CAA de LYON, 4ème chambre, 29/05/2024, 22LY02143, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 3 février 2020 par laquelle la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche a rejeté leur demande de raccordement de leur fonds au réseau public d'eau potable, ensemble la décision du 8 juin 2020 portant rejet de leur recours gracieux, et, d'autre part, la décision du 8 juin 2020 par laquelle le président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche a refusé d'abroger le schéma de distribution d'eau potable de l'établissement public de coopération intercommunale et le schéma de distribution d'eau potable spécifique à la commune de Bourg-Saint-Andéol approuvés par délibération du 22 novembre 2018 en tant qu'ils n'incluent pas les parcelles cadastrées section AC n° 99 à n° 103 dont ils sont propriétaires.

Par jugement n° 2005275-2005277 du 19 mai 2022, le tribunal a annulé la décision du 3 février 2020 par laquelle le président de la communauté de communes du Rhône au Gorges de l'Ardèche a rejeté leur demande de raccordement au réseau de distribution d'eau potable, ainsi que celle du 8 juin 2020 portant rejet du recours gracieux formé à son encontre, et a rejeté le surplus des demandes.


Procédures devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2022, M. A... et Mme D..., représentés par Me Cunin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 8 juin 2020 du président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche refusant d'abroger le schéma de distribution d'eau potable de l'établissement public de coopération intercommunale et le schéma de distribution d'eau potable spécifique à la commune de Bourg-Saint-Andéol ;
2°) d'enjoindre à la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche de faire droit à leur demande de raccordement, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre à la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche d'inclure leur propriété dans le périmètre de ces schémas ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche la somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- les premiers juges auraient dû, d'office, enjoindre à la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche de réexaminer leur situation en conséquence de l'annulation de la décision du 3 février 2020 du président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche rejetant leur demande de raccordement au réseau de distribution d'eau potable ;
- la décision du 8 juin 2020 a été adoptée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les articles L. 210-1 du code de l'environnement et L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- leur propriété doit être raccordée au réseau de distribution d'eau potable public dès lors que leur réseau privé est vétuste et insuffisant et que le coût du raccordement demandé n'est pas excessif.


Par mémoires enregistrés le 4 octobre 2022 et le 23 janvier 2023, la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche, représentée par Me Champauzac, demande à la cour :
1°) de prononcer un non-lieu à statuer sur les demandes formées par M. A... et Mme D... ;
2°) d'annuler le jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 3 février 2020 ;
3°) de rejeter les demandes ;
4°) de mettre à la charge de M. A... et de Mme D... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- dès lors qu'elle a de nouveau refusé, par décision du 29 août 2022 notifiée le 10 septembre 2022, de financer les travaux de raccordement au réseau d'eau potable, et que cette décision n'a pas été contestée, les conclusions des requérants tendant à ce qu'il lui soit enjoint de réexaminer leur demande sont devenues sans objet ;
- la présidente était compétente pour rejeter leur demande d'abrogation partielle du schéma de distribution d'eau potable ainsi que leur demande de raccordement ;
- la propriété des requérants ne peut être incluse dans le périmètre desservi dès lors qu'elle est située en zone naturelle et forestière et que le coût des travaux de raccordement serait excessif ;
- dès lors que cette propriété est déjà desservie par un réseau privé, la décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche, présentées après l'expiration du délai d'appel, tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 3 février 2020 rejetant la demande de raccordement au réseau de distribution d'eau potable, dès lors que ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui relatif au refus d'abroger le schéma de distribution d'eau potable, qui fait seul l'objet de l'appel principal.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- les observations de Me Martelet pour M. A... et Mme D..., et celle de Me Lavisse pour la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche.


Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme D... exploitent une activité d'hébergement touristique au Mas Saint Antoine, sur les parcelles cadastrées section AC n° 99 à n° 103 à Bourg-Saint-Andéol (Ardèche). Le 20 décembre 2019, ils ont sollicité auprès du président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche le raccordement de leur fonds au réseau public d'eau potable. Par une décision du 3 février 2020, le président de la communauté de communes a rejeté leur demande au motif que leurs parcelles se situaient en dehors des zones desservies par le réseau de distribution délimitées tant par le schéma de distribution d'eau potable intercommunal que par le schéma spécifique à la commune de Bourg-Saint-Andéol. M. A... et Mme D... ont alors demandé l'abrogation de ces schémas, approuvés par délibération du 22 novembre 2018 du conseil communautaire, en tant qu'ils n'incluent pas leurs parcelles dans les zones desservies. Ils ont demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 3 février 2020 rejetant leur demande de raccordement, ensemble la décision du 8 juin 2020 rejetant leur recours gracieux, et, d'autre part, d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle le président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche a refusé d'abroger le schéma de distribution d'eau potable de la communauté de communes et le schéma de distribution d'eau potable spécifique à la commune de Bourg-Saint-Andéol en tant qu'ils n'incluent pas leurs parcelles dans les zones desservies. Par jugement du 19 mai 2022, le tribunal a annulé la décision du 3 février 2020 au motif qu'elle avait été prise par une autorité incompétente, ainsi que la décision du 8 juin 2020 portant rejet du recours gracieux formé à son encontre, et a rejeté le surplus des demandes, en ce compris les conclusions à fin d'injonction dont elles étaient assorties. M. A... et Mme D... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes. La communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes.
Sur les conclusions de M. A... et Mme D... :
En ce qui concerne l'exception de non-lieu opposée par la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche :
2. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes du Rhône au Gorges de l'Ardèche n'a pas abrogé le schéma de distribution d'eau potable de la communauté de communes et du schéma de distribution d'eau potable spécifique à la commune de Bourg-Saint-Andéol, approuvés par délibération du 22 novembre 2018 du conseil communautaire, en tant qu'ils n'incluent pas les parcelles AC n° 99 à n° 103 dans les zones desservies. Par suite, la communauté de communes n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de M. A... et Mme D... tendant à l'annulation des décisions de son président refusant d'abroger ces schémas et rejetant leur recours gracieux seraient dépourvues d'objet.
3. En revanche, il ressort des pièces du dossier que, alors même que le tribunal avait rejeté les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... et Mme D..., la présidente de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche a accepté de réexaminer la demande de raccordement formée par les requérants le 20 décembre 2019, sur laquelle elle a de nouveau statué par décision du 29 août 2022. Par suite, la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche est fondée à soutenir que les conclusions des requérants tendant à ce qu'il lui soit enjoint de réexaminer leur demande par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 3 février 2020 sont dépourvues d'objet en cause d'appel. Il n'y a plus lieu, par suite, d'y statuer.
En ce qui concerne les décisions du président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche du 8 juin 2020 et de rejet du recours gracieux :
4. En premier lieu, M. A... et Mme D... reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance, tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 8 juin 2020. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'environnement : " L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. / Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. / Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable aux communautés de communes par l'article L. 5214-16 de ce code : " Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution (...) / Le schéma mentionné à l'alinéa précédent comprend notamment un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d'eau potable (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le fonds de M. A... et Mme D... est situé en zone naturelle du plan local d'urbanisme de la commune, au sein d'une zone boisée, non constructible et à l'écart de toute autre habitation susceptible de bénéficier d'un raccordement au réseau d'eau potable, et qu'il est alimenté en eau potable, depuis un réservoir public, par une canalisation privée. Il ressort en outre des pièces du dossier, et, notamment, du devis produit par les requérants et d'une estimation de la dépense effectuée par la collectivité en 2013 que, compte tenu de la distance, supérieure à 1,7 kilomètre, séparant le fonds du réservoir d'eau potable le plus proche ainsi que de la géologie des sols, l'extension du réseau public d'eau potable engendrerait un investissement compris entre 75 000 euros et 150 000 euros, hors de proportion avec la desserte d'un seul ténement construit. Dans de telles conditions, et alors que le caractère insuffisant de l'alimentation en eau potable de cette propriété assurée par la canalisation privée la desservant n'est pas démontré, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le maintien de leurs parcelles en zone non desservie par le réseau d'eau potable méconnaitrait les dispositions des articles L. 210-1 du code de l'environnement et L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales, ni qu'il serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation des facultés ouvertes à la collectivité par ces dispositions.
Sur les conclusions de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche :
8. Les conclusions de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche, présentées après l'expiration du délai d'appel, tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 3 février 2020 du président de la communauté de communes rejetant la demande de raccordement au réseau de distribution d'eau potable de M. A... et Mme D... soulèvent un litige distinct de celui relatif à la décision du 8 juin 2020 du président de la communauté de communes refusant d'abroger les schémas de distribution d'eau potable en tant qu'ils n'incluent pas les parcelles des requérants dans les zones desservies, lequel fait seul l'objet de l'appel principal. Par suite, ces conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... et Mme D... tendant à ce qu'il soit enjoint au président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche de réexaminer leur demande de raccordement au réseau de distribution d'eau potable, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de leur demande et, enfin, que la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal a annulé la décision de son président du 3 février 2020.
Sur les frais liés à l'instance :
10. La communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance. Par suite, les conclusions de M. A... et Mme D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... et Mme D... tendant à ce qu'il soit enjoint au président de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche de réexaminer leur demande de raccordement au réseau de distribution d'eau potable par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 3 février 2020.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et Mme D... et les conclusions de la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme D... et à la communauté de communes du Rhône aux Gorges de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mai 2024.

La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,

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N° 22LY02143



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