Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 08/03/2023, 463267
Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 08/03/2023, 463267
Conseil d'État - 8ème - 3ème chambres réunies
- N° 463267
- ECLI:FR:CECHR:2023:463267.20230308
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
08 mars 2023
- Rapporteur
- M. Alexandre Lapierre
- Avocat(s)
- SCP LYON-CAEN, THIRIEZ
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1713972, 1807225 du 3 février 2021, ce tribunal a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 21PA01746 du 16 février 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril 2022, 19 juillet 2022, 19 septembre 2022 et 9 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société nouvelle des établissements Martelli (SNEM), qui exerce l'activité principale d'achat-revente d'étiquettes pour vêtements, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au cours des années 2011 à 2013 à l'issue de laquelle l'administration a constaté que son dirigeant, M. B... C..., avait créé avec son père, M. A... C..., une société de droit chypriote dénommée Hohmann Lirtos LTD à laquelle il avait confié une mission d'agent commercial intermédiaire entre la SNEM et ses fournisseurs, la société chypriote refacturant les achats à la SNEM avec une majoration moyenne d'environ 30 % sur la période allant de 2011 à 2013, pour un montant total de près de deux millions d'euros. L'administration a, par ailleurs, constaté que les factures adressées à la SNEM avaient été réglées par virement au crédit d'un compte bancaire ouvert en Lettonie au nom de la société chypriote, sur lequel M. B... C... détenait une procuration lui donnant tous pouvoirs, et depuis lequel les sommes en cause avaient ensuite été transférées vers des comptes bancaires personnels de M. C... et de membres de sa famille à l'étranger, directement ou par l'intermédiaire d'une société basée au Belize. L'administration, estimant que la prestation d'intermédiation de la société chypriote n'était justifiée ni dans son principe ni dans son montant a remis en cause la déduction par la SNEM des charges correspondant à la différence entre le montant facturé par cette société et la valeur des marchandises livrées par les fournisseurs. Les sommes ainsi réintégrées dans les bénéfices de la SNEM au titre des exercices clos au cours des années 2011 à 2013 ont été considérées comme des revenus réputés distribués en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, dont M. B... C... a été regardé comme le bénéficiaire.
2. Il ressort également des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations de M. et Mme C... au titre des années 2009 et 2010, l'administration a considéré, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, que le solde créditeur du compte bancaire letton de la société chypriote provenant de la facturation de sa prestation d'intermédiaire devait être regardé comme un revenu taxable entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
3. M. et Mme C... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 16 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre le jugement du 3 février 2021 du tribunal administratif de Paris rejetant leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre, respectivement, des années 2009 et 2010 et 2011 à 2013.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ".
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration s'est bornée, pour établir les impositions en litige, à faire valoir que les sommes résultant de la surfacturation par la société chypriote des achats effectués par la SNEM, réintégrées dans les bénéfices cette dernière et versées par elle sur le compte letton de la société chypriote, devaient être considérées comme des revenus réputés distribués par cette société en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et que, ces revenus ayant été effectivement appréhendés par M. C..., ils étaient taxables entre ses mains. La cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en relevant que l'administration n'avait écarté aucun acte comme ne lui étant pas opposable, ni dénoncé l'existence d'aucun montage destiné à éluder l'impôt, de sorte qu'elle a pu en déduire, sans donner aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique, ni entacher son arrêt d'erreur de droit que l'administration n'avait pas, pour établir les impositions en litige, mis implicitement en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 2011 à 2013 :
6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".
7. La cour administrative d'appel a retenu, par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, qu'il résultait de l'instruction, notamment de constatations matérielles opérées par le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 26 octobre 2017, que M. B... C... était seul en mesure de prendre les décisions conduisant à l'intermédiation de la société chypriote Hohmann Lirtos LTD entre la SNEM et ses fournisseurs, qu'il détenait 50 % de son capital social, en était le mandataire depuis sa constitution et avait seul procuration sur son compte bancaire ouvert en Lettonie. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ces circonstances, en particulier de ce que M. B... C... avait seul pouvoir sur le compte bancaire letton de la société chypriote, que celui-ci devait être regardé comme étant le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société SNEM, correspondant à la fraction non admise en déduction des sommes versées par cette société à la société chypriote, et en écartant comme dépourvues d'incidence à cet égard les circonstances que M. B... C... avait reversé la moitié des sommes en cause sur des comptes bancaires dont son père était titulaire à l'étranger, que ce dernier, administrateur de la SNEM, avait participé à la mise en place du système frauduleux de facturation, avait accompagné son fils dans la constitution de la société chypriote, dont il était également actionnaire, avait versé de l'argent sur le compte bancaire letton de la société chypriote, avait déposé un dossier de régularisation auprès de l'administration fiscale à raison de la moitié des sommes en cause et avait été condamné à une amende pénale supérieure à celle infligée à son fils. La cour administrative d'appel n'a, en particulier, pas méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement rendu par le juge pénal dès lors que la constatation par le tribunal correctionnel de Paris de ce que M. B... C... avait partagé avec son père la moitié des sommes issues de la fraude n'est pas de nature à remettre en cause l'analyse de l'administration, ce partage procédant de l'emploi, par M. B... C..., de la moitié des sommes qu'il a appréhendées et dont il est regardé, de ce fait, comme ayant disposé.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il s'est prononcé sur leurs conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis titre des années 2011 à 2013.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 2009 et 2010 :
9. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". L'article 344 A de l'annexe III au même code dispose que : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. (...) / III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ".
10. Ces dispositions, qui instaurent l'obligation, pour tout contribuable domicilié en France, de déclarer à l'administration les références de tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger, prévoient qu'à défaut d'une telle déclaration, les fonds ayant transité par ce compte constituent des revenus imposables, sauf pour le contribuable à apporter la preuve que les sommes en question n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées, ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt. Entre dans le champ de l'obligation déclarative posée par ces dispositions tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger par une personne physique, une association ou une société n'ayant pas la forme commerciale, domiciliée ou établie en France, quel que soit le titulaire de ce compte, y compris notamment si ce titulaire est une société commerciale.
11. Il en résulte que la cour administrative d'appel, après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, d'une part, que M. B... C..., actionnaire à 50 % de la société chypriote Hohmann Lirtos LTD, avait tout pouvoir sur le compte bancaire de la société ouvert en Lettonie en 2009 et, d'autre part, que ce compte avait été débité sur son ordre pour le paiement des fournisseurs d'un montant de 178 476 euros en 2009 et 1 152 150 euros en 2010, a pu en déduire sans erreur de droit que celui-ci était tenu, en application des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, de déclarer ce compte qu'il avait utilisé, sans qu'aient d'incidence à cet égard les circonstances, d'une part, que la société Hohmann Lirtos LTD était une société commerciale non établie en France et, d'autre part, que M. C... avait agi en qualité de mandataire social de cette société.
12. Par suite, en jugeant que l'administration avait à bon droit regardé les montants, de 87 532 euros en 2009 et 312 350 euros en 2010, virés sur ce compte bancaire et non utilisés pour le règlement des fournisseurs, comme un revenu imposable entre les mains de M. C..., les contribuables ne justifiant ni même n'alléguant que ces sommes n'entreraient pas dans le champ d'application de l'impôt, qu'elles en seraient exonérées ou qu'elles y auraient déjà été soumises, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
Sur les frais de l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 8 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
ECLI:FR:CECHR:2023:463267.20230308
M. B... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1713972, 1807225 du 3 février 2021, ce tribunal a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 21PA01746 du 16 février 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril 2022, 19 juillet 2022, 19 septembre 2022 et 9 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société nouvelle des établissements Martelli (SNEM), qui exerce l'activité principale d'achat-revente d'étiquettes pour vêtements, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au cours des années 2011 à 2013 à l'issue de laquelle l'administration a constaté que son dirigeant, M. B... C..., avait créé avec son père, M. A... C..., une société de droit chypriote dénommée Hohmann Lirtos LTD à laquelle il avait confié une mission d'agent commercial intermédiaire entre la SNEM et ses fournisseurs, la société chypriote refacturant les achats à la SNEM avec une majoration moyenne d'environ 30 % sur la période allant de 2011 à 2013, pour un montant total de près de deux millions d'euros. L'administration a, par ailleurs, constaté que les factures adressées à la SNEM avaient été réglées par virement au crédit d'un compte bancaire ouvert en Lettonie au nom de la société chypriote, sur lequel M. B... C... détenait une procuration lui donnant tous pouvoirs, et depuis lequel les sommes en cause avaient ensuite été transférées vers des comptes bancaires personnels de M. C... et de membres de sa famille à l'étranger, directement ou par l'intermédiaire d'une société basée au Belize. L'administration, estimant que la prestation d'intermédiation de la société chypriote n'était justifiée ni dans son principe ni dans son montant a remis en cause la déduction par la SNEM des charges correspondant à la différence entre le montant facturé par cette société et la valeur des marchandises livrées par les fournisseurs. Les sommes ainsi réintégrées dans les bénéfices de la SNEM au titre des exercices clos au cours des années 2011 à 2013 ont été considérées comme des revenus réputés distribués en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, dont M. B... C... a été regardé comme le bénéficiaire.
2. Il ressort également des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations de M. et Mme C... au titre des années 2009 et 2010, l'administration a considéré, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, que le solde créditeur du compte bancaire letton de la société chypriote provenant de la facturation de sa prestation d'intermédiaire devait être regardé comme un revenu taxable entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
3. M. et Mme C... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 16 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre le jugement du 3 février 2021 du tribunal administratif de Paris rejetant leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre, respectivement, des années 2009 et 2010 et 2011 à 2013.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ".
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration s'est bornée, pour établir les impositions en litige, à faire valoir que les sommes résultant de la surfacturation par la société chypriote des achats effectués par la SNEM, réintégrées dans les bénéfices cette dernière et versées par elle sur le compte letton de la société chypriote, devaient être considérées comme des revenus réputés distribués par cette société en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et que, ces revenus ayant été effectivement appréhendés par M. C..., ils étaient taxables entre ses mains. La cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en relevant que l'administration n'avait écarté aucun acte comme ne lui étant pas opposable, ni dénoncé l'existence d'aucun montage destiné à éluder l'impôt, de sorte qu'elle a pu en déduire, sans donner aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique, ni entacher son arrêt d'erreur de droit que l'administration n'avait pas, pour établir les impositions en litige, mis implicitement en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 2011 à 2013 :
6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".
7. La cour administrative d'appel a retenu, par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, qu'il résultait de l'instruction, notamment de constatations matérielles opérées par le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 26 octobre 2017, que M. B... C... était seul en mesure de prendre les décisions conduisant à l'intermédiation de la société chypriote Hohmann Lirtos LTD entre la SNEM et ses fournisseurs, qu'il détenait 50 % de son capital social, en était le mandataire depuis sa constitution et avait seul procuration sur son compte bancaire ouvert en Lettonie. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ces circonstances, en particulier de ce que M. B... C... avait seul pouvoir sur le compte bancaire letton de la société chypriote, que celui-ci devait être regardé comme étant le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société SNEM, correspondant à la fraction non admise en déduction des sommes versées par cette société à la société chypriote, et en écartant comme dépourvues d'incidence à cet égard les circonstances que M. B... C... avait reversé la moitié des sommes en cause sur des comptes bancaires dont son père était titulaire à l'étranger, que ce dernier, administrateur de la SNEM, avait participé à la mise en place du système frauduleux de facturation, avait accompagné son fils dans la constitution de la société chypriote, dont il était également actionnaire, avait versé de l'argent sur le compte bancaire letton de la société chypriote, avait déposé un dossier de régularisation auprès de l'administration fiscale à raison de la moitié des sommes en cause et avait été condamné à une amende pénale supérieure à celle infligée à son fils. La cour administrative d'appel n'a, en particulier, pas méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement rendu par le juge pénal dès lors que la constatation par le tribunal correctionnel de Paris de ce que M. B... C... avait partagé avec son père la moitié des sommes issues de la fraude n'est pas de nature à remettre en cause l'analyse de l'administration, ce partage procédant de l'emploi, par M. B... C..., de la moitié des sommes qu'il a appréhendées et dont il est regardé, de ce fait, comme ayant disposé.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il s'est prononcé sur leurs conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis titre des années 2011 à 2013.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 2009 et 2010 :
9. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". L'article 344 A de l'annexe III au même code dispose que : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. (...) / III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ".
10. Ces dispositions, qui instaurent l'obligation, pour tout contribuable domicilié en France, de déclarer à l'administration les références de tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger, prévoient qu'à défaut d'une telle déclaration, les fonds ayant transité par ce compte constituent des revenus imposables, sauf pour le contribuable à apporter la preuve que les sommes en question n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées, ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt. Entre dans le champ de l'obligation déclarative posée par ces dispositions tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger par une personne physique, une association ou une société n'ayant pas la forme commerciale, domiciliée ou établie en France, quel que soit le titulaire de ce compte, y compris notamment si ce titulaire est une société commerciale.
11. Il en résulte que la cour administrative d'appel, après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, d'une part, que M. B... C..., actionnaire à 50 % de la société chypriote Hohmann Lirtos LTD, avait tout pouvoir sur le compte bancaire de la société ouvert en Lettonie en 2009 et, d'autre part, que ce compte avait été débité sur son ordre pour le paiement des fournisseurs d'un montant de 178 476 euros en 2009 et 1 152 150 euros en 2010, a pu en déduire sans erreur de droit que celui-ci était tenu, en application des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, de déclarer ce compte qu'il avait utilisé, sans qu'aient d'incidence à cet égard les circonstances, d'une part, que la société Hohmann Lirtos LTD était une société commerciale non établie en France et, d'autre part, que M. C... avait agi en qualité de mandataire social de cette société.
12. Par suite, en jugeant que l'administration avait à bon droit regardé les montants, de 87 532 euros en 2009 et 312 350 euros en 2010, virés sur ce compte bancaire et non utilisés pour le règlement des fournisseurs, comme un revenu imposable entre les mains de M. C..., les contribuables ne justifiant ni même n'alléguant que ces sommes n'entreraient pas dans le champ d'application de l'impôt, qu'elles en seraient exonérées ou qu'elles y auraient déjà été soumises, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
Sur les frais de l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 8 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle