CAA de NANCY, 4ème chambre, 16/03/2021, 20NC00531, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 4ème chambre, 16/03/2021, 20NC00531, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 4ème chambre
- N° 20NC00531
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
16 mars 2021
- Président
- Mme GHISU-DEPARIS
- Rapporteur
- Mme Christine GRENIER
- Avocat(s)
- RICHARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... et M. H... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de constater l'irrégularité de l'emprise résultant de la présence d'un transformateur électrique sur le terrain dont ils sont propriétaires sur le territoire de la commune d'Errouville et d'enjoindre à ERDF de démolir ou de déplacer ce transformateur. Ils ont également demandé l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'implantation irrégulière de cet ouvrage à hauteur de 5 000 euros.
Par un jugement n° 1600206 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy a déclaré l'emprise irrégulière et a enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur dans un délai de six mois, sauf à conclure une convention avec M. et Mme A... en vue d'établir une servitude.
Par un arrêt n° 17NC01858 du 19 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement en tant qu'il a enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur dans un délai de six mois.
Par une décision n° 425743 du 28 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 juillet 2017, 5 février 2018, 16 avril et 1er décembre 2020, la société Enedis, représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
avant cassation :
- il n'est pas établi que la convention d'occupation du terrain conclue le 11 septembre 1986 ne l'a pas été avec le véritable propriétaire de la parcelle ;
- l'action de M. et Mme A... était prescrite ;
- M. et Mme A... connaissaient l'existence de l'ouvrage lors de l'acquisition de la parcelle et leur inaction vaut acceptation tacite de l'ouvrage ;
- le déplacement du transformateur priverait d'électricité de nombreux usagers et comporterait ainsi des inconvénients excessifs au regard de l'impossibilité pour les époux A... d'utiliser une surface de 20 m² sur un terrain de 1 622 m² ;
après cassation :
- les époux A... n'apportent pas la preuve du caractère irrégulier de la convention du 11 septembre 1986 ;
- le déplacement du transformateur porterait une atteinte excessive à l'intérêt général, alors qu'une clôture de 130 mètres suffirait à mettre un terme aux nuisances alléguées par M. et Mme A... ;
- les préjudices allégués par M. et Mme A... ne sont pas établis ;
- la demande qu'ils présentent à titre subsidiaire est disproportionnée ;
- elle a proposé de prendre en charge le coût de la construction d'une clôture qui permettrait de mettre un terme au trouble de jouissance allégué par M. et Mme A....
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 novembre 2017 et 17 novembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me G..., concluent, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- à titre principal, à la condamnation de la société Enedis à leur verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l'emprise irrégulière du transformateur ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Enedis à leur verser une somme de 48 300 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice qui résulterait du maintien de l'ouvrage sur leur propriété en cas d'atteinte excessive à l'intérêt général résultant de son déplacement ;
3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
avant cassation :
- il y a emprise irrégulière dès lors que la convention de 1986 instaurant une servitude n'a pas été signée par le propriétaire du terrain ;
- la prescription trentenaire ne peut leur être opposée, le transformateur ayant été implanté en vertu de la convention du 11 septembre 1986 ;
- il n'est pas établi que la demande d'enlèvement du transformateur porterait atteinte à la distribution de l'électricité ;
après cassation :
- la société ENEDIS n'apporte aucun élément de nature à établir qu'une régularisation appropriée serait possible ;
- ils subissent un préjudice d'agrément et de jouissance qui n'a pas été exactement apprécié par le tribunal ;
- ils peuvent prétendre à l'indemnisation des préjudices qu'ils subiraient en cas de rejet de leur demande de déplacement de l'ouvrage à hauteur de 48 300 euros.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions indemnitaires présentées par la voie de l'appel incident par M. et Mme A..., doivent être regardées comme nouvelles en appel et par suite, irrecevables, dès lors que la décision n° 425743 du 28 février 2020 du Conseil d'Etat ne portait que sur les conclusions à fin d'injonction.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55% par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'énergie ;
- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;
- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ;
- la loi n° 91-647 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me I... pour la société Enedis et de Me F..., substituant Me G... pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'acquisition, le 18 octobre 2010, d'une parcelle cadastrée section AC n° 63 non construite sur le territoire de la commune d'Errouville pour y bâtir une maison d'habitation. Un transformateur y était implanté. Le 13 mars 2015, M. et Mme A... ont demandé à la société ERDF, aux droits de laquelle vient la société ENEDIS, de déplacer ce transformateur. Le silence gardé par la société ERDF sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy a déclaré l'emprise irrégulière, a enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur dans un délai de six mois sauf à conclure une convention avec M. et Mme A... et a condamné la société ENEDIS à leur verser une somme de 500 euros en réparation de leurs préjudices. Par un arrêt du 19 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement en tant qu'il enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur. Par une décision du 28 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur l'exception de prescription :
2. Aux termes de l'article 2227 du code civil : " Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Selon l'article 2228 du même code : " La prescription se compte par jours, et non par heures. ". L'article 2229 du même code énonce que : " Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ".
3. Il résulte de l'instruction qu'alors même que, dans un courrier du 9 avril 2013, le maire de la commune d'Errouville relève que le transformateur apparaît sur un plan de 1973 ayant servi de base pour le transfert à la commune des biens d'un particulier et la vente à un tiers d'immeubles, les énonciations de ce courrier sont trop imprécises pour établir avec certitude que le transformateur litigieux était implanté sur la parcelle acquise en 2010 par M. et Mme A.... Le plan cadastral pour l'année 1985, produit par la société ENEDIS, qui fait apparaître le transformateur sur la parcelle cadastrée section AC n°63, ne permet pas davantage de connaître la date d'implantation de l'ouvrage sur cette parcelle. En revanche, la société EDF a conclu avec M. B..., se déclarant propriétaire de la parcelle cadastrée section AC n° 63, une convention, le 11 septembre 1986, l'autorisant à implanter un transformateur sur ce terrain. En conséquence, la demande de M. et Mme A..., enregistrée au greffe du tribunal le 7 janvier 2016, n'était pas prescrite.
Sur la régularité de l'emprise :
4. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
5. Aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie, reprenant les dispositions du premier et du deuxième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative (...) ". Selon l'article L. 323-4 du même code, reprenant les dispositions du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements. / La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments (...) ". L'article 1er du décret du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique énonce que : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. / Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet, qu'elle intervienne en prévision de la déclaration d'utilité publique des travaux ou après cette déclaration, ou, en l'absence de déclaration d'utilité publique, par application de l'article 298 de la loi du 13 juillet 1925 susvisée. ".
6. Il résulte de la combinaison des dispositions mentionnées au point précédent que les servitudes mentionnées par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, codifié aux articles L. 323-3 et suivants du code de l'énergie, ne peuvent être instituées qu'après l'enquête publique prévue par l'article 52 du décret du 29 juillet 1927 par une déclaration d'utilité publique ou par la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967.
7. Il résulte de l'instruction que, le 11 septembre 1986, la société EDF a conclu avec M. B..., se déclarant propriétaire de la parcelle cadastrée section AC n° 63, une convention l'autorisant à implanter un transformateur sur ce terrain, qui a été enregistrée à la recette des impôts de Briey le 9 octobre 1986. Cependant, le relevé hypothécaire de cette parcelle produit par M. et Mme A... indique que ce terrain a été acquis par M. D... en décembre 1983, sans mentionner de cession avant 1986. La société ENEDIS n'apporte aucun élément tendant à démontrer que M. B... aurait eu la qualité de propriétaire de la parcelle en litige. Par un courrier du 30 mai 2014 adressé à M. et Mme A..., la société ERDF a d'ailleurs relevé qu'après " avoir procédé à un réexamen complet " du dossier, " M. B... n'a jamais été propriétaire du terrain AC n°63 ", alors même qu'il a déclaré l'être par la convention du 11 septembre 1986 qu'il a signée. Par suite, il résulte de l'instruction que la convention du 11 septembre 1986 ne peut être regardée comme ayant été signée par le propriétaire du terrain d'implantation du transformateur.
8. Il suit de là qu'en l'absence de déclaration d'utilité publique ou de la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967, le transformateur litigieux ne peut être regardé comme ayant été implanté régulièrement sur la parcelle cadastrée section AC n°63.
9. La double circonstance que M. et Mme A... et les propriétaires précédents ont acquis le terrain en toute connaissance de cause ne peut valoir acceptation de l'emprise.
10. Il résulte de ce qui précède que la société ENEDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a jugé que l'emprise du transformateur appartenant à la société ENEDIS était irrégulière.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
En ce qui concerne la régularisation de l'implantation de l'ouvrage litigieux :
11. Ainsi qu'il est dit au point 4, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, lorsque l'ouvrage est irrégulièrement implanté, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible. Le juge ne peut déduire le caractère régularisable d'un ouvrage public irrégulièrement implanté, qui fait obstacle à ce que soit ordonnée sa démolition, de la seule possibilité pour son propriétaire, compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à l'ouvrage en cause, de le faire déclarer d'utilité publique et d'obtenir ainsi la propriété de son terrain d'assiette par voie d'expropriation, mais est tenu de rechercher si une procédure d'expropriation avait été envisagée et était susceptible d'aboutir.
12. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même soutenu que la société ENEDIS a envisagé de recourir à une procédure d'expropriation. Il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'elle a proposé aux époux A... de conclure une convention en vue d'établir une servitude en exécution de l'article 2 du jugement attaqué. En outre, la proposition adressée le 29 septembre 2017 par la société ENEDIS à M. et Mme A... de rachat d'une superficie de 22 à 24 m² de leur terrain au prix de 2 500 euros, a été refusée par ces derniers ainsi qu'ils l'ont confirmé à la cour par un courrier du 29 mars 2018.
13. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction qu'une régularisation appropriée de l'implantation du transformateur litigieux soit possible.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'enlèvement du transformateur :
14. La société ENEDIS fait valoir, que le transformateur litigieux dessert 156 usagers en électricité, dont 4 résidences secondaires. Elle précise que cet ouvrage est également alimenté par six producteurs locaux. Il résulte également de l'instruction que le coût total qui résulterait de la démolition du transformateur et de la remise en état du terrain, de son déplacement et de l'installation d'un nouveau transformateur serait de 72 368,48 euros toutes taxes comprises. La requérante n'établit pas que ce coût, au regard de l'irrégularité de l'emprise, serait excessif. Si la société ENEDIS invoque également la complexité des procédures administratives, sans le démontrer au demeurant, et fait valoir que les travaux auraient une durée de trois mois et génèreraient des coupures d'électricité préjudiciables aux usagers, elle n'établit ni la durée, ni l'importance de ces coupures d'électricité, ni même que l'ensemble des travaux nécessaires aurait une incidence sur la continuité du service public, alors qu'ils comprennent notamment la construction d'un nouveau bâtiment ce qui n'a aucun impact sur les usagers. La société ENEDIS ne fait pas non plus état de difficultés techniques ou d'un autre motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle au déplacement de cet ouvrage.
15. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que le transformateur occupe une petite partie du terrain et que M. et Mme A... n'établissent pas l'impossibilité d'installer une clôture autour de ce bâtiment, il est toutefois constant qu'ils subissent un préjudice d'agrément, notamment visuel, en raison de la présence de cet ouvrage implanté irrégulièrement à proximité immédiate de leur maison d'habitation.
16. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, au regard des désagréments résultant de l'implantation irrégulière de l'ouvrage et du caractère insuffisant des éléments apportés par la société ENEDIS quant aux inconvénients de son transfert, le déplacement du transformateur ne saurait être regardé comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général.
17. Par suite, la société ENEDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy lui a enjoint de déplacer le transformateur dans un délai de six mois, sauf à conclure, dans ce délai, une convention avec M. et Mme A... en vue d'établir une servitude.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par la voie de l'appel incident par M. et Mme A... :
18. En premier lieu, M. et Mme A... invoquent la perte de jouissance d'une superficie de 22 à 24 m² en raison de l'emprise du transformateur. Il résulte cependant de l'instruction qu'ils n'ont jamais eu la jouissance de cette partie de leur terrain, dès lors que le transformateur était déjà implanté lorsqu'ils ont acquis la parcelle cadastrée section AC n°63. Ils ne sont, en conséquence, pas fondés à demander l'indemnisation d'un préjudice de perte de jouissance.
19. En deuxième lieu, la réalité des nuisances sonores et du sifflement provenant du transformateur litigieux n'est pas établie. M. et Mme A... n'établissent pas davantage que les troubles anxio-dépressifs de Mme A... auraient pour origine le transformateur litigieux. Le certificat médical du 6 avril 2018 se borne, à cet égard, à reproduire les allégations de l'intéressée. Par suite, la demande de M. et Mme A... tendant à l'indemnisation des nuisances sonores résultant de la présence du transformateur doit être rejetée.
20. En troisième lieu, si M. et Mme A... subissent effectivement un préjudice d'agrément visuel résultant de l'implantation de cet ouvrage sur leur terrain, il ne résulte pas de l'instruction qu'en leur accordant une somme de 500 euros, le tribunal aurait fait une inexacte appréciation du préjudice qu'ils subissent.
21. En dernier lieu, la réalité de la perte de la valeur vénale du terrain appartenant à M. et Mme A... en raison de la présence du transformateur litigieux n'est pas établie dès lors que ce dernier était construit lors de l'acquisition de la parcelle.
22. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions de M. et Mme A... tendant à être indemnisés à hauteur de 5 000 euros en raison des préjudices qu'ils ont subis du fait de la présence du transformateur appartenant à la société Enedis doivent être rejetées.
En ce qui concerne la demande présentée par M. et Mme A... tendant à la condamnation de la société ENEDIS à leur verser des dommages et intérêts en raison d'un appel abusif :
23. L'appel de la société ENEDIS ne présente pas de caractère abusif. Par suite, les conclusions de M. et Mme A... tendant à ce qu'une somme de 3 000 euros leur soit versée à titre de dommages et intérêts pour ce motif ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties principalement perdantes, le versement de la somme que la société ENEDIS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
25. M. et Mme A... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle le 14 mai 2020. Ils n'allèguent pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. D'autre part, l'avocat de M. et Mme A... n'a pas demandé que lui soit versée par la cour la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ces derniers n'avaient bénéficié de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de la société ENEDIS le remboursement à M. et Mme A... de la part des frais exposés par eux, non compris dans les dépens et laissés à leur charge par le bureau d'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société ENEDIS est rejetée.
Article 2 : La société ENEDIS paiera à M. et Mme A... la part des frais exposés par eux, non compris dans les dépens et laissés à leur charge par le bureau d'aide juridictionnelle.
Article 3 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. et Mme A... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ENEDIS, à M. H... A... et à Mme C... A....
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N° 20NC00531
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... et M. H... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de constater l'irrégularité de l'emprise résultant de la présence d'un transformateur électrique sur le terrain dont ils sont propriétaires sur le territoire de la commune d'Errouville et d'enjoindre à ERDF de démolir ou de déplacer ce transformateur. Ils ont également demandé l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'implantation irrégulière de cet ouvrage à hauteur de 5 000 euros.
Par un jugement n° 1600206 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy a déclaré l'emprise irrégulière et a enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur dans un délai de six mois, sauf à conclure une convention avec M. et Mme A... en vue d'établir une servitude.
Par un arrêt n° 17NC01858 du 19 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement en tant qu'il a enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur dans un délai de six mois.
Par une décision n° 425743 du 28 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 juillet 2017, 5 février 2018, 16 avril et 1er décembre 2020, la société Enedis, représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
avant cassation :
- il n'est pas établi que la convention d'occupation du terrain conclue le 11 septembre 1986 ne l'a pas été avec le véritable propriétaire de la parcelle ;
- l'action de M. et Mme A... était prescrite ;
- M. et Mme A... connaissaient l'existence de l'ouvrage lors de l'acquisition de la parcelle et leur inaction vaut acceptation tacite de l'ouvrage ;
- le déplacement du transformateur priverait d'électricité de nombreux usagers et comporterait ainsi des inconvénients excessifs au regard de l'impossibilité pour les époux A... d'utiliser une surface de 20 m² sur un terrain de 1 622 m² ;
après cassation :
- les époux A... n'apportent pas la preuve du caractère irrégulier de la convention du 11 septembre 1986 ;
- le déplacement du transformateur porterait une atteinte excessive à l'intérêt général, alors qu'une clôture de 130 mètres suffirait à mettre un terme aux nuisances alléguées par M. et Mme A... ;
- les préjudices allégués par M. et Mme A... ne sont pas établis ;
- la demande qu'ils présentent à titre subsidiaire est disproportionnée ;
- elle a proposé de prendre en charge le coût de la construction d'une clôture qui permettrait de mettre un terme au trouble de jouissance allégué par M. et Mme A....
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 novembre 2017 et 17 novembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me G..., concluent, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- à titre principal, à la condamnation de la société Enedis à leur verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l'emprise irrégulière du transformateur ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Enedis à leur verser une somme de 48 300 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice qui résulterait du maintien de l'ouvrage sur leur propriété en cas d'atteinte excessive à l'intérêt général résultant de son déplacement ;
3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
avant cassation :
- il y a emprise irrégulière dès lors que la convention de 1986 instaurant une servitude n'a pas été signée par le propriétaire du terrain ;
- la prescription trentenaire ne peut leur être opposée, le transformateur ayant été implanté en vertu de la convention du 11 septembre 1986 ;
- il n'est pas établi que la demande d'enlèvement du transformateur porterait atteinte à la distribution de l'électricité ;
après cassation :
- la société ENEDIS n'apporte aucun élément de nature à établir qu'une régularisation appropriée serait possible ;
- ils subissent un préjudice d'agrément et de jouissance qui n'a pas été exactement apprécié par le tribunal ;
- ils peuvent prétendre à l'indemnisation des préjudices qu'ils subiraient en cas de rejet de leur demande de déplacement de l'ouvrage à hauteur de 48 300 euros.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions indemnitaires présentées par la voie de l'appel incident par M. et Mme A..., doivent être regardées comme nouvelles en appel et par suite, irrecevables, dès lors que la décision n° 425743 du 28 février 2020 du Conseil d'Etat ne portait que sur les conclusions à fin d'injonction.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55% par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'énergie ;
- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;
- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ;
- la loi n° 91-647 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me I... pour la société Enedis et de Me F..., substituant Me G... pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'acquisition, le 18 octobre 2010, d'une parcelle cadastrée section AC n° 63 non construite sur le territoire de la commune d'Errouville pour y bâtir une maison d'habitation. Un transformateur y était implanté. Le 13 mars 2015, M. et Mme A... ont demandé à la société ERDF, aux droits de laquelle vient la société ENEDIS, de déplacer ce transformateur. Le silence gardé par la société ERDF sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy a déclaré l'emprise irrégulière, a enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur dans un délai de six mois sauf à conclure une convention avec M. et Mme A... et a condamné la société ENEDIS à leur verser une somme de 500 euros en réparation de leurs préjudices. Par un arrêt du 19 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement en tant qu'il enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur. Par une décision du 28 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur l'exception de prescription :
2. Aux termes de l'article 2227 du code civil : " Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Selon l'article 2228 du même code : " La prescription se compte par jours, et non par heures. ". L'article 2229 du même code énonce que : " Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ".
3. Il résulte de l'instruction qu'alors même que, dans un courrier du 9 avril 2013, le maire de la commune d'Errouville relève que le transformateur apparaît sur un plan de 1973 ayant servi de base pour le transfert à la commune des biens d'un particulier et la vente à un tiers d'immeubles, les énonciations de ce courrier sont trop imprécises pour établir avec certitude que le transformateur litigieux était implanté sur la parcelle acquise en 2010 par M. et Mme A.... Le plan cadastral pour l'année 1985, produit par la société ENEDIS, qui fait apparaître le transformateur sur la parcelle cadastrée section AC n°63, ne permet pas davantage de connaître la date d'implantation de l'ouvrage sur cette parcelle. En revanche, la société EDF a conclu avec M. B..., se déclarant propriétaire de la parcelle cadastrée section AC n° 63, une convention, le 11 septembre 1986, l'autorisant à implanter un transformateur sur ce terrain. En conséquence, la demande de M. et Mme A..., enregistrée au greffe du tribunal le 7 janvier 2016, n'était pas prescrite.
Sur la régularité de l'emprise :
4. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
5. Aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie, reprenant les dispositions du premier et du deuxième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative (...) ". Selon l'article L. 323-4 du même code, reprenant les dispositions du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements. / La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments (...) ". L'article 1er du décret du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique énonce que : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. / Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet, qu'elle intervienne en prévision de la déclaration d'utilité publique des travaux ou après cette déclaration, ou, en l'absence de déclaration d'utilité publique, par application de l'article 298 de la loi du 13 juillet 1925 susvisée. ".
6. Il résulte de la combinaison des dispositions mentionnées au point précédent que les servitudes mentionnées par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, codifié aux articles L. 323-3 et suivants du code de l'énergie, ne peuvent être instituées qu'après l'enquête publique prévue par l'article 52 du décret du 29 juillet 1927 par une déclaration d'utilité publique ou par la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967.
7. Il résulte de l'instruction que, le 11 septembre 1986, la société EDF a conclu avec M. B..., se déclarant propriétaire de la parcelle cadastrée section AC n° 63, une convention l'autorisant à implanter un transformateur sur ce terrain, qui a été enregistrée à la recette des impôts de Briey le 9 octobre 1986. Cependant, le relevé hypothécaire de cette parcelle produit par M. et Mme A... indique que ce terrain a été acquis par M. D... en décembre 1983, sans mentionner de cession avant 1986. La société ENEDIS n'apporte aucun élément tendant à démontrer que M. B... aurait eu la qualité de propriétaire de la parcelle en litige. Par un courrier du 30 mai 2014 adressé à M. et Mme A..., la société ERDF a d'ailleurs relevé qu'après " avoir procédé à un réexamen complet " du dossier, " M. B... n'a jamais été propriétaire du terrain AC n°63 ", alors même qu'il a déclaré l'être par la convention du 11 septembre 1986 qu'il a signée. Par suite, il résulte de l'instruction que la convention du 11 septembre 1986 ne peut être regardée comme ayant été signée par le propriétaire du terrain d'implantation du transformateur.
8. Il suit de là qu'en l'absence de déclaration d'utilité publique ou de la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967, le transformateur litigieux ne peut être regardé comme ayant été implanté régulièrement sur la parcelle cadastrée section AC n°63.
9. La double circonstance que M. et Mme A... et les propriétaires précédents ont acquis le terrain en toute connaissance de cause ne peut valoir acceptation de l'emprise.
10. Il résulte de ce qui précède que la société ENEDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a jugé que l'emprise du transformateur appartenant à la société ENEDIS était irrégulière.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
En ce qui concerne la régularisation de l'implantation de l'ouvrage litigieux :
11. Ainsi qu'il est dit au point 4, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, lorsque l'ouvrage est irrégulièrement implanté, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible. Le juge ne peut déduire le caractère régularisable d'un ouvrage public irrégulièrement implanté, qui fait obstacle à ce que soit ordonnée sa démolition, de la seule possibilité pour son propriétaire, compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à l'ouvrage en cause, de le faire déclarer d'utilité publique et d'obtenir ainsi la propriété de son terrain d'assiette par voie d'expropriation, mais est tenu de rechercher si une procédure d'expropriation avait été envisagée et était susceptible d'aboutir.
12. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même soutenu que la société ENEDIS a envisagé de recourir à une procédure d'expropriation. Il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'elle a proposé aux époux A... de conclure une convention en vue d'établir une servitude en exécution de l'article 2 du jugement attaqué. En outre, la proposition adressée le 29 septembre 2017 par la société ENEDIS à M. et Mme A... de rachat d'une superficie de 22 à 24 m² de leur terrain au prix de 2 500 euros, a été refusée par ces derniers ainsi qu'ils l'ont confirmé à la cour par un courrier du 29 mars 2018.
13. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction qu'une régularisation appropriée de l'implantation du transformateur litigieux soit possible.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'enlèvement du transformateur :
14. La société ENEDIS fait valoir, que le transformateur litigieux dessert 156 usagers en électricité, dont 4 résidences secondaires. Elle précise que cet ouvrage est également alimenté par six producteurs locaux. Il résulte également de l'instruction que le coût total qui résulterait de la démolition du transformateur et de la remise en état du terrain, de son déplacement et de l'installation d'un nouveau transformateur serait de 72 368,48 euros toutes taxes comprises. La requérante n'établit pas que ce coût, au regard de l'irrégularité de l'emprise, serait excessif. Si la société ENEDIS invoque également la complexité des procédures administratives, sans le démontrer au demeurant, et fait valoir que les travaux auraient une durée de trois mois et génèreraient des coupures d'électricité préjudiciables aux usagers, elle n'établit ni la durée, ni l'importance de ces coupures d'électricité, ni même que l'ensemble des travaux nécessaires aurait une incidence sur la continuité du service public, alors qu'ils comprennent notamment la construction d'un nouveau bâtiment ce qui n'a aucun impact sur les usagers. La société ENEDIS ne fait pas non plus état de difficultés techniques ou d'un autre motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle au déplacement de cet ouvrage.
15. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que le transformateur occupe une petite partie du terrain et que M. et Mme A... n'établissent pas l'impossibilité d'installer une clôture autour de ce bâtiment, il est toutefois constant qu'ils subissent un préjudice d'agrément, notamment visuel, en raison de la présence de cet ouvrage implanté irrégulièrement à proximité immédiate de leur maison d'habitation.
16. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, au regard des désagréments résultant de l'implantation irrégulière de l'ouvrage et du caractère insuffisant des éléments apportés par la société ENEDIS quant aux inconvénients de son transfert, le déplacement du transformateur ne saurait être regardé comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général.
17. Par suite, la société ENEDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy lui a enjoint de déplacer le transformateur dans un délai de six mois, sauf à conclure, dans ce délai, une convention avec M. et Mme A... en vue d'établir une servitude.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par la voie de l'appel incident par M. et Mme A... :
18. En premier lieu, M. et Mme A... invoquent la perte de jouissance d'une superficie de 22 à 24 m² en raison de l'emprise du transformateur. Il résulte cependant de l'instruction qu'ils n'ont jamais eu la jouissance de cette partie de leur terrain, dès lors que le transformateur était déjà implanté lorsqu'ils ont acquis la parcelle cadastrée section AC n°63. Ils ne sont, en conséquence, pas fondés à demander l'indemnisation d'un préjudice de perte de jouissance.
19. En deuxième lieu, la réalité des nuisances sonores et du sifflement provenant du transformateur litigieux n'est pas établie. M. et Mme A... n'établissent pas davantage que les troubles anxio-dépressifs de Mme A... auraient pour origine le transformateur litigieux. Le certificat médical du 6 avril 2018 se borne, à cet égard, à reproduire les allégations de l'intéressée. Par suite, la demande de M. et Mme A... tendant à l'indemnisation des nuisances sonores résultant de la présence du transformateur doit être rejetée.
20. En troisième lieu, si M. et Mme A... subissent effectivement un préjudice d'agrément visuel résultant de l'implantation de cet ouvrage sur leur terrain, il ne résulte pas de l'instruction qu'en leur accordant une somme de 500 euros, le tribunal aurait fait une inexacte appréciation du préjudice qu'ils subissent.
21. En dernier lieu, la réalité de la perte de la valeur vénale du terrain appartenant à M. et Mme A... en raison de la présence du transformateur litigieux n'est pas établie dès lors que ce dernier était construit lors de l'acquisition de la parcelle.
22. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions de M. et Mme A... tendant à être indemnisés à hauteur de 5 000 euros en raison des préjudices qu'ils ont subis du fait de la présence du transformateur appartenant à la société Enedis doivent être rejetées.
En ce qui concerne la demande présentée par M. et Mme A... tendant à la condamnation de la société ENEDIS à leur verser des dommages et intérêts en raison d'un appel abusif :
23. L'appel de la société ENEDIS ne présente pas de caractère abusif. Par suite, les conclusions de M. et Mme A... tendant à ce qu'une somme de 3 000 euros leur soit versée à titre de dommages et intérêts pour ce motif ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties principalement perdantes, le versement de la somme que la société ENEDIS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
25. M. et Mme A... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle le 14 mai 2020. Ils n'allèguent pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. D'autre part, l'avocat de M. et Mme A... n'a pas demandé que lui soit versée par la cour la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ces derniers n'avaient bénéficié de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de la société ENEDIS le remboursement à M. et Mme A... de la part des frais exposés par eux, non compris dans les dépens et laissés à leur charge par le bureau d'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société ENEDIS est rejetée.
Article 2 : La société ENEDIS paiera à M. et Mme A... la part des frais exposés par eux, non compris dans les dépens et laissés à leur charge par le bureau d'aide juridictionnelle.
Article 3 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. et Mme A... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ENEDIS, à M. H... A... et à Mme C... A....
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N° 20NC00531