CAA de TOULOUSE, 3ème chambre, 25/06/2024, 23TL01761, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Tarn Fibre a demandé au tribunal administratif de Toulouse, sous le n° 2005728, d'annuler le titre de recette n° 8139 du 16 juin 2020 émis à son encontre par le département du Tarn en vue du recouvrement de la somme de 208 300 euros correspondant à des pénalités de retard dans le cadre de l'exécution de la convention de délégation de service public conclue pour la conception, l'établissement et l'exploitation du réseau de communications électroniques à très haut débit du Tarn et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, ensemble la décision du 8 septembre 2020 par laquelle ce département a rejeté son recours gracieux formé par lettre du 24 août 2020. Sous le n° 2102856, cette même société a également demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre de recette n° 1786 du 18 février 2021 émis à son encontre par la même collectivité en vue du recouvrement de la somme de 208 300 euros au titre de la même créance et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n°s 2005728 - 2102856 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les titres de recette n° 8139 et n° 1786 respectivement émis le 16 juin 2020 et le 18 février 2021 ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux et rejeté les conclusions à fin de décharge présentées par la société Tarn Fibre.




Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2023, la société Tarn Fibre, représentée par Me Feldman, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 208 300 euros ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 208 300 euros mise à sa charge par les titres de recette n°s 8139 et 1786 ;

3°) de mettre à la charge du département du Tarn une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'article 5.1.3 de la convention relatif à la validation des études préalables concernant l'activation du réseau alors que les pénalités en litige portent sur les études préalables liées à la conception du réseau, prévues à l'article 5.1.2.3 de cette même convention ;
- la convention en litige ne prévoit aucun délai contractuel pour la remise des études d'avant-projet détaillé mais se borne à prévoir une date de validation de ces études par l'autorité concédante sans l'assortir de pénalités ; toute clause pénale est d'interprétation stricte de sorte que l'autorité concédante ne pouvait lui infliger des pénalités pour un motif non prévu par le contrat ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la date de remise des études correspond à la date fixée par le calendrier de déploiement à laquelle il y a lieu de soustraire 21 jours correspondant au délai de validation des études par le département ; les stipulations de l'article 5.1.2.3 de la convention n'ont pas vocation à être combinées à celles de l'annexe 10.7 pour en déduire l'existence d'une date de remise des études d'avant-projet détaillé du réseau calculée à rebours ; en outre, la validation tacite des études prévue par l'article 5.1.2.3 de la convention ne constitue que l'une des deux modalités de validation des études ;
- c'est à tort que les premiers juges ont assimilé la date de validation d'une étude d'avant-projet détaillé de conception du réseau à celle de sa remise pour examiner le bien-fondé des pénalités de retard alors que ces pénalités ont seulement vocation à sanctionner financièrement une validation tardive d'une étude d'avant-projet détaillé du réseau et non sa remise ; aucune pénalité de retard ne saurait lui être infligée au titre d'un retard dans la validation d'une étude d'avant-projet détaillé, une telle validation relevant de l'autorité délégante ;
- le département du Tarn ayant reconnu les difficultés auxquelles elle a été confrontée concernant la fourniture de prestations intellectuelles par un courrier du 17 avril 2020, elle doit être exonérée du règlement des pénalités en litige en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19 ;
- elle est également fondée à être exonérée des pénalités en litige en vertu de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, lequel trouve pleinement à s'appliquer ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé de faire usage de son pouvoir de modulation des pénalités.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2024, le département du Tarn, représenté par Me Guellier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Tarn Fibre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.


La requête a été communiquée au directeur départemental des finances publiques du Tarn en qualité d'observateur, lequel n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 2 mai 2024, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée à la même date.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Feldman, représentant la société Tarn Fibre, et celles de Me Guellier, représentant le département du Tarn.


Considérant ce qui suit :

1. En 2018, le département du Tarn a entrepris de se doter d'un réseau d'initiative publique en vue de desservir son territoire par une infrastructure et un réseau de communications électroniques à très haut débit, dans les conditions prévues par l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales. Par une délibération du 18 mai 2018, ce département a adopté le principe du recours à une délégation de service public pour créer et exploiter ce réseau d'initiative publique. Par une convention du 30 avril 2019, prenant effet le 19 juin suivant, le département du Tarn a conclu avec la Société Française du Radiotéléphone (SFR), à laquelle s'est substituée la société Tarn Fibre, une convention de délégation de service public ayant pour objet la conception, l'établissement et l'exploitation du réseau de communications électroniques à très haut débit du Tarn. Par un courrier du 8 juin 2020, le département du Tarn a informé la société Tarn Fibre de l'existence de manquements dans le cadre de la phase de réalisation des études d'avant-projet détaillé relatives à la conception du réseau prévues par l'article 5.1.2.3 de la convention justifiant l'application de pénalités à son encontre. Par un titre de recette n° 8139 émis le 16 juin 2020, le département du Tarn a mis à la charge de la société Tarn Fibre une somme de 208 300 euros correspondant à des pénalités de retard liées à la réalisation d'études d'avant-projet détaillé portant sur la conception du réseau au titre d'un certain nombre de sous-répartiteurs optiques. Par une décision du 8 septembre 2020, ce département a rejeté le recours gracieux formé par la société précitée contre ce titre de recette. Par un titre de recette n° 1786 du 18 février 2021, ce département a de nouveau mis en recouvrement la somme de 208 300 euros au titre de la même créance. La société Tarn Fibre relève appel du jugement n°s 2005728 - 2102856 du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 208 300 euros mise à sa charge à travers l'émission des titres de recette n°s 8139 et 1786 du 16 juin 2020 et du 18 février 2021.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable au litige :
2. D'une part, l'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à en relever appel en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.
3. D'autre part, les pénalités prévues par les clauses d'un contrat de la commande publique ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles. Elles sont applicables au seul motif qu'une inexécution des obligations contractuelles est constatée et alors même que la personne publique n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge de son cocontractant qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y inclus les subventions versées par l'autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée.
4. Il résulte de ce qui précède que lorsque le titulaire du contrat saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des contrats comparables ou aux caractéristiques particulières du contrat en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du contrat dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance en litige :
5. En premier lieu, l'article 2.9.2.1 de la convention de délégation de service public en litige stipule que : " Les études de conception du réseau objet de la tranche ferme, dont la maîtrise d'ouvrage relève du délégataire, devront être achevées au plus tard au terme du 30ème mois après la date d'entrée en vigueur de la convention. (...) / La mise en service du réseau devra être progressive pour permettre une commercialisation échelonnée des différentes plaques FTTH [" fiber to the home ", ou fibre optique jusqu'au domicile], dans le respect de la réglementation en vigueur, en prenant en compte les délais nécessaires à l'approbation des études de conception (APS et APD) et des travaux par le délégant. (...) À cet effet, le délégataire s'engage à respecter le calendrier figurant en annexe 10.7. Tout retard par rapport aux échéances prévues dans ce calendrier pourra donner lieu à l'application des pénalités prévues à l'article 8.2 de la présente convention ". L'article 8.2 de la convention stipule que : " Des pénalités seront dues du fait de la constatation par le délégant du manquement du délégataire aux objectifs fixés dans la convention de délégation. (...). / Les pénalités encourues par le délégataire figurent en annexe 10.24 ".
6. Il résulte du contrat de concession, notamment de ses articles 2.9.2.1, 5.1.2, 5.1.3 et 5.1.6, que le concessionnaire était tenu de réaliser des avant-projets sommaires et détaillés au stade de la conception du réseau et de l'activation du réseau et, enfin, de remettre le dossier des ouvrages exécutés en veillant à respecter le calendrier de déploiement prévu à l'annexe 10.7 de la convention et à tenir compte des délais nécessaires à l'approbation des études de conception, incluant les études d'avant-projet sommaire et d'avant-projet détaillé, par l'autorité concédante, le non-respect des délais de remise de ces livrables dans les formes et les conditions de conformité attendues étant sanctionné par l'application de pénalités de retard, prévues à l'annexe 10.24. En particulier, s'agissant des mesures coercitives, l'annexe 10.24 à la convention en litige prévoit que tout retard dans la remise d'une étude d'avant-projet détaillé du réseau conforme et complète donne lieu à une pénalité de 100 euros par jour calendaire de retard par zone arrière du point de mutualisation (ZAPM) concernée suivant les échéances prévues par le calendrier fourni en annexe 10.07, le point de départ de la pénalité correspondant à l'échéance visée par le calendrier. Il en résulte que le concessionnaire était tenu à la fois de remettre des études préalables et d'en obtenir la validation par l'autorité concédante, ces deux opérations devant être réalisées avant le terme prévu par le calendrier de déploiement propre à chaque sous-répartiteur optique et le terme de ce calendrier faisant courir les pénalités.
7. S'agissant de la teneur des études attendues de la part du délégataire au cours de la phase de conception du réseau, l'article 5.1.2.3 de la convention précise les prérequis à mener pour mener à bien l'avant-projet détaillé, la méthodologie à appliquer, les opérations à réaliser ainsi que les données et les livrables devant être fournis dans le cadre de tout avant-projet détaillé. Ce même article prévoit une phase de validation de l'avant-projet détaillé destinée à vérifier que l'avant-projet détaillé du réseau proposé respecte les règles d'ingénierie prévues par la convention, à s'assurer que le coût prévisionnel de mise en œuvre est cohérent et optimisé financièrement par rapport aux plans de réseaux fournis par le délégataire et, enfin, que le calendrier détaillé de mise en œuvre est cohérent et respecte le calendrier prévu en annexe 10.7. Selon ce même article : " Le délégant dispose d'un délai de 21 jours ouvrés pour formuler ses remarques. Passé ce délai, l'avant-projet détaillé est réputé validé. La validation des études de projet ne dégage pas le délégataire de sa responsabilité en cas d'erreur de conception (exemple : oubli de locaux à desservir, erreur de calcul de charge d'un appui, non-respect des règles GC BLO). En cas de refus de validation d'un APD par le délégant, le délégataire doit présenter un nouvel APD en prenant en compte les indications du délégant, sans préjudice de l'application de pénalités de retard ".
8. D'une part, contrairement à ce que soutient la société appelante, qui se borne à opposer que seul un délai de validation des études a été contractuellement prévu et que les pénalités n'ont vocation à sanctionner qu'une validation tardive des études d'avant-projet détaillé, ce qui reviendrait à occulter les obligations contractuelles du concessionnaire, le contrat de concession prévoit clairement, en ses articles 2.9.2.1 et 8.2, lesquels renvoient expressément aux annexes 10.7 " calendrier de déploiement " et 10.24 " pénalités ", un échéancier pour la remise et la validation des études d'avant-projet détaillé de conception du réseau conformes et complètes que l'autorité concédante a entendu sanctionner par l'infliction de pénalités à hauteur de 100 euros par jour calendaire de retard et par zone arrière du point de mutualisation (ZAPM) concernée. Il résulte également de la combinaison claire et non équivoque de ces stipulations que le concessionnaire doit être regardé comme s'étant engagé, d'une part, à remettre des études d'avant-projet détaillé relatives à la conception du réseau distinctes des études d'avant-projet sommaire au plus tard 21 jours avant le terme calendaire prévu pour chaque zone de déploiement, d'autre part, à ce que les livrables fournis respectent les exigences méthodologiques précisées à l'article 5.1.2.3 de la convention et, enfin, à ce que la remise de ces études et leur validation par l'autorité concédante, laquelle dispose d'un délai maximal de 21 jours pour les approuver implicitement ou explicitement, aient lieu avant le terme prévu par le calendrier de déploiement propre à chaque zone. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges en ont déduit que le point de départ pour calculer la date de remise des études en litige correspond à la date limite de déploiement propre à chaque ZAPM dont il convient de déduire une période de 21 jours correspondant au délai de validation maximal dont dispose le concédant mais que, en toute hypothèse, la validation des études doit avoir lieu avant le terme prévu par le calendrier de déploiement. Dans ces conditions, dès lors que la remise d'études complètes et conformes suivie de leur validation par l'autorité concédante devait, en toute hypothèse, être réalisée avant le terme prévu par le calendrier de déploiement propre à chaque sous-répartiteur optique et que le terme de ce calendrier faisait courir de plein droit des pénalités, il incombait au concessionnaire d'intégrer et de faire sienne la contrainte liée à la validation des études préalables.
9. D'autre part, il est constant que les stipulations de l'article 5.1.3 portent sur la réalisation des études d'avant-projet détaillé relatives à l'activation du réseau et que les pénalités en litige portent sur la réalisation des études d'avant-projet détaillé de conception du réseau, phase distincte prévue par l'article 5.1.2.3 de cette même convention. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé l'article 5.1.3 de la convention pour en déduire que l'autorité concédante disposait d'un délai de 21 jours pour valider les études d'avant-projet détaillé relatives à la conception du réseau. Toutefois, ainsi que l'oppose le département du Tarn en défense, la validation des études d'avant-projet détaillé liées à la conception et à l'activation du réseau sont soumises à une procédure de validation strictement identique par l'autorité concédante. Par suite, il y a seulement lieu de substituer les dispositions de l'article 5.1.2.3 de la convention à celles de l'article 5.1.3 de la convention s'agissant d'une simple erreur de plume des premiers juges sans incidence sur le bien-fondé de leur raisonnement.
10. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 8, les stipulations des articles 5.1.2.3 et 8.2 de la convention et les annexes 10.7 " calendrier de déploiement " et 10.24 " pénalités " sanctionnent non pas la seule remise tardive par l'autorité concédante des études d'avant-projet détaillé relatives à la conception du réseau mais le retard à remettre des études complètes et conformes et à les faire valider dans les termes calendaires prévus. En outre, il résulte des stipulations dépourvues de toute ambiguïté de l'annexe 10.24 " pénalités ", que l'autorité concédante a entendu disposer d'études d'avant-projet relatives à la conception du réseau incluant à la fois des études d'avant-projet sommaire et d'avant-projet détaillé que le concessionnaire était tenu de réaliser et de remettre suivant des calendriers de déploiement distincts dont l'inobservance peut donner lieu à des pénalités distinctes et cumulables. En tout état de cause, indépendamment du délai nécessaire à la validation des études en litige, la société appelante ne démontre toujours pas, à hauteur d'appel, avoir réalisé et remis des études d'avant-projet détaillé de conception du réseau respectant, au moins, le cadre méthodologique prévu par les stipulations de l'article 5.1.2.3 de la convention.
11. En second lieu, en application de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, le Gouvernement a été autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances, dans un délai de trois à compter de la publication de ladite loi, " toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi (...) / " Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi, en prenant toute mesure : (...) / f) Adaptant les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet (...) ".
12. D'une part, en application de ces dispositions, le Gouvernement a, par une ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, prise au visa du code de la commande publique, édicté diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19. Aux termes de son article 1er, cette ordonnance est applicable " aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu'aux contrats publics qui n'en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'au 23 juillet 2020 inclus. / Elles ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l'exécution de ces contrats, de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ". L'article 6 de cette même ordonnance dispose que : " En cas de difficultés d'exécution du contrat, les dispositions suivantes s'appliquent, nonobstant toute stipulation contraire, à l'exception des stipulations qui se trouveraient être plus favorables au titulaire du contrat : / 1° Lorsque le titulaire ne peut pas respecter le délai d'exécution d'une ou plusieurs obligations du contrat ou que cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive, ce délai est prolongé d'une durée au moins équivalente à celle mentionnée à l'article 1er, sur la demande du titulaire avant l'expiration du délai contractuel ; / 2° Lorsque le titulaire est dans l'impossibilité d'exécuter tout ou partie d'un bon de commande ou d'un contrat, notamment lorsqu'il démontre qu'il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive : / a) Le titulaire ne peut pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif ; (...) ".
13. D'autre part, par une autre ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, le Gouvernement a édicté des dispositions " applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée " selon son article 1er. L'article 4 de cette ordonnance dispose que : " Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er. / Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme. / Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er ". Il est constant qu'une clause instaurant des pénalités de retard dans un marché public a la nature d'une clause pénale.
14. Toutefois, dès lors que le II de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, qui n'a pas été prise au visa du code de la commande publique, précise que les dispositions de cette ordonnance " ne sont pas applicables : (...) / 5° Aux délais et mesures ayant fait l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci. (...) " et que les pénalités de retard en matière de contrats publics ont fait l'objet d'adaptations particulières à travers les dispositions précitées de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19, la société Tarn Fibre ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020 citées au point 13.
15. S'agissant des mesures d'adaptation instaurées par l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19, seules dispositions opérantes dans le présent litige, la société Tarn Fibre ne justifie pas, ainsi que le lui imposait le 1° de l'article 6 de cette ordonnance, avoir adressé une demande à l'autorité délégante, avant l'expiration des délais contractuels dont elle disposait, pour en obtenir la prolongation, le courrier du 14 avril 2020 par lequel cette dernière fait état des restrictions imposées par la crise sanitaire de nature à caractériser l'existence d'un cas de force majeure ne pouvant en tenir lieu. En outre, invitée par un courrier du département du Tarn du 17 avril 2020 à formaliser une demande de prolongation de ses délais contractuels en invoquant le bénéfice de ces dispositions et en produisant tout justificatif adapté quant à ses difficultés et aux missions qu'elle est en mesure d'assurer dans le cadre de son plan de continuité d'activité, la société appelante ne s'est pas exécutée.
16. Enfin, en tout état de cause, la société Tarn Fibre ne produit aucun élément précis et circonstancié de nature à établir qu'elle n'a pas été en mesure de respecter les délais de remise des études d'avant-projet détaillé liées à la conception du réseau ni qu'elle n'a pas disposé des moyens suffisants pour les remettre ni que cette exécution en temps et en heure nécessitait des moyens dont la mobilisation faisait peser sur elle une charge manifestement excessive, les dispositions précitées de l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 ne présentant aucun caractère d'automaticité.
En ce qui concerne la modulation des pénalités en litige :
17. D'une part, les pénalités en litige n'excèdent pas le plafond de pénalités de 16,5 millions d'euros prévu à l'article 8.2 de la convention au titre des retards dans la construction du réseau. D'autre part, en se bornant à demander à la cour d'exercer son pouvoir de modulation des pénalités en litige, la société Tarn Fibre ne produit aucun élément circonstancié, relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, pourtant nécessaires à l'appréciation du caractère manifestement excessif du montant des pénalités mises à sa charge. Dans ces conditions, le montant des pénalités qui découle des stipulations contractuelles, fixé à 208 300 euros, qui, de plus, ne représente en l'espèce que 0,032 % du montant des recettes prévisionnelles de la société Tarn Fibre, ne peut, en tout état de cause, être regardé comme manifestement excessif au vu du volume d'études d'avant-projet détaillé non réalisées dans les délais. Par suite, la société Tarn Fibre n'est pas fondée à obtenir la modulation des pénalités en litige.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tarn Fibre n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 208 300 euros mise à sa charge par les titres de recette n°s 8139 et 1786 du 16 juin 2020 et du 18 février 2021.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Tarn, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par la société Tarn Fibre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tarn Fibre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département du Tarn et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:


Article 1 : La requête de la société Tarn Fibre est rejetée.
Article 2 : La société Tarn Fibre versera au département du Tarn une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Tarn Fibre et au département du Tarn.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01761



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