CAA de PARIS, 3ème chambre, 23/03/2021, 20PA03556, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1913541 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2020, Mme D..., représentée par
Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an mention " vie privée et familiale " dans le délai quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Mme D... soutient que :
- le signataire du refus de délivrance du certificat de résidence ne justifie pas de sa compétence ;
- le préfet ne pouvait se fonder sur l'absence de communauté de vie pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français dès lors que cette condition n'est pas prévue pour une première délivrance par les stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- ce refus de délivrance du titre porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garantie par le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
- l'obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est dépourvue de base légale, le refus de délivrance du certificat de résidence étant entaché d'illégalité ;
- elle méconnait les stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du
27 décembre 1968 ;
- la décision fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale, l'obligation de quitter le territoire français étant entachée d'illégalité ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 octobre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à Mme D..., épouse de M. E..., le certificat de résidence d'Algérien d'un an qu'elle avait sollicité pour la première fois en sa qualité de conjointe de français au motif que la communauté de vie n'était pas justifiée, et il lui a fait obligation de quitter le territoire.
Mme D... relève appel du jugement du 4 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Ces stipulations ne font pas obstacle à ce que le préfet, s'il est établi de façon certaine que le mariage d'un ressortissant étranger avec un conjoint de nationalité française a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, fasse échec à cette fraude. Si l'existence d'une communauté de vie entre les époux ne conditionne pas la délivrance du premier certificat de résidence d'un an aux ressortissants algériens, l'étranger doit toutefois être entré régulièrement sur le territoire français.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a épousé le 22 mai 2017
M. E..., ressortissant français, à la mairie d'Elbeuf-sur-Seine en Seine-Maritime. Elle est ensuite retournée en Algérie pour revenir régulièrement en France le 30 septembre 2017 munie d'un visa " famille de français " délivré à Alger le 20 aout 2017. Elle a sollicité pour la première fois un certificat de résidence d'Algérien d'un an en qualité de conjoint de français auprès de la préfecture de la Seine-Maritime qui lui en a délivré un récépissé le 12 avril 2018, puis, après la rupture de la vie commune consécutive à une dispute avec son époux, auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, département de sa nouvelle résidence, qui en a également délivré récépissé le 10 janvier 2019. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, la requérante satisfaisait aux conditions posées pour la délivrance d'un premier titre de séjour d'un an qu'elle sollicitait. Les stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ne subordonnent pas, en effet, la délivrance du premier titre à l'existence d'une vie commune, cette condition n'étant exigée que pour son renouvellement. Le préfet de la Seine-Saint-Denis ne démontre ni même n'allègue que le mariage n'aurait été organisé qu'en vue de permettre l'obtention par Mme D... d'un titre de séjour. Dès lors, en refusant de délivrer à
Mme D... le titre de séjour sollicité au motif que la communauté de vie affective et matérielle avec son époux n'était pas justifiée, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. L'exécution du présent arrêt, eu égard au motif retenu, implique la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.


Sur les frais de l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




DECIDE :



Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 novembre 2020 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme D... un certificat de résidence d'Algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme D... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. C..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
L'assesseur le plus ancien,





M-D. JAYER Le président de la formation de jugement,
président-rapporteur,





Ch. C... Le rapporteur,
Ch. C...Le président,
M. C...
Le greffier,


A. DUCHER
Le greffier,
A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 20PA03556



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