Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 24/11/2023, 428409, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 24/11/2023, 428409, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème - 5ème chambres réunies
- N° 428409
- ECLI:FR:CECHR:2023:428409.20231124
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
24 novembre 2023
- Rapporteur
- Mme Rozen Noguellou
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, à la demande de l'association Les Amis de la Terre France, d'une part, annulé pour excès de pouvoir les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé, refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive, d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de cette décision, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.
Par une décision n° 428409 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas, dans les six mois suivant la notification de cette décision, avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 de sa nouvelle décision, et a fixé le montant de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date de cette exécution.
Par une décision n° 428409 du 4 août 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée pour la période du semestre courant du 11 janvier au 11 juillet 2021 et condamné l'Etat à verser la somme de 10 millions d'euros, à répartir de la façon suivante : 100 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 3,3 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 2,5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 2 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 1 million d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 350 000 euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 200 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Par une décision n° 428409 du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée pour la période des deux semestres courant du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022 et condamné l'Etat à verser la somme de 20 millions d'euros, à répartir de la façon suivante : 50 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 5,95 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 4 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 2 millions d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 1 million d'euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 500 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Par un courrier du 18 avril 2023, le délégué à l'exécution des décisions de justice de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a demandé au ministre de la transition écologique de porter à sa connaissance les mesures prises par les services de l'Etat pour assurer l'exécution des décisions.
Par des observations, enregistrées le 5 mai 2023, le ministre de la transition écologique a précisé les mesures adoptées par l'Etat à cette fin.
La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative.
La note du 13 juin 2023 que la présidente de la section du rapport et des études a adressée à la présidente de la 6ème chambre de la section du contentieux, a été communiquée aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.
Les parties ont été invitées à indiquer au Conseil d'Etat quelles personnes morales de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou de droit privé à but non lucratif menant, conformément à leurs statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet pourraient utilement être désignées affectataires de tout ou partie de la liquidation de cette astreinte, dans l'hypothèse où il serait procédé à une telle liquidation.
Par quatre mémoires, enregistrés les 6 et 28 septembre, 30 octobre et 3 novembre 2023, l'association Les Amis de la Terre France, l'association Les Amis de la Terre Paris, l'Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR), l'association France nature environnement Ile-de-France, l'association Les amis de la Terre Val de Bièvre, l'association France nature environnement Provence-Alpes-Côte-d'Azur, l'association France nature environnement Bouches-du-Rhône, le Collectif anti nuisance L2, l'association Cap au nord, l'Association de défense du site du Réaltor et de son environnement, l'association RAMDAM, l'association CIRENA, l'association Autrement pour les aménagements des contournements (autoroutiers et ferroviaires) de l'habitat et de l'Est, l'association Défense des intérêts des riverains de l'aérodrome de Pontoise-Corneilles en Vexin, M. C... I..., l'association SOS Paris, M. F... L..., M. J... A..., l'association Champagne-Ardenne nature environnement (CANE), l'Association pour la sauvegarde du patrimoine et de l'environnement à Antony, l'association Greenpeace France, l'Association de défense de l'environnement et de la population de Toussieu (ADEPT), l'association Val de Seine vert, l'Association pour la Sauvegarde de Boulogne Nord-Ouest (ASBNO), l'Association inter village pour un environnement sain (AIVES), l'association Marennes contre les nuisances, l'association COFIVER, M. G... O..., M. M... D..., l'association Respect environnement, la Fédération Fracture, l'association Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA), l'association Forum sud francilien contre les nuisances aériennes, Mme H... K..., Mme E... N..., l'association Environnement 92, l'association Chaville Environnement, l'association Comité riverains Aéroport Saint-Exupéry (CORIAS), l'association Les amis de la Terre Nord, l'association Actions citoyennes pour une transition énergétique solidaire (ACTEnergieS), l'Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports (ACPAT), Mme B... P..., l'association Comité des intérêts de quartier (CIQ) Saint Jean de Tourette Protis, l'association Alertes nuisances aériennes (ANA), l'association Notre affaire à tous, l'Association de protection des collines peypinoises (APCP), l'association Respire, l'association Vivre et agir en Maurienne, l'association France nature environnement Paris, l'association Sommeil et santé, l'Association niçoise pour la qualité de l'air et l'environnement et de la vie, l'association Fédération Alsace nature, l'association de défense de l'environnement de Chaponnay, l'association Défense des riverains de l'aéroport de Paris, l'association Union calanques littoral, l'association Collectif contre les nuisances aériennes de l'agglomération toulousaine et la commune de Marennes, demandent au Conseil d'Etat :
1°) de constater que les décisions n° 394254 du 12 juillet 2017 et n° 428409 du 10 juillet 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'ont pas été pleinement exécutées au terme du délai laissé par la décision du 10 juillet 2020 ;
2°) de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, et au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte, au paiement de 20 millions d'euros pour la période du 11 juillet 2022 au 11 juillet 2023 ;
3°) de verser le montant de l'astreinte à l'association " Les Amis de la Terre France " en vue de demander la reconnaissance d'une " fondation pour la qualité de l'air " comme établissement d'utilité publique ou, à titre subsidiaire, de fixer la liste des bénéficiaires de cette condamnation ainsi que les modalités d'attribution des sommes à verser selon la convention d'assistance juridique conclue le 6 mai 2021 entre l'association Les Amis de la Terre France et son avocat ;
4°) de majorer le montant de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 pour la porter à un montant de 20 millions d'euros par semestre de retard dans l'exécution de cette décision ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par les décisions du Conseil d'Etat des 10 juillet 2020, 4 août 2021 et 17 octobre 2022 ;
Vu :
- la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
- le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1526 du 7 décembre 2020 ;
- le décret n° 2021-977 du 23 juillet 2021 ;
- le décret n° 2022-8 du 5 janvier 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".
2. Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 de ce code, à la liquidation de l'astreinte. En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'Etat. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.
3. Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, en premier lieu, annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive. Il a, en second lieu, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones administratives de surveillance (ZAS) énumérées au point 9 des motifs de cette décision, soit, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, les zones urbaines régionales (ZUR) Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France, Marseille Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Toulon Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Nice Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Saint-Etienne Rhône-Alpes, Grenoble Rhône-Alpes, Lyon Rhône-Alpes, Strasbourg Alsace, Montpellier Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne et Toulouse Midi-Pyrénées et, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, les ZUR Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France et ZUR Martinique, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. Constatant que l'Etat ne pouvait être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète de cette décision, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une nouvelle décision n° 428409 du 10 juillet 2020, prononcé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard, à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification de sa décision, si l'Etat ne justifiait pas avoir pris les mesures nécessaires permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, d'une part, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, dans les zones à risque - agglomération (ZAG) de Paris, Marseille-Aix, Grenoble, Lyon, Strasbourg et Toulouse et dans la zone à risques - hors agglomération (ZAR) de Reims, d'autre part, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM 10, dans la ZAG Paris et la ZAR Fort-de-France, compte tenu des nouvelles terminologies et du nouveau zonage issu de l'arrêté de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de le mer, en charge des relations internationales sur le climat du 26 décembre 2016 relatif au découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l'air ambiant.
4. Par une nouvelle décision n° 428409 du 4 août 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir constaté que l'Etat n'avait pas entièrement exécuté les décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 mentionnées au point précédent, d'une part, pour les ZAG Paris, Marseille-Aix, Grenoble, Lyon et Toulouse s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, d'autre part, pour la ZAG Paris s'agissant des taux de concentration en PM10, a jugé qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période d'un semestre courant du 11 janvier au 11 juillet 2021 inclus. Ainsi, l'Etat a été condamné à verser la somme de 10 millions d'euros, répartie de la façon suivante : 100 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 3,3 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 2,5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 2 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 1 million d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 350 000 euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 200 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune, associations agréées de surveillance de la qualité de l'air en vertu des dispositions des articles L. 221-3 et R. 221-9 du code de l'environnement, compétentes dans les zones administratives de surveillance de la qualité de l'air précédemment mentionnées.
5. Par une nouvelle décision n° 428409 du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir constaté que l'Etat n'avait pas entièrement exécuté les décisions des 12 juillet 2017, 10 juillet 2020 et 4 août 2021 mentionnées aux points précédents, pour les ZAG Paris, Marseille-Aix, Lyon et Toulouse s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, a jugé qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période de deux semestres courant du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022 inclus et a condamné l'Etat à verser la somme de 20 millions d'euros, répartie entre les bénéficiaires désignés par la décision du 4 août 2021.
Sur l'exécution des décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 :
En ce qui concerne l'évolution des concentrations en polluants :
6. Il convient d'abord, afin d'évaluer l'exécution des décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020, d'examiner l'évolution des concentrations en polluants relevées dans les zones concernées et d'apprécier s'il persiste des dépassements des valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement à la date de la présente décision.
S'agissant des concentrations en particules fines PM10 :
7. Par sa décision du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat a retenu que la ZAG Paris était la seule zone où des dépassements des taux de concentration en particules fines PM10 demeuraient et où les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 ne pouvaient être regardées comme exécutées, mais a relevé qu'aucun dépassement n'y avait été constaté en 2021. Il résulte de l'instruction qu'aucun dépassement n'a été constaté non plus en 2022 pour cette même zone, confirmant donc la situation constatée depuis 2020. Compte tenu de ces différents éléments, et alors que la situation d'absence de dépassement dans la ZAG Paris peut désormais être considérée comme consolidée, la décision du 12 juillet 2017 doit être regardée comme étant exécutée s'agissant du respect des taux de concentration en particules fines.
S'agissant des concentrations en dioxyde d'azote :
8. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, sur les quatre zones administratives de surveillance de la qualité de l'air ambiant pour lesquelles les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 n'ont pas été regardées comme exécutées par la décision du 17 octobre 2022, la ZAG Toulouse et la ZAG Marseille-Aix ne présentent plus, en 2022, de dépassement de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement. Toutefois, la ZAG Marseille-Aix connaît encore une station de mesure, celle de Marseille Rabatau, pour laquelle a été constatée en moyenne sur l'année civile une valeur à 39 µg/m3, soit juste en-dessous de la valeur limite de 40 µg/m3. Pour les deux autres zones concernées, celles de Paris et de Lyon, si la moyenne annuelle de concentration en dioxyde d'azote constatée a globalement diminué dans toutes les stations de mesure en 2022 par rapport à 2019, la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 a été dépassée pendant la période considérée dans huit stations de mesure de la ZAG Paris et dans une station de mesure de la ZAG Lyon.
9. Dans ces conditions, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, la décision du 12 juillet 2017 ne peut être regardée comme étant désormais exécutée que pour la seule ZAG Toulouse. La situation à Marseille-Aix ne peut, en raison de la persistance d'une valeur très proche de la valeur limite, être considérée comme suffisamment consolidée et les ZAG Lyon et Paris connaissent encore des dépassements significatifs pour ce polluant.
En ce qui concerne les mesures adoptées :
10. Dès lors que des dépassements des valeurs limites persistent pour le dioxyde d'azote, ainsi qu'il vient d'être dit, pour les deux zones de Lyon et Paris et que la zone de Marseille-Aix demeure dans une situation fragile, il convient d'apprécier si des mesures adoptées depuis l'intervention de la décision du 17 octobre 2022 sont de nature à ramener, dans le délai le plus court possible, les taux de concentration pour ce polluant en deçà de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans les zones présentant encore un dépassement de cette valeur limite ou sont de nature à consolider la situation pour les zones présentant des taux se trouvant très près de cette valeur limite.
11. S'agissant de la ZAG Marseille-Aix, dans laquelle aucune station ne connaît de dépassement mais où une station de mesure est à un niveau très proche de la valeur limite, il résulte de l'instruction, et notamment des éléments indiqués lors de la séance orale d'instruction tenue par la 6ème chambre de la section du contentieux le 9 octobre 2023, que le plan de protection de l'atmosphère révisé a été approuvé en mai 2022 et qu'il comporte notamment des mesures relatives aux transports, qui visent en particulier à réduire la pollution de l'air liée au transport maritime, ainsi que celle liée aux transports automobiles en milieu urbain. Un ensemble de mesures spécifiques a été mis en œuvre ou doit l'être pour limiter la pollution causée par les navires, notamment le déploiement des bornes électriques sur les quais afin que les navires soient alimentés en électricité et qu'ils ne produisent plus d'émissions lorsqu'ils sont à quai ou encore la réduction de la vitesse de navigation aux abords et dans le port. Par ailleurs, une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), c'est-à-dire une zone fixant des mesures de restriction de circulation et déterminant les catégories de véhicules concernés par ces restrictions, couvrant le centre-ville élargi de Marseille a été instaurée le 1er septembre 2022 et l'interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit'Air 4 est effective sur la zone couverte par la ZFE-m depuis septembre 2023, celle des véhicules comportant une vignette Crit'Air 3 étant prévue à compter de septembre 2024. Ces différentes mesures apparaissent comme suffisamment précises et détaillées pour envisager que le respect des valeurs limites de concentration en dioxyde d'azote, déjà constaté dans cette zone en 2022, se poursuivra. Elles peuvent ainsi être regardées comme assurant, pour la zone qu'elles concernent, une correcte exécution de la décision du Conseil d'Etat du 12 juillet 2017.
12. S'agissant de la ZAG Lyon, dans laquelle une station, celle de Lyon périphérique, connaît encore un dépassement, avec une valeur de 47 µg/m3, en baisse par rapport à celle constatée pour cette station en 2021 et se rapprochant de la valeur limite de 40 µg/m3, le ministre fait état de la révision du plan de protection de l'atmosphère, adoptée le 24 novembre 2022 et de nouvelles mesures de restriction de la circulation dans le cadre de la ZFE-m de la Métropole de Lyon, avec l'interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit'Air 4 à compter du 1er janvier 2024, et celle des véhicules comportant une vignette Crit'Air 3 à compter du 1er janvier 2025. Il a, par ailleurs, été décidé par la Métropole du Grand Lyon que la ZFE-m serait étendue à compter du 1er janvier 2024 aux voies rapides, incluant ainsi la station pour laquelle persiste un dépassement. Si ces mesures sont susceptibles de permettre de ramener le niveau de concentration en dioxyde d'azote en dessous de la valeur limite pour l'ensemble des stations de mesure à Lyon, la situation ne peut, en l'état, en raison du dépassement encore significatif constaté en 2022, être regardée comme garantissant que les valeurs limites pour le dioxyde d'azote seront effectivement respectées à Lyon dans le délai le plus court possible.
13. S'agissant de la ZAG Paris, où 8 stations sont encore en dépassement, avec des valeurs atteignant 52 µg/m3 dans deux stations, celles de l'autoroute A1 à Saint-Denis et celle du boulevard périphérique Est, le ministre fait valoir que la révision du plan de protection de l'atmosphère est en cours d'adoption, l'enquête publique devant avoir lieu en novembre 2023 et l'approbation du plan révisé devant intervenir début 2024. Toutefois, ce plan révisé, qui ne devrait de toute façon pas avoir un effet immédiat et sensible sur la pollution de l'air, n'est pas encore en vigueur, alors même que la ZAG Paris est en situation de dépassement significatif des valeurs limites en dioxyde d'azote depuis de nombreuses années. Il résulte, en outre, de l'instruction que l'interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit'Air 3, qui devait intervenir au 1er juillet 2023, a été repoussée par la Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2025. Dans ces conditions, aucune mesure nouvelle de nature à réduire de façon significative et rapide les taux de concentration en dioxyde d'azote sur la ZAG Paris n'a, en pratique, été mise en œuvre depuis la précédente décision du Conseil d'Etat. Il a, au demeurant, été indiqué dans le cours de l'instruction, qu'il n'est, en l'état, pas attendu que les valeurs limites soient respectées dans tous les points de mesure en Ile-de-France avant 2030.
14. Par ailleurs, le ministre invoque aussi des mesures générales, relatives au secteur des transports, comme l'appui aux collectivités territoriales pour la création et l'évolution des ZFE, notamment par la mise en place d'un fonds d'accélération de la transition écologique, le " fonds vert ", l'aide à l'acquisition de véhicules moins polluants, ou le soutien au déploiement de bornes de recharges électriques, ou relatives au secteur du bâtiment, comme l'interdiction d'installation de nouvelles chaudières à fioul ou à charbon et l'adoption d'un plan de sobriété énergétique. Toutefois, s'il peut être raisonnablement attendu des effets positifs de telles mesures sur les niveaux de concentration en dioxyde d'azote dans l'air ambiant, les incidences concrètes de ces mesures générales, valables pour l'ensemble du territoire national, ne sont pas déterminées pour les ZAG Lyon et Paris. Ainsi, la contribution de ces mesures à l'objectif de réduire dans ces zones la durée des dépassements des valeurs limites pour le dioxyde d'azote à la période la plus courte possible ne peut, en l'état, être tenue pour suffisamment établie.
15. Il résulte de ce qui précède que si les différentes mesures mises en avant par le ministre devraient permettre de poursuivre l'amélioration de la situation constatée à ce jour par rapport à 2021, les éléments produits ne permettent pas d'établir que les effets des différentes mesures adoptées permettront de ramener, dans le délai le plus court possible, les niveaux de concentration en dioxyde d'azote en deçà des valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement pour les ZAG Lyon et Paris. Par suite, l'Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes, propres à assurer l'exécution complète des décisions du Conseil d'Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces deux zones.
Sur la liquidation de l'astreinte :
16. La décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 ayant prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de cette décision, pleinement exécuté la décision du 12 juillet 2017 et fixé le taux de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre de retard, a été notifiée aux parties le jour même. Eu égard, dans un sens, à la durée qui ne cesse de s'accroître de la période de dépassement des valeurs limites dans les deux zones qui demeurent concernées, et tout particulièrement en région parisienne, mais en prenant aussi en compte, dans l'autre sens, les améliorations constatées depuis l'intervention des décisions antérieures, et notamment la réduction du nombre des zones concernées par les dépassements et la baisse globale tant du nombre des stations de mesure constatant des dépassements que de l'importance de ces dépassements pour les zones qui demeurent en dépassement, il y a lieu de modérer le taux de l'astreinte en le diminuant de moitié, au vu de ces différentes considérations, pour la période courant du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023.
17. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, il y a lieu de fixer le montant de la somme due à 5 millions pour chacun des deux semestres concernés, soit 10 millions d'euros au total. Compte tenu du montant de cette astreinte et afin d'éviter un enrichissement indu, il convient dans les circonstances de l'espèce de n'allouer à l'association Les Amis de la Terre France, seule requérante à l'instance initiale ayant conduit à la décision du 12 juillet 2017, qu'une fraction de la somme à liquider et, eu égard aux actions qu'ils conduisent en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et d'amélioration de la qualité de l'air, de répartir le reste de l'astreinte au bénéfice de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air compétentes dans les zones de Paris (Air Parif), de Lyon (Atmo Auvergne Rhône-Alpes), de Marseille-Aix (Atmo Sud) et de Toulouse (Atmo Occitanie).
18. Dans ces conditions, l'Etat devra verser, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte pour les deux semestres de la période du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023 :
- la somme de 10 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France,
- la somme de 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- la somme de 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- la somme de 2 millions d'euros à l'ANSES,
- la somme de 1 million d'euros à l'INERIS,
- la somme de 450 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes, chacune,
- la somme de 145 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud, chacune.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'association Les Amis de la Terre France et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 12 juillet 2017 est exécutée pour ce qui concerne les dépassements des valeurs limites pour les particules fines PM 10 et, s'agissant du dioxyde d'azote, pour toutes les zones énumérées par la décision du 10 juillet 2020 à l'exception de celles de Lyon et de Paris.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 10 millions d'euros, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020, pour la période du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023, à répartir de la façon suivante :
- 10 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France,
- 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- 2 millions d'euros à l'ANSES,
- 1 million d'euros à l'INERIS,
- 450 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes, chacune,
- 145 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud, chacune.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association Les Amis de la Terre France et autres est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Les Amis de la Terre France, à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, à Air Parif, Atmo Auvergne Rhône-Alpes, Atmo Occitanie et Atmo Sud ainsi qu'à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la présidente de la section du rapport et des études.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat, Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 24 novembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse
ECLI:FR:CECHR:2023:428409.20231124
Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, à la demande de l'association Les Amis de la Terre France, d'une part, annulé pour excès de pouvoir les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé, refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive, d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de cette décision, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.
Par une décision n° 428409 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas, dans les six mois suivant la notification de cette décision, avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 de sa nouvelle décision, et a fixé le montant de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date de cette exécution.
Par une décision n° 428409 du 4 août 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée pour la période du semestre courant du 11 janvier au 11 juillet 2021 et condamné l'Etat à verser la somme de 10 millions d'euros, à répartir de la façon suivante : 100 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 3,3 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 2,5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 2 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 1 million d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 350 000 euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 200 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Par une décision n° 428409 du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée pour la période des deux semestres courant du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022 et condamné l'Etat à verser la somme de 20 millions d'euros, à répartir de la façon suivante : 50 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 5,95 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 4 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 2 millions d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 1 million d'euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 500 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Par un courrier du 18 avril 2023, le délégué à l'exécution des décisions de justice de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a demandé au ministre de la transition écologique de porter à sa connaissance les mesures prises par les services de l'Etat pour assurer l'exécution des décisions.
Par des observations, enregistrées le 5 mai 2023, le ministre de la transition écologique a précisé les mesures adoptées par l'Etat à cette fin.
La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative.
La note du 13 juin 2023 que la présidente de la section du rapport et des études a adressée à la présidente de la 6ème chambre de la section du contentieux, a été communiquée aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.
Les parties ont été invitées à indiquer au Conseil d'Etat quelles personnes morales de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou de droit privé à but non lucratif menant, conformément à leurs statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet pourraient utilement être désignées affectataires de tout ou partie de la liquidation de cette astreinte, dans l'hypothèse où il serait procédé à une telle liquidation.
Par quatre mémoires, enregistrés les 6 et 28 septembre, 30 octobre et 3 novembre 2023, l'association Les Amis de la Terre France, l'association Les Amis de la Terre Paris, l'Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR), l'association France nature environnement Ile-de-France, l'association Les amis de la Terre Val de Bièvre, l'association France nature environnement Provence-Alpes-Côte-d'Azur, l'association France nature environnement Bouches-du-Rhône, le Collectif anti nuisance L2, l'association Cap au nord, l'Association de défense du site du Réaltor et de son environnement, l'association RAMDAM, l'association CIRENA, l'association Autrement pour les aménagements des contournements (autoroutiers et ferroviaires) de l'habitat et de l'Est, l'association Défense des intérêts des riverains de l'aérodrome de Pontoise-Corneilles en Vexin, M. C... I..., l'association SOS Paris, M. F... L..., M. J... A..., l'association Champagne-Ardenne nature environnement (CANE), l'Association pour la sauvegarde du patrimoine et de l'environnement à Antony, l'association Greenpeace France, l'Association de défense de l'environnement et de la population de Toussieu (ADEPT), l'association Val de Seine vert, l'Association pour la Sauvegarde de Boulogne Nord-Ouest (ASBNO), l'Association inter village pour un environnement sain (AIVES), l'association Marennes contre les nuisances, l'association COFIVER, M. G... O..., M. M... D..., l'association Respect environnement, la Fédération Fracture, l'association Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA), l'association Forum sud francilien contre les nuisances aériennes, Mme H... K..., Mme E... N..., l'association Environnement 92, l'association Chaville Environnement, l'association Comité riverains Aéroport Saint-Exupéry (CORIAS), l'association Les amis de la Terre Nord, l'association Actions citoyennes pour une transition énergétique solidaire (ACTEnergieS), l'Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports (ACPAT), Mme B... P..., l'association Comité des intérêts de quartier (CIQ) Saint Jean de Tourette Protis, l'association Alertes nuisances aériennes (ANA), l'association Notre affaire à tous, l'Association de protection des collines peypinoises (APCP), l'association Respire, l'association Vivre et agir en Maurienne, l'association France nature environnement Paris, l'association Sommeil et santé, l'Association niçoise pour la qualité de l'air et l'environnement et de la vie, l'association Fédération Alsace nature, l'association de défense de l'environnement de Chaponnay, l'association Défense des riverains de l'aéroport de Paris, l'association Union calanques littoral, l'association Collectif contre les nuisances aériennes de l'agglomération toulousaine et la commune de Marennes, demandent au Conseil d'Etat :
1°) de constater que les décisions n° 394254 du 12 juillet 2017 et n° 428409 du 10 juillet 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'ont pas été pleinement exécutées au terme du délai laissé par la décision du 10 juillet 2020 ;
2°) de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, et au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte, au paiement de 20 millions d'euros pour la période du 11 juillet 2022 au 11 juillet 2023 ;
3°) de verser le montant de l'astreinte à l'association " Les Amis de la Terre France " en vue de demander la reconnaissance d'une " fondation pour la qualité de l'air " comme établissement d'utilité publique ou, à titre subsidiaire, de fixer la liste des bénéficiaires de cette condamnation ainsi que les modalités d'attribution des sommes à verser selon la convention d'assistance juridique conclue le 6 mai 2021 entre l'association Les Amis de la Terre France et son avocat ;
4°) de majorer le montant de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 pour la porter à un montant de 20 millions d'euros par semestre de retard dans l'exécution de cette décision ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par les décisions du Conseil d'Etat des 10 juillet 2020, 4 août 2021 et 17 octobre 2022 ;
Vu :
- la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
- le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1526 du 7 décembre 2020 ;
- le décret n° 2021-977 du 23 juillet 2021 ;
- le décret n° 2022-8 du 5 janvier 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".
2. Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 de ce code, à la liquidation de l'astreinte. En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'Etat. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.
3. Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, en premier lieu, annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive. Il a, en second lieu, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones administratives de surveillance (ZAS) énumérées au point 9 des motifs de cette décision, soit, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, les zones urbaines régionales (ZUR) Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France, Marseille Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Toulon Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Nice Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Saint-Etienne Rhône-Alpes, Grenoble Rhône-Alpes, Lyon Rhône-Alpes, Strasbourg Alsace, Montpellier Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne et Toulouse Midi-Pyrénées et, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, les ZUR Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France et ZUR Martinique, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. Constatant que l'Etat ne pouvait être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète de cette décision, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une nouvelle décision n° 428409 du 10 juillet 2020, prononcé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard, à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification de sa décision, si l'Etat ne justifiait pas avoir pris les mesures nécessaires permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, d'une part, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, dans les zones à risque - agglomération (ZAG) de Paris, Marseille-Aix, Grenoble, Lyon, Strasbourg et Toulouse et dans la zone à risques - hors agglomération (ZAR) de Reims, d'autre part, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM 10, dans la ZAG Paris et la ZAR Fort-de-France, compte tenu des nouvelles terminologies et du nouveau zonage issu de l'arrêté de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de le mer, en charge des relations internationales sur le climat du 26 décembre 2016 relatif au découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l'air ambiant.
4. Par une nouvelle décision n° 428409 du 4 août 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir constaté que l'Etat n'avait pas entièrement exécuté les décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 mentionnées au point précédent, d'une part, pour les ZAG Paris, Marseille-Aix, Grenoble, Lyon et Toulouse s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, d'autre part, pour la ZAG Paris s'agissant des taux de concentration en PM10, a jugé qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période d'un semestre courant du 11 janvier au 11 juillet 2021 inclus. Ainsi, l'Etat a été condamné à verser la somme de 10 millions d'euros, répartie de la façon suivante : 100 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 3,3 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 2,5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 2 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 1 million d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 350 000 euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 200 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune, associations agréées de surveillance de la qualité de l'air en vertu des dispositions des articles L. 221-3 et R. 221-9 du code de l'environnement, compétentes dans les zones administratives de surveillance de la qualité de l'air précédemment mentionnées.
5. Par une nouvelle décision n° 428409 du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir constaté que l'Etat n'avait pas entièrement exécuté les décisions des 12 juillet 2017, 10 juillet 2020 et 4 août 2021 mentionnées aux points précédents, pour les ZAG Paris, Marseille-Aix, Lyon et Toulouse s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, a jugé qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période de deux semestres courant du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022 inclus et a condamné l'Etat à verser la somme de 20 millions d'euros, répartie entre les bénéficiaires désignés par la décision du 4 août 2021.
Sur l'exécution des décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 :
En ce qui concerne l'évolution des concentrations en polluants :
6. Il convient d'abord, afin d'évaluer l'exécution des décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020, d'examiner l'évolution des concentrations en polluants relevées dans les zones concernées et d'apprécier s'il persiste des dépassements des valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement à la date de la présente décision.
S'agissant des concentrations en particules fines PM10 :
7. Par sa décision du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat a retenu que la ZAG Paris était la seule zone où des dépassements des taux de concentration en particules fines PM10 demeuraient et où les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 ne pouvaient être regardées comme exécutées, mais a relevé qu'aucun dépassement n'y avait été constaté en 2021. Il résulte de l'instruction qu'aucun dépassement n'a été constaté non plus en 2022 pour cette même zone, confirmant donc la situation constatée depuis 2020. Compte tenu de ces différents éléments, et alors que la situation d'absence de dépassement dans la ZAG Paris peut désormais être considérée comme consolidée, la décision du 12 juillet 2017 doit être regardée comme étant exécutée s'agissant du respect des taux de concentration en particules fines.
S'agissant des concentrations en dioxyde d'azote :
8. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, sur les quatre zones administratives de surveillance de la qualité de l'air ambiant pour lesquelles les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 n'ont pas été regardées comme exécutées par la décision du 17 octobre 2022, la ZAG Toulouse et la ZAG Marseille-Aix ne présentent plus, en 2022, de dépassement de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement. Toutefois, la ZAG Marseille-Aix connaît encore une station de mesure, celle de Marseille Rabatau, pour laquelle a été constatée en moyenne sur l'année civile une valeur à 39 µg/m3, soit juste en-dessous de la valeur limite de 40 µg/m3. Pour les deux autres zones concernées, celles de Paris et de Lyon, si la moyenne annuelle de concentration en dioxyde d'azote constatée a globalement diminué dans toutes les stations de mesure en 2022 par rapport à 2019, la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 a été dépassée pendant la période considérée dans huit stations de mesure de la ZAG Paris et dans une station de mesure de la ZAG Lyon.
9. Dans ces conditions, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, la décision du 12 juillet 2017 ne peut être regardée comme étant désormais exécutée que pour la seule ZAG Toulouse. La situation à Marseille-Aix ne peut, en raison de la persistance d'une valeur très proche de la valeur limite, être considérée comme suffisamment consolidée et les ZAG Lyon et Paris connaissent encore des dépassements significatifs pour ce polluant.
En ce qui concerne les mesures adoptées :
10. Dès lors que des dépassements des valeurs limites persistent pour le dioxyde d'azote, ainsi qu'il vient d'être dit, pour les deux zones de Lyon et Paris et que la zone de Marseille-Aix demeure dans une situation fragile, il convient d'apprécier si des mesures adoptées depuis l'intervention de la décision du 17 octobre 2022 sont de nature à ramener, dans le délai le plus court possible, les taux de concentration pour ce polluant en deçà de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans les zones présentant encore un dépassement de cette valeur limite ou sont de nature à consolider la situation pour les zones présentant des taux se trouvant très près de cette valeur limite.
11. S'agissant de la ZAG Marseille-Aix, dans laquelle aucune station ne connaît de dépassement mais où une station de mesure est à un niveau très proche de la valeur limite, il résulte de l'instruction, et notamment des éléments indiqués lors de la séance orale d'instruction tenue par la 6ème chambre de la section du contentieux le 9 octobre 2023, que le plan de protection de l'atmosphère révisé a été approuvé en mai 2022 et qu'il comporte notamment des mesures relatives aux transports, qui visent en particulier à réduire la pollution de l'air liée au transport maritime, ainsi que celle liée aux transports automobiles en milieu urbain. Un ensemble de mesures spécifiques a été mis en œuvre ou doit l'être pour limiter la pollution causée par les navires, notamment le déploiement des bornes électriques sur les quais afin que les navires soient alimentés en électricité et qu'ils ne produisent plus d'émissions lorsqu'ils sont à quai ou encore la réduction de la vitesse de navigation aux abords et dans le port. Par ailleurs, une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), c'est-à-dire une zone fixant des mesures de restriction de circulation et déterminant les catégories de véhicules concernés par ces restrictions, couvrant le centre-ville élargi de Marseille a été instaurée le 1er septembre 2022 et l'interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit'Air 4 est effective sur la zone couverte par la ZFE-m depuis septembre 2023, celle des véhicules comportant une vignette Crit'Air 3 étant prévue à compter de septembre 2024. Ces différentes mesures apparaissent comme suffisamment précises et détaillées pour envisager que le respect des valeurs limites de concentration en dioxyde d'azote, déjà constaté dans cette zone en 2022, se poursuivra. Elles peuvent ainsi être regardées comme assurant, pour la zone qu'elles concernent, une correcte exécution de la décision du Conseil d'Etat du 12 juillet 2017.
12. S'agissant de la ZAG Lyon, dans laquelle une station, celle de Lyon périphérique, connaît encore un dépassement, avec une valeur de 47 µg/m3, en baisse par rapport à celle constatée pour cette station en 2021 et se rapprochant de la valeur limite de 40 µg/m3, le ministre fait état de la révision du plan de protection de l'atmosphère, adoptée le 24 novembre 2022 et de nouvelles mesures de restriction de la circulation dans le cadre de la ZFE-m de la Métropole de Lyon, avec l'interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit'Air 4 à compter du 1er janvier 2024, et celle des véhicules comportant une vignette Crit'Air 3 à compter du 1er janvier 2025. Il a, par ailleurs, été décidé par la Métropole du Grand Lyon que la ZFE-m serait étendue à compter du 1er janvier 2024 aux voies rapides, incluant ainsi la station pour laquelle persiste un dépassement. Si ces mesures sont susceptibles de permettre de ramener le niveau de concentration en dioxyde d'azote en dessous de la valeur limite pour l'ensemble des stations de mesure à Lyon, la situation ne peut, en l'état, en raison du dépassement encore significatif constaté en 2022, être regardée comme garantissant que les valeurs limites pour le dioxyde d'azote seront effectivement respectées à Lyon dans le délai le plus court possible.
13. S'agissant de la ZAG Paris, où 8 stations sont encore en dépassement, avec des valeurs atteignant 52 µg/m3 dans deux stations, celles de l'autoroute A1 à Saint-Denis et celle du boulevard périphérique Est, le ministre fait valoir que la révision du plan de protection de l'atmosphère est en cours d'adoption, l'enquête publique devant avoir lieu en novembre 2023 et l'approbation du plan révisé devant intervenir début 2024. Toutefois, ce plan révisé, qui ne devrait de toute façon pas avoir un effet immédiat et sensible sur la pollution de l'air, n'est pas encore en vigueur, alors même que la ZAG Paris est en situation de dépassement significatif des valeurs limites en dioxyde d'azote depuis de nombreuses années. Il résulte, en outre, de l'instruction que l'interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit'Air 3, qui devait intervenir au 1er juillet 2023, a été repoussée par la Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2025. Dans ces conditions, aucune mesure nouvelle de nature à réduire de façon significative et rapide les taux de concentration en dioxyde d'azote sur la ZAG Paris n'a, en pratique, été mise en œuvre depuis la précédente décision du Conseil d'Etat. Il a, au demeurant, été indiqué dans le cours de l'instruction, qu'il n'est, en l'état, pas attendu que les valeurs limites soient respectées dans tous les points de mesure en Ile-de-France avant 2030.
14. Par ailleurs, le ministre invoque aussi des mesures générales, relatives au secteur des transports, comme l'appui aux collectivités territoriales pour la création et l'évolution des ZFE, notamment par la mise en place d'un fonds d'accélération de la transition écologique, le " fonds vert ", l'aide à l'acquisition de véhicules moins polluants, ou le soutien au déploiement de bornes de recharges électriques, ou relatives au secteur du bâtiment, comme l'interdiction d'installation de nouvelles chaudières à fioul ou à charbon et l'adoption d'un plan de sobriété énergétique. Toutefois, s'il peut être raisonnablement attendu des effets positifs de telles mesures sur les niveaux de concentration en dioxyde d'azote dans l'air ambiant, les incidences concrètes de ces mesures générales, valables pour l'ensemble du territoire national, ne sont pas déterminées pour les ZAG Lyon et Paris. Ainsi, la contribution de ces mesures à l'objectif de réduire dans ces zones la durée des dépassements des valeurs limites pour le dioxyde d'azote à la période la plus courte possible ne peut, en l'état, être tenue pour suffisamment établie.
15. Il résulte de ce qui précède que si les différentes mesures mises en avant par le ministre devraient permettre de poursuivre l'amélioration de la situation constatée à ce jour par rapport à 2021, les éléments produits ne permettent pas d'établir que les effets des différentes mesures adoptées permettront de ramener, dans le délai le plus court possible, les niveaux de concentration en dioxyde d'azote en deçà des valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement pour les ZAG Lyon et Paris. Par suite, l'Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes, propres à assurer l'exécution complète des décisions du Conseil d'Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces deux zones.
Sur la liquidation de l'astreinte :
16. La décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 ayant prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de cette décision, pleinement exécuté la décision du 12 juillet 2017 et fixé le taux de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre de retard, a été notifiée aux parties le jour même. Eu égard, dans un sens, à la durée qui ne cesse de s'accroître de la période de dépassement des valeurs limites dans les deux zones qui demeurent concernées, et tout particulièrement en région parisienne, mais en prenant aussi en compte, dans l'autre sens, les améliorations constatées depuis l'intervention des décisions antérieures, et notamment la réduction du nombre des zones concernées par les dépassements et la baisse globale tant du nombre des stations de mesure constatant des dépassements que de l'importance de ces dépassements pour les zones qui demeurent en dépassement, il y a lieu de modérer le taux de l'astreinte en le diminuant de moitié, au vu de ces différentes considérations, pour la période courant du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023.
17. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, il y a lieu de fixer le montant de la somme due à 5 millions pour chacun des deux semestres concernés, soit 10 millions d'euros au total. Compte tenu du montant de cette astreinte et afin d'éviter un enrichissement indu, il convient dans les circonstances de l'espèce de n'allouer à l'association Les Amis de la Terre France, seule requérante à l'instance initiale ayant conduit à la décision du 12 juillet 2017, qu'une fraction de la somme à liquider et, eu égard aux actions qu'ils conduisent en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et d'amélioration de la qualité de l'air, de répartir le reste de l'astreinte au bénéfice de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air compétentes dans les zones de Paris (Air Parif), de Lyon (Atmo Auvergne Rhône-Alpes), de Marseille-Aix (Atmo Sud) et de Toulouse (Atmo Occitanie).
18. Dans ces conditions, l'Etat devra verser, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte pour les deux semestres de la période du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023 :
- la somme de 10 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France,
- la somme de 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- la somme de 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- la somme de 2 millions d'euros à l'ANSES,
- la somme de 1 million d'euros à l'INERIS,
- la somme de 450 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes, chacune,
- la somme de 145 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud, chacune.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'association Les Amis de la Terre France et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 12 juillet 2017 est exécutée pour ce qui concerne les dépassements des valeurs limites pour les particules fines PM 10 et, s'agissant du dioxyde d'azote, pour toutes les zones énumérées par la décision du 10 juillet 2020 à l'exception de celles de Lyon et de Paris.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 10 millions d'euros, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020, pour la période du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023, à répartir de la façon suivante :
- 10 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France,
- 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- 2 millions d'euros à l'ANSES,
- 1 million d'euros à l'INERIS,
- 450 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes, chacune,
- 145 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud, chacune.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association Les Amis de la Terre France et autres est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Les Amis de la Terre France, à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, à Air Parif, Atmo Auvergne Rhône-Alpes, Atmo Occitanie et Atmo Sud ainsi qu'à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la présidente de la section du rapport et des études.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat, Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 24 novembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse