Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 21/12/2023, 488282

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 75 218 euros, correspondant au montant des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 dans les rôles de la commune de Woippy (Moselle) et qu'elle estime avoir acquittées à tort. Par une ordonnance n° 2200064 du 17 août 2023, ce juge des référés a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 50 679,72 euros à titre de provision, en subordonnant son versement à la constitution par sa bénéficiaire de l'une des garanties prévues au deuxième alinéa de l'article R. 277-1 du livre des procédures fiscales.

Par une ordonnance n° 23NC02798 du 12 septembre 2023, enregistrée le 14 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 31 août 2023 au greffe de cette cour, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Par ce pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;





Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A... est propriétaire d'une parcelle située à Woippy (Moselle), qu'elle loue à plusieurs sociétés, et à raison de laquelle elle a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2019 et 2020. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 17 août 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg condamne l'Etat à verser à Mme A... une provision de 50 679,72 euros, correspondant à une part du montant des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties qu'elle estime avoir indûment acquitté au titre de ces deux années, sous réserve de la constitution par la contribuable de l'une des garanties prévues au deuxième alinéa de l'article R. 277-1 du livre des procédures fiscales.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger que la créance fiscale dont se prévalait Mme A... n'était pas sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés s'est fondé sur les seules circonstances, d'une part, que le tribunal administratif avait, par des jugements devenus définitifs, prononcé la décharge totale des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles Mme A... avait été assujettie à raison de la même parcelle au titre des années 2014 à 2018 et, d'autre part, que l'administration n'avait pas démontré que la situation de fait aurait évolué en 2019 et 2020. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de porter lui-même une appréciation sur le caractère non sérieusement contestable de la créance dont la requérante s'estimait titulaire, le juge des référés a méconnu son office et commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.




D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 17 août 2023 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 6 décembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.

Rendu le 21 décembre 2023.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle


ECLI:FR:CECHR:2023:488282.20231221
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