CAA de PARIS, 2ème chambre, 13/04/2022, 19PA01644, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ST Dupont a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et majorations, du complément de cotisation minimale de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009, des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, et, d'autre part, de rétablir son déficit reportable déclaré.

Par les articles 1er à 3 d'un jugement n° 1620873/1-3 et n° 1705086/1-3 du 20 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a partiellement déchargé la société ST Dupont, en droits et majorations, du complément de cotisation minimale de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009, des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et de la retenue à la source et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, dans la mesure où ces droits et majorations résultaient des rectifications effectuées au titre de la redevance de licence facturée par la société ST Dupont à la société ST Dupont Marketing, rétabli le déficit reportable au 31 mars 2011, dans la mesure où il avait été réduit à raison des mêmes rectifications, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par l'article 4 du même jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des demandes de la société ST Dupont.


Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 mai 2019, 21 novembre 2019 et 30 avril 2020, la société ST Dupont, représentée par Me Arnaud Le Boulanger et Me Benoît Bailly, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement n° 1620873/1-3 et n° 1705086/1-3 du 20 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et le rétablissement de son déficit reportable déclaré dans son intégralité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


La société ST Dupont soutient que :
- en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et de l'article 209 du code général des impôts, l'administration ne pouvait contrôler les déficits provenant d'exercices prescrits reportés sur les exercices déficitaires non prescrits vérifiés, ce que confirment les bulletins officiels des impôts BOI-IS-DEF-10-20 n° 270 et n° 280 du 3 juin 2013 et BOI-CF-PGR-10-20 n° 180 et n° 190 du 3 février 2016 ;
- la position de l'administration entraîne une rupture d'égalité au regard de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne disposait pas d'éléments suffisants lui permettant de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales ;
- dès lors qu'elle a répondu aux demandes d'informations et de documents, l'administration, qui n'a pas appliqué l'amende prévue au II de l'article 1735 du code général des impôts, n'était pas fondée à évaluer ses bases d'imposition à partir des éléments dont elle disposait, en se fondant sur le 3ème alinéa de l'article 57 du code général des impôts ;
- la méthode de détermination de ses prix de transfert justifie de leur normalité, ce que confirment la doctrine référencée BOI-CF-IOR-60-50 n° 410, n° 430 et n° 460 et BOI-BIC-BASE-80-20 n° 360 du 12 septembre 2012 et le paragraphe 3.9 des principes de l'OCDE applicables aux prix de transfert ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence et du montant d'un transfert indirect de bénéfices par la méthode du prix comparable sur le marché libre qu'elle a employée ;
- le recours à la méthode du prix comparable sur le marché libre n'est pas pertinente, ce que confirment l'instruction référencée BOI-BIC-BASE-80-10 du 12 septembre 2012 et les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert ;
- alors que ses pertes s'expliquent par un contexte économique difficile, l'administration compare des sociétés qui ont un profil fonctionnel différent, ne tient pas compte des différences relatives aux marchés géographiques, compare des transactions dont les volumes ne sont pas comparables, vicie sa méthode en incluant des transactions avec des boutiques " duty free " et ne prend pas en compte les prestations de services attachées aux produits vendus.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 octobre 2019, 6 avril 2020 et 7 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société ST Dupont ne sont pas fondés.


Par une ordonnance du 8 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2020.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Le Boulanger et Me Bailly, avocats de la société ST Dupont.




Considérant ce qui suit :


1. La société ST Dupont, qui exerce une activité de maître orfèvre, laqueur et malletier et est détenue majoritairement par la société néerlandaise D et D International détenue en totalité par la société Broad Gain Investments Ltd située à Hong-Kong, est l'actionnaire unique de filiales de distribution situées à l'étranger, notamment de la société ST Dupont Marketing située à Hong-Kong. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au terme de laquelle des propositions de rectification des 20 décembre 2012, interruptive de prescription, et 26 août 2013 lui ont été notifiées. L'administration a alors estimé que les prix auxquels étaient facturés les produits vendus par la société ST Dupont à la société ST Dupont Marketing et le montant des redevances de licence de fabrication concédée à cette société étaient inférieurs aux prix de pleine concurrence et a ainsi rehaussé les résultats et la valeur ajoutée de la société ST Dupont à concurrence de ces renonciations à recettes. Au terme de la procédure, l'administration a rectifié les déficits déclarés par la société ST Dupont en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et l'a assujettie à la retenue à la source au titre de chacun de ces exercices, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts, ainsi qu'à un complément de cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'exercice clos en 2009 et à un complément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011. La société ST Dupont relève appel du jugement du 20 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après l'avoir déchargée, en droits et majorations, des impositions en litige résultant des rectifications notifiées au titre de la redevance de licence facturée par elle à la société ST Dupont Marketing et avoir rétabli le déficit reportable au 31 mars 2011, dans la mesure où il avait été réduit à raison de ces mêmes rectifications, a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur l'étendue du droit de contrôle et de rectification de l'administration :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour (...) l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, issue de l'article 89 de la loi de finances pour 2004 n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 : " I. (...) En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants (...) ".

3. Ainsi que le reconnaît la société ST Dupont, l'administration peut exercer son droit de contrôle pour rectifier des déficits déclarés au titre des exercices non prescrits, conformément à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, et remettre en cause à cette occasion des déficits nés au cours d'exercices prescrits dès lors qu'ils ont été imputés par l'entreprise sur les résultats d'un exercice non prescrit. Ainsi, aux termes mêmes de l'article 209 du code général des impôts, lorsque le déficit subi par une entreprise est reporté sur les résultats d'un des exercices suivants, la déduction en est opérée à titre de charge de cet exercice et, par suite, ce déficit peut faire l'objet d'une rectification même s'il a été subi au cours d'un exercice prescrit. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société ST Dupont, le report de déficits résultants d'exercices antérieurs prescrits sur des exercices déficitaires non prescrits, sans limitation de temps en application de l'article 209 du code général des impôts, ne relève pas d'une simple déclaration qui reste sans incidence, mais constitue l'un des éléments à prendre en compte pour déterminer le résultat fiscal des exercices non prescrits, même lorsqu'ils constatent un déficit fiscal. Ainsi, ces déficits issus des exercices antérieurs ont pour effet d'augmenter le déficit des exercices non prescrits et influent nécessairement sur les résultats servant de base à l'imposition, même si celle-ci est nulle, compte tenu de la situation fiscalement déficitaire. Par suite, la société ST Dupont n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait vérifier l'existence et le montant des déficits déclarés au titre des exercices clos le 31 mars des années 2003 à 2008, reportés sur les exercices déficitaires non prescrits en litige, au motif que ces déficits ont été déclarés comme restant à reporter.

4. A cet égard, si la société ST Dupont se prévaut d'une rupture d'égalité au regard de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales selon lequel relève du juge de l'impôt " les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire " qui " peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable ", ce moyen doit en tout état de cause être écarté, dès lors que le droit de rectification de l'administration précédemment décrit ouvre un droit de réclamation correspondant au contribuable.

5. Par ailleurs, la société ST Dupont n'est pas fondée à invoquer les bulletins officiels des impôts BOI-IS-DEF-10-20 n° 270 et n° 280 du 3 juin 2013 et BOI-CF-PGR-10-20 n° 180 et n° 190 du 3 février 2016, qui sont en tout état de cause postérieurs aux années en litige.




Sur la mise en œuvre de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales :

6. Aux termes de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur : " Lorsque, au cours d'une vérification de comptabilité, l'administration a réuni des éléments faisant présumer qu'une entreprise (...) a opéré un transfert indirect de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, elle peut demander à cette entreprise des informations et documents précisant : 1° La nature des relations entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts, entre cette entreprise et une ou plusieurs entreprises exploitées hors de France ou sociétés ou groupements établis hors de France ; 2° La méthode de détermination des prix des opérations de nature industrielle, commerciale ou financière qu'elle effectue avec des entreprises, sociétés ou groupements visés au 1° et les éléments qui la justifient ainsi que, le cas échéant, les contreparties consenties ; 3° Les activités exercées par les entreprises, sociétés ou groupements visés au 1°, liées aux opérations visées au 2° ; 4° Le traitement fiscal réservé aux opérations visées au 2° et réalisées par les entreprises qu'elle exploite hors de France ou par les sociétés ou groupements visés au 1° dont elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital ou des droits de vote. Les demandes visées au premier alinéa doivent être précises et indiquer explicitement, par nature d'activité ou par produit, le pays ou le territoire concerné, l'entreprise, la société ou le groupement visé ainsi que, le cas échéant, les montants en cause. Elles doivent, en outre, préciser à l'entreprise vérifiée le délai de réponse qui lui est ouvert. Ce délai, qui ne peut être inférieur à deux mois, peut être prorogé sur demande motivée sans pouvoir excéder au total une durée de trois mois. Lorsque l'entreprise a répondu de façon insuffisante, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. Cette mise en demeure doit rappeler les sanctions applicables en cas de défaut de réponse ".

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que la société ST Dupont connaissait des pertes importantes et persistantes, dégageant un résultat d'exploitation négatif entre 7 260 086 euros et 32 408 032 euros au titre des exercices clos de 2003 à 2009. Elle a également constaté que sa filiale de commercialisation située à Hong-Kong, dont elle détenait la totalité du capital, la société ST Dupont Marketing, dégageait quant à elle des bénéfices, son résultat variant entre 920 739 euros et 3 828 051 euros au titre des mêmes exercices. Si la société ST Dupont fait valoir que, selon les principes de l'OCDE applicables aux prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations publiques, le seul constat de pertes ne peut faire présumer l'existence d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts, les pertes récurrentes constatées par l'administration en constituaient un indice. En outre, au cours du débat contradictoire mené à l'occasion de la vérification de comptabilité, le vérificateur a adressé à la société ST Dupont une lettre du 13 avril 2012 par laquelle il lui a notamment demandé si le groupe disposait d'une politique de prix de transfert pour la détermination des prix de vente internes et, le cas échéant, d'exposer cette politique et ses éventuelles modifications ou, à défaut, de préciser la méthode d'établissement de ces prix, ainsi que les coûts supportés, les risques et les fonctions qu'elle exerçait. La société ST Dupont n'a pas répondu à cette demande. Dans ces conditions, l'administration avait réuni des éléments suffisants faisant présumer que la société ST Dupont avait opéré un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts, lui permettant de demander les informations et documents mentionnés à l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, ce qu'elle a fait par courrier du 20 juillet 2012.

8. Dans sa réponse du 19 septembre 2012, la société ST Dupont, après avoir indiqué les motifs qui justifiaient selon elle ses pertes, a exposé, d'une part, qu'elle constitue " l'entrepreneur principal " du groupe, dès lors qu'elle possède les immobilisations incorporelles les plus importantes telles que la marque pour toutes les classes de produits et le monde entier et le savoir-faire de son usine située à Faverges, qu'elle supporte les dépenses afférentes de recherche et développement, de gestion des marques et de publicité institutionnelle, qu'elle prend les décisions stratégiques, qu'elle exerce les fonctions de conception des produits, de fabrication, de ventes aux détaillants français et aux grossistes étrangers, indépendants ou liés, et de prestations de services aux filiales, et qu'elle assume les risques de marché, de change et industriels, et, d'autre part, que ses filiales en Europe n'ont qu'une activité de grossiste devant supporter les coûts de publicité locale mais pas les coûts de stockage et que ses filiales en Asie ont une activité de grossiste et de détaillant devant supporter les coûts de publicité locale, de détention des stocks, de logistique et de gestion de boutiques à l'enseigne exclusive de la marque.

9. La société ST Dupont s'est ensuite prévalue de l'établissement de ses prix de transfert, s'agissant des ventes à ses filiales étrangères et aux distributeurs indépendants dans le monde, par l'application de la méthode du prix de revente. Elle a ainsi exposé que les prix de revente publics étaient les mêmes pour tous les pays européens et que les prix publics étaient supérieurs sur les marchés asiatiques, en citant seulement les prix publics à Hong-Kong et au Japon pour les briquets, et que le prix de gros hors taxes en Europe était égal au prix public diminué de 38 %. Elle a également exposé que les prix de transfert étaient déterminés par application d'une décote aux prix de gros hors taxes en Europe, qui variait selon les filiales, le taux de décote étant égal à 43 % pour les filiales européennes, pour tous les produits, mais variable selon les filiales en Asie et selon les produits, en citant par exemple une décote de 34 % pour les briquets vendus à la filiale située à Hong-Kong et de 27 % pour ceux vendus à la filiale japonaise, ainsi qu'une décote de 36 % pour les stylos vendus à la filiale située à Hong-Kong. Constatant que les prix de cession aux filiales asiatiques étaient inférieurs aux prix de cession aux filiales européennes, la société ST Dupont s'est prévalue de comparables internes pour justifier les taux de décote, se bornant à exposer que les prix de cession aux distributeurs indépendants en Europe étaient identiques aux prix de cession aux filiales européennes, et que les prix de cession aux distributeurs indépendants intervenant sur les autres marchés étaient comparables à ceux des filiales asiatiques.

10. La société ST Dupont a également joint à son courrier les contrats de distribution et de licence conclus avec la société ST Dupont Marketing et des tableaux simplifiés sur l'évolution des principaux postes d'actif et de passif, et des marges par pays. Elle a enfin joint une charte des prix de transfert établie au 31 mars 2011 entre la société mère et ses filiales. La société ST Dupont, après avoir exposé que le prix de détail était établi de manière homogène pour chaque zone continentale, s'est bornée à présenter les marges brutes moyennes annuelles de ses distributeurs grossistes en Europe et en Asie, puis à exposer les marges brutes réalisées dans le cadre de transactions avec des distributeurs indépendants, grossistes ou détaillants, situés aux Etats-Unis, en Russie et au Moyen-Orient, pour en conclure, après avoir affirmé l'existence d'un profil fonctionnel similaire, que les marges brutes réalisées par des sociétés distributrices indépendantes étaient généralement supérieures à celles laissées aux distributeurs affiliés.

11. Ainsi que le fait valoir le ministre, la société ST Dupont n'a ainsi apporté aucune indication précise, ni justification concrète sur la politique de prix de transfert portant sur la méthodologie, la documentation, l'information et l'analyse des comparables retenus justifiant la pertinence de leur choix, des prix publics ou du niveau de marge revenant au distributeur, s'agissant du prix de vente des produits finis qu'elle fabrique. En particulier, outre que la société ST Dupont n'a produit aucun justificatif permettant de chiffrer les motifs explicatifs de ses pertes, elle n'a produit aucun élément chiffré en ce qui concerne les coûts relatifs aux fonctions exercées par ses filiales, les marges brutes et nettes de chaque filiale pour chaque famille de produits, les taux de décote pour chaque produit et chaque filiale située en Asie, et la similarité des prix publics pour l'ensemble des pays asiatiques, ni de documents précis quant aux comparables utilisés, situés dans des zones continentales distinctes.

12. Dans ces conditions, dès lors que, contrairement à ce que soutient la société ST Dupont, sa réponse apportée à la demande du 20 juillet 2012 était insuffisante, l'administration pouvait régulièrement lui adresser une mise en demeure de compléter sa réponse sur le fondement de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, ce qu'elle a fait le 23 octobre 2012.

Sur l'existence et le montant du transfert indirect de bénéfices :

13. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A (...) En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales (...) les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du même livre. A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ".

14. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée - ou ceux qui lui sont facturés par cette entreprise étrangère -, sont inférieurs - ou supérieurs - à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes.

En ce qui concerne la méthode de fixation des prix de transfert de la société ST Dupont :

15. Il résulte de l'instruction qu'après avoir reçu une réponse insuffisante à sa demande, l'administration a mis en demeure la société ST Dupont, le 23 octobre 2012, de compléter cette réponse. Elle lui a notamment demandé de procéder à un chiffrage des différents coûts liés aux fonctions exercées par chacune des filiales et de fournir non pas le chiffre d'affaires et la marge brute moyenne annuelle des filiales mais, pour chaque filiale, les marges brutes et nettes en distinguant selon les différentes familles de produits. En ce qui concerne les filiales asiatiques, l'administration a demandé à la société ST Dupont de préciser, d'une part, le taux de décote pour chaque produit et chaque filiale, en précisant les motifs qui justifieraient une éventuelle différence des taux de rémunérations, et, d'autre part, si les prix publics étaient identiques pour l'ensemble des filiales en Asie, en présentant les documents mentionnant ces prix publics. En ce qui concerne les distributeurs indépendants présentés comme comparables, l'administration, constatant que les chiffres communiqués pour les distributeurs situés aux Etats-Unis, en Russie et au Moyen-Orient ne concernaient que l'exercice clos en 2011 et seulement quelques produits, a sollicité la production des éléments demandés pour l'ensemble des produits et des exercices, en précisant que ces distributeurs ne pouvaient constituer des comparables pertinents des sociétés situées en Asie du fait des différences notables entre les marchés, en l'absence de toute analyse ou correctif sur ce point. En ce qui concerne le distributeur indépendant situé en Corée du Sud, la société SJ Duko Co, l'administration, constatant l'absence de données fournies à l'exception de l'indication d'un taux de décote de 28,5 %, a demandé la production des données chiffrées relatives aux opérations réalisées avec ce distributeur pour l'ensemble des produits et des exercices vérifiés.

16. Il n'est pas contesté que, si, dans sa réponse du 22 novembre 2012, la société ST Dupont a produit des tableaux de marge et de ventes par type de produit et par pays, elle n'a pas fourni de données relatives aux prix publics pratiqués par chacune de ses filiales en Asie pour chaque produit et n'a pas produit et analysé les données relatives aux comparables proposés, situés dans des zones géographiques hors Asie. Dans ces conditions, la société ST Dupont a fourni une réponse insuffisante après avoir été mise en demeure de compléter une première réponse insuffisante, constituant un défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales. Si la société requérante fait valoir qu'elle a réalisé une vérification " a posteriori ", il ressort de l'étude de comparabilité fournie le 16 octobre 2014 que la requérante a exploité des données issues de la base TP Catalyst Pro pour retenir douze sociétés indépendantes exerçant, selon elle, des fonctions comparables et distribuant des produits comparables en Asie, en vue d'établir leur taux de marge brute au titre des années 2008 à 2010, qu'elle a comparé aux taux de marge brute dégagée par la société ST Dupont Marketing, pour en conclure que ce dernier se situait dans l'intervalle de pleine concurrence. Toutefois, l'étude ainsi fournie se borne à se référer à des comparables externes en comparant les marges brutes de ces sociétés avec celles de la filiale située à Hong-Kong, sans permettre de comparer avec précision notamment les risques encourus au regard des fonctions exercées et la comparabilité suffisante des produits vendus, et alors que la société ST Dupont n'a au demeurant pas déterminé ses prix de transfert sur le marché asiatique par rapport à une comparaison de taux de marge brute. Il résulte ainsi de tous ces éléments que la méthode exposée par la société ST Dupont se borne, en ce qui concerne la zone continentale asiatique, à appliquer une décote propre à chaque filiale et à chaque produit, selon elle en fonction des risques assumés et des caractéristiques des marchés locaux, sans que ces décotes ne soient précisément exposées par la seule référence au taux de marge brute global des transactions avec ses filiales, et à comparer le taux de marge global de sa filiale à Hong-Kong avec ceux réalisés par des sociétés tierces. La méthode du prix de revente dont se prévaut la société ST Dupont étant insuffisamment documentée, l'administration pouvait dès lors l'écarter comme dépourvue de pertinence pour justifier les prix de transfert. Par suite, compte tenu de l'insuffisance des justifications apportées, l'administration était bien fondée à écarter la méthode d'évaluation des prix de transfert exposée par la société ST Dupont et à évaluer les bases d'imposition à partir des éléments dont elle disposait, en application du 3ème alinéa de l'article 57 du code général des impôts.

17. A cet égard, la circonstance que l'administration n'a pas appliqué l'amende prévue au II de l'article 1735 du code général des impôts, en cas de défaut de réponse à la suite d'une mise en demeure prévue à l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, est sans incidence.

18. Par ailleurs, la société ST Dupont n'est pas fondée à se prévaloir de l'interprétation administrative contenue au BOI-CF-IOR-60-50 n° 410, n° 430 et n° 460 et BOI-BIC-BASE-80-20 n° 360 du 12 septembre 2012, qui est sans effet sur les éléments relevés par l'administration pour écarter la méthode exposée par la société. Elle n'est en tout état de cause pas plus fondée à se prévaloir du paragraphe 3.9 des principes de l'OCDE applicables aux prix de transfert, qui n'a ni pour objet ni pour effet de valider par principe une méthode de comparaison de marges brutes en cas de commercialisation d'un éventail de produits liés.

En ce qui concerne la méthode employée par l'administration :

19. Il résulte de l'instruction qu'après communication des résultats de traitements informatiques effectués par la société ST Dupont, l'administration, mettant en œuvre la méthode du prix comparable sur le marché libre, a comparé les prix auxquels cette société vendait les mêmes produits à la société ST Dupont Marketing située à Hong-Kong, le lien de dépendance entre ces deux sociétés n'étant pas contesté, et à des sociétés indépendantes situées en Corée du Sud, la société SJ Duko Co d'une part, et un réseau de boutiques " duty free " d'autre part. Après avoir recherché les produits vendus en commun à ces sociétés au titre de chacun des exercices qui a fait l'objet des traitements informatiques, l'administration a constaté que le nombre de références de produits vendus en commun à la société dépendante et aux sociétés indépendantes avoisinait la moitié du nombre de références de produits vendus à la société dépendante et le tiers du nombre de référence de produits vendus aux sociétés indépendantes. L'administration, après avoir analysé le prix de vente moyen des produits communs à la société dépendante et aux sociétés indépendantes, déterminé par le montant du chiffre d'affaires résultant du produit, divisé par la quantité de produits vendus au cours de chaque exercice, a ensuite constaté que le nombre de références de produits vendus moins chers à la société dépendante ST Dupont Marketing qu'aux sociétés indépendantes était de 2 à 13 fois plus élevé, selon les exercices, que le nombre de références de produits vendus plus chers à la société dépendante. Elle a alors calculé le montant des ventes à la société ST Dupont Marketing de produits communs en différenciant selon que le niveau de prix de vente était inférieur ou supérieur à celui qui est pratiqué pour les sociétés indépendantes, pour constater que le montant des ventes à la société ST Dupont Marketing de produits vendus moins chers à cette société dépendante qu'aux indépendantes, était sans commune mesure avec celui des ventes à cette société de produits vendus plus chers qu'aux sociétés indépendantes. Elle en a conclu que la société ST Dupont Marketing achetait à plus faible coût les produits vendus par la société ST Dupont.

20. L'administration a ensuite évalué le chiffre d'affaires qu'aurait produit la vente à la société dépendante ST Dupont Marketing des produits communs au prix facturé aux sociétés indépendantes. Elle a ainsi calculé le prix de vente moyen à la Corée du Sud de chaque produit commun et a appliqué ce montant unitaire au volume des ventes à la société ST Dupont Marketing. Après avoir imputé les gains de chiffre d'affaires liés aux produits vendus plus chers sur les pertes de chiffre d'affaires provenant de la vente de produits moins chers, elle a estimé le montant de la renonciation à recettes auquel s'est exposée la société ST Dupont, en vendant à un prix inférieur ses produits à la société ST Dupont Marketing. Au stade de la réponse aux observations du contribuable, l'administration a appliqué une réfaction sur les recettes ainsi déterminées pour tenir compte de la différence des conditions de vente et des fonctions et risques assumés par la société ST Dupont Marketing et les boutiques " duty free " situées en Corée du Sud, d'un montant égal au montant de la marge réalisée par la société ST Dupont sur les ventes aux boutiques " duty free " diminué du montant de la marge réalisée sur les ventes à la société SJ Duko Co. Par la suite, se rangeant à l'avis rendu le 24 juin 2015 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a estimé qu'il convenait de tenir compte de prestations de service inclues dans le prix des produits vendus à la SJ Duko Co mais facturées séparément et en sus du prix des produits vendus à la ST Dupont Marketing, l'administration a divisé par deux le montant des rehaussements.

21. En premier lieu, la société ST Dupont conteste la pertinence du recours à la méthode du prix comparable sur le marché libre. Toutefois, et alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, la mise en œuvre de la méthode du prix de revente utilisée par la requérante était insuffisamment précise pour déterminer ses prix de transfert, aucune disposition ni aucun principe n'imposait à l'administration de recourir à cette méthode, à l'exclusion de celle du prix comparable sur le marché libre, et d'évaluer exclusivement la conformité au principe de pleine concurrence de la marge dégagée par la société ST Dupont Marketing par la méthode du prix de revente, au motif que la société ST Dupont constitue " l'entrepreneur principal " au sein du groupe recevant " la rémunération résiduelle, c'est-à-dire le bénéfice (ou les pertes) restant une fois que toutes les entités ont été justement rétribuées ", comme le mentionne l'instruction référencée BOI-BIC-BASE-80-10 du 12 septembre 2012. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société ST Dupont, les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert, en tout état de cause, ne prévoient pas que la partie " testée " ne pourrait être l'entrepreneur principal ni que seule la méthode du prix de revente aurait dû être mise en œuvre. Dans ces conditions, la société ST Dupont n'est pas fondée à se prévaloir d'une erreur méthodologique pour soutenir que l'administration, qui a procédé à une évaluation à partir des éléments dont elle disposait, n'apporterait pas la preuve qui lui incombe.

22. En deuxième lieu, la société ST Dupont soutient que l'administration compare des sociétés qui ont un profil fonctionnel différent et ne démontre pas que cette différence serait sans incidence. Elle fait ainsi valoir que la société ST Dupont Marketing exerçait une activité de grossiste et de détaillant, alors que la société SJ Duko Co avait essentiellement au cours de la période vérifiée une activité de grossiste. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'activité de grossiste de la société SJ Duko Co a été complétée par celle d'agent commercial exclusif et de vente au détail sur le fondement d'un contrat du 30 novembre 2010 et, ainsi que le fait valoir le ministre, la société ST Dupont n'apporte aucun élément permettant d'apprécier si ses prix de revente étaient modulés suivant les fonctions de grossiste et de détaillant exercées, ce qui ne ressort d'ailleurs pas des réponses apportées au cours de la procédure d'imposition, ainsi qu'il a été dit précédemment, alors que de surcroît, la requérante n'a pas procédé au chiffrage des différents coûts liés aux fonctions exercées par chacune de ses filiales malgré la demande de l'administration dans sa mise en demeure. Dans ces conditions, à défaut de tout élément permettant d'évaluer la nature et le coût des différences de fonctions qui existeraient entre la société ST Dupont Marketing et la société SJ Duko Co, compte tenu notamment des actifs utilisés et des risques supportés, et par conséquent d'apprécier l'existence, le cas échéant, de différences telles qu'elles priveraient la comparaison de pertinence faute de pouvoir être corrigées de manière appropriée, la société ST Dupont, en se bornant à se prévaloir de manière générale des différences qu'elle invoque, n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe.

23. En troisième lieu, la société ST Dupont soutient que l'administration n'a pas tenu compte des différences relatives aux marchés géographiques sur lesquels elle appuie son analyse de comparabilité. Elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'apprécier si les différences entre les marchés auraient effectivement une incidence sur ses prix de vente aux filiales et aux distributeurs indépendants, en se bornant à énumérer l'emplacement géographique, la taille des marchés, l'importance de la concurrence et la nature et la portée de la règlementation administrative, alors que le seul élément produit au dossier sur ce point, exclusif de tout élément quant aux prix de transfert au regard des zones géographiques, est la charte des prix de transfert fournie à l'administration, qui se borne à préciser que les prix de détail étaient établis de manière homogène par zones continentales afin d'empêcher tout transfert de produits entre territoires. A défaut de tout élément pertinent permettant de supposer qu'il existerait des différences significatives entre les marchés de Hong-Kong et de Corée de Sud, la société ST Dupont n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'administration n'apporterait pas la preuve qui lui incombe. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société ST Dupont, en admettant que ces marchés étaient différents pour l'appréciation du montant de redevances de licence, l'administration n'a aucunement reconnu que les mêmes marchés seraient significativement différents en ce qui concerne la fixation de ses prix de transfert.

24. En quatrième lieu, la société ST Dupont soutient que l'administration compare des transactions dont les volumes ne sont pas comparables. En effet, ainsi qu'elle le soutient, les volumes de ventes respectives aux sociétés ST Dupont Marketing et SJ Duko Co présentaient des différences significatives. Toutefois, il ne résulte pas des tableaux joints à la proposition de rectification du 26 août 2013, qui détaillent les ventes de produits à ces sociétés, que les prix de vente respectifs ont été fixés en fonctions des quantités vendues. En outre, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, la société ST Dupont n'a pas précisé les taux de décote appliqué à chacune de ses filiales en Asie et les prix publics sur les marchés asiatiques ni produit de document déterminant des éventuelles remises en fonctions des quantités vendues. Si la société ST Dupont a produit des documents d'analyse de corrélation entre volume vendu et prix unitaire, l'analyse mathématique et statistique à laquelle elle a ainsi procédé ne permet pas de contredire les éléments chiffrés relevés par l'administration dans la proposition de rectification et de pallier l'absence des documents précités permettant d'apprécier avec suffisamment de précision les prix de transfert avec les filiales asiatiques, et ainsi de conclure que, dans les circonstances propres au litige, les volumes auraient impliqué une différence significative dans les prix de transfert. Dans ces conditions, compte tenu des éléments relevés par l'administration et dès lors que la société ST Dupont se borne à produire des calculs statistiques effectués à partir d'un " test de Student pour mesurer la robustesse de l'analyse de la régression linéaire et son caractère plus ou moins significatif ", qui ne permettent pas de conclure que les caractéristiques des biens transférés en volumes n'autorisaient pas leur comparabilité, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe au motif qu'elle aurait dû appliquer un correctif en fonction des volumes vendus.

25. En cinquième lieu, la société ST Dupont soutient que l'inclusion des transactions avec les boutiques " duty-free " vicie la méthode comparative, dès lors que la réfaction pratiquée pour tenir compte des différences dans les transactions avec ces sociétés a pour conséquence de ne laisser subsister qu'un point de comparaison et d'augmenter artificiellement le volume des ventes. Elle soutient également que l'autre méthode de détermination du correctif de comparabilité avancée par l'administration devant le tribunal, tirée d'une commission de 27 %, ne peut être retenue, en l'absence de preuve qu'elle corrigerait de manière fiable les défauts de comparabilité. Toutefois, si l'administration a appliqué aux prix de vente une réfaction en vue de tenir compte de la spécificité des transactions effectuées avec les boutiques " duty free " qui n'étaient que des détaillants, égale au montant de la marge réalisée par la société ST Dupont sur ces ventes, diminuée du montant de la marge réalisée par la même société sur ses ventes à la société SJ Duko Co, cette réfaction, fondée sur la circonstance que les boutiques " duty free " présentaient des différences fonctionnelles qui avaient une influence sur le niveau de prix auquel les ventes étaient facturées, n'a pas eu pour effet de supprimer ce terme de comparaison en accroissant artificiellement les volumes vendus à des tiers et le nombre de transactions de référence. Par ailleurs, en tout état de cause, la réfaction de 27 % appliquée en cours de procédure aux prix unitaires de vente aux boutiques " duty free " n'a pas eu plus pour objet et pour effet de substituer aux prix de vente aux boutiques " duty free " les prix de vente à la société SJ Duko Co, mais a permis de prendre en compte les différences fonctionnelles de ces sociétés ayant la seule qualité de détaillants, la société ST Dupont versant à la société SJ Duko Co une commission de 27 % sur les commandes reçues des détaillants et qui lui étaient transmises dans le cadre de sa fonction d'agent commercial résultant du contrat du
30 novembre 2010. En se bornant à produire une analyse mathématique, la société ST Dupont, qui ne propose aucun correctif alternatif permettant de prendre en compte les différences fonctionnelles précédemment décrites, n'apporte aucun élément pertinent à l'appui de ses allégations selon lesquelles la réfaction ainsi pratiquée ne corrigerait pas valablement les différences fonctionnelles entre les boutiques " duty free " et la société SJ Duko Co. Dans ces conditions, la société ST Dupont n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe au motif qu'elle a retenu, dans le cadre de sa méthode, les transactions avec les boutiques " duty free ".

26. En sixième lieu, la société ST Dupont soutient que l'administration n'a pas pris en compte les prestations de services attachées aux produits vendus, qui font l'objet d'une facturation distincte à l'égard de la société ST Dupont Marketing mais sont inclues dans les prix de vente à la société SJ Duko Co. Toutefois, si elle fait valoir qu'indépendamment du contrat de distribution conclu avec la société SJ Duko Co, qui prévoit déjà certaines prestations de services, elle a fourni des prestations de support de développement du réseau de boutiques clients de son distributeur, de communication autour des produits fournis et de développement commercial, et qu'il convient de se référer au comportement réel des parties et non pas seulement au contrat de distribution, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations permettant de justifier de l'existence, de l'ampleur et du coût des prestations alléguées, alors que le ministre fait par ailleurs valoir que les prestations prévues aux termes du contrat conclu le 31 mars 2005 entre la société ST Dupont et la société ST Dupont Marketing sont sans commune mesure avec celles prévues dans le contrat de distribution conclu le 1er avril 2005 avec la société SJ Duko Co. En outre, alors qu'aucun élément probant n'a été produit, l'administration a suivi l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a estimé qu'il convenait d'appliquer un abattement de 50 % pour tenir compte des prestations alléguées en faveur de la société SJ Duko Co. Dans ces conditions, la société ST Dupont n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe au motif qu'elle n'aurait pas corrigé un défaut de comparabilité lié aux prestations rendues.

27. En septième lieu, la société ST Dupont soutient que les pertes persistantes qu'elle a constatées et les bénéfices persistants réalisés par sa filiale, la société ST Dupont Marketing, s'expliquent par un contexte économique difficile. Toutefois, ces allégations générales ne remettent pas en cause les éléments relevés par l'administration quant à la réalité des prix de transfert pratiqués entre les deux sociétés.

28. Il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve de l'existence et du montant d'un avantage accordé à la société ST Dupont Marketing qu'elle était en droit de réintégrer dans les résultats de la société ST Dupont, en application des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, avant d'en tirer les conséquences sur le montant des déficits déclarés par cette société en matière d'impôt sur les sociétés, sur l'assujettissement des sommes ainsi distribuées à la retenue à la source et sur l'intégration dans l'assiette de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la société ST Dupont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de l'article 4 de ce jugement, de décharge des impositions restant en litige et de rétablissement de son déficit reportable déclaré dans son intégralité doivent dès lors être rejetées.



Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société ST Dupont demande au titre des frais qu'elle a exposés.


DECIDE :


Article 1er : La requête de la société ST Dupont est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ST Dupont et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2022.

Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA01644



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