CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 04/12/2020, 19MA04299 - 19MA05077, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 04/12/2020, 19MA04299 - 19MA05077, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 5ème chambre
- N° 19MA04299 - 19MA05077
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
04 décembre 2020
- Président
- M. BOCQUET
- Rapporteur
- M. Sylvain MERENNE
- Avocat(s)
- AD CONSEIL AVOCAT ; AD CONSEIL AVOCAT ; RICHARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange, ainsi qu'aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 de la fonction publique hospitalière du département de Vaucluse.
Par un jugement nos 1900571, 1901710 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses protestations.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2019 sous le numéro 19MA04299, le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 2, 5, 6, 7, 8 et 9 du centre hospitalier d'Orange, ainsi qu'à la commission consultative paritaire et aux commissions administratives paritaires nos 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 de la fonction publique hospitalière du département de Vaucluse ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Orange la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions sont recevables ;
- le secrétaire général du syndicat FO a tenu des propos injurieux et diffamatoires envers ses membres ;
- le syndicat FO a commis des manoeuvres dans la mise en oeuvre du vote par correspondance, qui ont porté atteinte au secret et au caractère personnel du vote ;
- les signatures sur les enveloppes du vote par correspondance étaient douteuses ;
- ces éléments sont de nature à altérer la sincérité des scrutins.
Par une intervention, enregistrée le 17 septembre 2019, la fédération nationale CFDT santé-sociaux, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de faire droit aux conclusions de la requête présentée par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Orange la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle se réfère aux moyens exposés dans cette requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2019, le centre hospitalier d'Orange, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse ;
2°) de mettre à la charge du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse et de la fédération nationale CFDT santé sociaux la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la protestation est irrecevable, dès lors qu'elle n'est pas dirigée contre la décision du 12 décembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier a rejeté son recours préalable ;
- les griefs soulevés par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse et la fédération nationale CFDT santé sociaux ne sont pas fondés.
Des observations du syndicat FO du centre hospitalier d'Orange ont été reçues le 19 décembre 2019.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur trois moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'autres élections que celles mentionnées dans le recours préalable, de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel, et de l'irrecevabilité du grief portant sur la nullité de certains suffrages par correspondance.
II.- Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2019 sous le numéro 19MA05077, le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 2, 5, 6, 8 et 9 du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il reprend les conclusions et griefs de la requête enregistrée sous le numéro 19MA04299.
La requête a été communiquée au centre hospitalier d'Orange et au syndicat FO du centre hospitalier d'Orange, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 6 février 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me D..., avocat du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse fait appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses protestations dirigées contre les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange, ainsi qu'aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 de la fonction publique hospitalière du département de Vaucluse.
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19MA04299 et 19MA05077 sont dirigées contre les mêmes élections. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'intervention de la fédération nationale CFDT santé-sociaux :
3. La fédération requérante a intérêt à l'annulation des opérations électorales contestées. Par suite, son intervention est recevable.
Sur les observations présentées par le syndicat FO du centre hospitalier d'Orange :
4. Le syndicat FO du centre hospitalier d'Orange n'a pas présenté ses observations par le ministère d'un avocat conformément à l'article R. 811-7 du code de justice administrative, malgré l'invitation à régulariser qui lui a été adressée. En conséquence, ces observations sont irrecevables.
Sur la recevabilité des conclusions présentées en appel :
En ce qui concerne les commissions administratives paritaires départementales :
5. Les conclusions de la protestation initiale sont dirigées contre des élections des représentants du personnel au sein de plusieurs organismes consultatifs, qui, étant organisés par des autorités distinctes dans des ressorts différents, ne présentent pas entre elles un lien suffisant. Le greffe de la cour a invité le syndicat requérant, qui s'est d'ailleurs conformé à cette demande, à régulariser cette protestation par une requête distincte. Les conclusions dirigées contre les élections aux commissions administratives paritaires départementales ne sont pas recevables en tant qu'elles sont contenues dans les présentes requêtes.
En ce qui concerne la commission consultative paritaire de Vaucluse les commissions administratives paritaires nos 2, 5 et 6 du centre hospitalier d'Orange :
6. Le tribunal administratif, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point en appel, a retenu à juste titre que les protestations initiales du syndicat requérant étaient dirigées contre les élections au comité technique d'établissement du centre hospitalier, et aux commissions administratives paritaires locales et départementales nos 7, 8 et 9. Il suit de là que les conclusions relatives à la commission consultative paritaire de Vaucluse et aux commissions administratives paritaires nos 2, 5 et 6 du centre hospitalier d'Orange sont nouvelles en appel et irrecevables de ce fait.
7. Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse est ainsi seulement recevable à contester, dans le cadre de la présente instance, les élections au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier d'Orange.
8. En ce qui concerne le comité technique d'établissement, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 369 voix et huit sièges de représentants titulaires ; ceux présentés par le syndicat CFDT ont obtenu 102 voix et deux sièges. En ce qui concerne la commission n° 7, où ils étaient seuls à se présenter, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 40 voix et deux sièges. En ce qui concerne la commission n° 8, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 118 voix et deux sièges ; ceux présentés par le syndicat CFDT ont obtenu 11 voix et aucun siège. En ce qui concerne la commission n° 9, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 24 voix et un siège ; ceux présentés par le syndicat CFDT ont obtenu 13 voix et un siège.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les propos injurieux tenus par le secrétaire général de FO :
9. Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse soutient que le 16 novembre 2018, le secrétaire général du syndicat FO du centre hospitalier d'Orange a proféré à plusieurs reprises des insultes à caractère homophobe à l'égard des adhérents de la CFDT lors du passage des agents dans le hall d'entrée de l'hôpital. Le centre hospitalier ne prend pas partie sur la réalité de ces faits. Ceux-ci n'ont pas été contestés par le syndicat FO du centre hospitalier d'Orange, auquel la procédure a été communiquée tant en première instance qu'en appel. Il convient dès lors de les tenir pour établis. De tels propos, à caractère injurieux, excédaient les limites de la polémique électorale. Compte tenu de l'écart de voix séparant les candidats présentés aux différents scrutins, ils n'ont cependant pas été de nature à altérer la sincérité du vote.
En ce qui concerne la validité de l'ensemble des votes par correspondance :
10. Le centre hospitalier d'Orange indique en défense, sans être sérieusement contesté, que la participation électorale est habituellement élevée au sein de l'établissement, et que la place du vote par correspondance dans la fonction publique hospitalière tient à l'organisation du travail des agents concernés. En se bornant à indiquer le taux de participation au scrutin contesté pour le comité technique d'établissement, ainsi que ceux pour certaines commissions administratives paritaires, et la proportion de votes par correspondance, le syndicat requérant n'établit pas en quoi ces taux seraient anormalement élevés et révèleraient ainsi l'existence d'une fraude.
11. L'article 29 du décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 prévoit, pour les élections aux commissions administratives paritaires tant locales que départementales, qu' : " En cas de vote par correspondance, le bulletin de vote est inclus dans une première enveloppe non cachetée vierge de toute inscription. Cette enveloppe est placée dans une seconde enveloppe cachetée, signée par l'agent et portant au recto les mentions du numéro de la commission administrative paritaire départementale ou locale concernée, des noms, prénoms, corps et grade de l'agent électeur. L'ensemble est adressé, dans une troisième enveloppe, par voie postale au directeur de l'établissement et doit parvenir au bureau de vote avant l'heure de la clôture du scrutin. Les bulletins arrivés après cette heure limite sont nuls. / Le directeur de l'établissement tient un registre des votes par correspondance. " L'article R. 6144-60 du code de la santé publique comporte des dispositions analogues pour les élections aux comités techniques d'établissement, mais ne prévoit que deux enveloppes et des indications simplifiées.
12. Le secrétaire général du syndicat FO a notamment donné à ses adhérents, par un courriel du 23 novembre 2018, les consignes suivantes : " si vous êtes en poste [le jour du scrutin], essayez d'accompagner vos collègues au bureau de vote à la pyramide et si ce n'est pas le cas voter (sic) et faites voter par correspondance ", et " n'hésitez pas à récupérer les enveloppes des collègues une fois qu'ils ont voté (quitte à les remplir avec eux) et à les descendre au bureau FO où nous nous chargeons de les poster ".
13. Il résulte des termes mêmes de ce courriel que l'auteur n'a pas entendu inciter les destinataires à récupérer le matériel de vote d'autres électeurs pour réaliser les opérations de vote par correspondance à leur place ou en leur compagnie, comme le soutient le syndicat requérant, mais les a invités à collecter les enveloppes une fois les opérations de vote réalisées par l'électeur concerné. En outre - et alors qu'il n'est pas contesté que l'indication du grade et du numéro de la commission concernée peut présenter des difficultés pour les agents du centre hospitalier -, les destinataires ont été invités à apporter leur aide aux électeurs pour renseigner les rubriques de la seconde enveloppe de chaque scrutin. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ce courriel ne révèle pas une fraude ou une atteinte au secret et au caractère personnel du suffrage.
14. Le fait qu'une assesseure appartenant au syndicat CFDT a eu l'impression que les envois des enveloppes de vote par correspondance se soient concentrés sur trois jours de la semaine précédant le scrutin ne révèle par lui-même aucune fraude ou manoeuvre.
15. Enfin, si le secrétaire général du syndicat FO a indiqué le jour du scrutin, lors d'une conversation sur le taux de participation subrepticement écoutée par une adhérente de la CFDT, que " deux cents votes par correspondance vont arriver ", alors que les enveloppes de vote par correspondance devaient être récupérées à 15 heures, il résulte de l'instruction que celui-ci était en mesure d'évaluer la proportion de votes par correspondance du fait des actions accomplies dans le cadre de la campagne électorale la semaine précédant le scrutin. Une telle information était en outre accessible par la consultation du registre des votes par correspondance prévu par les dispositions citées au point 11.
En ce qui concerne la validité de certains votes par correspondance :
16. Deux enveloppes de vote par correspondance ont été reçues pour un même électeur. Il résulte de l'instruction que cette circonstance tient à une confusion de l'agent contractuel concerné, l'une des deux enveloppes ayant été adressée en réalité par sa mère. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, elle ne révèle pas une fraude commise par le syndicat FO. L'un des deux bulletins a été décompté par le bureau de vote, alors que les deux enveloppes auraient dues être mises à part et les suffrages correspondants déclarés nuls en application de l'article R. 6144-62 du code de la santé publique. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, une telle irrégularité n'est pas de nature à remettre en cause la sincérité de l'ensemble des opérations électorales. Elle conduit seulement à déduire hypothétiquement une voix du résultat de la liste arrivée en tête au scrutin concerné, à savoir celui relatif au comité technique d'établissement. Cette déduction est sans influence sur le nombre d'élus des syndicats FO et CFDT compte tenu des suffrages qu'ils ont respectivement obtenus.
17. Si le syndicat requérant entend en outre contester l'authenticité de la signature de certaines enveloppes par correspondance, il n'a pas précisé le nom des électeurs concernés avant l'expiration du délai de recours contentieux, et ne le fait d'ailleurs toujours pas dans le cadre de la présente instance. Ce grief est en conséquence irrecevable.
18. Il résulte de ce qui précède que le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses protestations en ce qui concerne la commission technique paritaire et les commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier d'Orange.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse le versement de la somme de 1 500 euros au centre hospitalier d'Orange au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
20. Le centre hospitalier n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse sur le même fondement.
21. La fédération nationale CFDT santé-sociaux, en tant qu'intervenante, n'est pas partie à l'instance. Tant ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que celles dirigées à son encontre par le centre hospitalier d'Orange doivent en conséquence être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la fédération nationale CFDT santé sociaux est admise.
Article 2 : La requête du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse est rejetée.
Article 3 : Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse versera au centre hospitalier d'Orange la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les autres conclusions présentées par l'intervenante et les parties sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse, à la fédération nationale CFDT santé-sociaux, au centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange et au syndicat Force ouvrière du centre hospitalier d'Orange.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 décembre 2020.
7
Nos 19MA04299 - 19MA05077
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange, ainsi qu'aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 de la fonction publique hospitalière du département de Vaucluse.
Par un jugement nos 1900571, 1901710 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses protestations.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2019 sous le numéro 19MA04299, le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 2, 5, 6, 7, 8 et 9 du centre hospitalier d'Orange, ainsi qu'à la commission consultative paritaire et aux commissions administratives paritaires nos 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 de la fonction publique hospitalière du département de Vaucluse ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Orange la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions sont recevables ;
- le secrétaire général du syndicat FO a tenu des propos injurieux et diffamatoires envers ses membres ;
- le syndicat FO a commis des manoeuvres dans la mise en oeuvre du vote par correspondance, qui ont porté atteinte au secret et au caractère personnel du vote ;
- les signatures sur les enveloppes du vote par correspondance étaient douteuses ;
- ces éléments sont de nature à altérer la sincérité des scrutins.
Par une intervention, enregistrée le 17 septembre 2019, la fédération nationale CFDT santé-sociaux, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de faire droit aux conclusions de la requête présentée par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Orange la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle se réfère aux moyens exposés dans cette requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2019, le centre hospitalier d'Orange, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse ;
2°) de mettre à la charge du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse et de la fédération nationale CFDT santé sociaux la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la protestation est irrecevable, dès lors qu'elle n'est pas dirigée contre la décision du 12 décembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier a rejeté son recours préalable ;
- les griefs soulevés par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse et la fédération nationale CFDT santé sociaux ne sont pas fondés.
Des observations du syndicat FO du centre hospitalier d'Orange ont été reçues le 19 décembre 2019.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur trois moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'autres élections que celles mentionnées dans le recours préalable, de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel, et de l'irrecevabilité du grief portant sur la nullité de certains suffrages par correspondance.
II.- Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2019 sous le numéro 19MA05077, le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 2, 5, 6, 8 et 9 du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il reprend les conclusions et griefs de la requête enregistrée sous le numéro 19MA04299.
La requête a été communiquée au centre hospitalier d'Orange et au syndicat FO du centre hospitalier d'Orange, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 6 février 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me D..., avocat du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse fait appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses protestations dirigées contre les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange, ainsi qu'aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 de la fonction publique hospitalière du département de Vaucluse.
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19MA04299 et 19MA05077 sont dirigées contre les mêmes élections. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'intervention de la fédération nationale CFDT santé-sociaux :
3. La fédération requérante a intérêt à l'annulation des opérations électorales contestées. Par suite, son intervention est recevable.
Sur les observations présentées par le syndicat FO du centre hospitalier d'Orange :
4. Le syndicat FO du centre hospitalier d'Orange n'a pas présenté ses observations par le ministère d'un avocat conformément à l'article R. 811-7 du code de justice administrative, malgré l'invitation à régulariser qui lui a été adressée. En conséquence, ces observations sont irrecevables.
Sur la recevabilité des conclusions présentées en appel :
En ce qui concerne les commissions administratives paritaires départementales :
5. Les conclusions de la protestation initiale sont dirigées contre des élections des représentants du personnel au sein de plusieurs organismes consultatifs, qui, étant organisés par des autorités distinctes dans des ressorts différents, ne présentent pas entre elles un lien suffisant. Le greffe de la cour a invité le syndicat requérant, qui s'est d'ailleurs conformé à cette demande, à régulariser cette protestation par une requête distincte. Les conclusions dirigées contre les élections aux commissions administratives paritaires départementales ne sont pas recevables en tant qu'elles sont contenues dans les présentes requêtes.
En ce qui concerne la commission consultative paritaire de Vaucluse les commissions administratives paritaires nos 2, 5 et 6 du centre hospitalier d'Orange :
6. Le tribunal administratif, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point en appel, a retenu à juste titre que les protestations initiales du syndicat requérant étaient dirigées contre les élections au comité technique d'établissement du centre hospitalier, et aux commissions administratives paritaires locales et départementales nos 7, 8 et 9. Il suit de là que les conclusions relatives à la commission consultative paritaire de Vaucluse et aux commissions administratives paritaires nos 2, 5 et 6 du centre hospitalier d'Orange sont nouvelles en appel et irrecevables de ce fait.
7. Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse est ainsi seulement recevable à contester, dans le cadre de la présente instance, les élections au comité technique d'établissement et aux commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier d'Orange.
8. En ce qui concerne le comité technique d'établissement, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 369 voix et huit sièges de représentants titulaires ; ceux présentés par le syndicat CFDT ont obtenu 102 voix et deux sièges. En ce qui concerne la commission n° 7, où ils étaient seuls à se présenter, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 40 voix et deux sièges. En ce qui concerne la commission n° 8, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 118 voix et deux sièges ; ceux présentés par le syndicat CFDT ont obtenu 11 voix et aucun siège. En ce qui concerne la commission n° 9, les candidats présentés par le syndicat FO ont obtenu 24 voix et un siège ; ceux présentés par le syndicat CFDT ont obtenu 13 voix et un siège.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les propos injurieux tenus par le secrétaire général de FO :
9. Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse soutient que le 16 novembre 2018, le secrétaire général du syndicat FO du centre hospitalier d'Orange a proféré à plusieurs reprises des insultes à caractère homophobe à l'égard des adhérents de la CFDT lors du passage des agents dans le hall d'entrée de l'hôpital. Le centre hospitalier ne prend pas partie sur la réalité de ces faits. Ceux-ci n'ont pas été contestés par le syndicat FO du centre hospitalier d'Orange, auquel la procédure a été communiquée tant en première instance qu'en appel. Il convient dès lors de les tenir pour établis. De tels propos, à caractère injurieux, excédaient les limites de la polémique électorale. Compte tenu de l'écart de voix séparant les candidats présentés aux différents scrutins, ils n'ont cependant pas été de nature à altérer la sincérité du vote.
En ce qui concerne la validité de l'ensemble des votes par correspondance :
10. Le centre hospitalier d'Orange indique en défense, sans être sérieusement contesté, que la participation électorale est habituellement élevée au sein de l'établissement, et que la place du vote par correspondance dans la fonction publique hospitalière tient à l'organisation du travail des agents concernés. En se bornant à indiquer le taux de participation au scrutin contesté pour le comité technique d'établissement, ainsi que ceux pour certaines commissions administratives paritaires, et la proportion de votes par correspondance, le syndicat requérant n'établit pas en quoi ces taux seraient anormalement élevés et révèleraient ainsi l'existence d'une fraude.
11. L'article 29 du décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 prévoit, pour les élections aux commissions administratives paritaires tant locales que départementales, qu' : " En cas de vote par correspondance, le bulletin de vote est inclus dans une première enveloppe non cachetée vierge de toute inscription. Cette enveloppe est placée dans une seconde enveloppe cachetée, signée par l'agent et portant au recto les mentions du numéro de la commission administrative paritaire départementale ou locale concernée, des noms, prénoms, corps et grade de l'agent électeur. L'ensemble est adressé, dans une troisième enveloppe, par voie postale au directeur de l'établissement et doit parvenir au bureau de vote avant l'heure de la clôture du scrutin. Les bulletins arrivés après cette heure limite sont nuls. / Le directeur de l'établissement tient un registre des votes par correspondance. " L'article R. 6144-60 du code de la santé publique comporte des dispositions analogues pour les élections aux comités techniques d'établissement, mais ne prévoit que deux enveloppes et des indications simplifiées.
12. Le secrétaire général du syndicat FO a notamment donné à ses adhérents, par un courriel du 23 novembre 2018, les consignes suivantes : " si vous êtes en poste [le jour du scrutin], essayez d'accompagner vos collègues au bureau de vote à la pyramide et si ce n'est pas le cas voter (sic) et faites voter par correspondance ", et " n'hésitez pas à récupérer les enveloppes des collègues une fois qu'ils ont voté (quitte à les remplir avec eux) et à les descendre au bureau FO où nous nous chargeons de les poster ".
13. Il résulte des termes mêmes de ce courriel que l'auteur n'a pas entendu inciter les destinataires à récupérer le matériel de vote d'autres électeurs pour réaliser les opérations de vote par correspondance à leur place ou en leur compagnie, comme le soutient le syndicat requérant, mais les a invités à collecter les enveloppes une fois les opérations de vote réalisées par l'électeur concerné. En outre - et alors qu'il n'est pas contesté que l'indication du grade et du numéro de la commission concernée peut présenter des difficultés pour les agents du centre hospitalier -, les destinataires ont été invités à apporter leur aide aux électeurs pour renseigner les rubriques de la seconde enveloppe de chaque scrutin. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ce courriel ne révèle pas une fraude ou une atteinte au secret et au caractère personnel du suffrage.
14. Le fait qu'une assesseure appartenant au syndicat CFDT a eu l'impression que les envois des enveloppes de vote par correspondance se soient concentrés sur trois jours de la semaine précédant le scrutin ne révèle par lui-même aucune fraude ou manoeuvre.
15. Enfin, si le secrétaire général du syndicat FO a indiqué le jour du scrutin, lors d'une conversation sur le taux de participation subrepticement écoutée par une adhérente de la CFDT, que " deux cents votes par correspondance vont arriver ", alors que les enveloppes de vote par correspondance devaient être récupérées à 15 heures, il résulte de l'instruction que celui-ci était en mesure d'évaluer la proportion de votes par correspondance du fait des actions accomplies dans le cadre de la campagne électorale la semaine précédant le scrutin. Une telle information était en outre accessible par la consultation du registre des votes par correspondance prévu par les dispositions citées au point 11.
En ce qui concerne la validité de certains votes par correspondance :
16. Deux enveloppes de vote par correspondance ont été reçues pour un même électeur. Il résulte de l'instruction que cette circonstance tient à une confusion de l'agent contractuel concerné, l'une des deux enveloppes ayant été adressée en réalité par sa mère. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, elle ne révèle pas une fraude commise par le syndicat FO. L'un des deux bulletins a été décompté par le bureau de vote, alors que les deux enveloppes auraient dues être mises à part et les suffrages correspondants déclarés nuls en application de l'article R. 6144-62 du code de la santé publique. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, une telle irrégularité n'est pas de nature à remettre en cause la sincérité de l'ensemble des opérations électorales. Elle conduit seulement à déduire hypothétiquement une voix du résultat de la liste arrivée en tête au scrutin concerné, à savoir celui relatif au comité technique d'établissement. Cette déduction est sans influence sur le nombre d'élus des syndicats FO et CFDT compte tenu des suffrages qu'ils ont respectivement obtenus.
17. Si le syndicat requérant entend en outre contester l'authenticité de la signature de certaines enveloppes par correspondance, il n'a pas précisé le nom des électeurs concernés avant l'expiration du délai de recours contentieux, et ne le fait d'ailleurs toujours pas dans le cadre de la présente instance. Ce grief est en conséquence irrecevable.
18. Il résulte de ce qui précède que le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses protestations en ce qui concerne la commission technique paritaire et les commissions administratives paritaires nos 7, 8 et 9 du centre hospitalier d'Orange.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse le versement de la somme de 1 500 euros au centre hospitalier d'Orange au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
20. Le centre hospitalier n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse sur le même fondement.
21. La fédération nationale CFDT santé-sociaux, en tant qu'intervenante, n'est pas partie à l'instance. Tant ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que celles dirigées à son encontre par le centre hospitalier d'Orange doivent en conséquence être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la fédération nationale CFDT santé sociaux est admise.
Article 2 : La requête du syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse est rejetée.
Article 3 : Le syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse versera au centre hospitalier d'Orange la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les autres conclusions présentées par l'intervenante et les parties sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFDT santé-sociaux de Vaucluse, à la fédération nationale CFDT santé-sociaux, au centre hospitalier Louis Giorgi d'Orange et au syndicat Force ouvrière du centre hospitalier d'Orange.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 décembre 2020.
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Nos 19MA04299 - 19MA05077