CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 09/02/2024, 22VE01436
CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 09/02/2024, 22VE01436
CAA de VERSAILLES - 2ème chambre
- N° 22VE01436
- Non publié au bulletin
Lecture du
vendredi
09 février 2024
- Président
- M. EVEN
- Rapporteur
- M. Hervé COZIC
- Avocat(s)
- SELARL JL AVOCAT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. S... AA... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les délibérations du 17 décembre 2019 par lesquelles le conseil municipal de Maurepas a décidé d'accorder la protection fonctionnelle à Mme L... Z..., à M. M... AG..., à Mme R... AH..., à M. B... V..., à Mme AM... AQ..., à Mme O... D..., à M. E... AT..., à Mme AP... T..., à M. N... I..., à Mme AW... AV..., à M. AK... H..., à Mme AP... X..., à M. AL... C..., à Mme A... W..., à M. AO... Q..., à M. AC... P..., à Mme U... AR..., à M. J... AD..., à M. AU... AE..., à Mme AJ... Y..., à Mme AF... G..., à M. S... F... et à M. AI... K..., et de mettre à la charge de cette commune la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001705 du 14 avril 2022 le tribunal administratif de Versailles a annulé les délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019, accordant respectivement la protection fonctionnelle de la commune à Mme L... Z..., à Mme AM... AQ..., à Mme O... D..., à M. E... AT..., à Mme AW... AV..., à Mme AJ... Y... et à M. AI... K..., et a rejeté les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juin 2022 et le 1er décembre 2023, la commune de Maurepas, représentée par Me Morant, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les délibérations du 17 décembre 2019 par lesquelles le conseil municipal de Maurepas a accordé la protection fonctionnelle respectivement à Mme Z..., à Mme AQ..., à Mme D..., à M. AT..., à Mme AV..., à Mme Y... et à M. K... ;
2°) de rejeter la demande de M. AA... ;
3°) et de mettre à la charge de M. AA... la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- si les dispositions littérales de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales ont une portée restrictive, les conseillers municipaux de Maurepas n'ayant pas reçu de délégation du maire pouvaient néanmoins bénéficier de la protection fonctionnelle, soit sur le fondement du principe général du droit à la protection fonctionnelle, soit sur le fondement de la clause générale de compétence énoncée à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;
- par substitution de base légale, le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit doit être écarté ;
- l'octroi de la protection fonctionnelle à un élu municipal ayant reçu une délégation du maire est seulement subordonné à la condition qu'il ait fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute non-détachable de l'exercice de ses fonctions ;
- l'octroi de la protection fonctionnelle n'est pas subordonné à la circonstance que les faits reprochés à l'individu ont été commis dans l'exercice de sa délégation ;
- en l'espèce, le juge pénal a considéré que les élus concernés n'avaient pas été impliqués dans la rédaction de la tribune litigieuse.
Par un mémoire en défense et un appel incident, enregistrés le 9 mars 2023, M. AA..., représenté par Me Léron, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune ;
2°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions de première instance dirigées contre les délibérations accordant la protection fonctionnelle aux élus titulaires d'une délégation, à savoir Mme X..., M. Q..., M. P..., Mme T..., Mme AH..., M. V..., M. H..., M. F..., Mme G..., Mme AS..., M. AG..., M. C..., M. AD..., M. I..., Mme W... et M. AE... ;
3°) d'annuler les délibérations accordant la protection fonctionnelle à Mme X..., M. Q..., M. P..., Mme T..., Mme AH..., M. V..., M. H..., M. F..., Mme G..., Mme AS..., M. AG..., M. C..., M. AD..., M. I..., Mme W... et M. AE... ;
4°) et de condamner la commune à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sur l'appel principal, il résulte de la lettre même des dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales que la protection fonctionnelle ne peut être accordée à d'autres élus que le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ;
- les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales ne portent pas atteinte au principe d'égalité ;
- la commune ne pouvait pas davantage se fonder sur les dispositions de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales pour accorder la protection fonctionnelle à ces mêmes élus, du fait de l'existence même de dispositions législative restrictives ;
- en tout état de cause, les conditions d'une substitution de base légale ne sont pas réunies ;
- sur l'appel incident, le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et de qualification juridique ;
- le conseil municipal ne pouvait accorder la protection fonctionnelle aux élus municipaux ayant reçu une délégation dès lors que les poursuites pénales dont ils ont fait l'objet n'avaient aucun lien avec leurs fonctions exécutives.
Par une ordonnance du 5 décembre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 26 décembre 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Morant pour la commune de Maurepas, et de Me Léron pour M. AA....
Considérant ce qui suit :
1. Une tribune, signée par " les vingt-cinq élus de la majorité municipale ", a été publiée dans le bulletin municipal de Maurepas du mois de décembre 2017, au sein de la rubrique " expression du groupe de la majorité ", insinuant que M. AA..., lorsqu'il était premier puis deuxième adjoint au maire de cette commune, en charge des finances, aurait commis des agissements délictueux. A la suite de cette publication, M. AA... a déposé plainte, avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction près le tribunal de grande instance de Versailles le 26 février 2018, contre le maire de Maurepas pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, et contre vingt-quatre membres de la majorité municipale pour complicité de ce même délit. Mis en examen en janvier 2019 du chef de complicité de diffamation publique, vingt-trois des élus de la majorité municipale visés par cette plainte ont adressé au maire une demande d'octroi de la protection fonctionnelle afin de couvrir les frais d'avocat nécessaires pour assurer leur défense. Par un arrêt rendu le 22 mai 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a annulé la mise en examen des vingt-quatre conseillers municipaux concernés. Par un jugement du 18 novembre 2019, le tribunal correctionnel du tribunal de grande instance de Versailles a reconnu le maire de la commune de Maurepas, M. AB... AN..., coupable de diffamation publique, et l'a condamné en particulier à une amende de 1 500 euros, et au versement à M. AA... d'une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis. Le conseil municipal de la commune de Maurepas a pris le 17 décembre 2019 vingt-trois délibérations accordant la protection fonctionnelle à chacun des vingt-trois conseillers municipaux qui en avaient sollicité l'octroi. Par un jugement n° 2001705 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé les sept délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019 accordant la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux dépourvus de délégation du maire, à savoir, respectivement à Mme Z..., Mme AQ..., Mme D..., M. AT..., Mme AV..., Mme Y... et M. K.... Le tribunal administratif a en revanche rejeté les conclusions de M. AA... tendant à l'annulation des seize délibérations accordant la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux ayant reçu une délégation du maire, à savoir les délibérations n° 2019/113, n° 2019/114, n° 2019/115, n° 2019/116, n° 2019/117, n° 2019/118, n° 2019/119, n° 2019/120, n° 2019/121, n° 2019/122, n° 2019/123, n° 2019/125, n° 2019/126, n° 2019/130, n° 2019/131 et n° 2019/133, accordant la protection fonctionnelle respectivement à M. AD..., Mme AR..., M. P..., M. Q..., Mme W..., M. C..., Mme X..., M. H..., Mme G..., M. F..., M. AG..., Mme AH..., M. V..., Mme T..., M. I..., et M. AE.... La commune fait appel de ce jugement en tant qu'il annule les sept délibérations précitées et demande le rejet de la demande de M. AA.... Ce dernier forme appel incident et demande, d'une part, l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation des seize délibérations précitées, et d'autre part l'annulation de ces seize délibérations.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. / La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. (...) "
3. Les dispositions précitées ne permettent à une commune d'accorder sa protection qu'au maire ou aux seuls élus municipaux suppléant le maire ou ayant reçu une délégation de la part de ce dernier. En conséquence, les délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135, accordant la protection fonctionnelle à des conseillers municipaux dépourvus de toute délégation du maire, ne pouvaient être prises sur le fondement de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.
4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte ou d'un autre principe que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte ou du principe sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
5. Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cadre d'une instance civile non seulement en le couvrant des condamnations civiles prononcées contre lui mais aussi en prenant en charge l'ensemble des frais de cette instance, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable. De même, il lui incombe de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit a d'ailleurs été expressément réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires, par les articles L. 134-1 à L. 134-12 du code de la fonction publique, et par les articles L. 2123-34, L. 2123-35, L. 3123-28, L. 3123-29, L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s'agissant des exécutifs des collectivités territoriales. Cette protection s'applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions, notamment à l'ensemble des conseillers municipaux, même ceux n'ayant pas reçu de délégation du maire et n'exerçant en conséquence pas de fonction exécutive.
6. En l'espèce, les délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019 trouvent leur fondement légal dans le principe général du droit à la protection fonctionnelle des agents publics, qui peut être substitué aux dispositions de l'article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales dès lors, en premier lieu, que les conseillers municipaux concernés, dépourvus de délégation du maire, ayant fait l'objet de poursuites pénales, se trouvaient dans une situation où, en application du principe général précité, la commune de Maurepas pouvait décider de leur accorder la protection fonctionnelle, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver les intéressés d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer le principe général du droit ou les dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit pour annuler les sept délibérations précitées.
8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. AA... devant le tribunal et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. AA... :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...). Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. (...) ". Il résulte de ces dispositions que dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions.
10. M. AA... doit être regardé comme se prévalant des insuffisances d'information contenues dans la " note de synthèse " n° 27 et les vingt-trois projets de délibération transmis aux conseillers municipaux en vue du conseil municipal de Maurepas du 17 décembre 2019, relatifs à la demande de protection fonctionnelle présentée par vingt-trois conseillers municipaux. Il ressort des pièces du dossier que cette " note de synthèse ", relative au point n° 27 fixé à l'ordre du jour du conseil municipal du 17 décembre 2019, fait mention des nom et prénom de chacun des conseillers municipaux sollicitant l'octroi de la protection fonctionnelle. Elle vise en outre les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et fait mention du principe général du droit à la protection fonctionnelle applicable aux élus locaux. Elle précise par ailleurs que cette demande est liée à la parution d'un article dans le magazine municipal de décembre 2017, que les conseillers municipaux en cause ont été convoqués devant le tribunal de grande instance de Versailles dans le cadre d'une action en diffamation, mais que leur mise en examen a été annulée par un arrêt du 22 mai 2019 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles en raison de " l'absence d'indice grave ou concordant à leur encontre de commission d'une complicité de diffamation ". La simple circonstance que cette note de synthèse ne mentionne pas la nature de la délégation accordée aux conseillers municipaux concernés et ne permettrait pas d'apprécier si la tribune publiée en décembre 2017 relèverait ou non de l'exercice de la délégation des élus en cause est en l'espèce sans incidence, d'une part, parce que des actes caractérisant une complicité de diffamation sont insusceptibles de se rattacher légalement à une délégation donnée par le maire à un conseiller municipal, et d'autre part, parce que les membres du conseil municipal ne pouvaient ignorer l'étendue des délégations données par le maire aux conseillers municipaux en cause. Ainsi, l'ensemble des précisions apportées dans la note de synthèse n° 27 et les projets de délibérations transmis aux conseillers municipaux en vue du conseil municipal du 17 décembre 2019 offraient à ces derniers une information adéquate et leur permettaient de délibérer en toute connaissance de cause.
11. En deuxième lieu, les vingt-trois délibérations dont M. AA... demande l'annulation font expressément droit aux demandes de protection fonctionnelle sollicitées par les vingt-trois conseillers municipaux en cause. Ces décisions, répondant favorablement aux demandes formulées par les intéressés, visent en outre les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et précisent les faits pour lesquels la demande de protection fonctionnelle a été sollicitée. La simple circonstance que les délibérations en litige ne précisent pas si les conseillers municipaux ont reçu ou non une délégation, et l'étendue de cette délégation lorsqu'elle a été accordée, est sans incidence sur leur légalité.
12. En troisième lieu, alors que les délibérations contestées visent expressément l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, la circonstance qu'elles visent également, de manière superfétatoire, l'article L. 2123-35 du même code, est sans incidence sur leur légalité.
13. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n'impose aux élus municipaux un délai pour demander la protection fonctionnelle, ni ne leur interdit de demander la prise en charge par la commune de frais liés à une procédure, postérieurement au jugement ayant clos cette procédure. Ainsi, la circonstance qu'en l'espèce les délibérations en litige du conseil municipal du 17 décembre 2019 ont été votées plusieurs mois après l'arrêt du 22 mai 2019 par lequel la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a annulé la mise en examen des vingt-quatre conseillers municipaux initialement poursuivis n'est pas de nature à les faire regarder comme étant entachés d'un détournement de pouvoir. Le moyen invoqué en ce sens par M. AA..., doit par suite être écarté.
14. En dernier lieu, le principe rappelé au point 5 du présent arrêt établit à la charge de l'autorité administrative une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la publication de la tribune diffamatoire publiée dans le bulletin municipal de Maurepas du mois de décembre 2017, signée par les vingt-cinq élus de la majorité municipale, M. AA... a porté plainte contre vingt-quatre élus du conseil municipal de Maurepas, pour complicité de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, qui ont été mis en examen. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a par un arrêt du 22 mai 2019 annulé ces mises en examen en relevant qu'aucun d'entre eux n'avait signé la tribune diffamatoire, ni participé à sa rédaction, ni même fourni matière à sa préparation, M. AN..., maire de Maurepas, étant son unique auteur. Aucune pièce du dossier ne permet par ailleurs d'établir que les conseillers municipaux poursuivis auraient été impliqués directement ou indirectement dans la préparation ou l'élaboration de cette tribune. Cette tribune ne saurait en conséquence être regardée comme l'expression d'un groupe politique. Il en résulte que les conseillers municipaux mis en cause l'ont été non pas en raison de leurs agissements propres, mais uniquement parce qu'ils avaient été fallacieusement mentionnés par le maire de la commune de Maurepas, en leur qualité de conseillers municipaux de la majorité, en tant que co-auteurs ou soutiens de la tribune diffamatoire. Il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux poursuivis du délit de complicité de diffamation publique n'ont en réalité aucunement participé à l'élaboration de la tribune diffamatoire, mais ont été impliqués à leur insu par le maire de la commune de Maurepas, du fait même de leur qualité de conseillers. En raison de ces circonstances particulières, M. AA... n'est pas fondé à soutenir que les faits en litige ne relèveraient pas du champ d'application de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, ni du principe général du droit à la protection fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que les délibérations litigieuses accordant la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux en cause seraient entachées d'une erreur d'appréciation doit pour les mêmes motifs être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Maurepas est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a, par son article 1er, annulé les délibérations n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019.
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
16. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et de qualification juridique qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
En ce qui concerne le bien fondé des délibérations en litige :
17. Il résulte de ce qui précède, en particulier des motifs retenus au point 14 du présent arrêt, que le conseil municipal pouvait légalement accorder la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux ayant reçu une délégation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, dès lors que, contrairement à ce que soutient M. AA..., les poursuites pénales dont ils ont fait l'objet étaient exclusivement en lien avec l'exercice de leurs fonctions, dès lors qu'ils ont été poursuivis, à tort, pour l'unique motif qu'ils avaient été fallacieusement désignés, et sur la base de leur seule qualité de conseillers municipaux membres de la majorité municipale, comme auteurs ou soutiens d'une publication diffamatoire.
18. Il résulte de ce qui précède que M. AA... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des délibérations n° 2019/113, n° 2019/114, n° 2019/115, n° 2019/116, n° 2019/117, n° 2019/118, n° 2019/119, n° 2019/120, n° 2019/121, n° 2019/122, n° 2019/123, n° 2019/125, n° 2019/126, n° 2019/130, n° 2019/131 et n° 2019/133.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Maurepas, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. AA... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. AA... le versement de la somme de 1 500 euros que la commune de Maurepas demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2001705 du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : L'appel incident formé par M. AA... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Maurepas, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Maurepas et à M. S... AA....
Copie en sera adressée à Mme L... Z..., à M. M... AG..., à Mme R... AH..., à M. B... V..., à Mme AM... AQ..., à Mme O... D..., à M. E... AT..., à Mme AP... T..., à M. N... I..., à Mme AW... AV..., à M. AK... H..., à Mme AP... X..., à M. AL... C..., à Mme A... W..., à M. AO... Q..., à M. AC... P..., à Mme U... AR..., à M. J... AD..., à M. AU... AE..., à Mme AJ... Y..., à Mme AF... G..., à M. S... F..., et à M. AI... K....
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVENLa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE01436
Procédure contentieuse antérieure :
M. S... AA... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les délibérations du 17 décembre 2019 par lesquelles le conseil municipal de Maurepas a décidé d'accorder la protection fonctionnelle à Mme L... Z..., à M. M... AG..., à Mme R... AH..., à M. B... V..., à Mme AM... AQ..., à Mme O... D..., à M. E... AT..., à Mme AP... T..., à M. N... I..., à Mme AW... AV..., à M. AK... H..., à Mme AP... X..., à M. AL... C..., à Mme A... W..., à M. AO... Q..., à M. AC... P..., à Mme U... AR..., à M. J... AD..., à M. AU... AE..., à Mme AJ... Y..., à Mme AF... G..., à M. S... F... et à M. AI... K..., et de mettre à la charge de cette commune la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001705 du 14 avril 2022 le tribunal administratif de Versailles a annulé les délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019, accordant respectivement la protection fonctionnelle de la commune à Mme L... Z..., à Mme AM... AQ..., à Mme O... D..., à M. E... AT..., à Mme AW... AV..., à Mme AJ... Y... et à M. AI... K..., et a rejeté les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juin 2022 et le 1er décembre 2023, la commune de Maurepas, représentée par Me Morant, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les délibérations du 17 décembre 2019 par lesquelles le conseil municipal de Maurepas a accordé la protection fonctionnelle respectivement à Mme Z..., à Mme AQ..., à Mme D..., à M. AT..., à Mme AV..., à Mme Y... et à M. K... ;
2°) de rejeter la demande de M. AA... ;
3°) et de mettre à la charge de M. AA... la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- si les dispositions littérales de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales ont une portée restrictive, les conseillers municipaux de Maurepas n'ayant pas reçu de délégation du maire pouvaient néanmoins bénéficier de la protection fonctionnelle, soit sur le fondement du principe général du droit à la protection fonctionnelle, soit sur le fondement de la clause générale de compétence énoncée à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;
- par substitution de base légale, le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit doit être écarté ;
- l'octroi de la protection fonctionnelle à un élu municipal ayant reçu une délégation du maire est seulement subordonné à la condition qu'il ait fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute non-détachable de l'exercice de ses fonctions ;
- l'octroi de la protection fonctionnelle n'est pas subordonné à la circonstance que les faits reprochés à l'individu ont été commis dans l'exercice de sa délégation ;
- en l'espèce, le juge pénal a considéré que les élus concernés n'avaient pas été impliqués dans la rédaction de la tribune litigieuse.
Par un mémoire en défense et un appel incident, enregistrés le 9 mars 2023, M. AA..., représenté par Me Léron, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune ;
2°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions de première instance dirigées contre les délibérations accordant la protection fonctionnelle aux élus titulaires d'une délégation, à savoir Mme X..., M. Q..., M. P..., Mme T..., Mme AH..., M. V..., M. H..., M. F..., Mme G..., Mme AS..., M. AG..., M. C..., M. AD..., M. I..., Mme W... et M. AE... ;
3°) d'annuler les délibérations accordant la protection fonctionnelle à Mme X..., M. Q..., M. P..., Mme T..., Mme AH..., M. V..., M. H..., M. F..., Mme G..., Mme AS..., M. AG..., M. C..., M. AD..., M. I..., Mme W... et M. AE... ;
4°) et de condamner la commune à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sur l'appel principal, il résulte de la lettre même des dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales que la protection fonctionnelle ne peut être accordée à d'autres élus que le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ;
- les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales ne portent pas atteinte au principe d'égalité ;
- la commune ne pouvait pas davantage se fonder sur les dispositions de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales pour accorder la protection fonctionnelle à ces mêmes élus, du fait de l'existence même de dispositions législative restrictives ;
- en tout état de cause, les conditions d'une substitution de base légale ne sont pas réunies ;
- sur l'appel incident, le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et de qualification juridique ;
- le conseil municipal ne pouvait accorder la protection fonctionnelle aux élus municipaux ayant reçu une délégation dès lors que les poursuites pénales dont ils ont fait l'objet n'avaient aucun lien avec leurs fonctions exécutives.
Par une ordonnance du 5 décembre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 26 décembre 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Morant pour la commune de Maurepas, et de Me Léron pour M. AA....
Considérant ce qui suit :
1. Une tribune, signée par " les vingt-cinq élus de la majorité municipale ", a été publiée dans le bulletin municipal de Maurepas du mois de décembre 2017, au sein de la rubrique " expression du groupe de la majorité ", insinuant que M. AA..., lorsqu'il était premier puis deuxième adjoint au maire de cette commune, en charge des finances, aurait commis des agissements délictueux. A la suite de cette publication, M. AA... a déposé plainte, avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction près le tribunal de grande instance de Versailles le 26 février 2018, contre le maire de Maurepas pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, et contre vingt-quatre membres de la majorité municipale pour complicité de ce même délit. Mis en examen en janvier 2019 du chef de complicité de diffamation publique, vingt-trois des élus de la majorité municipale visés par cette plainte ont adressé au maire une demande d'octroi de la protection fonctionnelle afin de couvrir les frais d'avocat nécessaires pour assurer leur défense. Par un arrêt rendu le 22 mai 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a annulé la mise en examen des vingt-quatre conseillers municipaux concernés. Par un jugement du 18 novembre 2019, le tribunal correctionnel du tribunal de grande instance de Versailles a reconnu le maire de la commune de Maurepas, M. AB... AN..., coupable de diffamation publique, et l'a condamné en particulier à une amende de 1 500 euros, et au versement à M. AA... d'une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis. Le conseil municipal de la commune de Maurepas a pris le 17 décembre 2019 vingt-trois délibérations accordant la protection fonctionnelle à chacun des vingt-trois conseillers municipaux qui en avaient sollicité l'octroi. Par un jugement n° 2001705 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé les sept délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019 accordant la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux dépourvus de délégation du maire, à savoir, respectivement à Mme Z..., Mme AQ..., Mme D..., M. AT..., Mme AV..., Mme Y... et M. K.... Le tribunal administratif a en revanche rejeté les conclusions de M. AA... tendant à l'annulation des seize délibérations accordant la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux ayant reçu une délégation du maire, à savoir les délibérations n° 2019/113, n° 2019/114, n° 2019/115, n° 2019/116, n° 2019/117, n° 2019/118, n° 2019/119, n° 2019/120, n° 2019/121, n° 2019/122, n° 2019/123, n° 2019/125, n° 2019/126, n° 2019/130, n° 2019/131 et n° 2019/133, accordant la protection fonctionnelle respectivement à M. AD..., Mme AR..., M. P..., M. Q..., Mme W..., M. C..., Mme X..., M. H..., Mme G..., M. F..., M. AG..., Mme AH..., M. V..., Mme T..., M. I..., et M. AE.... La commune fait appel de ce jugement en tant qu'il annule les sept délibérations précitées et demande le rejet de la demande de M. AA.... Ce dernier forme appel incident et demande, d'une part, l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation des seize délibérations précitées, et d'autre part l'annulation de ces seize délibérations.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. / La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. (...) "
3. Les dispositions précitées ne permettent à une commune d'accorder sa protection qu'au maire ou aux seuls élus municipaux suppléant le maire ou ayant reçu une délégation de la part de ce dernier. En conséquence, les délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135, accordant la protection fonctionnelle à des conseillers municipaux dépourvus de toute délégation du maire, ne pouvaient être prises sur le fondement de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.
4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte ou d'un autre principe que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte ou du principe sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
5. Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cadre d'une instance civile non seulement en le couvrant des condamnations civiles prononcées contre lui mais aussi en prenant en charge l'ensemble des frais de cette instance, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable. De même, il lui incombe de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit a d'ailleurs été expressément réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires, par les articles L. 134-1 à L. 134-12 du code de la fonction publique, et par les articles L. 2123-34, L. 2123-35, L. 3123-28, L. 3123-29, L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s'agissant des exécutifs des collectivités territoriales. Cette protection s'applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions, notamment à l'ensemble des conseillers municipaux, même ceux n'ayant pas reçu de délégation du maire et n'exerçant en conséquence pas de fonction exécutive.
6. En l'espèce, les délibérations du conseil municipal de Maurepas n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019 trouvent leur fondement légal dans le principe général du droit à la protection fonctionnelle des agents publics, qui peut être substitué aux dispositions de l'article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales dès lors, en premier lieu, que les conseillers municipaux concernés, dépourvus de délégation du maire, ayant fait l'objet de poursuites pénales, se trouvaient dans une situation où, en application du principe général précité, la commune de Maurepas pouvait décider de leur accorder la protection fonctionnelle, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver les intéressés d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer le principe général du droit ou les dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit pour annuler les sept délibérations précitées.
8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. AA... devant le tribunal et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. AA... :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...). Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. (...) ". Il résulte de ces dispositions que dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions.
10. M. AA... doit être regardé comme se prévalant des insuffisances d'information contenues dans la " note de synthèse " n° 27 et les vingt-trois projets de délibération transmis aux conseillers municipaux en vue du conseil municipal de Maurepas du 17 décembre 2019, relatifs à la demande de protection fonctionnelle présentée par vingt-trois conseillers municipaux. Il ressort des pièces du dossier que cette " note de synthèse ", relative au point n° 27 fixé à l'ordre du jour du conseil municipal du 17 décembre 2019, fait mention des nom et prénom de chacun des conseillers municipaux sollicitant l'octroi de la protection fonctionnelle. Elle vise en outre les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et fait mention du principe général du droit à la protection fonctionnelle applicable aux élus locaux. Elle précise par ailleurs que cette demande est liée à la parution d'un article dans le magazine municipal de décembre 2017, que les conseillers municipaux en cause ont été convoqués devant le tribunal de grande instance de Versailles dans le cadre d'une action en diffamation, mais que leur mise en examen a été annulée par un arrêt du 22 mai 2019 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles en raison de " l'absence d'indice grave ou concordant à leur encontre de commission d'une complicité de diffamation ". La simple circonstance que cette note de synthèse ne mentionne pas la nature de la délégation accordée aux conseillers municipaux concernés et ne permettrait pas d'apprécier si la tribune publiée en décembre 2017 relèverait ou non de l'exercice de la délégation des élus en cause est en l'espèce sans incidence, d'une part, parce que des actes caractérisant une complicité de diffamation sont insusceptibles de se rattacher légalement à une délégation donnée par le maire à un conseiller municipal, et d'autre part, parce que les membres du conseil municipal ne pouvaient ignorer l'étendue des délégations données par le maire aux conseillers municipaux en cause. Ainsi, l'ensemble des précisions apportées dans la note de synthèse n° 27 et les projets de délibérations transmis aux conseillers municipaux en vue du conseil municipal du 17 décembre 2019 offraient à ces derniers une information adéquate et leur permettaient de délibérer en toute connaissance de cause.
11. En deuxième lieu, les vingt-trois délibérations dont M. AA... demande l'annulation font expressément droit aux demandes de protection fonctionnelle sollicitées par les vingt-trois conseillers municipaux en cause. Ces décisions, répondant favorablement aux demandes formulées par les intéressés, visent en outre les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et précisent les faits pour lesquels la demande de protection fonctionnelle a été sollicitée. La simple circonstance que les délibérations en litige ne précisent pas si les conseillers municipaux ont reçu ou non une délégation, et l'étendue de cette délégation lorsqu'elle a été accordée, est sans incidence sur leur légalité.
12. En troisième lieu, alors que les délibérations contestées visent expressément l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, la circonstance qu'elles visent également, de manière superfétatoire, l'article L. 2123-35 du même code, est sans incidence sur leur légalité.
13. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n'impose aux élus municipaux un délai pour demander la protection fonctionnelle, ni ne leur interdit de demander la prise en charge par la commune de frais liés à une procédure, postérieurement au jugement ayant clos cette procédure. Ainsi, la circonstance qu'en l'espèce les délibérations en litige du conseil municipal du 17 décembre 2019 ont été votées plusieurs mois après l'arrêt du 22 mai 2019 par lequel la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a annulé la mise en examen des vingt-quatre conseillers municipaux initialement poursuivis n'est pas de nature à les faire regarder comme étant entachés d'un détournement de pouvoir. Le moyen invoqué en ce sens par M. AA..., doit par suite être écarté.
14. En dernier lieu, le principe rappelé au point 5 du présent arrêt établit à la charge de l'autorité administrative une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la publication de la tribune diffamatoire publiée dans le bulletin municipal de Maurepas du mois de décembre 2017, signée par les vingt-cinq élus de la majorité municipale, M. AA... a porté plainte contre vingt-quatre élus du conseil municipal de Maurepas, pour complicité de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, qui ont été mis en examen. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a par un arrêt du 22 mai 2019 annulé ces mises en examen en relevant qu'aucun d'entre eux n'avait signé la tribune diffamatoire, ni participé à sa rédaction, ni même fourni matière à sa préparation, M. AN..., maire de Maurepas, étant son unique auteur. Aucune pièce du dossier ne permet par ailleurs d'établir que les conseillers municipaux poursuivis auraient été impliqués directement ou indirectement dans la préparation ou l'élaboration de cette tribune. Cette tribune ne saurait en conséquence être regardée comme l'expression d'un groupe politique. Il en résulte que les conseillers municipaux mis en cause l'ont été non pas en raison de leurs agissements propres, mais uniquement parce qu'ils avaient été fallacieusement mentionnés par le maire de la commune de Maurepas, en leur qualité de conseillers municipaux de la majorité, en tant que co-auteurs ou soutiens de la tribune diffamatoire. Il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux poursuivis du délit de complicité de diffamation publique n'ont en réalité aucunement participé à l'élaboration de la tribune diffamatoire, mais ont été impliqués à leur insu par le maire de la commune de Maurepas, du fait même de leur qualité de conseillers. En raison de ces circonstances particulières, M. AA... n'est pas fondé à soutenir que les faits en litige ne relèveraient pas du champ d'application de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, ni du principe général du droit à la protection fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que les délibérations litigieuses accordant la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux en cause seraient entachées d'une erreur d'appréciation doit pour les mêmes motifs être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Maurepas est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a, par son article 1er, annulé les délibérations n° 2019/124, n° 2019/127, n° 2019/128, n° 2019/129, n° 2019/132, n° 2019/134 et n° 2019/135 du 17 décembre 2019.
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
16. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et de qualification juridique qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
En ce qui concerne le bien fondé des délibérations en litige :
17. Il résulte de ce qui précède, en particulier des motifs retenus au point 14 du présent arrêt, que le conseil municipal pouvait légalement accorder la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux ayant reçu une délégation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, dès lors que, contrairement à ce que soutient M. AA..., les poursuites pénales dont ils ont fait l'objet étaient exclusivement en lien avec l'exercice de leurs fonctions, dès lors qu'ils ont été poursuivis, à tort, pour l'unique motif qu'ils avaient été fallacieusement désignés, et sur la base de leur seule qualité de conseillers municipaux membres de la majorité municipale, comme auteurs ou soutiens d'une publication diffamatoire.
18. Il résulte de ce qui précède que M. AA... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des délibérations n° 2019/113, n° 2019/114, n° 2019/115, n° 2019/116, n° 2019/117, n° 2019/118, n° 2019/119, n° 2019/120, n° 2019/121, n° 2019/122, n° 2019/123, n° 2019/125, n° 2019/126, n° 2019/130, n° 2019/131 et n° 2019/133.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Maurepas, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. AA... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. AA... le versement de la somme de 1 500 euros que la commune de Maurepas demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2001705 du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : L'appel incident formé par M. AA... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Maurepas, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Maurepas et à M. S... AA....
Copie en sera adressée à Mme L... Z..., à M. M... AG..., à Mme R... AH..., à M. B... V..., à Mme AM... AQ..., à Mme O... D..., à M. E... AT..., à Mme AP... T..., à M. N... I..., à Mme AW... AV..., à M. AK... H..., à Mme AP... X..., à M. AL... C..., à Mme A... W..., à M. AO... Q..., à M. AC... P..., à Mme U... AR..., à M. J... AD..., à M. AU... AE..., à Mme AJ... Y..., à Mme AF... G..., à M. S... F..., et à M. AI... K....
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVENLa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE01436