Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 20/06/2022, 441707

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La société Laury-Chalonges Dis a demandé à la cour d'appel administrative de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 décembre 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension de 1 450 m2 du magasin qu'elle exploite sous l'enseigne " Espace culturel E. Leclerc " dans l'ensemble commercial " Pôle Sud " à Basse-Goulaine (Loire-Atlantique). Par un arrêt n° 19NT00846 du 13 mai 2020, la cour administrative d'appel a annulé cette décision.

Par un pourvoi enregistré le 9 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la Commission nationale d'aménagement commercial demandent au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Laury-chalonges dis ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 13 septembre 2018, la commission départementale d'aménagement commercial de la Loire-Atlantique a accordé à la société Laury-Chalonges Dis une autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension de 1 450 m2 du magasin de 800 m2 qu'elle exploite sous l'enseigne " Espace culturel E. Leclerc " dans l'ensemble commercial " Pôle Sud ", dont la surface totale est de 40 630 m2, situé sur le territoire de la commune de Basse-Goulaine. La Commission nationale d'aménagement commercial s'est saisie du projet sur le fondement des dispositions du V de l'article L. 752-1 du code de commerce et, par une décision du 20 décembre 2018, a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la Commission nationale d'aménagement commercial se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 13 mai 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé la décision du 20 décembre 2018.

2. Aux termes de l'article L 752-1 du code de commerce: " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) / 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; (...)". Aux termes de l'article L 752-17 du même code : "(...) / II.-Lorsque la réalisation du projet ne nécessite pas de permis de construire, les personnes mentionnées au premier alinéa du I peuvent, dans un délai d'un mois, introduire un recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial./. (...). / III.-La commission départementale d'aménagement commercial informe la Commission nationale d'aménagement commercial de tout projet mentionné à l'article L. 752-1 dont la surface de vente atteint au moins 20 000 mètres carrés, dès son dépôt. / IV. La commission départementale d'aménagement commercial doit, dès le dépôt du dossier de demande, informer la Commission nationale d'aménagement commercial de tout projet mentionné à l'article L. 752-1 dont la surface de vente est supérieure à 20 000 mètres carrés ou ayant déjà atteint le seuil de 20 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. / V. La Commission nationale d'aménagement commercial peut se saisir de tout projet mentionné à l'article L. 752-1 dont la surface de vente atteint au moins 20 000 mètres carrés dans le délai d'un mois suivant l'avis émis par la commission départementale d'aménagement commercial conformément au I du présent article ou suivant la décision rendue conformément au II. Elle émet un avis ou rend une décision sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. Cet avis ou cette décision se substitue à celui de la commission départementale. (...). ".

3. Il résulte des dispositions combinées des III, IV et V de l'article L. 752-17 du code de commerce, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dont elles sont issues, que le législateur a entendu, en prévoyant que la Commission nationale d'aménagement commercial est systématiquement informée des projets dont la surface de vente est supérieure ou égale à 20 000 mètres carrés et de ceux ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet, que la Commission nationale puisse s'autosaisir de l'ensemble de ces projets, et non seulement de ceux dont la surface de vente devant être autorisée est supérieure ou égale à 20 000 m2.

4. Ainsi qu'il est dit au point 1, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux consiste en une extension de 1 450 m2, ne nécessitant pas la délivrance d'un nouveau permis de construire, d'un magasin d'une surface de vente de 800 m2, situé dans un ensemble commercial dont la surface de vente totale est de 40 630 m². Il résulte de ce qui est dit au point 2 qu'en jugeant que la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait légalement se saisir de ce projet au motif que sa surface de vente propre est inférieure à 20 000 m2, la cour administrative d'appel de Nantes a entaché son arrêt d'erreur de droit. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la Commission nationale d'aménagement commercial sont fondés à en demander l'annulation. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de personne morale au nom de laquelle agit la Commission nationale d'aménagement commercial, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 mai 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Laury-Chalonges Dis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Laury-Chalonges Dis.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 mai 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, Mme Carine Soulay, Mme Fabienne Lambolez, M. Jean-Luc Nevache, conseillers d'Etat ; Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat-rapporteure et M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat.

Rendu le 20 juin 2022.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Françoise Tomé
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Alleil

ECLI:FR:CECHR:2022:441707.20220620
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