Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04/08/2021, 428409, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04/08/2021, 428409, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème - 5ème chambres réunies
- N° 428409
- ECLI:FR:CECHR:2021:428409.20210804
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
04 août 2021
- Rapporteur
- Mme Airelle Niepce
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé, refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive, d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de cette décision, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.
Par une décision n° 428409 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas, dans les six mois suivant la notification de cette décision, avoir exécuté la décision n° 394254 du Conseil d'Etat du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 de sa nouvelle décision, et a fixé le montant de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date de cette exécution.
Par un courrier du 11 janvier 2021, le délégué à l'exécution des décisions de justice de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a demandé à la ministre de la transition écologique de porter à sa connaissance les mesures prise par les services de l'Etat pour assurer l'exécution de cette décision.
Par des observations, enregistrées les 26 janvier et 19 février 2021, la ministre de la transition écologique, a précisé les mesures adoptées par l'Etat à cette fin.
La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative.
La note du 5 mars 2021 que la présidente de la section du rapport et des études a adressée au président de la 6ème chambre de la section du contentieux a été communiquée aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2021, l'association Les amis de la terre France et autres, demandent au Conseil d'Etat :
1°) de constater que les décision n° 394254 du 12 juillet 2017 et n° 428409 du 10 juillet 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'ont pas été pleinement été exécutées au terme du délai laissé par la décision du 10 juillet 2020 ;
2°) de majorer le montant de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 à un montant de 20 millions d'euros par semestre de retard dans l'exécution de cette décision ;
3°) de procéder à la liquidation de l'astreinte mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 ;
Vu :
- la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique, notamment son article L. 1313-1 ;
- la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, notamment son article 44 ;
- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;
- le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2021, présentée par la ministre de la transition écologique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive, d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones administratives de surveillance (ZAS) énumérées au point 9 des motifs de cette décision (s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, zone urbaine régionale (ZUR) Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France, Marseille Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Toulon Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Nice Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Saint-Etienne Rhône-Alpes, Grenoble Rhône-Alpes, Lyon Rhône-Alpes, Strasbourg Alsace, Montpellier Languedoc-Roussillon, ZUR Champagne-Ardenne et Toulouse Midi-Pyrénées ; et s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, ZUR Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France et ZUR Martinique), un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. Constatant que l'Etat ne pouvait être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète de cette décision, le Conseil d'Etat a, par une nouvelle décision du 10 juillet 2020, prononcé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard, à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification de sa décision, si l'Etat ne justifiait pas avoir pris les mesures nécessaires permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, d'une part, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, dans la zone à risque - agglomération (ZAG) Paris, la ZAG Marseille-Aix, la ZAG Grenoble, la ZAG Lyon, la ZAG Strasbourg, la zone à risques - hors agglomération (ZAR) Reims et la ZAG Toulouse, d'autre part, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM 10, dans la ZAG Paris et la ZAR Fort-de-France, compte tenu des nouvelles terminologies et du nouveau zonage issu de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif au découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l'air ambiant.
2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ".
3. Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 de ce code, à la liquidation de l'astreinte. En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'État. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.
4. En premier lieu, afin d'évaluer l'exécution des décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020, il convient d'abord d'apprécier l'évolution des concentrations en polluants relevées dans les zones mentionnées au point 1 par rapport aux données disponibles lors de la décision du 10 juillet 2020 et d'examiner la persistance éventuelle de dépassement des valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement à la date de la présente décision. A cet égard, il résulte de l'instruction que, d'une part, sur les sept zones concernées par l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, la ZAG Strasbourg et la ZAR Reims ne présentent plus de dépassement de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement en 2020, aucune station de mesure de ces zones ne présentant même un taux de concentration supérieur ou égal à 35 µg/m3 en moyenne annuelle. Pour les cinq autres zones concernées, si la moyenne annuelle de concentration de ce polluant a diminué entre 2017 et 2019, la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 en moyenne annuelle civile, fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement, demeurait dépassée dans au moins une station de mesure de chacune de ces zones en 2019. Par ailleurs, si les données provisoires transmises pour l'année 2020 ne mettent en évidence que deux zones pour lesquelles un dépassement de cette valeur limite persistait encore (ZAG Lyon et ZAG Paris), ces données doivent être replacées dans le contexte des multiples mesures de gestion de la crise sanitaire prises depuis mars 2020 qui ont notamment conduit à une forte réduction de la circulation routière pendant les périodes de restriction des déplacements au sein du territoire. De plus, il apparait, en 2020, que les trois autres zones (ZAG Aix-Marseille, ZAG Grenoble et ZAG Toulouse Midi-Pyrénées) présentaient au moins une station de mesure dans laquelle a été relevé une moyenne annuelle supérieure ou égale à 35 µg/m3 qui ne permet pas d'y regarder la situation de non-dépassement comme consolidée. Ainsi, les ZAG Lyon, Paris, Aix-Marseille, Grenoble et Toulouse Midi-Pyrénées, soit présentent encore un dépassement de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement, soit ne peuvent être regardées comme présentant une situation de non-dépassement consolidée.
5. D'autre part, sur les deux ZAS concernées par l'astreinte prononcée s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, il résulte également de l'instruction que si la valeur limite de 50 µg/m3 en moyenne journalière fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement a été dépassée plus de 35 fois dans deux stations de la ZAR Fort-de-France en 2018, les éléments produits par la ministre en défense, notamment une étude établie par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air en collaboration avec Madininair, association agréée de surveillance de la qualité de l'air pour la Martinique en vertu des dispositions des articles L. 221-3 et R. 221-9 du code de l'environnement, indiquent que ces dépassements constatés en 2018 peuvent être imputés à la contribution des poussières sahariennes et n'ont donc pas à être pris en compte, ainsi que le permet l'article 20 de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008. Par la suite, plus aucun dépassement de la valeur limite de 50 µg/m3 en moyenne journalière, ni même de la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 en moyenne annuelle, n'a été constaté en 2019 ni en 2020 selon les dernières données transmises le 8 juillet 2021. Toutefois, pour ce qui concerne la ZAG Paris, en 2018 et 2019, la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 en moyenne annuelle a été dépassée dans une station de mesure de même que la valeur limite de 50 µg/m3 en moyenne journalière a été dépassée plus de 35 fois dans la même station. Si les dernières données disponibles pour l'année 2020, transmises par la ministre le 8 juillet 2021, ne mettent en évidence plus aucun dépassement dans cette zone, ces données doivent, ainsi qu'il a été dit au point 4, être replacées dans le contexte des mesures de gestion de la crise sanitaire prises depuis mars 2020. Ainsi, s'agissant de la concentration en particules fines PM10, seule la ZAG Paris doit être regardée comme ne présentant pas une situation de non-dépassement consolidée.
6. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, il convient d'apprécier les mesures adoptées depuis l'intervention de la décision du 10 juillet 2020 destinées à ramener, dans le délai le plus court possible, les taux de concentration en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en deçà de ces valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans les zones présentant encore un dépassement de ces valeurs limites ou dont la situation de non-dépassement ne peut être regardée comme consolidée. A cet égard, la ministre fait valoir, d'une part, qu'une procédure de passation de marché public portant sur l'évaluation des politiques publiques en matière de qualité de l'air est en cours. Toutefois, si cette initiative répond à la nécessité de disposer d'une estimation précise et crédible des effets escomptés des mesures adoptées par le Gouvernement en matière de qualité de l'air, d'ailleurs soulignée par la décision du 10 juillet 2020, elle ne constitue pas en tant que telle une mesure d'exécution de cette décision.
7. D'autre part, la ministre fait également valoir l'intervention du décret du 16 septembre 2020 relatif au non-respect de manière régulière des normes de la qualité de l'air donnant lieu à une obligation d'instauration d'une zone à faibles émissions mobilité pris pour l'application des dispositions de l'article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, qui a notamment rendu obligatoire l'instauration de telles zones, avant le 31 décembre 2020, lorsque les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 du code de l'environnement, au regard de critères que le décret du 16 septembre 2020 définit, ne sont pas respectées de manière régulière. Cependant, s'agissant des ZAG Lyon, Paris et Grenoble, des zones à faibles émissions avaient déjà été instaurées en vertu des textes antérieurs avant l'intervention de la décision du 10 juillet 2020. Par ailleurs, si l'instauration de ces zones a conduit ou doit conduire à l'adoption de mesures visant à restreindre la circulation des véhicules les plus polluants avec en conséquence une baisse attendue des émissions qui peut être qualifiée de significative, la mise en œuvre prévue de ces mesures, dont le calendrier relève en outre des collectivités territoriales, est très étalée dans le temps.
8. Enfin, outre le renforcement des zones à faibles émissions prévu dans le cadre du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, actuellement en cours de discussion par le Parlement, la ministre fait également valoir que différentes mesures destinées à favoriser la conversion du parc automobile national vers des véhicules moins polluants ont été adoptées, que l'installation de nouvelles chaudières à fioul ou à charbon sera interdite à compter du 1er janvier 2022, et que, dans le cadre du plan de relance adopté dans le contexte de la crise sanitaire, plusieurs actions portant sur les transports terrestres et maritimes ainsi que sur l'amélioration de l'habitat sont conduites. Cependant, s'il peut être raisonnablement attendu des effets positifs de ces mesures sur la réduction progressive des taux de concentration en dioxyde d'azote et en PM10 dans les zones encore en dépassement ou dont la situation de non-dépassement n'apparaît pas consolidée, ni l'ampleur de ces effets ni leur calendrier ne sont à ce stade précisés. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'aucun nouveau plan de protection de l'atmosphère n'a été adopté ou révisé depuis la décision du 10 juillet 2020 et que les processus de révision déjà en cours n'ont pas connu d'accélération significative alors même que, si ces plans ne constituent pas nécessairement le seul instrument de nature à permettre l'exécution des décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020, ils demeurent à ce stade un outil adapté pour, dans chacune des zones concernées, synthétiser les mesures prises ou à prendre ainsi que le calendrier attendu pour revenir sous les valeurs limites dans le délai le plus court possible.
9. Ainsi, si l'ensemble des mesures mises en avant par la ministre devraient avoir pour effet de poursuivre l'amélioration de la situation constatée à ce jour, les incertitudes entourant l'adoption ou les conditions de mise en œuvre de certaines d'entre elles ainsi que l'absence d'évaluation fiable de leurs effets dans les zones concernées ne permettent pas, en l'état de l'instruction, de considérer qu'elles seront de nature à mettre un terme aux dépassements encore constatés ou de consolider la situation de non-dépassement dans les ZAG Lyon, Paris, Aix-Marseille, Grenoble et Toulouse Midi-Pyrénées, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, et dans la ZAG Paris, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, dans un délai qui puisse être regardé comme le plus court possible. Il résulte de ce qui précède que l'Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète des décisions du Conseil d'Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces zones.
10. La décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 ayant prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de cette décision, pleinement exécuté la décision du 12 juillet 2017 et fixé le taux de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre de retard, a été notifiée aux parties le jour même.
11. Eu égard à la durée de la période de dépassement des valeurs limites dans les zones concernées (les valeurs limites portant sur les particules fines PM10 devant être respectées depuis le 1er janvier 2005 et celles portant sur le dioxyde d'azote depuis le 1er janvier 2010), mais en prenant en compte néanmoins les améliorations constatées depuis l'intervention des décisions du 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020, il y a lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte ainsi prononcée pour la période du 11 janvier au 11 juillet 2021 inclus, sans en modérer ou en majorer le taux. Toutefois, compte tenu du montant de cette astreinte et afin d'éviter un enrichissement indu, il convient en l'espèce de n'allouer à l'association Les amis de la Terre France, seule requérante à l'instance initiale ayant conduit à la décision du 12 juillet 2017, qu'une fraction de la somme de 10 millions d'euros à liquider et, eu égard aux actions qu'ils conduisent en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et d'amélioration de la qualité de l'air, de répartir le reste de l'astreinte au bénéfice de :
- l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), établissement public à caractère industriel et commercial exerçant des actions notamment d'orientation et d'animation de la recherche, de prestation de services, d'information et d'incitation dans le domaine de la prévention et la lutte contre la pollution de l'air, aux termes du II de l'article L. 131-3 du code de l'environnement ;
- du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), établissement public administratif créé par l'article 44 de la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matières d'infrastructures et de services de transports, exerçant des activités de conseil, d'assistance, d'études, de contrôle, d'innovation, d'expertise, d'essais et de recherche notamment dans le domaine de la qualité de l'air extérieur ;
- de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), établissement public administratif mentionné à l'article L. 1313-1 du code de la santé publique, contribuant à assurer la sécurité sanitaire humaine, notamment dans le domaine de l'environnement et des risques liés à la qualité de l'air ;
- de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), établissement public à caractère industriel et commercial mentionné à l'article R. 131-35 du code de l'environnement, ayant notamment pour mission de réaliser ou de faire réaliser des études et des recherches permettant de prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la santé des personnes, ainsi que sur l'environnement, parmi lesquels les risques liés à la qualité de l'air, et de fournir toute prestation destinée à faciliter l'adaptation des entreprises à cet objectif ;
- et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air en vertu des dispositions des articles L. 221-3 et R. 221-9 du code de l'environnement, compétentes dans les zones mentionnées au point 9 (Air Parif, Atmo Auvergne Rhône-Alpes, Atmo Sud et Atmo Occitanie), qui ont notamment pour missions de surveiller l'air et l'atmosphère, d'aider à l'évaluation des actions de lutte contre la pollution de l'air et de participer à des expérimentations en la matière.
12. Dans ces conditions, l'Etat devra verser, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période du 11 janvier au 11 juillet 2021 :
- la somme de 100 000 euros à l'association Les amis de la Terres France,
- la somme de 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- la somme de 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- la somme de 2 millions d'euros à l'ANSES,
- la somme de 1 million d'euros à l'INERIS,
- la somme de 350 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et la somme 200 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'Etat est condamné à verser la somme de 10 millions d'euros, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020, à répartir de la façon suivante :
- 100 000 euros à l'association Les amis de la Terre France,
- 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- 2 millions d'euros à l'ANSES,
- 1 million d'euros à l'INERIS,
- 350 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune,
- 200 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Les amis de la Terre France et autres est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée pour l'ensemble des requérants de la requête à l'association Les Amis de la Terre - France, à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, à Air Parif, Atmo Auvergne Rhône-Alpes, Atmo Occitanie et Atmo Sud ainsi qu'au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la présidente de la section du rapport et des études.
ECLI:FR:CECHR:2021:428409.20210804
Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé, refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive, d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de cette décision, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.
Par une décision n° 428409 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas, dans les six mois suivant la notification de cette décision, avoir exécuté la décision n° 394254 du Conseil d'Etat du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 de sa nouvelle décision, et a fixé le montant de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date de cette exécution.
Par un courrier du 11 janvier 2021, le délégué à l'exécution des décisions de justice de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a demandé à la ministre de la transition écologique de porter à sa connaissance les mesures prise par les services de l'Etat pour assurer l'exécution de cette décision.
Par des observations, enregistrées les 26 janvier et 19 février 2021, la ministre de la transition écologique, a précisé les mesures adoptées par l'Etat à cette fin.
La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative.
La note du 5 mars 2021 que la présidente de la section du rapport et des études a adressée au président de la 6ème chambre de la section du contentieux a été communiquée aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2021, l'association Les amis de la terre France et autres, demandent au Conseil d'Etat :
1°) de constater que les décision n° 394254 du 12 juillet 2017 et n° 428409 du 10 juillet 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'ont pas été pleinement été exécutées au terme du délai laissé par la décision du 10 juillet 2020 ;
2°) de majorer le montant de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 à un montant de 20 millions d'euros par semestre de retard dans l'exécution de cette décision ;
3°) de procéder à la liquidation de l'astreinte mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 ;
Vu :
- la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique, notamment son article L. 1313-1 ;
- la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, notamment son article 44 ;
- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;
- le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2021, présentée par la ministre de la transition écologique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive, d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones administratives de surveillance (ZAS) énumérées au point 9 des motifs de cette décision (s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, zone urbaine régionale (ZUR) Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France, Marseille Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Toulon Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Nice Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Saint-Etienne Rhône-Alpes, Grenoble Rhône-Alpes, Lyon Rhône-Alpes, Strasbourg Alsace, Montpellier Languedoc-Roussillon, ZUR Champagne-Ardenne et Toulouse Midi-Pyrénées ; et s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, ZUR Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France et ZUR Martinique), un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. Constatant que l'Etat ne pouvait être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète de cette décision, le Conseil d'Etat a, par une nouvelle décision du 10 juillet 2020, prononcé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard, à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification de sa décision, si l'Etat ne justifiait pas avoir pris les mesures nécessaires permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, d'une part, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, dans la zone à risque - agglomération (ZAG) Paris, la ZAG Marseille-Aix, la ZAG Grenoble, la ZAG Lyon, la ZAG Strasbourg, la zone à risques - hors agglomération (ZAR) Reims et la ZAG Toulouse, d'autre part, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM 10, dans la ZAG Paris et la ZAR Fort-de-France, compte tenu des nouvelles terminologies et du nouveau zonage issu de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif au découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l'air ambiant.
2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ".
3. Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 de ce code, à la liquidation de l'astreinte. En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'État. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.
4. En premier lieu, afin d'évaluer l'exécution des décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020, il convient d'abord d'apprécier l'évolution des concentrations en polluants relevées dans les zones mentionnées au point 1 par rapport aux données disponibles lors de la décision du 10 juillet 2020 et d'examiner la persistance éventuelle de dépassement des valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement à la date de la présente décision. A cet égard, il résulte de l'instruction que, d'une part, sur les sept zones concernées par l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, la ZAG Strasbourg et la ZAR Reims ne présentent plus de dépassement de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement en 2020, aucune station de mesure de ces zones ne présentant même un taux de concentration supérieur ou égal à 35 µg/m3 en moyenne annuelle. Pour les cinq autres zones concernées, si la moyenne annuelle de concentration de ce polluant a diminué entre 2017 et 2019, la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 en moyenne annuelle civile, fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement, demeurait dépassée dans au moins une station de mesure de chacune de ces zones en 2019. Par ailleurs, si les données provisoires transmises pour l'année 2020 ne mettent en évidence que deux zones pour lesquelles un dépassement de cette valeur limite persistait encore (ZAG Lyon et ZAG Paris), ces données doivent être replacées dans le contexte des multiples mesures de gestion de la crise sanitaire prises depuis mars 2020 qui ont notamment conduit à une forte réduction de la circulation routière pendant les périodes de restriction des déplacements au sein du territoire. De plus, il apparait, en 2020, que les trois autres zones (ZAG Aix-Marseille, ZAG Grenoble et ZAG Toulouse Midi-Pyrénées) présentaient au moins une station de mesure dans laquelle a été relevé une moyenne annuelle supérieure ou égale à 35 µg/m3 qui ne permet pas d'y regarder la situation de non-dépassement comme consolidée. Ainsi, les ZAG Lyon, Paris, Aix-Marseille, Grenoble et Toulouse Midi-Pyrénées, soit présentent encore un dépassement de la valeur limite fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement, soit ne peuvent être regardées comme présentant une situation de non-dépassement consolidée.
5. D'autre part, sur les deux ZAS concernées par l'astreinte prononcée s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, il résulte également de l'instruction que si la valeur limite de 50 µg/m3 en moyenne journalière fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement a été dépassée plus de 35 fois dans deux stations de la ZAR Fort-de-France en 2018, les éléments produits par la ministre en défense, notamment une étude établie par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air en collaboration avec Madininair, association agréée de surveillance de la qualité de l'air pour la Martinique en vertu des dispositions des articles L. 221-3 et R. 221-9 du code de l'environnement, indiquent que ces dépassements constatés en 2018 peuvent être imputés à la contribution des poussières sahariennes et n'ont donc pas à être pris en compte, ainsi que le permet l'article 20 de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008. Par la suite, plus aucun dépassement de la valeur limite de 50 µg/m3 en moyenne journalière, ni même de la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 en moyenne annuelle, n'a été constaté en 2019 ni en 2020 selon les dernières données transmises le 8 juillet 2021. Toutefois, pour ce qui concerne la ZAG Paris, en 2018 et 2019, la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 en moyenne annuelle a été dépassée dans une station de mesure de même que la valeur limite de 50 µg/m3 en moyenne journalière a été dépassée plus de 35 fois dans la même station. Si les dernières données disponibles pour l'année 2020, transmises par la ministre le 8 juillet 2021, ne mettent en évidence plus aucun dépassement dans cette zone, ces données doivent, ainsi qu'il a été dit au point 4, être replacées dans le contexte des mesures de gestion de la crise sanitaire prises depuis mars 2020. Ainsi, s'agissant de la concentration en particules fines PM10, seule la ZAG Paris doit être regardée comme ne présentant pas une situation de non-dépassement consolidée.
6. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, il convient d'apprécier les mesures adoptées depuis l'intervention de la décision du 10 juillet 2020 destinées à ramener, dans le délai le plus court possible, les taux de concentration en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en deçà de ces valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans les zones présentant encore un dépassement de ces valeurs limites ou dont la situation de non-dépassement ne peut être regardée comme consolidée. A cet égard, la ministre fait valoir, d'une part, qu'une procédure de passation de marché public portant sur l'évaluation des politiques publiques en matière de qualité de l'air est en cours. Toutefois, si cette initiative répond à la nécessité de disposer d'une estimation précise et crédible des effets escomptés des mesures adoptées par le Gouvernement en matière de qualité de l'air, d'ailleurs soulignée par la décision du 10 juillet 2020, elle ne constitue pas en tant que telle une mesure d'exécution de cette décision.
7. D'autre part, la ministre fait également valoir l'intervention du décret du 16 septembre 2020 relatif au non-respect de manière régulière des normes de la qualité de l'air donnant lieu à une obligation d'instauration d'une zone à faibles émissions mobilité pris pour l'application des dispositions de l'article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, qui a notamment rendu obligatoire l'instauration de telles zones, avant le 31 décembre 2020, lorsque les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 du code de l'environnement, au regard de critères que le décret du 16 septembre 2020 définit, ne sont pas respectées de manière régulière. Cependant, s'agissant des ZAG Lyon, Paris et Grenoble, des zones à faibles émissions avaient déjà été instaurées en vertu des textes antérieurs avant l'intervention de la décision du 10 juillet 2020. Par ailleurs, si l'instauration de ces zones a conduit ou doit conduire à l'adoption de mesures visant à restreindre la circulation des véhicules les plus polluants avec en conséquence une baisse attendue des émissions qui peut être qualifiée de significative, la mise en œuvre prévue de ces mesures, dont le calendrier relève en outre des collectivités territoriales, est très étalée dans le temps.
8. Enfin, outre le renforcement des zones à faibles émissions prévu dans le cadre du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, actuellement en cours de discussion par le Parlement, la ministre fait également valoir que différentes mesures destinées à favoriser la conversion du parc automobile national vers des véhicules moins polluants ont été adoptées, que l'installation de nouvelles chaudières à fioul ou à charbon sera interdite à compter du 1er janvier 2022, et que, dans le cadre du plan de relance adopté dans le contexte de la crise sanitaire, plusieurs actions portant sur les transports terrestres et maritimes ainsi que sur l'amélioration de l'habitat sont conduites. Cependant, s'il peut être raisonnablement attendu des effets positifs de ces mesures sur la réduction progressive des taux de concentration en dioxyde d'azote et en PM10 dans les zones encore en dépassement ou dont la situation de non-dépassement n'apparaît pas consolidée, ni l'ampleur de ces effets ni leur calendrier ne sont à ce stade précisés. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'aucun nouveau plan de protection de l'atmosphère n'a été adopté ou révisé depuis la décision du 10 juillet 2020 et que les processus de révision déjà en cours n'ont pas connu d'accélération significative alors même que, si ces plans ne constituent pas nécessairement le seul instrument de nature à permettre l'exécution des décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020, ils demeurent à ce stade un outil adapté pour, dans chacune des zones concernées, synthétiser les mesures prises ou à prendre ainsi que le calendrier attendu pour revenir sous les valeurs limites dans le délai le plus court possible.
9. Ainsi, si l'ensemble des mesures mises en avant par la ministre devraient avoir pour effet de poursuivre l'amélioration de la situation constatée à ce jour, les incertitudes entourant l'adoption ou les conditions de mise en œuvre de certaines d'entre elles ainsi que l'absence d'évaluation fiable de leurs effets dans les zones concernées ne permettent pas, en l'état de l'instruction, de considérer qu'elles seront de nature à mettre un terme aux dépassements encore constatés ou de consolider la situation de non-dépassement dans les ZAG Lyon, Paris, Aix-Marseille, Grenoble et Toulouse Midi-Pyrénées, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, et dans la ZAG Paris, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, dans un délai qui puisse être regardé comme le plus court possible. Il résulte de ce qui précède que l'Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète des décisions du Conseil d'Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces zones.
10. La décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 ayant prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de cette décision, pleinement exécuté la décision du 12 juillet 2017 et fixé le taux de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre de retard, a été notifiée aux parties le jour même.
11. Eu égard à la durée de la période de dépassement des valeurs limites dans les zones concernées (les valeurs limites portant sur les particules fines PM10 devant être respectées depuis le 1er janvier 2005 et celles portant sur le dioxyde d'azote depuis le 1er janvier 2010), mais en prenant en compte néanmoins les améliorations constatées depuis l'intervention des décisions du 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020, il y a lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte ainsi prononcée pour la période du 11 janvier au 11 juillet 2021 inclus, sans en modérer ou en majorer le taux. Toutefois, compte tenu du montant de cette astreinte et afin d'éviter un enrichissement indu, il convient en l'espèce de n'allouer à l'association Les amis de la Terre France, seule requérante à l'instance initiale ayant conduit à la décision du 12 juillet 2017, qu'une fraction de la somme de 10 millions d'euros à liquider et, eu égard aux actions qu'ils conduisent en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et d'amélioration de la qualité de l'air, de répartir le reste de l'astreinte au bénéfice de :
- l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), établissement public à caractère industriel et commercial exerçant des actions notamment d'orientation et d'animation de la recherche, de prestation de services, d'information et d'incitation dans le domaine de la prévention et la lutte contre la pollution de l'air, aux termes du II de l'article L. 131-3 du code de l'environnement ;
- du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), établissement public administratif créé par l'article 44 de la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matières d'infrastructures et de services de transports, exerçant des activités de conseil, d'assistance, d'études, de contrôle, d'innovation, d'expertise, d'essais et de recherche notamment dans le domaine de la qualité de l'air extérieur ;
- de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), établissement public administratif mentionné à l'article L. 1313-1 du code de la santé publique, contribuant à assurer la sécurité sanitaire humaine, notamment dans le domaine de l'environnement et des risques liés à la qualité de l'air ;
- de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), établissement public à caractère industriel et commercial mentionné à l'article R. 131-35 du code de l'environnement, ayant notamment pour mission de réaliser ou de faire réaliser des études et des recherches permettant de prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la santé des personnes, ainsi que sur l'environnement, parmi lesquels les risques liés à la qualité de l'air, et de fournir toute prestation destinée à faciliter l'adaptation des entreprises à cet objectif ;
- et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air en vertu des dispositions des articles L. 221-3 et R. 221-9 du code de l'environnement, compétentes dans les zones mentionnées au point 9 (Air Parif, Atmo Auvergne Rhône-Alpes, Atmo Sud et Atmo Occitanie), qui ont notamment pour missions de surveiller l'air et l'atmosphère, d'aider à l'évaluation des actions de lutte contre la pollution de l'air et de participer à des expérimentations en la matière.
12. Dans ces conditions, l'Etat devra verser, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période du 11 janvier au 11 juillet 2021 :
- la somme de 100 000 euros à l'association Les amis de la Terres France,
- la somme de 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- la somme de 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- la somme de 2 millions d'euros à l'ANSES,
- la somme de 1 million d'euros à l'INERIS,
- la somme de 350 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et la somme 200 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'Etat est condamné à verser la somme de 10 millions d'euros, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020, à répartir de la façon suivante :
- 100 000 euros à l'association Les amis de la Terre France,
- 3,3 millions d'euros à l'ADEME,
- 2,5 millions d'euros au CEREMA,
- 2 millions d'euros à l'ANSES,
- 1 million d'euros à l'INERIS,
- 350 000 euros à Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune,
- 200 000 euros à Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Les amis de la Terre France et autres est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée pour l'ensemble des requérants de la requête à l'association Les Amis de la Terre - France, à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, à Air Parif, Atmo Auvergne Rhône-Alpes, Atmo Occitanie et Atmo Sud ainsi qu'au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la présidente de la section du rapport et des études.