Conseil d'État, 6ème chambre, 30/12/2021, 436420, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème chambre, 30/12/2021, 436420, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème chambre
- N° 436420
- ECLI:FR:CECHS:2021:436420.20211230
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
30 décembre 2021
- Rapporteur
- M. Bruno Bachini
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 décembre 2019, 21 janvier et 16 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " (LDI) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 novembre 2019 relatif aux compétences des personnes physiques opérateurs de repérage, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux, dans les immeubles bâtis ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- le décret n° 2008-1401 du 19 décembre 2008 ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Pour procéder au diagnostic technique prévu par l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, l'article R. 271-1 du même code prévoit qu'il " est recouru soit à une personne physique dont les compétences ont été certifiées par un organisme accrédité dans le domaine de la construction, soit à une personne morale employant des salariés ou constituée de personnes physiques qui disposent des compétences certifiées dans les mêmes conditions ", et renvoie à des arrêtés des ministres chargés du logement, de la santé et de l'industrie le soin d'en préciser les modalités d'application. Par un arrêté du 25 juillet 2016, les ministres compétents ont fixé les critères de certification des compétences des personnes physiques opérateurs de repérages, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux dans les immeubles bâtis et les critères d'accréditation des organismes de certification. Par une décision n° 402345 du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêté. L'association " Les diagnostiqueurs indépendants " demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 8 novembre 2019 relatif aux compétences des personnes physiques opérateurs de repérage, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux, dans les immeubles bâtis, qui a pour objet de maintenir les dispositifs de certification prévus par l'arrêté du 25 juillet 2016.
2. D'une part, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008, fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits, qui a pour objet d'établir " les règles concernant l'organisation et le fonctionnement de l'accréditation des organismes d'évaluation chargés d'accomplir des tâches d'évaluation de la conformité ", définit, en son article 2, l'accréditation comme étant " l'attestation délivrée par un organisme national d'accréditation selon laquelle un organisme d'évaluation de la conformité satisfait aux critères définis par les normes harmonisées et, le cas échéant, à toute autre exigence supplémentaire, notamment celles fixées dans les programmes sectoriels pertinents, requis pour effectuer une opération spécifique d'évaluation de la conformité ". L'article 137 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie dispose que : " I.- L'accréditation est l'attestation de la compétence des organismes qui effectuent des activités d'évaluation de la conformité. Afin de garantir l'impartialité de l'accréditation, il est créé une instance nationale d'accréditation, seule habilitée à délivrer les certificats d'accréditation en France. Cette instance procède à l'accréditation des laboratoires. Un décret en Conseil d'Etat désigne cette instance et fixe ses missions. (...) ". Enfin, le décret du 19 décembre 2008 relatif à l'accréditation et à l'évaluation de conformité pris en application de l'article 137 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie prévoit, en son article 1er, que " L'instance nationale d'accréditation mentionnée à l'article 137 de la loi du 4 août 2008 susvisée est le Comité français d'accréditation (COFRAC) ", et en son article 3 que " Le Comité français d'accréditation fixe, par délibération du conseil d'administration ou d'une section spécialisée au vu des normes homologuées en vigueur, les conditions devant être remplies par tout organisme demandant son accréditation (...) ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le Comité français d'accréditation est, sur le territoire national, seul habilité à délivrer des accréditations et, d'autre part, que les accréditations qu'il délivre le sont sur la base d'une norme ou d'un référentiel homologués en vigueur.
3. D'autre part, aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " Les normes sont d'application volontaire. / Toutefois, les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. / Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'une norme ne peut être rendue d'application obligatoire si elle n'est pas gratuitement accessible.
4. Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, auquel renvoie l'article 3 de l'arrêté attaqué : " Les organismes autorisés à délivrer la certification des compétences sont accrédités par un organisme signataire de l'accord européen multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation. (...) ". L'article 3 de l'arrêté attaqué dispose que : " Les organismes de certification des opérateurs de repérage répondent aux exigences du troisième alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. / Ils répondent en outre aux exigences figurant en annexe 1 du présent arrêté ".
5. L'arrêté attaqué prévoit ainsi que les organismes procédant à la certification des opérateurs de repérage doivent être accrédités par le Comité français d'accréditation, signataire pour la France de l'accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation mentionné au troisième alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. Cette accréditation est, eu égard à ce qui est dit au point 2, faite sur la base d'une norme d'accréditation homologuée en vigueur, laquelle est, en l'espèce, la norme NF EN ISO/CEI 17024. Il s'ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu par la ministre de la transition écologique, l'arrêté attaqué, en exigeant l'accréditation, par le Comité français d'accréditation, des organismes de certification des opérateurs de repérage, a pour effet de rendre obligatoire l'application de cette norme. Or, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que cette norme n'est pas gratuitement accessible sur le site internet de l'Association française de normalisation. Par suite, en rendant d'application obligatoire la norme NF EN ISO/CEI 17024 sans que celle-ci soit gratuitement accessible, l'arrêté du 8 novembre 2019 a méconnu les exigences posées par le décret du 16 juin 2009, rappelées au point 3.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " est fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêté du 8 novembre 2019 relatif aux compétences des personnes physiques opérateurs de repérage, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux, dans les immeubles bâtis est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Les diagnostiqueurs indépendants ", à la ministre de la transition écologique, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 décembre 2021 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Bruno Bachini, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 30 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Fabien Raynaud
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...
ECLI:FR:CECHS:2021:436420.20211230
Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 décembre 2019, 21 janvier et 16 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " (LDI) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 novembre 2019 relatif aux compétences des personnes physiques opérateurs de repérage, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux, dans les immeubles bâtis ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- le décret n° 2008-1401 du 19 décembre 2008 ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Pour procéder au diagnostic technique prévu par l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, l'article R. 271-1 du même code prévoit qu'il " est recouru soit à une personne physique dont les compétences ont été certifiées par un organisme accrédité dans le domaine de la construction, soit à une personne morale employant des salariés ou constituée de personnes physiques qui disposent des compétences certifiées dans les mêmes conditions ", et renvoie à des arrêtés des ministres chargés du logement, de la santé et de l'industrie le soin d'en préciser les modalités d'application. Par un arrêté du 25 juillet 2016, les ministres compétents ont fixé les critères de certification des compétences des personnes physiques opérateurs de repérages, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux dans les immeubles bâtis et les critères d'accréditation des organismes de certification. Par une décision n° 402345 du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêté. L'association " Les diagnostiqueurs indépendants " demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 8 novembre 2019 relatif aux compétences des personnes physiques opérateurs de repérage, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux, dans les immeubles bâtis, qui a pour objet de maintenir les dispositifs de certification prévus par l'arrêté du 25 juillet 2016.
2. D'une part, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008, fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits, qui a pour objet d'établir " les règles concernant l'organisation et le fonctionnement de l'accréditation des organismes d'évaluation chargés d'accomplir des tâches d'évaluation de la conformité ", définit, en son article 2, l'accréditation comme étant " l'attestation délivrée par un organisme national d'accréditation selon laquelle un organisme d'évaluation de la conformité satisfait aux critères définis par les normes harmonisées et, le cas échéant, à toute autre exigence supplémentaire, notamment celles fixées dans les programmes sectoriels pertinents, requis pour effectuer une opération spécifique d'évaluation de la conformité ". L'article 137 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie dispose que : " I.- L'accréditation est l'attestation de la compétence des organismes qui effectuent des activités d'évaluation de la conformité. Afin de garantir l'impartialité de l'accréditation, il est créé une instance nationale d'accréditation, seule habilitée à délivrer les certificats d'accréditation en France. Cette instance procède à l'accréditation des laboratoires. Un décret en Conseil d'Etat désigne cette instance et fixe ses missions. (...) ". Enfin, le décret du 19 décembre 2008 relatif à l'accréditation et à l'évaluation de conformité pris en application de l'article 137 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie prévoit, en son article 1er, que " L'instance nationale d'accréditation mentionnée à l'article 137 de la loi du 4 août 2008 susvisée est le Comité français d'accréditation (COFRAC) ", et en son article 3 que " Le Comité français d'accréditation fixe, par délibération du conseil d'administration ou d'une section spécialisée au vu des normes homologuées en vigueur, les conditions devant être remplies par tout organisme demandant son accréditation (...) ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le Comité français d'accréditation est, sur le territoire national, seul habilité à délivrer des accréditations et, d'autre part, que les accréditations qu'il délivre le sont sur la base d'une norme ou d'un référentiel homologués en vigueur.
3. D'autre part, aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " Les normes sont d'application volontaire. / Toutefois, les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. / Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'une norme ne peut être rendue d'application obligatoire si elle n'est pas gratuitement accessible.
4. Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, auquel renvoie l'article 3 de l'arrêté attaqué : " Les organismes autorisés à délivrer la certification des compétences sont accrédités par un organisme signataire de l'accord européen multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation. (...) ". L'article 3 de l'arrêté attaqué dispose que : " Les organismes de certification des opérateurs de repérage répondent aux exigences du troisième alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. / Ils répondent en outre aux exigences figurant en annexe 1 du présent arrêté ".
5. L'arrêté attaqué prévoit ainsi que les organismes procédant à la certification des opérateurs de repérage doivent être accrédités par le Comité français d'accréditation, signataire pour la France de l'accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation mentionné au troisième alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. Cette accréditation est, eu égard à ce qui est dit au point 2, faite sur la base d'une norme d'accréditation homologuée en vigueur, laquelle est, en l'espèce, la norme NF EN ISO/CEI 17024. Il s'ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu par la ministre de la transition écologique, l'arrêté attaqué, en exigeant l'accréditation, par le Comité français d'accréditation, des organismes de certification des opérateurs de repérage, a pour effet de rendre obligatoire l'application de cette norme. Or, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que cette norme n'est pas gratuitement accessible sur le site internet de l'Association française de normalisation. Par suite, en rendant d'application obligatoire la norme NF EN ISO/CEI 17024 sans que celle-ci soit gratuitement accessible, l'arrêté du 8 novembre 2019 a méconnu les exigences posées par le décret du 16 juin 2009, rappelées au point 3.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " est fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêté du 8 novembre 2019 relatif aux compétences des personnes physiques opérateurs de repérage, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux, dans les immeubles bâtis est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à l'association " Les diagnostiqueurs indépendants " une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Les diagnostiqueurs indépendants ", à la ministre de la transition écologique, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 décembre 2021 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Bruno Bachini, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 30 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Fabien Raynaud
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...