Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 29/09/2023, 465756, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision référencée " 48 SI " du 16 décembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de restituer ce titre, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui affecter quatre points. Par un jugement n° 2200801 du 8 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint au ministre de l'intérieur de rétablir quatre points au capital du permis de conduire de M. A... dans le délai de deux mois.

Par un pourvoi, enregistré le 13 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision référencée " 48 SI " du 16 décembre 2021, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. A... et lui a enjoint de restituer ce titre. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre le jugement du 8 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et lui a enjoint de rétablir quatre points au capital du permis de conduire de M. A... dans un délai de deux mois.

Sur le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / A la date d'obtention du permis de conduire, celui-ci est affecté de la moitié du nombre maximal de points. Il est fixé un délai probatoire de trois ans. (...)./ Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. (...) ". Aux termes de l'article L. 223-3 du même code : " (...) Quand il est effectif, le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple ou, sur sa demande, par voie électronique. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 223-6 du même code: " Si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans le délai de deux ans à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté du nombre maximal de points (...)/ Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière qui peut être effectué dans la limite d'une fois par an. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article R. 223-1 du code de la route : " A la date d'obtention du permis de conduire, celui-ci est affecté d'un nombre initial de six points. / Au terme de chaque année du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, si aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points n'a été commise depuis le début de la période probatoire, ce permis de conduire est majoré de deux points. (...). / III. Pendant le délai probatoire, le permis de conduire ne peut être affecté d'un nombre de points supérieur à six. ". Et aux termes de l'article R. 223-8 : " I. Le titulaire de l'agrément prévu au II de l'article R. 213-2 délivre une attestation de stage à toute personne qui a suivi un stage de sensibilisation à la sécurité routière dans le respect de conditions d'assiduité et de participation fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. Il transmet un exemplaire de cette attestation au préfet du département du lieu du stage, dans un délai de quinze jours à compter de la fin de celui-ci. / II. L'attestation délivrée à l'issue du stage effectué en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 223-6 donne droit à la récupération de quatre points dans la limite du plafond affecté au permis de conduire de son titulaire. / III. Le préfet mentionné au I ci-dessus procède à la reconstitution du nombre de points dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'attestation et notifie cette reconstitution à l'intéressé par lettre simple. La reconstitution prend effet le lendemain de la dernière journée de stage. (...) ".

5. Il résulte des dispositions des articles L. 223-1, L. 223-3 et L. 223-6 du code de la route que les décisions portant retrait de points d'un permis de conduire, de même que celles qui constatent la perte de validité du permis pour solde de points nul, ne sont opposables au titulaire de ce permis qu'à compter de la date à laquelle elles lui sont notifiées. Tant que le retrait de l'ensemble des points du permis ne lui a pas été rendu opposable, l'intéressé peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 223-6 du code de la route citées au point 3 prévoyant des reconstitutions de points lorsque le titulaire du permis a accompli un stage de sensibilisation à la sécurité routière ou des autres dispositions de cet article lorsqu'il n'a commis aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points pendant une certaine période.

6. Il appartient au juge administratif, saisi d'une contestation portant sur un retrait de points du permis de conduire, lequel constitue une sanction que l'administration inflige à un administré, de se prononcer sur cette contestation comme juge de plein contentieux et il en va de même lorsque le juge est saisi d'un recours contre une décision constatant la perte de validité d'un permis de conduire pour solde de points nul. Dans le cas où il apparaît que le solde des points était nul à la date à laquelle une telle décision est intervenue, quelle que soit la date à laquelle elle a été portée à la connaissance de l'intéressé, et que, faute pour l'administration de l'avoir rendue opposable en la notifiant à l'intéressé, celui-ci a pu ultérieurement remplir les conditions pour bénéficier d'une reconstitution totale ou partielle de son capital de points, il appartient au juge de prononcer l'annulation de la décision.

Sur le pourvoi :

7. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que M. A..., titulaire d'un permis de conduire probatoire initialement doté de six points, a commis le 24 mars 2021 deux infractions ayant entraîné un retrait total de huit points de son permis de conduire, dont le solde était par conséquent nul lorsqu'a été prise la décision " 48 SI " du 16 décembre 2021 constatant sa perte de validité. En jugeant que, cette décision n'ayant été notifiée à l'intéressé que le 20 janvier 2022, elle ne lui avait ainsi pas encore été rendue opposable le lendemain de la dernière journée du stage de sensibilisation à la sécurité routière qu'il a suivi les 10 et 11 janvier 2022, de sorte qu'en application des dispositions de l'article R. 223-8 du code de la route citées au point 4, il avait bénéficié le 12 janvier 2022 de la reconstitution de quatre points à la suite de ce stage, alors même que le préfet ne lui aurait pas encore notifié le retrait de huit points, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans n'a pas commis d'erreur de droit.

8. En second lieu, le moyen tiré de ce qu'il appartenait au tribunal administratif de se prononcer sur la conformité du stage de sensibilisation suivi par M. A... aux dispositions réglementaires applicables est nouveau en cassation, et par suite inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'intérieur et des outre-mer doit être rejeté.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 13 septembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat ; Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 29 septembre 2023.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras

ECLI:FR:CECHR:2023:465756.20230929
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