CAA de NANCY, 4ème chambre, 30/07/2024, 22NC02468, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Par une demande enregistrée sous le n° 1201033, la SCP Pascal Leclerc, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Connectic 39, a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, de condamner le département du Jura à lui verser une somme de 20 729 901 euros, correspondant, d'une part, à hauteur de 12 068 000 euros à une indemnité de provision, d'autre part, à hauteur de 8 661 901 euros, à la valeur de la part non amortie des biens de retour. A titre subsidiaire, la SCP Pascal Leclerc a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le département du Jura à lui verser une somme de 19 774 287 euros, d'une part, à hauteur de 11 112 386 euros au titre de l'indemnité de provision, d'autre part, à hauteur de 8 661 901 euros au titre de la valeur de la part non amortie des biens de retour.


II. Par une demande enregistrée sous le n° 1401763, le département du Jura et la paierie départementale du Jura ont demandé au tribunal administratif de Besançon de constater, d'une part, que la créance relative aux pénalités de retard s'élève à 1 377 566,20 euros, d'autre part, que la créance relative aux redevances d'occupation domaniales s'élève à 45 134,48 euros, et, enfin, que la créance relative à la réparation du préjudice résultant de la résiliation de la convention s'élève à la somme de 17 382 000 euros.


Par un jugement nos 1201033, 1401763 et 1500501 du 4 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, condamné le département du Jura à verser à la SCP Pascal Leclerc, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Connectic 39, une somme de 672 856,94 euros au titre du décompte de résiliation de la délégation de service public conclue le 10 juillet 2007, d'autre part, mis à la charge du département du Jura la somme de 39 874,98 euros TTC au titre des frais d'expertise, et, enfin, rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.


Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 septembre 2022, 18 octobre 2023 et 14 mai 2024, la Selarl MJ JuraLP, mandataire liquidateur de la société Connectic 39, représentée par Me Charvin de la Selas Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 août 2022 en tant qu'il a jugé que le département du Jura avait subi un préjudice financier directement causé par la résiliation de la convention de concession à hauteur de 6 035 913 euros, jugé que les créances du département pouvaient se compenser et exclu du calcul de la part non amortie des biens de retour le système informatique d'exploitation du réseau ;

2°) avant dire droit, de désigner un expert afin que celui-ci examine l'ensemble des éléments produits par le département du Jura à l'appui de sa pièce n° 67, et plus largement, chiffre, au regard de ces éléments et des périmètres géographiques et techniques des marchés conclus par le département postérieurement à la résiliation judiciaire de la convention de concession, le montant précis des recettes et des dépenses se rattachant exactement au périmètre de la convention de concession ;

3°) de condamner le département du Jura à lui verser la somme de 815 000 euros au titre de la part non amortie du système informatique d'exploitation du réseau ainsi que les intérêts moratoires au taux légal à compter du 19 mars 2012 et la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de condamner le département du Jura à lui verser les intérêts moratoires au taux légal sur la somme de 7 851 674,67 euros à compter du 19 mars 2012 et la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de mettre à la charge du département du Jura la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la résiliation ne résulte pas de fautes graves de sa part ; c'est la collectivité publique qui a commis une faute ;
- le système informatique d'exploitation du réseau constituait un bien de retour qui ne devait pas être exclu dans le calcul de la valeur nette comptable ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que le département du Jura détenait une créance de nature contractuelle en raison de la résiliation de la convention dans la mesure où aucune stipulation de la convention de concession ne prévoyait une indemnisation en cas de résiliation judiciaire ; l'article 47 de la convention ne peut être mis en œuvre qu'en cas de faute, qui n'est pas établie en l'espèce ; les conséquences onéreuses des marchés de substitution ne peuvent être mises à sa charge en cas de résiliation judiciaire ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant qu'il pouvait se prononcer sur l'existence d'une indemnisation du département du Jura sur le fondement du V de l'article L. 611-11-1 du code de commerce alors qu'il appartient uniquement au juge judiciaire de se prononcer sur les dommages et intérêts visés à cet article ;
- les premiers juges se sont contredits sur l'existence puis l'absence d'une créance contractuelle du département du Jura ;
- le tribunal ne pouvait se fonder, pour évaluer le préjudice financier du département du Jura, sur la pièce n° 67, qui comportait des centaines de factures et qui a été transmise trois jours avant la clôture de l'instruction ;
- il n'est pas établi que les montants des dépenses d'investissement et de fonctionnement de la convention de concession du 11 juillet 2007 correspondent aux périmètres des marchés conclus postérieurement à la résiliation ;
- les dépenses de fonctionnement et d'investissement dont le département entend réclamer le paiement relèvent du seul choix de gestion fait par la collectivité publique ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en mettant à sa charge les dépenses de fonctionnement et d'investissement des marchés subséquents alors que la cause directe du préjudice financier allégué résulte de la seule décision relative au mode de gestion du réseau départemental ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en opérant une compensation des créances entre celles de la société Connectic 39 et celles du département du Jura ; d'une part, le juge administratif ne peut pas opérer de compensation lorsque le cocontractant de l'administration est en situation de règlement ou de liquidation judiciaire ; d'autre part, l'examen d'une connexité entre créances d'un cocontractant en liquidation judiciaire relève de la seule compétence du juge judiciaire ; enfin, le département n'a déclaré dans les mains du liquidateur judicaire qu'un montant de 5 477 957,74 euros ;
- aucune stipulation de la convention ne prévoyait la possibilité d'arrêter un solde financier à l'expiration anticipée d'une convention de concession décidée par un tiers ; les premiers juges n'ont pas expliqué pourquoi le solde était arrêté au 1er septembre 2021.


Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 mai, 15 septembre et 13 octobre 2023, le département du Jura et le service de gestion comptable de Lons-le-Saunier, représentés par
Me Labetoule de la CLL Avocats, concluent :

1°) au rejet de la requête de la société MJ JuraLP ;

2°) par la voie de l'appel incident :
- à la réformation du jugement du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a évalué les pénalités de retard, le préjudice financier subi et la valeur nette comptable des biens de retour aux sommes respectives de 100 000 euros, 6 035 913 euros et 7 851 674,67 euros ;
- à ce que le montant des pénalités de retard et du préjudice financier subi soit porté aux sommes de 1 377 566,20 euros et de 17 382 000 euros ;
- à ce que le montant de l'évaluation des biens de retour soit ramené à la somme de 6 632 707 euros ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la société Connectic 39 la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- la demande de paiement des intérêts moratoires, nouvelle en appel, est irrecevable dans la mesure où la société Connectic 39 ne conteste pas la somme principale pour laquelle elle réclame l'application des intérêts moratoires ;

s'agissant des moyens soulevés par la société MJ JuraLP :
- le système informatique d'exploitation, qui constitue un bien de reprise, n'est pas entré dans son patrimoine ;
- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur l'existence et le montant d'une créance née de la convention de concession ;
- ils avaient droit à la réparation du préjudice subi en raison de la résiliation judiciaire de la convention de concession même en l'absence de stipulation expresse de la convention ; à titre complémentaire, la société Connectic 39 a commis des fautes graves, dans l'exécution des travaux ou dans le respect des obligations en matière de commercialisation du service, qui se trouvent à l'origine de la résiliation et donc du préjudice subi par le département ;
- le jugement n'est pas entaché de contradiction dans ses motifs ;
- la société Connectic 39 a disposé d'un temps suffisant pour présenter ses observations sur la pièce n° 67 ;
- le périmètre de la convention de concession est identique par rapport à celui des marchés de substitution ;
- la résiliation de la concession est la cause directe du préjudice subi par le département ;
- les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en procédant à la compensation entre les créances et les dettes réciproques des cocontractants ; la méconnaissance d'une règle tirée du droit des procédures collectives ne saurait être utilement invoquée devant le juge administratif ;
- rien n'interdisait aux premiers juges d'arrêter le solde de la convention de concession ;

s'agissant de l'appel incident :
- leur appel incident est recevable dans la mesure où il porte sur le même contrat et l'établissement du solde ;
- concernant les pénalités de retard afférentes aux travaux relatifs à la ZA les artisans à Champagnole, le jugement est entaché d'une erreur de droit en refusant que ces pénalités soient applicables dès lors que la clause est légale, que les circonstances opposées n'étaient pas opérantes et que la date d'achèvement des travaux ne peut être le 30 avril 2011 ; la société Connectic 39 a réalisé les travaux avec 408 jours de retard et ces pénalités, d'un montant de 816 000 euros, sont justifiées ;
- concernant les pénalités de retard afférentes aux travaux relatifs au site de Chemenot, le jugement est entaché d'une erreur de droit sur les motifs conduisant à la minoration des pénalités de retard ; ces travaux ont été réalisés avec 382 jours de retard et justifient l'application d'une pénalité de 764 000 euros ;
- l'intégralité des pénalités de retard s'élève à la somme totale de 1 580 000 euros ; en application du plafonnement prévu à l'article 45 de la convention de concession, le montant des pénalités de retard qu'il est justifié à réclamer s'élève à la somme de 1 377 566,20 euros ;
- en limitant le montant de son préjudice financier à la somme de 438 591 euros, l'évaluation commise par les premiers juges est entachée d'une double erreur tenant d'une part à l'exclusion de la somme de 438 591 euros au titre de l'actualisation des préjudices afférents à la période antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle concession et d'autre part au refus de reconnaître l'existence d'un préjudice au titre de la période postérieure au 31 août 2021 ;
- en raison d'une méthodologie erronée de calcul de la valeur nette comptable des biens de retour s'agissant des modalités de prise en compte de la subvention d'équipement départementale, les biens de retour ont été survalorisés à hauteur de 1 218 967 euros ; le montant des biens de retour s'élève à la somme de 6 632 707 euros.


Par une ordonnance du 18 septembre 2023, il a été indiqué aux parties qu'aucun moyen nouveau ne pourra plus être invoqué à compter du 19 octobre 2023 en application de l'article
R. 611-7-1 du code de justice administrative.


Un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2024, présenté pour le département du Jura et le service de gestion comptable de Lons-le-Saunier, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que précédemment, n'a pas été communiqué.

Un mémoire, enregistré le 7 juin 2024, présenté sur le fondement de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative, pour le département du Jura et le service de gestion comptable de
Lons-le-Saunier, n'a pas été communiqué.



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Charvin pour la société MJ JuraLP ainsi que celles de
Me Labetoule pour le département du Jura et le service de gestion comptable de Lons-le-Saunier.


Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 26 janvier 2007, le département du Jura a attribué, pour une durée de vingt ans, une délégation de service public à un groupement composé des sociétés Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et Altitude infrastructure afin d'établir et d'exploiter le réseau départemental de communications électroniques à haut débit dans le département du Jura. Les membres de ce groupement ont créé une société dédiée à cette opération, la société Connectic 39, dont le capital social était détenu par la société Eiffage, venue aux droits et obligations de la société APRR, et par la société Altitude Infrastructure respectivement à hauteur de 81 % et de 19 %. Le 10 juillet 2007, le département du Jura et la société Connectic 39 ont signé une " convention de concession de travaux et de service public " pour cette opération. Trois avenants ont été conclus les 27 avril 2019, 10 août 2010 et 14 décembre 2010. Le réseau de communication électronique a donné lieu à une réception définitive le 14 décembre 2010 sous réserve de certains travaux ayant fait l'objet de la conclusion du troisième avenant. A la suite de difficultés financières intervenues dès le mois de novembre 2011, le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, par un jugement du 5 juillet 2013, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Connectic 39 et a désigné la SCP Pascal Leclerc en qualité de mandataire liquidateur. Le 12 septembre 2013, le payeur départemental du Jura a déclaré au passif de la société Connectic 39 des créances d'un montant de 5 473 957,74 euros. Saisi le 16 octobre 2013 par le liquidateur, le juge commissaire a décidé, par une ordonnance du 8 novembre 2013, devenue définitive, de prononcer, sur le fondement du IV de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, la résiliation de la convention de délégation de service public liant le département à la société Connectic 39. Par des ordonnances du 17 octobre 2014, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier s'est ensuite déclaré incompétent pour déterminer le montant des créances procédant de l'exécution de cette convention et a sursis à statuer sur l'admission de ces créances dans l'attente d'une décision définitive rendue par la juridiction administrative. Parallèlement afin d'assurer la gestion du réseau de communication électronique à haut débit de son territoire, le département du Jura a attribué, par un marché du 14 novembre 2013, de manière provisoire, à la société Altitude Infrastructure l'assistance et l'exploitation du réseau. Par acte d'engagement du 12 mai 2014, le département du Jura a attribué un marché de reprise du réseau à la société Axione, pour une durée d'un an renouvelable trois fois, ayant pour objet la réingénierie, l'exploitation, la maintenance et l'assistance à commercialisation du réseau départemental à haut débit. Le 16 février 2021, le département du Jura a attribué, pour une durée de trente ans, à la société Altitude Infrastructure THD une délégation de service public portant sur le financement, la conception, la construction et l'exploitation du réseau départemental de communications électroniques à très haut débit en fibres optiques.

2. Par une demande enregistrée sous le n° 1201033, la SCP Pascal Leclerc, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Connectic 39, a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, de condamner le département du Jura à lui verser une somme de 20 729 901 euros, comprenant, d'une part, une indemnité de provision à hauteur de 12 068 000 euros, d'autre part, la valeur de la part non amortie des biens de retour à hauteur de 8 661 901 euros. Par une demande enregistrée sous le n° 1401763, le département du Jura a demandé au tribunal administratif de Besançon de constater, d'une part, que la créance relative aux pénalités de retard s'élève à
1 377 566,20 euros, d'autre part, que la créance relative aux redevances d'occupation domaniales s'élève à 45 134,48 euros, et, enfin, que la créance relative à la réparation du préjudice résultant de la résiliation de la convention s'élève à la somme de 17 382 000 euros. Par un jugement nos 1201033, 1401763 et 1500501 du 4 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, condamné le département du Jura à verser à la SCP Pascal Leclerc, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Connectic 39, une somme de 672 856,94 euros au titre du décompte de résiliation de la délégation de service public conclue le 10 juillet 2007, d'autre part, mis à la charge du département du Jura la somme de 39 874,98 euros TTC au titre des frais d'expertise, et, enfin, rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.

3. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NC02468, la société MJP JuraLP, désignée à la place de la SCP Pascal Leclerc comme mandataire judiciaire de la société Connectic 39, relève appel de ce jugement en tant qu'il a, d'une part, reconnu que le département du Jura avait subi un préjudice financier directement causé par la résiliation de la convention de concession à hauteur de
6 035 913 euros, d'autre part, retenu que les créances du département et de la société Connectic 39 pouvaient se compenser et, enfin, exclu du calcul de la part non amortie des biens de retour le système informatique d'exploitation du réseau. Par la voie de l'appel incident, le département du Jura et le service de gestion comptable de Lons-le-Saunier demandent la réformation du jugement, d'une part, en tant qu'il a limité aux sommes de 100 000 euros et 6 035 913 euros le montant des pénalités de retard et du préjudice financier, et d'autre part, en tant qu'il a évalué à la somme de 7 851 674,67 euros le montant de la valeur nette comptable des biens de retour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

S'agissant de la détermination de l'existence et du montant des créances :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 641-11-1 du code de commerce : " I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire (...) / IV. - A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. / V. - Si le liquidateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation du contrat est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts (...) ".

5. D'autre part, aux termes des dispositions du I de l'article L. 622-21 du code de commerce : " Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...) ". Aux termes de l'article
L. 622-24 de ce code : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 622-24 du même code : " Le délai de déclaration fixé en application de l'article L. 622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Le même délai est applicable à l'information prévue par le troisième alinéa de l'article L. 622-24 (...) ".

6. Si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, soit à titre définitif, soit à titre provisionnel, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance.

7. Par ailleurs, lorsque le titulaire d'un contrat administratif demande qu'une indemnité lui soit versée en réparation du préjudice subi, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître du litige. Toutefois, lorsque le titulaire du contrat est une entreprise mise en liquidation judiciaire et que la résiliation contestée a été prononcée au motif que les conditions posées par l'article L. 641-11-1 du code de commerce pour que le contrat soit résilié de plein droit étaient remplies, il incombe au juge administratif, en cas de difficulté sérieuse sur ce point, de saisir à titre préjudiciel le juge judiciaire avant de statuer sur la demande d'annulation ou d'indemnisation dont il a été saisi par le liquidateur. En outre, si le liquidateur se borne à demander qu'il soit déclaré que les conditions posées par l'article L. 641-11-1 du code de commerce ne sont pas remplies, il lui appartient de saisir le juge judiciaire de sa demande.

8. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers de première instance que le département du Jura a, sur le fondement des dispositions des articles L. 641-3, L. 641-11 et L. 641-13 du code de commerce, déclaré quatre créances d'un montant total de 5 477 957,74 euros auprès de la SCP Pascal Leclerc, mandataire liquidateur de la société Connectic 39. Ces déclarations de créance portaient respectivement sur les pénalités de retard dans le déroulement du calendrier d'établissement du réseau (1 377 566,20 euros), les redevances d'occupation domaniale (42 000 euros), l'indemnité en réparation du préjudice résultant de la résiliation (4 050 391,54 euros) et les frais de procédure devant le tribunal administratif (8 000 euros). Par trois ordonnances du 17 octobre 2014, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier s'est déclaré incompétent pour déterminer le montant des créances produites au passif de la procédure collective, au motif que le litige relatif à l'exécution d'une concession de service public relevait de la compétence de l'ordre juridictionnel administratif. Par une quatrième ordonnance du même jour, le juge commissaire a sursis à statuer sur la créance relative aux frais de procédure engagés devant le tribunal administratif.

9. En première instance, le département du Jura a demandé au tribunal administratif de Besançon de constater que ses créances relatives aux pénalités de retard, aux redevances d'occupation domaniale et à son préjudice résultant de la résiliation de la convention s'élevaient à un montant total de 18 804 700,68 euros. Après avoir cité les dispositions du V de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, le tribunal administratif de Besançon a estimé, au point n° 76 du jugement attaqué, que le département du Jura, du fait des créances de la société Connectic 39 à son égard, ne détenait aucune créance nette susceptible d'être inscrite au passif de la liquidation de cette société. En statuant ainsi, les premiers juges, ont uniquement examiné si le département du Jura était fondé à obtenir une réparation des conséquences de la résiliation judiciaire de la convention de concession de travaux et de service publics. Ainsi, et même s'il est vrai que le département du Jura a, auprès du mandataire liquidateur, déclaré sa créance relative aux " dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la résiliation de la convention de concession " sur le fondement des dispositions du V de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, il ne ressort nullement des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Besançon se serait fondé sur ces dispositions du code de commerce pour apprécier l'étendue du droit à indemnisation du département du Jura résultant de la résiliation de convention de concession en litige. Par conséquent, pour juger que le département du Jura ne disposait pas de créance contractuelle, le tribunal administratif de Besançon n'a pas déterminé les droits et indemnités des cocontractants sur le fondement des dispositions du V de l'article L. 641-11-1 du code de commerce.

10. En second lieu, la convention par laquelle le département du Jura a concédé à la société Connectic 39, société dédiée, la création et l'exploitation du réseau haut débit dans le Haut Jura, qui fait participer le cocontractant à des travaux publics et qui a pour objet même l'exécution d'un service public, présente le caractère d'un contrat administratif. Ainsi qu'il a été dit, seule la juridiction administrative est compétente pour fixer le montant des créances nées de l'exécution d'un contrat administratif ou des préjudices résultant de la résiliation de ce même contrat. Par suite, les dispositions du V de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, qui prévoient que l'inexécution d'un contrat résilié peut donner lieu au versement de dommages et intérêts déclarés au passif, ne faisaient pas obstacle à ce que le tribunal administratif de Besançon se déclare compétent pour se prononcer sur le montant des créances que le département du Jura voulait faire constater dans le cadre de la résiliation de la convention de concession de service public en litige.

11. Dès lors, la société MJ JuraLP n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier au motif que la juridiction administrative n'aurait pas été compétente pour statuer sur le droit à indemnité du département du Jura résultant de la résiliation de la convention de concession de travaux et de service publics.

S'agissant de la compensation des créances :

12. Aux termes du I de l'article L. 622-7 du code de commerce : " Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. (...) ". L'article L. 641-3 du même code dispose que : " Le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30 ".

13. Si la mise en œuvre de la procédure de liquidation judiciaire d'une entreprise est sans influence sur l'application des règles d'établissement du décompte définitif d'un marché conclu entre cette entreprise et une personne publique, elle fait en revanche obstacle à ce que soit opérée une compensation entre les dettes et créances que détiennent les deux cocontractants l'un sur l'autre. En outre, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire, compétente pour trancher les litiges relatifs au déroulement de la procédure de redressement judiciaire, de se prononcer sur l'existence d'une connexité entre une créance née antérieurement au jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et une créance née postérieurement à ce jugement. Il en va ainsi même si les créances dont il s'agit sont de nature administrative et que leur contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative. En revanche, il appartient au juge administratif, saisi d'un litige de décompte, portant sur la liquidation de l'ensemble des comptes d'une concession résiliée, et lorsque le principe d'unicité du décompte trouve à s'appliquer, de fixer le solde de ces comptes en faisant état de tous les éléments actifs et passifs qui devaient y figurer à la date de cette résiliation et d'accorder au concessionnaire le bénéfice éventuel de la compensation qu'il invoque en se fondant sur l'existence de diverses créances ou chefs d'indemnisation qui seraient nés à son profit de l'exécution du contrat.

14. D'une part, il résulte du point n° 14 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Besançon s'est estimé saisi d'une demande tendant à ce que le juge du contrat arrête " les comptes de la convention de délégation de service public à la date de la résiliation judiciaire " et en tire les conséquences sur les droits des parties. Il résulte également des points n° 73 et n° 76 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Besançon a déterminé le mondant du solde financier de la délégation de service public " compte tenu du principe de compensation des créances nées d'un même contrat ". Dans ces conditions, les premiers juges ne doivent pas être regardés comme ayant arrêté un compte unique, dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties, mais comme ayant procédé à la compensation des créances et dettes du département du Jura, en raison de la résiliation de concession de service public. Ainsi, les premiers juges n'ont pas appliqué le principe d'unicité du décompte des concessions et marchés publics, lequel étant, au demeurant, inapplicable en l'absence de stipulations contractuelles de la convention de concession en litige, mais a procédé à une compensation entre les créances contractuelles dont se prévalaient à la fois le département du Jura et la société MJ JuraLP.

15. D'autre part, ainsi qu'il vient d'être dit au point 13 du présent arrêt, et en l'absence d'applicabilité du principe d'unicité du décompte à la concession en litige, la liquidation judiciaire de la société Connectic 39 faisait obstacle à ce que soit opérée une compensation entre les créances du département du Jura et celles de la société Connectic 39. Ainsi, il n'appartenait qu'à la juridiction judiciaire de se prononcer sur une éventuelle connexité des créances réciproques et de procéder à la compensation des créances qui avaient été déclarées par le département du Jura auprès du juge commissaire du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier. Dans ces conditions, la société MJ JuraLP est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon s'est reconnu compétent pour opérer une compensation entre les créances contractuelles du département du Jura et de la société Connectic 39.

16. Dès lors, le jugement attaqué du 4 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon s'est reconnu compétent pour procéder à une compensation des créances d'un même contrat pour arrêter le solde du décompte financier de la concession alors que la société Connectic 39 faisait l'objet d'une liquidation judiciaire, est irrégulier. Statuant par la voie de l'évocation, il y a lieu de rejeter la demande du département du Jura de compensation des créances contractuelles, pouvant être déduite de ses écritures, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

En ce qui concerne les autres causes d'irrégularité soulevées par la société MJ JuraLP :

17. En premier lieu, si la société MJ JuraLP soutient que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une contradiction sur l'existence ou l'absence d'une créance contractuelle que le département du Jura détiendrait, la contradiction de motifs d'un jugement affecte le bien-fondé de la décision juridictionnelle contestée et non sa régularité.

18. En second lieu, il ressort des pièces des dossiers de première instance que, par une lettre du 25 mai 2022, le département du Jura a adressé au tribunal administratif de Besançon, par voie postale, une clé USB, correspondant à la pièce jointe numérotée 67, et contenant l'ensemble des données brutes ayant servi à l'analyse financière du cabinet de consultants en finances locales " Michel Klopfer ". La société MJ JuraLP reconnaît avoir reçu cette pièce le 6 juin 2022. L'audience, qui avait été initialement prévue le 14 juin 2022, a été renvoyée à une date ultérieure, le 30 juin 2022. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la société MJ JuraLP, pour présenter des observations sur cette nouvelle pièce, l'instruction n'était plus close le 10 juin 2022 mais, en application de l'article R. 631-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant l'audience du 30 juin 2022, dès lors que l'instruction n'avait pas été close par une ordonnance de clôture prise antérieurement. Au demeurant, tant le département du Jura que la société MJ JuraLP se sont prévalus de nombreuses analyses émanant de cabinets d'experts comptables et l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Besançon avait rendu son rapport, le 14 septembre 2020, relatif à l'analyse comptable et financière de la résiliation de concession de service public. Ainsi, dans ces conditions, la société MJ JuraLP a disposé d'un temps suffisant pour pouvoir présenter utilement des observations sur les données brutes comptables et financières sur la base desquelles s'est fondé le cabinet Michel Klopfer pour procéder à son analyse. La société MJ JuraLP n'est donc pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon aurait méconnu le principe du contradictoire et aurait entaché, pour ce motif, ce jugement d'irrégularité.

19. Il résulte de ce qui précède que la société MJ JuraLP est uniquement fondée à demander l'annulation partielle du jugement soit les articles 1er et 3 du jugement attaqué, dont les points n° 73 et n° 76 sont les soutiens, en tant que les premiers juges ont fixé la créance du département " au titre du décompte de résiliation de la délégation de service public conclue le 10 juillet 2007 ", en procédant à une compensation qui ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative.

Sur les conclusions indemnitaires de la société MJ JuraLP :

En ce qui concerne la méthode d'évaluation de la valeur nette comptable des biens de retour :

20. Dans le cas d'une résiliation d'une délégation de service public avant son terme normal et quel qu'en soit le motif, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour des biens nécessaires au fonctionnement du service public à titre gratuit dans le patrimoine de cette collectivité, lorsqu'ils n'ont pu être totalement amortis, soit en raison d'une durée du contrat inférieure à la durée de l'amortissement de ces biens, soit en raison d'une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus. La circonstance que l'exploitation de la délégation aurait été déficitaire pendant la durée restant à courir de la convention reste sans incidence sur le droit à prétendre à une telle indemnisation.

21. Aux termes de l'article 31 de la convention de concession en litige : " Le Concessionnaire a la charge du financement du réseau dans son ensemble (frais d'étude, de réalisation, d'exploitation). / Toutefois le Concessionnaire peut percevoir toutes aides publiques pour lesquelles le projet serait éligible (...) / Cependant, en contrepartie des charges de service public supportées par le Concessionnaire, l'Autorité concédante s'engage à lui verser à titre de compensation de ses charges de service public, une subvention d'équipement de quinze millions deux cent mille (15 200 000) euros, nette de toute taxe (...) ". Aux termes de l'article 49 de la même convention : " A l'expiration de la convention de concession, quelle qu'en soit la cause, l'autorité concédante entrera immédiatement en possession de l'ensemble du réseau réalisé ou incorporé dans la concession à son démarrage, ainsi que de tous biens, meubles ou immeubles, nécessaires à l'exploitation du réseau constituant les biens de retour tels qu'ils figurent à l'article 18. / Toutefois, le concessionnaire est indemnisé au terme normal ou en cas de fin anticipée de la convention de la part non amortie comptablement des investissements réalisés par le concessionnaire dans le cadre des missions fixées par la convention au titre des biens de retour et des investissements supplémentaires qu'il a réalisés et ayant donné lieu à la conclusion d'un avenant spécifique, déduction faite des subventions versées par l'autorité concédante et tout autre tiers (...) ". Par la conclusion des avenants n° 1 et n° 3, le montant de la subvention publique a été porté à la somme totale de 16 000 000 euros.

22. Selon l'annexe 1 à cette convention, le réseau était composé à la fois d'une infrastructure passive, principalement filaire, et d'un réseau actif correspondant à tout équipement permettant de produire le service numérique attendu. L'article 2.2.2 de l'annexe 2 à la convention prévoit que les équipements actifs initialement installés doivent être renouvelés, selon leur nature, au maximum tous les cinq ou sept ans. Ce même article précise que " ces investissements de renouvellement et d'évolution technologique sont financés par le biais de la capacité d'autofinancement générée et à l'entière charge du concessionnaire ". L'article 2.2.3.1 de la même annexe fixe un état prévisionnel des biens de retour qui comprend aussi bien la structure passive que des éléments actifs du réseau. L'article 2.3.2.1 " Plan d'affaires prévisionnel " prévoit que : " toutes les immobilisations sont amorties sur la durée de la concession - soit 20 ans - à l'exception des éléments actifs amortis de façon linéaire comme suit : / équipements cœur de réseau (switchs, routeur, etc...) : durée 5 ans ; / équipements de faisceaux hertziens : durée 7 ans ; / équipements DSLAM : durée 5 ans ; / stations de base WIMAX : durée 5 ans. / Les investissements de 1er établissement sur les 2 premiers exercices comptables de la société concessionnaire s'établissent respectivement selon l'échéancier suivant : 73 % au titre de la première année / 27 % au titre de la deuxième année (...) ". Enfin, l'article 2.3.2.2. " Bilans prévisionnels " prévoit que, d'une part, " la subvention publique perçue par le concessionnaire est imputée dans les capitaux propres et est amortie sur la même durée que les immobilisations " et, d'autre part, " dans l'actif immobilisé, les immobilisations comprennent la subvention publique ".

23. Il résulte de l'instruction que l'expert, dans son rapport, a procédé à l'estimation de la valeur nette comptable des biens de retour en calculant, tout d'abord, conformément aux stipulations précitées, les investissements par masse en fonction de leur durée d'amortissement. L'expert a, ensuite, calculé la proportion des investissements non financée par la subvention en déterminant le rapport entre le montant de la subvention et le montant total de l'investissement. Après prise en compte des remarques figurant dans les dires n° 11 et n° 14 annexés à son rapport, l'expert a fixé le taux de part non subventionnée à 44,46 %. Enfin, l'expert a appliqué la part non subventionnée à chaque catégorie d'investissement et selon leur durée d'amortissement. Le montant total de la valeur nette comptable des biens de retour a été fixé par l'expert à la somme de 8 765 492 euros. En se fondant, sur la même méthodologie que celle de l'expert, mais sur un taux de part non subventionné de
42,25 %, qui n'est pas contesté en appel, le tribunal administratif de Besançon, après avoir exclu le système informatique d'exploitation du réseau, a évalué la valeur nette comptable des biens de retour à la somme de 7 851 674,67 euros.

24. Pour remettre en cause la méthodologie retenue par l'expert, et sur la base de laquelle les premiers juges se sont fondés, le département du Jura se prévaut des analyses du cabinet Michel Kopfler qui estime que la valeur nette des biens de retour doit se calculer en prenant en compte le montant total de la valeur amortie des biens de retour auquel doit être soustrait le montant de la subvention amortie sur vingt ans. Il ressort des pièces des dossiers de première instance que les conclusions du cabinet Michel Kopfler ont été critiquées par d'autres analyses, conduites par le cabinet Accuracy, dont s'est prévalue la société Connectic 39, et aux termes desquelles, dans une logique économique, les subventions octroyées se rattachent nécessairement aux actifs correspondants.

25. D'une part, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, dont il y a lieu sur ce point d'adopter les motifs, aucune stipulation de la convention ne prévoit que la subvention publique suive un rythme d'amortissement différent des actifs auxquels elle est adossée. Par ailleurs, aucune stipulation de cette convention ne prévoit que la subvention publique soit seulement affectée à des biens autres que les " équipements actifs " ou que, pour ces derniers, elle serait limitée à une somme ou à un pourcentage prédéfinis.

26. D'autre part, il ne résulte d'aucune norme comptable que l'évaluation de la valeur nette comptable des biens de retour exclurait le principe de l'amortissement de la subvention étalé au rythme des amortissements pratiqués sur les biens subventionnés. Ainsi dans le cas des biens renouvelables, aucune norme comptable n'exclut la possibilité que la subvention puisse être reprise en résultat au rythme des amortissements pratiqués sur le seul bien subventionné, et pas uniquement sur la durée de la concession. En outre, dans la mesure où la subvention a fait l'objet d'un versement intégral antérieurement à la résiliation de la convention en litige, l'application d'un amortissement de la subvention corrélé à la durée d'amortissement de chaque équipement d'actif n'était pas en contradiction avec la logique économique et financière de l'exécution de la convention.

27. Ainsi, le département du Jura n'établit pas que la méthodologie retenue par l'expert, reprise par les premiers juges, méconnaîtrait les normes comptables applicables au calcul des biens de retour de concession de service public ou serait erronée au regard des stipulations contractuelles précitées.

28. Dès lors, le département du Jura n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort qu'en se fondant sur la méthodologie retenue par l'expert, le tribunal administratif de Besançon a évalué la valeur nette comptable des biens de retour à la somme de 7 851 674,67 euros.

En ce qui concerne l'inclusion du système informatique d'exploitation (SIE) du réseau dans les biens de retour indemnisables :

29. Le juge ne peut retenir que les stipulations d'une convention de délégation de service public (DSP) sont susceptibles de faire obstacle au retour gratuit à la personne publique de biens nécessaires au service créés au cours de la délégation et s'abstenir de rechercher si les biens en cause sont nécessaires au fonctionnement du service public, alors que, si les parties au contrat de délégation peuvent décider la dévolution gratuite à la personne publique d'un bien qui ne serait pas nécessaire au fonctionnement du service public, elles ne sauraient en revanche exclure qu'un bien nécessaire au fonctionnement du service public lui fasse retour gratuitement.

30. Aux termes de l'article 18 de la convention de concession en litige, " la licence d'utilisation du système informatique d'exploitation du réseau constitue un bien de reprise ". Selon l'article 2.2.1 de l'annexe 2 à la convention, le système d'information a été évalué, comme investissement de premier établissement, à la somme de 1 100 000 euros. L'article 2.2.3.1 de cette même annexe prévoit que " les matériels et progiciels - droits d'usage - dans les conditions de licence des éditeurs " appartiennent à la liste de l'état prévisionnel des biens de retour. Enfin, l'article 2.2.3.2 de la même annexe stipule que les logiciels du système d'information permettront d'exploiter et de superviser de manière opérationnelle le réseau et les services mis en œuvre par le concessionnaire, de provisionner en mode automatisé des services pour le grand public ou les opérateurs tiers, de gérer et maintenir les bases de données propres à la fois aux utilisateurs finaux et aux services et de produire les rapports d'exploitation selon les périodicités contractuellement établies avec les clients de concessionnaire. Ce même article stipule que " le concessionnaire sera titulaire d'une licence d'utilisation et de maintenance du système d'information développé par la société Altitude Développement. / (...) Les clauses du contrat de licence d'utilisation du SI, conclu entre Altitude Développement et la société concessionnaire, prévoiront qu'en cas de reprise de l'activité concédée par le Conseil Général, pour quelle que cause que ce soit, la licence pourra être utilisée par ce dernier, à titre gracieux, pour une durée minimale d'un an, moyennant une maintenance annuelle dont le coût sera équivalent à 5 % de l'investissement initial du SI. / Une telle clause permettra ainsi au Département de continuer à opérer ou faire opérer les équipements d'activation du Réseau pendant le temps nécessaire pour choisir un autre gestionnaire ou pour pérenniser la relation avec Altitude Développement sur de nouvelles bases. / Le contrat de licence d'utilisation du système d'information prévu entre le Concessionnaire et la société Altitude Développement fait l'objet d'un document spécifique, intitulé " Contrat de licence et de maintenance de logiciel ".

31. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement de la contribution de la société Altitude Infrastructure au dire de la SCP Pascal Leclerc à la suite de la réunion du
22 novembre 2019 que, pour toute la durée d'exécution de la convention avec la société
Connectic 39, le SIE constitue un élément essentiel et indispensable au fonctionnement du réseau de haut-débit, aussi bien pour sa construction que pour sa gestion technique et sa commercialisation. Cette analyse n'est pas contestée en tant que telle par le département du Jura. Par suite, même si les stipulations contractuelles ont qualifié le SIE de bien de reprise, il résulte de l'instruction que le SIE était nécessaire pour l'exploitation du réseau et présentait donc le caractère d'un bien de retour.

32. En deuxième lieu, il est vrai que, selon l'article 2 de l'acte d'engagement de la société Altitude Infrastructure à laquelle la reprise transitoire du réseau a été confiée le 14 novembre 2013, le titulaire devait mettre à disposition une licence d'utilisation du système d'information au titre exclusivement de la gestion du réseau départemental. En vertu des documents contractuels techniques applicables à ce marché, cette mise à disposition d'une licence devait permettre notamment d'assurer la gestion commerciale et d'infrastructure et englobait plusieurs composants dont des logiciels, outils informatiques, matériels, base de données et applications Web et Extranet développées pour ce système. L'article 1.1 du cahier des clauses particulières du marché de reprise confié à la société Axione a prévu que le titulaire devait " reprendre le réseau " en lien étroit avec le département du Jura et la société Altitude Infrastructure.

33. Il résulte également de la contribution précitée de la société Altitude Infrastructure que " l'ensemble des éléments du SI ont été transférés à l'exploitant Axione, afin de permettre de s'approprier le réseau en l'état ". Il ne résulte, par ailleurs, pas de l'instruction que la société Altitude Infrastructure, lorsqu'elle a repris le réseau en urgence à la suite de la résiliation prononcée par le juge commissaire du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, aurait été confrontée à un réseau inexploitable ou inutilisable en raison de l'absence de SIE. De même, il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'exploitation du réseau mise en place par la société Connectic 39 aurait été interrompue lorsque la société Altitude Infrastructure a repris de manière transitoire la gestion et l'exploitation du réseau. Dans ces circonstances, en raison de l'absence d'interruption du service public et de la reprise du réseau moins d'une semaine après la résiliation de la convention, la société Altitude Infrastructure doit être regardée comme ayant pu bénéficier, dans un premier temps, du SIE mis en place par la société Connectic 39. Ainsi, le département du Jura, en se bornant à faire valoir que les marchés transitoire puis de reprise prévoyaient une mise à disposition d'une licence d'utilisation au cours des années 2013 et 2014, n'établit pas que les titulaires de ces marchés, et plus particulièrement la société Altitude Infrastructure, n'auraient pas bénéficié, pour le développement de leur propre système d'information, du SIE de la société Connectic 39. Par suite, la société MJ JuraLP est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le SIE n'avait pas fait l'objet d'un retour à la collectivité publique après résiliation de la convention.


34. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport d'expertise et de la réponse aux dires n° 14 et n° 15 de l'expert, que le SIE doit faire l'objet d'un amortissement d'une durée de vingt ans au titre des années 2009 à 2013. Après application du taux de part non financée par la subvention, à hauteur de 42,25 %, taux retenu par les premiers juges et non contesté en appel, la valeur nette comptable du SIE s'élève, à la date de résiliation de la convention et compte tenu de la durée d'amortissement, à la somme de 348 095,41 euros.

35. Il résulte de ce qui précède que la société MJ JuraLP est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont évalué le montant de la valeur nette comptable des biens de retour à la somme de 7 851 674,67 euros. Compte tenu des conclusions des parties en appel, il y a lieu de porter le montant de la valeur nette comptable des biens de retour à la somme de 8 199 770,08 euros (7 851 674,67 + 348 095,41).

Sur les créances du département du Jura :

En ce qui concerne les redevances d'occupation domaniale et des produits constatés d'avance " IRU " :

36. Le département du Jura est en droit de demander l'indemnisation des postes de préjudice en lien avec la résiliation du contrat ou découlant de l'exécution de celui-ci.

37. En premier lieu, ainsi que l'a évalué le tribunal administratif de Besançon, aux points n° 49 à n° 54 de son jugement, et qui ne sont pas contestés en appel, le montant des redevances d'occupation du domaine public dû par le délégataire au titre de la période allant du 1er avril 2009 au 8 novembre 2013 s'élève à la somme de 45 126,42 euros.

38. En second lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Besançon aux points n° 66 à n° 72 non contestés en appel et dont il y a lieu d'adopter les motifs, le département du Jura a droit à être indemnisé des produits constatés d'avance " IRU " pour un montant de 997 778,31 euros. Dès lors, la créance que détient le département du Jura au titre du préjudice résultant de la résiliation de la convention de concession de travaux et de service publics s'élève au montant de 997 778,31 euros.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

39. L'article 44 de la convention de concession prévoit que, si le concessionnaire n'exécute pas tout ou partie de ses obligations résultant de la convention, l'autorité concédante peut le mettre en demeure d'y satisfaire, dans un délai, adapté à la situation, qui tiendra compte de la nature du manquement invoqué et précisant la sanction encourue. L'article 45 de cette même convention stipule qu'en cas de mise en demeure restée infructueuse, l'autorité concédante peut notamment appliquer au concessionnaire une pénalité de 2 000 euros par jour de retard dans le déroulement du calendrier d'établissement du réseau, ainsi qu'une pénalité de 1 000 euros par tranche de retard au-delà de la garantie du temps de rétablissement dans la remise en service en cas d'interruption de la fourniture de tous ces services à un usager.

S'agissant des pénalités de retard concernant les travaux relatifs à la " ZA Les artisans à Champagnole " :

40. En vertu de l'article 2 de l'avenant n° 3 à la convention, signé le 14 décembre 2010, la société Connectic 39 s'est engagée à réaliser " les travaux correspondant aux dernières réserves mineures non levées selon les modalités prévues à l'annexe 1 " de cet avenant dans le respect des délais de réalisation prévus par le calendrier de travaux figurant dans cette annexe " sous peine d'application des pénalités de 2 000 euros par jour de retard prévues à l'article 45 de la convention de concession ". L'annexe 1 comprend un document, intitulé " planning des travaux restants à réaliser ", qui prévoit que la réserve n° 73 concerne le raccordement de la " ZA les artisans à Champagnole " au réseau. Ce même document indique que ces travaux de raccordement doivent être achevés avant la fin avril 2011.

41. Le département du Jura a estimé que la société Connectic 39 était redevable de pénalités au titre de la période du 2 mai 2011 au 11 juin 2012, date de levée de la réserve n° 73.

42. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 4 juillet 2011, le département du Jura a indiqué que la réserve n° 73 serait levée lorsque la société Connectic 39 aura produit l'engagement de réalisation dans le cadre d'une commande de raccordement. D'une part, par un courrier du 28 avril 2011, la société Connectic 39 avait indiqué que la société Forclum, avec laquelle elle était liée, s'engageait formellement à réaliser sans coût supplémentaire la traversée de la voirie lors de la connexion du lien optique du premier abonné de la " ZA Les artisans à Champagnole ". Alors que, sans être utilement contredite sur ce point, la société Connectic 39 fait valoir que le raccordement ne pouvait intervenir qu'à la suite d'une demande d'un usager, le courrier du 4 juillet 2011 ne saurait, en tant que tel, être regardé comme constatant que la société Connectic 39 ne s'engageait à aucun raccordement de la " ZA Les artisans à Champagnole ". D'autre part, en l'absence d'élément attestant d'un changement de situation entre les mois d'avril 2011 et juin 2012, le département du Jura n'apporte aucune explication sur les motifs ayant conduit à ce que la réserve n° 73 ne soit levée que le 11 juin 2012, et non à une date antérieure. Dans ces conditions, le département du Jura n'établit pas que la réserve n° 73 ne pouvait pas être levée au 27 avril 2011.

43. Par suite, le département du Jura n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucune pénalité ne devait être infligée à la société Connectic 39 pour le retard mis à lever la réserve n° 73.

S'agissant des pénalités de retard concernant les travaux relatifs au site de Chemenot :

44. L'article 4 de l'avenant n° 3 à la convention a prévu que la société Connectic 39 devait s'engager à réaliser les travaux relatifs au " plan de désaturation du réseau " selon des modalités techniques et financières définies à l'annexe 3 de cet avenant. Selon ce même article, la société Connectic 39 devait s'engager à respecter les délais de réalisation prévus par le calendrier de travaux figurant à l'annexe 3 " sous peine d'application des pénalités de 2 000 euros par jour de retard prévues à l'article 45 de la convention de concession ". Cette annexe 3 à l'avenant n° 3 a notamment prévu que le délai de réalisation de la prestation exécutée sur le site de Chemenot, consistant à procéder à un " ajout d'un rebond et d'un FH ", pour le montant de 41 860 euros TTC, serait de six mois à compter du 17 décembre 2010, date de notification de l'avenant n° 3. Cette prestation devait donc être achevée au plus tard le 17 juin 2011. Cette annexe précisait, enfin, que " le support accueillant le site rebond sera une structure poteau métal. Ce poteau métal sera dimensionné de manière à permettre l'accueil d'équipements Wimax. Le lieu d'implantation sera défini en fonction des critères radio et d'une étude qui prendra en compte la couverture actuelle du réseau haut débit sur la zone géographique concernée ".

45. En premier lieu, selon le procès-verbal de réception du site de Chemenot dressé le
2 juillet 2012, le " FH " a été mis en service le 24 mai 2012. Il ne résulte pas de l'instruction que, pour l'ajout d'un rebond et d'un FH pour le site de Chemenot, d'autres prestations aient été réalisées entre le 24 mai et le 2 juillet 2012. Par suite, et contrairement à ce que fait valoir le département du Jura, la date à laquelle les prestations devaient être considérées comme achevées était le 24 mai 2012 et non le 2 juillet 2012. Par suite, il résulte de l'instruction que, pour la mise en service du FH sur le site de Chemenot qui devait être achevée au plus tard le 17 juin 2011, le nombre de jours de retard de la société Connectic 39 s'élevait à 341 jours et non à 382 jours.

46. En deuxième lieu, selon l'article 45 de la convention en litige, les pénalités de retard ne sont pas applicables en cas de force majeure et en cas de circonstances ou d'évènements imprévisibles et non imputables au concessionnaire, définis à l'article 63 de la convention, sous réserve que le concessionnaire justifie avoir fait toute diligence pour éviter ou limiter les dommages. L'article 63 de la convention assimile notamment à un cas de force majeure retenu les actes ou les décisions des personnes publiques ou privées, gestionnaires ou propriétaires des fonds servant d'assiette au réseau rendant impossible pour le concessionnaire, dans les délais prévus, l'établissement ou le rétablissement du réseau ou d'un service.

47. Il résulte de l'instruction que l'accord de principe du syndicat intercommunal des trois rivières autorisant à procéder, sur la parcelle cadastrée n° 120 section ZH, à la mise en place d'une station rebond sur un château d'eau situé sur la commune de Colonne, n'est intervenu que le
16 décembre 2011. D'une part, en tout état de cause, en l'absence de refus explicite de la part du syndicat intercommunal des trois rivières, l'accord tardif du syndicat ne saurait être assimilé au cas de force majeure prévu expressément par les stipulations précitées de l'article 63 de la convention. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait constituer, plus généralement, un évènement imprévisible et irrésistible de nature à caractériser un évènement de force majeure. Par suite, la société MJ JuraLP n'établit pas que le retard mis à l'achèvement de la station rebond et d'un FH sur le site de Chemenot relèverait de la force majeure et ne lui serait, à ce titre, pas imputable.

48. En troisième lieu, l'article 45 de la convention prévoit que le montant total des pénalités infligées au titre du retard dans le déroulement du calendrier d'établissement du réseau est plafonné à 5 % du montant des investissements correspondant au premier établissement tandis que les autres pénalités de retard (remise en service, communication de comptes-rendus, redevances...) sont plafonnées à 5 % du chiffre d'affaires constaté l'année précédente.

49. En l'espèce, les pénalités prévues à l'article 4 de l'avenant n° 3 viennent sanctionner le retard dans l'exécution de travaux de mise en œuvre du plan de désaturation du réseau, qui doivent être réalisés selon un calendrier de travaux. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la société MJ JuraLP, ces pénalités doivent donc être regardées comme correspondant à des pénalités infligées au titre du retard dans le déroulement du calendrier d'établissement du réseau. Par suite, le plafond de 5 % du montant des investissements correspondant au premier établissement était applicable aux pénalités infligées au titre du retard dans l'achèvement de la mise en place d'un rebond et d'un FH sur le site de Chemenot.

50. En dernier lieu, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y compris les subventions versées par l'autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée.

51. Ainsi qu'il vient d'être dit, le retard de 341 jours dans l'exécution des travaux pour le site de Chemenot est entièrement imputable à la société Connectic 39. Les pénalités de retard infligées à ce titre s'élèvent donc à la somme de 682 000 euros, soit un montant inférieur au plafond de 5 % du montant des investissements de premier établissement, qui s'élève, avec la conclusion des avenants n° 1 et n° 3, à la somme totale de 29 076 402,25 euros HT (27 551 324 + 910 769 + 614 309,25). Même si l'inexécution contractuelle de la société Connectic 39, qui ne portait que sur un élément d'équipement actif, présentait un faible caractère de gravité, le montant de cette pénalité n'est pas manifestement excessif au regard du montant total des travaux de la concession, incluant celui résultant des avenants.

52. Par la voie de l'appel incident, le département du Jura est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont modéré le montant des pénalités infligées pour le retard dans la mise en service d'un rebond et d'un FH pour le site de Chemenot à la somme de 100 000 euros. Il y a lieu de porter le montant de ces pénalités à la somme de 682 000 euros. Dès lors, la créance que détient le département du Jura au titre des pénalités de retard s'élève au montant de 682 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice subi par le département du Jura :

53. En premier lieu, en l'absence de stipulations expresses contraires, la résiliation d'une concession de service public prononcée par le juge des procédures collectives, sur le fondement du IV de l'article L. 641-11-1, sur demande du liquidateur, ne correspond pas à une résiliation prononcée pour faute du concessionnaire auquel serait substitué un autre concessionnaire ou un autre contractant. Cette résiliation, qui rompt tout lien entre les cocontractants, interdit, en l'absence de stipulations expresses prévoyant une résiliation aux frais et risques du concessionnaire, de faire supporter au concessionnaire défaillant les conséquences onéreuses résultant des surcoûts occasionnés par la poursuite des marchés passé à une date postérieure par d'autres entreprises pour assurer la continuité de l'exploitation du service public. Par suite, et compte tenu de l'absence de stipulations prévoyant que les conséquences onéreuses d'une résiliation sans faute du concessionnaire seraient mises à la charge de celui-ci, le département du Jura ne dispose d'aucun droit à être indemnisé des marchés de reprise conclus postérieurement à la résiliation. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de diligenter une mesure d'expertise portant sur les périmètres des marchés de reprise du réseau qui revêtirait un caractère frustratoire, la société MJ JuraLP est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé, aux points n° 56 à n° 65 du jugement attaqué, que la responsabilité de la société Connectic 39 était engagée et que le préjudice financier du département du Jura, résultant de la conclusion des marchés transitoire et de reprise, s'élevait à la somme de 6 035 913 euros.

54. En second lieu, la circonstance, à la supposer même établie, que la société
Connectic 39 aurait commis des fautes dans l'exécution de la convention est sans incidence sur la détermination des droits à indemnisation du département du Jura en raison de la résiliation dans la mesure où cette résiliation a été prononcée, sans faute, sur demande du liquidateur, par le juge judiciaire.

55. Il résulte de tout ce qui précède que la société MJ JuraLP est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a condamné le département du Jura à ne lui verser que la somme de 672 856,94 euros. Il convient de porter cette somme à 8 199 770,08 euros. Par la voie de l'appel incident, le département du Jura est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce que soit constaté le montant des créances de la société Connectic 39 à son égard. Il y a lieu de fixer le montant des créances que le département du Jura détient à l'encontre de la société Connectic 39 au titre des redevances d'occupation domaniale, des pénalités de retard et des produits constatés d'avance " IRU " aux sommes respectives de 45 126,42 euros, 682 000 euros et 997 778,31 euros.

Sur les intérêts :

56. Contrairement à ce soutient le département du Jura, dans la mesure où la demande de première instance ne tendait pas, à titre principal, au versement d'intérêts moratoires, la société MJ JuraLP est recevable à demander, pour la première fois, en appel, le versement des intérêts moratoires afférents aux conclusions indemnitaires présentées, à titre principal, à l'encontre du département du Jura.

57. Il résulte de l'instruction que, par son mémoire d'imprévision dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu le 21 mars 2012, la société Connectic 39 avait demandé à ce que le département du Jura l'indemnise de la valeur nette comptable des biens de retour. Par suite, la société MJ JuraLP a droit aux intérêts à taux légal correspondant à la somme de 8 199 770,08 euros, à compter du 21 mars 2012.

Sur la capitalisation des intérêts :

58. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois en appel, le
14 mai 2024. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur les frais liés à l'instance :

59. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société MJ JuraLP et du département du Jura présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :


Article 1er : L'article 1er en tant qu'il fixe la créance du département " au titre du décompte de résiliation de la délégation de service public conclue le 10 juillet 2007 " et l'article 3 et du jugement nos 1201033, 1401763 et 1500501 sont annulés.
Article 2 : La demande de compensation de créances est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : La somme que le département du Jura est condamné à verser à la société MJ JuraLP est portée à 8 199 770,08 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2012. Les intérêts échus à la date du 14 mai 2024 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le montant de la créance du département du Jura au titre des redevances d'occupation domaniale est fixé à la somme de 45 126,42 euros.
Article 5 : Le montant de la créance du département du Jura au titre des pénalités de retard est fixé à une somme de 682 000 euros.
Article 6 : Le montant de la créance du département du Jura au titre des produits constatés d'avance " IRU " est fixé à une somme de 997 778,31 euros.
Article 7 : Le jugement nos 1201033, 1401763 et 1500501 du tribunal administratif de Besançon du 4 août 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl MJ JuraLP, au département du Jura et au service de gestion comptable de Lons-le-Saunier.


Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Denizot, premier conseiller,
- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juillet 2024.


Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
2
N° 22NC02468



Retourner en haut de la page