CAA de PARIS, 7ème chambre, 06/03/2024, 23PA04519, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 7ème chambre, 06/03/2024, 23PA04519, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 7ème chambre
- N° 23PA04519
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
06 mars 2024
- Président
- Mme HAMON
- Rapporteur
- M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
- Avocat(s)
- TRAQUINI
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement.
Par un jugement n° 2314112/5-1 du 6 octobre 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er novembre 2023, M. A..., représenté par Me Traquini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2314112/5-1 du 6 octobre 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 17 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation professionnelle, personnelle et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- la décision fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 28 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2024 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 14 février 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble une annexe), signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né en 1986, a sollicité le 10 janvier 2023 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 17 mai 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement. M. A... fait appel du jugement du 6 octobre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour attaquée a été signée par une autorité incompétente. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, d'ailleurs, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne de manière précise et circonstanciée les conditions d'entrée et du séjour en France de M. A... ainsi que sa situation professionnelle, personnelle et familiale. L'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger, la décision attaquée est motivée au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. En outre, la motivation de la décision attaquée s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de police. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte des motifs de la décision attaquée comme des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas omis d'examiner la situation professionnelle, personnelle et familiale de M. A.... Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé / (...) ".
7. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Par ailleurs, si la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d'éléments factuels antérieurs à cette date mais révélés postérieurement.
9. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A... en tant qu'étranger malade, le préfet de police s'est fondé notamment sur l'avis du 2 mai 2023 par lequel le collège de médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est arrivé en France le 28 août 2018, a été diagnostiqué, le 4 décembre suivant, séropositif au virus de l'immunodéficience humaine (VIH), qu'un traitement médicamenteux Dovato, composé d'antirétroviraux (Dolutegravir et Lamivudine), lui est prescrit depuis le 9 juillet 2021 et qu'il fait l'objet d'une surveillance médicale tous les six mois à l'hôpital depuis le 20 décembre 2018. Si le requérant soutient que les personnes vivant avec le VIH ne peuvent avoir accès à un traitement approprié à leur pathologie au Cameroun, les certificats médicaux produits par l'intéressé tant en appel qu'en première instance ne sont pas de nature à remettre en cause la teneur de l'avis du collège de médecins de l'OFII ni l'appréciation portée par le préfet de police sur sa situation médicale, dès lors qu'ils se bornent à relever que le défaut de prise en charge médicale de M. A... pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors que, par ailleurs, le préfet de police a produit, en première instance, des éléments particulièrement circonstanciés faisant apparaître qu'il existe des services d'infectiologie au Cameroun à même d'assurer la prise en charge du VIH et que les antirétroviraux prescrits au requérant sont disponibles au Cameroun. Par ailleurs, si M. A... soutient que sa famille n'est pas en mesure de l'aider financièrement afin de pouvoir accéder effectivement aux médicaments dont il a besoin au Cameroun, il ne fournit aucun élément relatif au coût financier de son traitement médical, au demeurant non évalué, ni à la situation financière de sa famille permettant d'apprécier quelle sera sa situation personnelle en cas de retour au Cameroun où réside sa mère. A cet égard, le préfet de police produit des éléments circonstanciés mettant en évidence que le traitement antirétroviral au Cameroun est gratuit depuis 2007, ces éléments n'étant pas utilement contredits par les pièces produites par le requérant. Dans ces conditions, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale / (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Si M. A... est le père d'un garçon né en France le 19 juillet 2021, qu'il a reconnu par anticipation le 25 mai 2021, il ne justifie toutefois pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance en se bornant à produire le carnet de santé de l'enfant ainsi que des preuves de l'envoi, à la mère de l'enfant, de virements postérieurement à la décision en litige et au jugement attaqué. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la mère de son fils, qui est de nationalité camerounaise et avec laquelle il ne vit pas, est en situation irrégulière et fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français depuis le 3 mai 2023. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses deux autres enfants, sa mère et ses deux sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé a travaillé en tant que couvreur durant une période cumulée de 24 mois, l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, ni n'a porté une atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant mineur. Par suite, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
13. En dernier lieu, si l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule que : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ", ces stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Par suite, M. A... ne peut utilement s'en prévaloir pour demander l'annulation de la décision attaquée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français " (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
15. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 2, 10, 12 et 13, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français attaquée, d'une méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur d'appréciation de la situation de M. A... au regard de ces dispositions et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.
16. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
17. L'arrêté attaqué vise spécifiquement les dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise les motifs pour lesquels M. A... ne peut se prévaloir d'un droit au séjour au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du même code. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police n'a pas motivé l'obligation de quitter le territoire français attaquée doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
18. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".
20. Dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun prévu par les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou ait justifié d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire une telle prolongation. Dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à M. A..., qui ne soutient ni n'établit avoir sollicité une prolongation de ce délai, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire attaquée, doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
21. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
22. Si M. A... soutient qu'il sera exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Cameroun dès lors que, d'une part, il ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie et que, d'autre part, les personnes atteintes, comme lui, du VIH sont victimes dans ce pays de discriminations importantes, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il est jugé au point 10, le requérant peut effectivement bénéficier au Cameroun d'un traitement approprié à sa pathologie. En revanche il ressort des pièces du dossier qu'en cas de retour dans ce pays, le constat de sa séropositivité l'exposerait à de réels risques de traitements inhumains et dégradants, comme en atteste le rapport de l'Office français la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), intitulé " Cameroun, discrimination des personnes séropositives ", publié le 11 février 2020, qui confirme que les personnes atteintes du VIH sont victimes de discriminations de la part de la population mais également, indirectement, de la part de l'administration, que le SIDA " jette l'opprobre " sur toute la famille et que les personnes séropositives sont ostracisées. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police, qui n'a produit aucun mémoire en défense répondant à l'argument, soulevé pour la première fois en appel, relatif aux discriminations dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH au Cameroun, a méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le Cameroun comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2023 en tant que le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
24. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2023 en tant seulement que le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office, n'implique pas que le préfet de police lui délivre un titre de séjour ni qu'il réexamine sa situation. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2314112/5-1 du Tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2023 par laquelle le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Article 2 : La décision du 17 mai 2023 par laquelle le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Copie en sera adressée au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- Mme Zeudmi-Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULa présidente,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04519
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement.
Par un jugement n° 2314112/5-1 du 6 octobre 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er novembre 2023, M. A..., représenté par Me Traquini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2314112/5-1 du 6 octobre 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 17 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation professionnelle, personnelle et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- la décision fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 28 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2024 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 14 février 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble une annexe), signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né en 1986, a sollicité le 10 janvier 2023 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 17 mai 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement. M. A... fait appel du jugement du 6 octobre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour attaquée a été signée par une autorité incompétente. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, d'ailleurs, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne de manière précise et circonstanciée les conditions d'entrée et du séjour en France de M. A... ainsi que sa situation professionnelle, personnelle et familiale. L'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger, la décision attaquée est motivée au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. En outre, la motivation de la décision attaquée s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de police. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte des motifs de la décision attaquée comme des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas omis d'examiner la situation professionnelle, personnelle et familiale de M. A.... Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé / (...) ".
7. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Par ailleurs, si la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d'éléments factuels antérieurs à cette date mais révélés postérieurement.
9. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A... en tant qu'étranger malade, le préfet de police s'est fondé notamment sur l'avis du 2 mai 2023 par lequel le collège de médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est arrivé en France le 28 août 2018, a été diagnostiqué, le 4 décembre suivant, séropositif au virus de l'immunodéficience humaine (VIH), qu'un traitement médicamenteux Dovato, composé d'antirétroviraux (Dolutegravir et Lamivudine), lui est prescrit depuis le 9 juillet 2021 et qu'il fait l'objet d'une surveillance médicale tous les six mois à l'hôpital depuis le 20 décembre 2018. Si le requérant soutient que les personnes vivant avec le VIH ne peuvent avoir accès à un traitement approprié à leur pathologie au Cameroun, les certificats médicaux produits par l'intéressé tant en appel qu'en première instance ne sont pas de nature à remettre en cause la teneur de l'avis du collège de médecins de l'OFII ni l'appréciation portée par le préfet de police sur sa situation médicale, dès lors qu'ils se bornent à relever que le défaut de prise en charge médicale de M. A... pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors que, par ailleurs, le préfet de police a produit, en première instance, des éléments particulièrement circonstanciés faisant apparaître qu'il existe des services d'infectiologie au Cameroun à même d'assurer la prise en charge du VIH et que les antirétroviraux prescrits au requérant sont disponibles au Cameroun. Par ailleurs, si M. A... soutient que sa famille n'est pas en mesure de l'aider financièrement afin de pouvoir accéder effectivement aux médicaments dont il a besoin au Cameroun, il ne fournit aucun élément relatif au coût financier de son traitement médical, au demeurant non évalué, ni à la situation financière de sa famille permettant d'apprécier quelle sera sa situation personnelle en cas de retour au Cameroun où réside sa mère. A cet égard, le préfet de police produit des éléments circonstanciés mettant en évidence que le traitement antirétroviral au Cameroun est gratuit depuis 2007, ces éléments n'étant pas utilement contredits par les pièces produites par le requérant. Dans ces conditions, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale / (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Si M. A... est le père d'un garçon né en France le 19 juillet 2021, qu'il a reconnu par anticipation le 25 mai 2021, il ne justifie toutefois pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance en se bornant à produire le carnet de santé de l'enfant ainsi que des preuves de l'envoi, à la mère de l'enfant, de virements postérieurement à la décision en litige et au jugement attaqué. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la mère de son fils, qui est de nationalité camerounaise et avec laquelle il ne vit pas, est en situation irrégulière et fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français depuis le 3 mai 2023. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses deux autres enfants, sa mère et ses deux sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé a travaillé en tant que couvreur durant une période cumulée de 24 mois, l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, ni n'a porté une atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant mineur. Par suite, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
13. En dernier lieu, si l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule que : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ", ces stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Par suite, M. A... ne peut utilement s'en prévaloir pour demander l'annulation de la décision attaquée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français " (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
15. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 2, 10, 12 et 13, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français attaquée, d'une méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur d'appréciation de la situation de M. A... au regard de ces dispositions et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.
16. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
17. L'arrêté attaqué vise spécifiquement les dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise les motifs pour lesquels M. A... ne peut se prévaloir d'un droit au séjour au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du même code. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police n'a pas motivé l'obligation de quitter le territoire français attaquée doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
18. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".
20. Dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun prévu par les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou ait justifié d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire une telle prolongation. Dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à M. A..., qui ne soutient ni n'établit avoir sollicité une prolongation de ce délai, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire attaquée, doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
21. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
22. Si M. A... soutient qu'il sera exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Cameroun dès lors que, d'une part, il ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie et que, d'autre part, les personnes atteintes, comme lui, du VIH sont victimes dans ce pays de discriminations importantes, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il est jugé au point 10, le requérant peut effectivement bénéficier au Cameroun d'un traitement approprié à sa pathologie. En revanche il ressort des pièces du dossier qu'en cas de retour dans ce pays, le constat de sa séropositivité l'exposerait à de réels risques de traitements inhumains et dégradants, comme en atteste le rapport de l'Office français la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), intitulé " Cameroun, discrimination des personnes séropositives ", publié le 11 février 2020, qui confirme que les personnes atteintes du VIH sont victimes de discriminations de la part de la population mais également, indirectement, de la part de l'administration, que le SIDA " jette l'opprobre " sur toute la famille et que les personnes séropositives sont ostracisées. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police, qui n'a produit aucun mémoire en défense répondant à l'argument, soulevé pour la première fois en appel, relatif aux discriminations dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH au Cameroun, a méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le Cameroun comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2023 en tant que le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
24. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2023 en tant seulement que le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office, n'implique pas que le préfet de police lui délivre un titre de séjour ni qu'il réexamine sa situation. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2314112/5-1 du Tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2023 par laquelle le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Article 2 : La décision du 17 mai 2023 par laquelle le préfet de police a fixé le Cameroun comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Copie en sera adressée au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- Mme Zeudmi-Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULa présidente,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04519