CAA de DOUAI, 2ème chambre, 22/03/2022, 21DA00859, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 août 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " dans un délai d'un mois, ou du moins, de procéder à un réexamen de situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2005710 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 avril 2021 et le 1er mars 2022, M. B... C..., représenté par Me Thomas Rapoport, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'accord franco-gabonais du 2 décembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant gabonais né le 18 février 1999, déclare être entré en France le 2 septembre 2014 sous couvert d'un passeport diplomatique. Par un arrêté du 4 mai 2017, le préfet du Maine-et-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Le 27 juin 2019, M. C... a demandé au préfet du Pas-de-Calais son admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Par un arrêté du 3 août 2020, le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 18 mars 2021, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / (...) ". Aux termes de l'article 12 de la même convention : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Il résulte de ces stipulations, dont l'objet et la portée sont équivalentes à celles des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'administration, saisie d'une demande de carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant, de rechercher, à partir de l'ensemble des pièces du dossier et sous le contrôle du juge, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études sur le territoire français et d'apprécier la réalité et le sérieux des études poursuivies.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes de l'article R. 313-10 de ce même code : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 : (...) / 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies".

4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. C..., le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressé ne présentait pas de visa de long séjour et de ce qu'il ne justifiait pas du caractère réel et sérieux des études entreprises et ne pouvait donc se prévaloir de l'exemption de visa de long séjour au titre de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

5. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des différents certificats de scolarité et bulletins scolaires que M. C... est scolarisé en France depuis l'âge de quinze ans, qu'il y a obtenu son baccalauréat en juin 2018 puis a poursuivi des études supérieures tout en menant parallèlement une activité sportive de haut niveau en football. M. C... s'est inscrit en première année de Bachelor de management des organisations sportives à Lille durant l'année 2018-2019 et a obtenu à l'issue du premier semestre une moyenne générale de 11,61/20 et supérieure à 10/20 dans huit des dix matières proposées, acquérant 19 des 30 European credit transfer system (système européen de transfert d'unités de cours capitalisés) attendus. S'il ne s'est pas présenté aux examens du second semestre, c'est en raison de l'intervention chirurgicale qu'il a dû subir le 16 mai 2019 à la suite d'une rupture, le 1er mai 2019, du ligament croisé antérieur du genou gauche avec distension et désinsertion tibiale du ligament latéral interne, suivie d'une immobilisation l'empêchant d'assister à ses cours à compter de cette date et de participer aux examens du second semestre et sessions de rattrapage de juillet 2019, l'école Amos ne permettant pas à ses élèves de suivre les cours ou de passer les examens à distance. Il s'est ensuite réinscrit pour l'année 2019-2020 en concluant une convention de césure. Par suite, M. C... établit que son échec lors du second semestre de l'année universitaire 2018/2019 est imputable à son état de santé, qui est aussi à l'origine de son choix d'effectuer une césure pour l'année universitaire suivante. Il suit de là que le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation en considérant que les études suivies par M. C... ne présentaient pas un caractère réel et sérieux.

6. De même, en raison du caractère réel et sérieux des études poursuivies, le préfet du Pas-de-Calais a, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'exempter M. A... de l'obligation de présenter un visa de long séjour dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

8. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Pas-de-Calais délivre à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n°2005710 du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 3 août 2020 du préfet du Pas-de-Calais est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et au préfet du Pas-de-Calais.


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N°21DA00859



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