

    69 Le plan "Citoyens du sport"vise notamment à ce que chaque fédération sportive désigne 2 référents"citoyens du sport" qui porteront les valeurs de respect et de tolérance. Au 1er octobre 2017, 87 fédérations ont adopté un tel plan fédéral, portant à 174 le nombre de référents. Ces référents sont chargés de déployer des actions de promotion des valeurs positives du sport auprès des clubs et associations sportives.

    70 Elle a fait l'objet d'un important affichage au sein du réseau de la RATP et a été largement relayée sur les réseaux sociaux et sur les sites des fédérations sportives.

    71 Loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.

    72 Loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.

    73 Loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme. Une des dispositions a consisté à la mise en place, au sein du ministère des sports, d'une Instance nationale du supportérisme associant tous les acteurs du supportérisme en France. Les travaux en cours visent à instaurer des droits et devoirs des supporters dans un souci de prévention des incivilités et discriminations dans les manifestations sportives.

    74 L'enquête annuelle menée auprès des Offices municipaux des Sports et les collectivités locales. En juin 2017, ce sont 600 collectivités et 500 Offices Municipaux du Sport (OMS) qui ont été destinataires de notre enquête annuelle concernant les dérives racistes dans le sport. Les résultats de cette nouvelle édition seront communiqués début 2018.

    75 Voir notamment la Note du CNESCO consacrée à l'apprentissage de la citoyenneté à l'école du 13 janvier 2015 et le rapport "Education à la citoyenneté à l'école " d'avril 2016. : http://www.cnesco.fr/fr/dossier-citoyennete/

    76 La CNCDH dressera un état des lieux précis de la situation en France dans l'édition 2017 de son rapport annuel sur la lutte contre toutes les formes de racisme.

    77 Le critère de l'origine représente le deuxième motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination (qui concernent entre 10 et 15 % des dossiers reçus par le Défenseur des droits), après le handicap, et encore sans prendre en compte les situations qui étaient traitées sous le prisme du critère de l'origine, avant l'ajout des critères du lieu de résidence (2012) et de la précarité sociale (2016).

    78 D'après les résultats de l'enquête SIVIS, entre 20 à 25 % des incidents à motivation raciste et discriminatoire intervient dans le cadre d'un harcèlement (voir le rapport de la CNCDH).

    79 Il est à noter que l'institution donne ces dernières années des signes s'apparentant à la reconnaissance du problème. On peut notamment citer les efforts de sensibilisation des référents académiques harcèlement à la question des discriminations, l'organisation d'un séminaire national de formation en 2017 sur "la mesure, l'analyse et la prévention des discriminations ", ou encore les travaux menés par le Réseau national de lutte contre les discriminations à l'école (http://reseau-lcd-ecole.ens-lyon.fr//), avec le soutien du CGET. Les efforts en vue de corriger l'impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire, en faveur de davantage de mixité sociale et scolaire, doivent être relevés.

    80 Si cette approche permet de prévenir une partie des situations problématiques entre élèves, elle ne permet pas d'appréhender toutes les situations de discrimination. C'est par exemple le cas des mécanismes en milieu scolaire susceptibles de produire ou d'entretenir des inégalités de traitement, de nombreux travaux de recherche insistant particulièrement sur les étapes de l'orientation scolaire, de la recherche d'un stage, voire de la constitution des classes. Voir notamment Rémi Thibert, "Discriminations et inégalités à l'école ", Dossier de veille de l'IFÉ, n° 90, Lyon : ENS de Lyon, février 2014 ; C. Beauchemin, C. Hamel et P. Simon (dir.), Trajectoires et origines : enquête sur la diversité des populations en France, INED/INSEE, 2015 ; E. Druez, "Réussite, racisme et discriminations scolaires. L'expérience des diplomé.e.s d'origine subsaharienne en France ", Terrains & travaux, n° 29, février 2016, pp.21-41.

    81 "Il est une autre mission que le retour de l'Etat se doit de prendre à bras-le-corps, c'est celle de réduire, de manière volontariste, les discriminations qui frappent les quartiers sous plusieurs formes ". Plusieurs mesures ont été évoquées : plan de formation à la lutte contre les discriminations pour les managers ; publication des résultats des testings ; lutte contre les discriminations à l'embauche (discours du 14 novembre 2017, à Tourcoing).

    82 C'est ce qu'il ressort de la contribution de la DILCRAH au rapport 2016 de la CNCDH et du récent mandat qui lui a été confié sur la lutte contre la haine et les discriminations envers les LGBT.

    83 Le Plan 2015 - 2017 n'a abordé cette question que sous l'angle de l'action de groupe.

    84 Voir notamment : les Résultats du testing sollicité par le Groupe CASINO et réalisé par ISM CORUM, juin 2008 ; M-A. Valfort, Discriminations religieuses à l'embauche : une réalité, Institut Montaigne, octobre 2015 ; C. Beauchemin, C. Hamel et P. Simon (dir.), Trajectoires et origines : enquête sur la diversité des populations en France, INED/INSEE, 2015 ; France Stratégie, Le coût économique des discriminations, septembre 2016 ; Défenseur des droits, "Accès à l'emploi et discriminations liées aux origines ", Etudes et Résultats, septembre 2016 ; J-C. Sciberras, rapport sur le suivi de la mise en œuvre des propositions du groupe de dialogue sur la lutte contre les discriminations en entreprise, novembre 2016.

    85 L'accord vise notamment à garantir aux salariés l'égalité de traitement en matière de recrutement, de rémunération, de formation professionnelle et de déroulement de carrière. Les rapports sur la lutte contre les discriminations en entreprise, sous l'égide de J-C. Sciberras (mai 2015 et novembre 2016), contiennent 18 propositions, dont quatre sont supposées relever de la responsabilité des partenaires sociaux. Le rapport de suivi de 2016 souligne néanmoins que ces derniers ont été peu enclins à s'en saisir.

    86 Audition de Sophie Latraverse, directrice du secrétariat général du Défenseur des droits, 9 novembre 2017. Dans sa contribution écrite au rapport 2016 de la CNCDH, le Défenseur des droits fait état de plusieurs réclamations de ce type et de l'incapacité de réagir de manière pertinente de l'employeur face à la gravité des faits allégués.

    87 L'appel intersyndical du 5 juin 2015 trace bien le cadre et l'esprit de l'action syndicale contre le racisme : Après le 11 janvier : "Vivre ensemble, travailler ensemble…" - Texte commun et engagements partagés des organisations syndicales CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, UNSA, FSU et Solidaires (daté du 5 juin 2015).

    88 Au 188 novembre 2017, 3 714 entreprises ont signé la Charte. Elle propose une démarche volontaire pour des entreprises souhaitant favoriser le pluralisme et la diversité en leur sein, à travers les recrutements et la gestion des carrières.

    89 L'article 214 de la loi 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté impose aux entreprises d'au moins 300 salariés, ainsi qu'à celles spécialisées dans le recrutement, de former à la non-discrimination à l'embauche leurs salariés chargés des missions de recrutement au moins une fois tous les cinq ans (article L 1131-2 du code du travail).

    90 Créé en 2008, le "Label diversité " valorise les meilleures pratiques de prévention de toutes les discriminations reconnues par la loi en matière de gestion des ressources humaines et de dialogue social par les employeurs privés comme publics. Près de 350 organismes employant près de 900 000 personnes l'ont obtenu.

    91 Voir notamment Institut Montaigne, Dix ans de politiques de diversité : quel bilan ?, septembre 2014.

    92 D'autres outils sont possibles. Voir notamment Défenseur des droits, "Mesurer pour progresser vers l'égalité des chances. Guide méthodologique à l'usage des acteurs de l'emploi ", 2012.

    93 La loi admet le principe du testing non seulement comme mode de preuve d'une infraction, mais également, depuis la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, comme mode de preuve recevable en droit civil au soutien d'une action en responsabilité.

    94 Certaines entreprises, comme Peugeot Citroën ou Casino, ont réalisé un autotesting scientifique. Ce procédé est également utilisé par le BIT, les associations et, plus récemment, le gouvernement français.

    95 BC, 5 oct 2017 - Ordonnance tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et à promouvoir l'égalité de traitement (http://unia.be/fr/legislation-et-recommandations/legislation/bc-5-oct-2017-ordonnance-tendant-a-lutter-contre-certaines-formes-de-discriminations-et-a-promouvoir-legalite-de-traitement).

    96 Résolution 415 adoptée par le Congrès du Conseil de l'Europe le 29 mars 2017 https://rm.coe.int/16806fe487

    97 D'après le Baromètre 2016 de la diversité du CSA, si la distribution des rôles reste nettement plus favorable aux personnes perçues comme "blanches ", la situation s'améliore quelque peu avec une représentation à hauteur de 16 % des "personnes perçues comme non-blanches " (contre 14 % en 2014 et en 2015). Toutefois, elles sont encore trop souvent présentées sous un mauvais jour, avec une surreprésentation dans les activités marginales ou illégales ( http://www.csa.fr/Etudes-et-publications/Les-observatoires/L-observatoire-de-la-diversite/Les-resultats-de-la-vague-2016-du-barometre-de-la-diversite). Parmi les dispositifs intéressants, on peut souligner "Images de la diversité ", devenu "Fonds Images de la Diversité " intégré depuis le 1er janvier 2016 au règlement général des aides du Centre national du cinéma et de l'image animée, qui vise à soutenir la création cinématographique et audiovisuelle afin de refléter plus fidèlement la diversité française.

    98 La CNCDH n'a pas suffisamment travaillé sur le sujet pour cibler des propositions d'action utiles à mettre en œuvre. Aussi invite-t-elle la DILCRAH à se rapprocher du ministère de la Culture et du CSA pour cibler les actions à mettre en œuvre. Elle signale également que plusieurs propositions intéressantes ont été émises lors du colloque "Audiovisuel : comment mieux représenter la diversité de la société française ? " qui s'est tenu au Conseil national de l'audiovisuel (CSA) le 6 octobre 2015 ( http://www.csa.fr/Etudes-et-publications/Les-dossiers-d-actualite/Colloque-Audiovisuel-comment-mieux-representer-la-diversite-de-notre-societe).

    99 Rapport de Yannick L'Horty remis au Premier ministre sur les discriminations dans l'accès à l'emploi public, juin 2016.

    100 Il s'agit entre autres de la campagne nationale de sensibilisation "Les compétences d'abord ", de la campagne de testing volontaire dans une quarantaine de grandes et petites entreprises, de la Charte pour la promotion de l'égalité et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique, signée le 17 décembre 2013 par la ministre chargée de la Fonction publique et le Défenseur des droits, ou encore de diverses mesures visant à diversifier les profils des élèves fonctionnaires. A compter de 2018, un rapport biennal sur la lutte contre les discriminations et la prise en compte de la diversité de la société française dans la fonction publique sera élaboré par la DGAFP comme le prévoit la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

    101 L'IRA de Nantes a été mandaté par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et la DILCRAH pour mettre en place un module de sensibilisation à la lutte contre les préjugés, le racisme et les discriminations de tous les nouveaux agents de la fonction publique d'Etat, qui insiste particulièrement sur les comportements attendus d'eux dans l'exercice de leur fonction. Cette formation peut représenter une réelle plus-value, en ce qu'elle peut permettre de prendre conscience des biais inconscients et des préjugés présents en chaque individu et, à terme, agir sur les pratiques discriminatoires directes ou indirectes qui en découlent. Plus d'une centaine de formateurs ont déjà été formés et forment à leur tour des agents sur le terrain. Ce dispositif s'inscrit dans le processus de préparation des ministères à la candidature au Label Diversité. A ce jour, elle ne concerne toutefois que les agents de la fonction publique d'Etat, et non ceux des fonctions publiques hospitalière et territoriale.

    102 Le rapport l'Horty a mis en évidence que les fonctions publiques territoriale et hospitalière n'étaient pas épargnées par les discriminations.

    103 Préambule de la Constitution de 1946, treizième alinéa.

    104 "L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. la présente disposition ne fait pas obstacle à l'application des prescriptions particulières imposant une scolarité plus longue " (article L. 131-1 du code de l'éducation).

    105 D'autres facteurs d'explication doivent être pris en considération : obstacles administratifs, éloignement des lieux de vie des écoles (ou inaccessibilité pour les transports en commun), expulsions entraînant de fait une rupture plus ou moins longue dans la scolarisation, barrières matérielles à la scolarisation directement liées aux conditions de vie (achat de vêtements, coût de la cantine…).

    106 Le Comité "constate avec préoccupation […] que certaines catégories d'enfants, en particulier les enfants handicapés, les enfants qui vivent dans des bidonvilles, les enfants migrants non accompagnés (en particulier à Mayotte) et les enfants en situation de conflit avec la loi, ont du mal à entrer, à rester et à revenir dans le système éducatif et dans les activités et structures liées à l'école " et recommande ainsi à l'Etat "de garantir à tous les enfants le droit à l'éducation sans discrimination " (Observations finales du comité des droits de l'enfant concernant le cinquième rapport périodique de la France, 23 février 2016, §71).

    107 Il s'agit plus particulièrement, en France hexagonale, des enfants roms (ou désignés comme tels) vivant en bidonvilles et, dans les Outre-mer - et à plus forte raison en Guyane et à Mayotte -, des enfants étrangers (ou perçus comme tels) ou appartenant à des groupes spécifiques (tels les Amérindiens ou les Bushinengué en Guyane).

    108 Son action s'est principalement cantonnée, jusqu'à aujourd'hui, à la publication de circulaires et d'instructions.

    109 On peut citer l'enquête nationale portant sur la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés, rénovée en 2014, visant à permettre un suivi des parcours scolaires des EANA au niveau national, mais qui ne renseigne pas sur les enfants non scolarisés. Travail mené avec Intérieur sur un guide envoyé à l'ensemble des maires. Le ministère de l'Education nationale, en lien avec le ministère de l'Intérieur, a également élaboré un guide consacré à la scolarisation des enfants allophones qui devrait être prochainement envoyé aux maires (audition du ministère de l'Education nationale, le 22 novembre 2017).

    110 Les quatre enquêteurs de l'équipe sont formés à la qualification de la délinquance raciste et à ses spécificités procédurales, leur mission étant principalement d'assurer le traitement des signalements relatifs à des contenus haineux, d'initier les enquêtes judiciaires subséquentes, et d'effectuer une veille et une détection en amont des contenus haineux.

    111L'équipe est composée de 26 personnes (20 policiers et 6 gendarmes) dont 4 enquêteurs au sein de la "cellule discrimination sur le web ". PHAROS est notamment soutenu par l'AFPI, association en charge du site Point de Contact, pour sélectionner, qualifier juridiquement et orienter les signalements des internautes et des associations.

    112 L'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), auprès duquel est placée la plateforme PHAROS, dispense des conférences et formations pour présenter l'activité de PHAROS, notamment dans le cadre de la session de formation continue des magistrats sur "Le racisme en France " organisée par la CNCDH.

    113 Ce groupe a été constitué à l'initiative conjointe de M. Thierry Delville, délégué ministériel aux industries de sécurité et à la lutte contre les cyber-menaces, et de la DILCRAH.

    114 Code de conduite relatif aux discours haineux illégaux en ligne du 31 mai 2016 : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1937_fr.htm

    115 Il s'agit d'un réseau composé de 22 organisations spécialisées dans la lutte contre les discours de haine sur le Web. La LICRA est le coordinateur français en son sein depuis 2009.

    116 La campagne du Conseil de l'Europe "Mouvement contre les discours de haine " sur les réseaux sociaux, est déclinée en France afin de lutter contre la désinformation, les théories du complot, les discours de haine et prévenir les radicalisations. https://www.nohatespeechmovement.org/.

    117 A titre d'illustration, la campagne "No Likes For Racism ", initiée par la LICRA avec Facebook France, pour inciter les jeunes à contrer le racisme ordinaire sur Internet a été vue 7 millions de fois sur Facebook. Peuvent également être cités la campagne française "Get the Trolls Out " engagée par l'ICFJ (International centrer for journalists) visant à inciter la jeunesse européenne à développer des outils pour combattre l'antisémitisme sur Internet.

    118 Il s'agit par exemple des "sleeping giants " qui interpellent les marques sur les réseaux sociaux, afin que ces dernières retirent leur publicité sur des sites de la fachosphère pour les affaiblir. Cette pratique est courante aux Etats-Unis et tend à se développer en France.

    119 A titre d'exemple, PHAROS a adressé, en 2016, aux professionnels de l'Internet 834 demandes de blocage, 1929 demandes de déréférencement et 3129 demandes de retrait.

    120 La DILCRAH mentionne ainsi, dans sa contribution écrite au rapport 2016 de la CNCDH, des signalements auprès de PHAROS ayant donné lieu à la condamnation d'auteurs de blogs, à des peines d'emprisonnement ferme, compte tenu de l'état de récidive qui avait été relevé, mais également à des peines alternatives à l'emprisonnement et à des mesures alternatives aux poursuites, telles que des stages de citoyenneté.

    121 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

    122 Rapport de Marc Robert, Groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, Protéger les internautes. Rapport sur la cybercriminalité, février 2014. Sur les failles de la LCEN, voir notamment J. Bossan, "Le droit pénal confronté à la diversité des intermédiaires de l'Internet ", RSC 2013.

    123CNCDH, Avis sur la lutte contre les discours de haine sur Internet, 12 février 2015 ; Rapports 2015 et 2016 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

    124 La LCEN garantit globalement le principe de "neutralité du réseau ", au sens où elle consacre un principe de responsabilité limitée des prestataires du web (fournisseurs d'accès et hébergeurs). S'agissant plus spécifiquement des hébergeurs, leur responsabilité (civile et pénale) ne peut pas être engagée "s'ils n'avaient pas effectivement connaissance " du caractère illicite des contenus stockés ou "si dès le moment où ils ont eu cette connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible " (articles 6-1-2 et 6-1-3 de la LCEN).

    125 Précisément, certaines sociétés commerciales étrangères ne s'estiment pas tenues par les dispositions de l'article 6 II. de la LCEN qui impose aux acteurs de l'Internet de coopérer avec les autorités judiciaires et administratives pour permettre l'identification de personnes ayant contribué à la création de contenus illicites. La grande majorité des sites contenant des discours de haine sont hébergés par des entreprises dont le siège social est situé en Irlande ou aux États-Unis, et qui, pour cette raison, revendiquent l'extranéité juridique. En outre, il est regrettable que bien des entreprises étrangères ne s'estiment pas davantage liées par l'article 6 I. 7 de la LCEN permettant à l'autorité judiciaire de mettre à la charge des hébergeurs et des fournisseurs d'accès une obligation de surveillance spéciale (ciblée et temporaire) de certains comportements illégaux. Rappelons que, s'agissant de la répression des infractions relatives aux abus de la liberté d'expression, ces prestataires doivent également informer promptement les autorités publiques de toute activité illicite dont elles ont connaissance et rendre publics les moyens qu'ils consacrent à la lutte contre ces activités.

    126 Un testing mené du 31 mars au 10 mai 2016 par SOS Racisme, SOS Homophobie et l'Union des étudiants juifs de France révèle que la presque totalité des signalements réalisés auprès des trois grandes plateformes de réseaux sociaux (Facebook, Tweeter, Youtube) reste sans effets. Sur les 586 contenus haineux signalés, seuls 4 % ont été retirés sur Twitter, 7 % sur Youtube et 34 % sur Facebook. Voir également le testing réalisé par la Commission européenne en décembre 2016 pour mesurer la réalité de la suppression des contenus haineux par les géants du Web, et la rapidité de cette suppression le cas échéant. Il en ressort que Facebook, Twitter, Youtube et Microsoft ne s'occupent en moins de 24h que de la moitié des cas qui leur sont signalés par les internautes en France.

    127 Code de conduite relatif aux discours haineux illégaux en ligne du 31 mai 2016 précité. En outre, ils ont une obligation légale de modération qui leur impose de retirer dans un bref délai les contenus manifestement illicites qui leur sont signalés.

    128 Les associations ont constaté, à la suite d'un testing réalisé en mai 2017, que Twitter avait amélioré son dispositif de signalement et de traitement des contenus haineux. Il a ainsi été mis fin à la procédure judiciaire engagée contre Twitter. Les résultats du nouvel exercice de monitoring commandé par la Commission européenne devraient être communiqués en 2018.

    129 Cour EDH (Gde chbre) 16 juin 2015, Delfi AS c. Estonie, req. n° 64569/09. Il s'agit de la première affaire dans laquelle la Cour a été appelée à examiner un grief relatif à la responsabilité d'une société gérant un portail d'actualités sur Internet en raison des commentaires laissés par les internautes. Pour la première fois, la Cour a reconnu que la responsabilité de l'exploitant, à titre commercial, d'un portail d'actualités sur Internet était engagée en raison des commentaires injurieux laissés par les internautes.

    130 CNCDH, Rapports 2015 et 2016 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ; Avis sur le projet de loi Egalité et Citoyenneté, le 7 juillet 2016. Cette question fait l'objet, depuis plusieurs années, de nombreux débats au sein de la CNCDH, les partisans d'un basculement de ces infractions dans le code pénal mettant en avant le caractère aujourd'hui inadapté du cadre prévu par la loi de 1881, ainsi que sa technicité et sa complexité difficilement maîtrisable même pour les juristes. Le maintien de ces infractions dans la loi de la presse, assorti de mesures visant à agir sur les chausse-trappes procédurales, a finalement été l'option retenue par la majorité des membres lors de l'Assemblée plénière du 18 février 2016, à l'occasion de l'adoption du rapport 2015 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, et du 16 juillet 2016, à l'occasion de l'adoption de l'avis sur le projet de loi Egalité et Citoyenneté.

    131 Contra A.-M. Le Pourhiet, "Le droit français est-il Charlie ? ", Le Débat n° 185, p.33.

    132 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

    133 CNCDH, Rapports 2015 et 2016 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ; Avis sur le projet de loi Egalité et Citoyenneté, le 7 juillet 2016.

    134 La loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe avait érigé le mobile raciste de l'auteur en circonstance aggravante134de certains crimes et délits de droit commun tels que les homicides, viols et violences volontaires. Quant à la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, elle a étendu la circonstance aggravante tenant au mobile raciste, xénophobe ou antisémite à de nouvelles infractions telles que les menaces, les vols et les extorsions.

    135 Cette disposition a été rendue effective par l'adoption de la loi Egalité et Citoyenneté le 22 décembre 2016.

    136 A titre d'illustration, la peine encourue de 30 ans pour le meurtre est portée à la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis "à raison de l'appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ".

    137 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit un dispositif dit "socle " destiné à fournir un cadre juridique général et des déclinaisons par matière. Dans la sphère du travail, après une phase dialogue social préalable à la saisine du juge, ce dispositif permet à plusieurs personnes d'agir en justice, par l'intermédiaire d'un syndicat ou d'une association, pour obtenir la cessation du manquement et la réparation des préjudices.

    138 Le mandat emporte avance par le demandeur à l'action de toutes les dépenses et frais liés à la procédure et représentation des personnes intéressées lors du déroulement d'éventuelles mesures d'instruction et lors de l'action en justice tendant à la réparation du préjudice subi (Décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 relatif à l'action de groupe et à l'action en reconnaissance de droits prévues aux titres V et VI de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle).

    139 Voir le bilan statistique du ministère de l'Intérieur dans le rapport annuel de la CNCDH sur la lutte contre le racisme.

    140 Pour une analyse détaillée des statistiques administratives de ces deux ministères, ainsi que les évolutions concernant la méthodologie du recueil et de la ventilation des faits, voir le rapport 2016 sur la lutte contre le racisme.

    141 Cette enquête, réalisée au premier trimestre de chaque année auprès d'environ 15 000 personnes représentatives de la population résidant en France métropolitaine, vise à dénombrer et à décrire les infractions dont sont victimes les habitants, et de recueillir leurs perceptions en matière d'insécurité. Elle apporte des précisions sur le mobile apparent, les circonstances des faits, sur les auteurs et les victimes.

    142 Précisément, il est estimé que, pour les injures racistes, seuls 6 % des faits seraient signalés aux services de police et de gendarmerie, et 3 % seulement seraient enregistrés au titre de plaintes. Pour les menaces racistes, 1/3 des faits seraient signalés, et 19 % seulement seraient enregistrés au titre de plaintes. Voir également L. Chaussebourg, "se déclarer victime : de l'atteinte subie au dépôt de plainte ", novembre 2010.

    143 Voir, par exemple, l'édition 2015 du rapport 143 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

    144 Il faut souligner également que la mise en œuvre de l'action 14 du Plan s'est traduite par l'adoption du plan de sécurisation des principaux sites à caractère religieux, mobilisation qui s'est révélée particulièrement utile pour prévenir les actes racistes et antisémites dans un contexte où sensible.

    145 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

    146 A cet égard, la circulaire du ministère de la Justice du 4 décembre 2015 adressée aux parquets prévoit l'intégration d'un module spécifique consacré au racisme et à l'antisémitisme au sein des stages de citoyenneté de droit commun, et le développement en région de stages de citoyenneté spécifiques pour les auteurs de faits à caractère raciste, en lien avec la fédération Citoyens et Justice.

    147 Le Parquet de Paris et le Mémorial de la Shoah ont signé une convention, le 9 janvier 2014, visant à mettre en œuvre un stage de citoyenneté fondé sur les valeurs de tolérance et de respect d'autrui, et qui peut être ordonné par le parquet et la juridiction parisienne à l'égard des auteurs d'infraction à caractère raciste et antisémite. Ce stage de deux jours est axé sur la lutte contre les préjugés et l'histoire des génocides.

    148 Le ministère de la Justice précise par ailleurs, dans sa contribution écrite au rapport 2016 de la CNCDH, que "le taux d'inexécution de l'ordonnance pénale est important et ce type de réponse, en raison de la possibilité de former opposition à l'ordonnance, conduit à devoir audiencer ces procédures à plus long terme. En matière d'infractions à caractère raciste, il est vraisemblable que les ordonnances pénales prononcées feront souvent l'objet d'une opposition, retardant encore le temps effectif de la réponse pénale définitive, dans la mesure où le mobile raciste des propos incriminés est fréquemment contesté ".

    149 Une série d'outils pratiques est mise à la disposition des agents, sur l'intranet de la police et de la gendarmerie, tels qu'un guide relatif à la répression des discriminations et des infractions à caractère raciste, antisémite et xénophobe, des fiches relatives aux infractions pénales susceptibles d'être relevées dans le champ de la discrimination, ou encore la documentation "Racisme, Antisémitisme et xénophobie " dite SOIRAX répertoriant les signes, symboles, langages et codes de reconnaissance des groupuscules extrémistes.

    150 Ainsi, une part importante des classements décidés par les parquets pour inopportunité des poursuites sont fondés sur la carence ou le désistement du plaignant.

    151 Voir notamment les parties "action du ministère de l'Intérieur " et "action du ministère de la Justice " du rapport 2016 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

    152 Le projet de recherche en cours "Des paroles et des actes, la justice face aux infractions racistes ", financé par la mission de recherche Droit et Justice et coordonné Abdellali Hajjat (Université Paris Ouest Nanterre la Défense) et Audrey Célestine (Université de Lille 3), devrait contenir des éléments intéressants sur le traitement judiciaire des actes racistes, ainsi que sur la sociologie des auteurs et des victimes. Rejoignant la recommandation de la CNCDH en faveur de la réalisation d'une étude plus fine des procédures pénales concernées, cette étude est fondée sur la constitution et l'analyse d'une base de données de 500 dossiers judiciaires, qui permettra de recueillir des informations utiles sur la sociologie des victimes et des auteurs et sur le traitement des infractions racistes, de la prise de plainte à son issue. Le premier rapport intermédiaire a été rendu le 6 octobre 2017 et le projet final est attendu pour octobre 2018 ; la CNCDH fait partie du comité de pilotage. Par ailleurs, un projet de recherche en cours, proposé par le ministère de la Justice en lien avec la DILCRAH et financé par la commission européenne, vise à engager avec l'Espagne, le Royaume-Uni et l'Allemagne, une réflexion commune sur l'harmonisation des modes de répression du racisme, et à identifier des solutions judiciaires susceptibles d'améliorer les pratiques existantes.

    153 Il est à noter que le PV de renseignement judiciaire permet, sans qu'aucune infraction ne soit retenue, d'informer le parquet.

    154 Action 9 du Plan 2015 - 2017.

    155 A noter qu'une circulaire du 30 juillet 2014 du ministère de l'Intérieur rappelle l'obligation incombant aux préfets de signaler systématiquement au magistrat les actes à caractère raciste.

    156 La note de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) du 2 novembre 2015 a le mérite d'appeler à une "vigilance accrue " s'agissant de "l'accueil des victimes de discrimination, d'homophobie, de racisme ou d'antisémitisme, ainsi que sur les suites données à leurs déclaration ". Néanmoins, elle n'interdit et ne décourage pas clairement les mains-courantes et ne précise pas les modalités attendues de l'accueil et des suites données aux déclarations. Une note spécifique au traitement des déclarations en matière d'actes racistes et/ou discriminatoires, à l'instar des notes des 7 et 31 janvier 2014 relatives aux violences conjugales, serait utile.

    157 Décision du 9 novembre 2016.

    158 CNCDH, Avis sur la prévention des pratiques de contrôles d'identité abusives et/ou discriminatoires, 8 novembre 2016.

    159 L'expérimentation, prévue initialement pour le premier trimestre 2017, a été reportée en 2018.

    160 Voir l'édition 2015 du présent rapport. réservé pour l'instant aux atteintes aux biens dont la victime ne connaît pas le ou les auteurs (vol, escroquerie…), pour certains faits à caractère raciste, www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr

    161 Le ministère de la Justice mentionne notamment, dans sa contribution au rapport 2017 de la CNCDH, l'exemple d'un parquet qui a constitué un réseau local de vigilance et de traitement des plaintes et, pour ce faire, a demandé directeur départemental de la sécurité publique et au commandant du groupement de gendarmerie de désigner des référents chargés de la lutte contre le racisme au sein des commissariats et des compagnies de gendarmerie du ressort.

    162 A ce jour, 16 référents départementaux auraient été désignés.

    163 Voir le bilan statistique de la réponse judiciaire en matière de contentieux raciste que le ministère de la Justice dresse et communique chaque année à la CNCDH.

    164 En effet, lors de la prise de plainte, il peut arriver que l'enquêteur ne retienne par la circonstance de racisme, pourtant circonstance aggravante spéciale, ou que les investigations ne s'attachent pas à rechercher les preuves du mobile raciste.

    165 La session de formation continue des magistrats intitulée "Le racisme et l'antisémitisme : enjeux contemporains ", organisée par la CNCDH, attire, d'année en année, un public de plus en plus large.

    166 Au stade de leur formation initiale, les auditeurs de justice sont sensibilisés à la marge aux questions de racisme, d'antisémitisme et de xénophobie, dans le cadre d'une séquence dédiée à la lutte contre les discriminations.

    167 Il est à noter que, dans certains ressorts de TGI, le magistrat référent organise des journées de formation à destination des agents de la police nationale. La DILCRAH mène également des actions de formation et de sensibilisation de la DILCRAH dans les écoles de police sur le racisme et l'antisémitisme.

    168 Pour plus de détails, voir "les discriminations pluridimensionnelles : l'intersectionnalité ", chapitre 2, partie I, du rapport 2016 sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, pp. 31-44.

    169 Il existe plus de 40 critères de discrimination disséminés dans la loi, dont les 28 généralement retenus figurant dans le code pénal.

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