CAA de NANTES, 1ère chambre, 08/07/2021, 19NT03979, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2015 afin de tenir compte, dans le calcul de la plus-value de cession qu'il a réalisée, de la somme imputable de 2 654 640 euros.

Par un jugement n° 1702218 du 12 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande (article 1er) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 octobre 2019 et 17 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement en tant qu'il a imputé la somme de 2 654 640 euros sur le montant de la plus-value de cession réalisée par M. A..., seule la somme de 2 122 680 euros pouvant être imputée sur cette plus-value ;

2°) de remettre à la charge de M. A... sa cotisation d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de l'année 2015 correspondant à la somme, en base, de 531 960 euros, soit une somme de 188 846 euros en droits (85 114 euros d'impôt sur le revenu, 82 454 euros de prélèvements sociaux et 21 278 euros de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus).

Il soutient que lors du partage de la communauté post-conjugale, l'actif professionnel de Mme A... était seulement composé de ses 399 parts détenues à titre personnel ; en application de la distinction entre le titre et la finance, les parts ne peuvent revenir à un autre que l'époux associé, mais ce dernier en devra la contre-valeur à la communauté ; ainsi, le montant de la soulte pouvant être pris en compte dans le prix de revient des parts détenues par M. A... doit être diminué de la valeur des parts que ce dernier possédait en propre ; ainsi, seule la somme de 2 122 680 euros correspondant à la valeur des 399 parts détenues par Mme A... (399 x 5320 euros) pouvait être retenu en déduction de la plus-value réalisée, soit une différence de 531 960 euros ; cette différence doit être réintégrée dans la base imposable.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 14 janvier 2020 et 4 avril 2021, M. A..., représenté par Me D... et Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2015 M. A... a cédé, pour un montant de 3 489 500 euros, 997 parts qu'il détenait dans la société à responsabilité limitée (SARL) D.B.DIS. Il a déclaré une plus-value professionnelle d'un montant de 3 473 548 euros au titre de l'année 2015 et a été imposé sur cette base. Le 25 octobre 2016, il a présenté une demande de correction du montant de cette plus-value au motif que la soulte, versée à son ex-épouse en 2007 lors du partage de l'indivision post-conjugale, d'un montant de 2 649 360 euros aurait dû être incluse dans le calcul du prix de revient des parts cédées. Cette réclamation ayant été rejetée le 13 mars 2017, M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de sa cotisation primitive d'impôt sur le revenu, de sa contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1702218 du 12 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il a pris en compte, pour le calcul de la plus-value de cession qu'il a réalisée, la somme imputable de 2 654 640 euros et non celle de de 2 122 680 euros, soit une différence d'un montant de 531 960 euros qui doit être réintégrée dans la base imposable.
Sur le montant de la base imposable :

2. Aux termes de l'article 151 nonies du code général des impôts : " I. Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38, 72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession. (...) ".

3. Lors de la constitution de la SARL D.B.DIS en 1988, M. et Mme A... ont souscrit les 1 000 parts composant le capital de cette société au sein de laquelle ils exerçaient leur activité professionnelle. M. A... détenait alors 600 parts et son épouse 400 parts. La société était par ailleurs soumise au régime fiscal des sociétés de personnes mentionné aux articles 8 et 239 bis AA du code général des impôts. Le 10 mars 2007, M. et Mme A... ont tous deux donné une part à chacun de leurs deux enfants. A l'issue de cette donation, M. A... détenait donc 599 parts et Mme A... 399 parts. Au cours de la même année, M. et Mme A..., qui étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, ont divorcé. Lors du partage de l'indivision post-conjugale, qui a fait suite à la dissolution de la communauté conjugale, M. A... a reçu l'ensemble des 998 parts de la société. Il a versé à son ex-épouse, en contrepartie, une soulte d'un montant de 2 649 360 euros correspondant à la moitié de la valeur totale des parts estimée à 5 309 280 euros.

4. Le ministre soutient que l'actif professionnel de Mme A... était, au moment du partage de l'indivision post-conjugale, seulement constitué des 399 parts qu'elle détenait au sein de la société. Le ministre en déduit que seule l'acquisition, par M. A..., de ces 399 parts pouvait être qualifiée de cession à titre onéreux d'un actif professionnel, et qu'en conséquence, seul le montant correspondant à cette acquisition pouvait être pris en compte dans le calcul du prix de revient des parts cédées en 2015 par M. A....

5. En l'espèce, au moment du partage, Mme A... était uniquement titulaire, à titre personnel, de 399 titres de la SARL D.B.DIS. Si la qualité d'associé n'entre pas dans le champ de l'indivision post-conjugale, Mme A... détenait cependant, en sa qualité de co-indivisaire, des droits sur la valeur des 998 parts de la société qui étaient, avant la séparation, détenues en commun. Contrairement à ce que soutient le ministre, l'actif professionnel de Mme A... était alors composé de l'ensemble des droits indivis qu'elle détenait sur les 998 parts de la société et non des seuls titres dont elle était personnellement titulaire. Dès lors, l'intégralité du montant de la soulte perçue par Mme A..., soit 2 649 360 euros, doit être regardée comme la contrepartie de la cession à titre onéreux de son actif professionnel. Par conséquent, le ministre n'est pas fondé à soutenir que seule une partie du montant de cette soulte pouvait être prise en compte dans le calcul, par M. A..., du prix de revient des titres lors de leur cession.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à l'intégralité de la demande de M. A.... Par conséquent, sa requête doit être rejetée.


Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.

Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille

La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT039792



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