CAA de LYON, 2ème chambre, 07/09/2020, 19LY00597, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700319 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 février 2019, le 11 septembre 2019, le 25 février 2020 et le 23 avril 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des seules contributions sociales ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. F... soutient que :
- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable qui ont été adressées à l'EURL Menuiserie Alfa's sont insuffisamment motivées ;
- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable qui lui ont été adressées personnellement sont insuffisamment motivées ;
- l'administration ne démontre pas l'existence d'une surévaluation de la valeur vénale de l'usufruit du bien en litige, ni celle d'une intention libérale des parties ;
- la cession du bien en litige par la SCI Quadra à l'EURL Menuiserie Alfa's et à la SCI du Domeynon ne saurait révéler l'existence d'un acte anormal de gestion commis par l'EURL Menuiserie Alfa's au profit de la SCI du Domeynon ;
- l'administration ne démontre pas l'existence d'un désinvestissement de l'EURL Menuiserie Alfa's au profit de la SCI du Domeynon ;
- les revenus distribués imposés entre les mains des associés de la SCI du Domeynon ne peuvent excéder le montant des suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à l'EURL Menuiserie Alfa's ;
- le montant de la rectification ne pouvait inclure la taxe sur la valeur ajoutée ;
- c'est à tort que l'administration a majoré la base imposable des contributions sociales de 25 %.

Par des mémoires, enregistrés le 6 août 2019 et le 17 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer, à hauteur des sommes dégrevées, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que par décision du 11 juillet 2019, il a prononcé le dégrèvement des contributions sociales à hauteur de la somme de 4 785 euros et que pour le surplus les moyens de la requête ne sont pas fondés.


Vu :
- les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,
- et les observations de Me D..., représentant M. F... ;

Une note en délibéré présentée par M. F... a été enregistrée le 8 juillet 2020.



Considérant ce qui suit :

1. Par acte du 2 mars 2011, l'EURL Menuiserie Alfa's, soumise à l'impôt sur les sociétés, ayant pour objet la réalisation de travaux de menuiserie et d'aménagements extérieurs ainsi que la vente de spas, dont M. F... était le gérant et l'associé unique, et la SCI du Domeynon, soumise au régime des sociétés de personnes de l'article 8 du code général des impôts, ayant pour objet l'acquisition et la gestion d'immeubles, biens et droits immobiliers, dont M. F... et son épouse détenaient chacun la moitié des parts, ont acquis, respectivement, l'usufruit, pour une durée de 12 ans, et la nue-propriété d'un local à usage artisanal appartenant à la SCI Quadra, situé 4 rue Charles Morel à Domène (Isère) moyennant un prix total de 310 960 euros TTC. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EURL Menuiserie Alfa's, l'administration fiscale a estimé que le prix de 310 960 euros qu'elle avait acquitté pour acquérir l'usufruit temporaire excédait de 93 288 euros la valeur de celui-ci et que l'excédent de prix ainsi consenti constituait une libéralité accordée par l'EURL Menuiserie Alfa's à la SCI du Domeynon, nue-propriétaire. En conséquence, M. et Mme F..., en leur qualité d'associés de la SCI du Domeynon, ont été imposés, au titre de l'année 2011, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts à raison des revenus distribués correspondant à la libéralité retenue par l'administration. M. F... relève appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels son épouse et lui ont été assujettis de ce chef au titre de l'année 2011 et des majorations correspondantes.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 11 juillet 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme totale de 4 785 euros, des compléments de contributions sociales auxquels M. F... a été assujetti au titre de l'année 2011 et des majorations correspondantes. Les conclusions de la requête dirigées contre ces impositions et majorations sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales: " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

4. La proposition de rectification du 10 décembre 2014 adressée à M. et Mme F... indique la nature des impôts concernés, les années d'imposition en cause, le montant des rectifications envisagées ainsi que les textes applicables et les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration s'est fondée pour estimer que M. et Mme F... avaient bénéficié, à raison de la surévaluation de la valeur de l'usufruit temporaire du local en litige, d'une libéralité constitutive d'un avantage occulte imposable sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Contrairement à ce que soutient le requérant, la proposition de rectification qui lui a été adressée, qui se réfère expressément à la proposition de rectification du même jour adressée à l'EURL Menuiserie Alfa's, dont les extraits correspondant sont reproduits en annexe, indique avec précision les modalités de détermination de la valeur de l'usufruit, et, notamment, les motifs, tenant à l'état du marché, au secteur géographique concerné, aux travaux effectués par l'usufruitier et à l'évolution du prix constatée entre la construction du bien et sa vente, pour lesquels le vérificateur a retenu, aux fins de procéder au calcul de la valeur de l'usufruit, un taux d'évolution du prix du local de 4 % par an. Par suite, les précisions que comporte la proposition de rectification étaient suffisantes pour éclairer M. et Mme F... et leur permettre de discuter normalement le bien-fondé du redressement en litige, ce qu'ils ont d'ailleurs fait en adressant au service le 6 février 2015 leurs observations, auxquelles il a été répondu le 24 mars suivant. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification ne peut, par suite, qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " L'exigence de motivation qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié en application du dernier alinéa de cet article s'apprécie au regard de l'argumentation de celui-ci. En tout état de cause, l'administration n'est tenue de motiver sa réponse aux observations du contribuable que sur les éléments relatifs au bien-fondé des impositions qui lui ont été notifiées. Ainsi, lorsque le contribuable vérifié ne présente pas d'observations concernant une rectification ou que ses observations ne permettent pas d'en critiquer utilement le bien-fondé, dès lors qu'elles se bornent à contester la régularité de la procédure d'imposition, l'absence de réponse de l'administration sur ce point ne le prive pas de la garantie instaurée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de l'instruction que, dans les observations qu'ils ont formulées le 6 février 2015 à la suite de la notification de la proposition de rectification du 10 décembre 2014, M. et Mme F... ont contesté l'évaluation de la valeur de l'usufruit et de la nue-propriété, et, notamment, le taux d'actualisation de 9 % retenu par l'administration pour le calcul de la valeur de l'usufruit, en précisant que le taux de 5 % qui avait été appliqué par l'EURL Menuiserie Alfa's et la SCI du Domeynon dans l'acte du 2 mars 2011 correspondait au taux de rentabilité constaté par l'ancien propriétaire du bien. Dans la réponse qu'elle a apportée le 24 mars 2015 à ces observations, l'administration a indiqué les raisons pour lesquelles elle a estimé que le taux d'actualisation, qui prend en compte les variations de la valeur locative et de la valeur vénale, ne pouvait être identifié, comme le faisaient les contribuables, au taux de rendement locatif, a rappelé les modalités de calcul du taux d'actualisation et a précisé que ce dernier avait en conséquence été fixé à 11,5 % et non à 9 %. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme ayant exposé avec une précision suffisante les motifs pour lesquels elle a estimé devoir maintenir les rectifications. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable ne peut, par suite, qu'être écarté.

7. En dernier lieu, en raison du principe d'indépendance des procédures de redressement menées à l'encontre de l'EURL Menuiserie Alfa's, d'une part, et de la SCI du Domeynon, d'autre part, les irrégularités de la procédure d'imposition suivie par l'administration à l'encontre de l'EURL pour établir les impositions supplémentaires dont elle a été l'objet, à les supposer établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de M. F.... Par conséquent, les moyens tirés de ce que la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable adressées à l'EURL Menuiserie Alfa's sont insuffisamment motivées doivent être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

8. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

9. En cas d'acquisition par des personnes distinctes de l'usufruit temporaire et de la nue-propriété du même bien immobilier, le caractère délibérément majoré du prix payé pour l'acquisition de l'usufruit temporaire par rapport à la valeur vénale de cet usufruit, sans que cet écart de prix ne comporte pour l'usufruitier de contrepartie, révèle, en ce qu'elle conduit à une minoration à due concurrence du prix acquitté par le nu-propriétaire pour acquérir la nue-propriété par rapport à la valeur vénale de celle-ci, l'existence, au profit du nu-propriétaire, d'une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre les prix convenus et les valeurs vénales respectives de l'usufruit et de la nue-propriété, d'autre part, s'agissant des parties au démembrement du droit de propriété, de l'intention de l'usufruitier d'octroyer, et pour le nu-propriétaire, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de l'acquisition dudit bien.

10. En l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente, l'appréciation de la valeur vénale doit être faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où l'acquisition est intervenue. Dans le cas de l'acquisition d'un bien en démembrement de propriété, constitue une telle méthode d'évaluation celle qui définit des prix de la nue-propriété et de l'usufruit tels qu'ils offrent le même taux de rendement interne de l'investissement pour l'usufruitier et le nu-propriétaire.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, des termes même de l'acte du 2 mars 2011, que l'EURL Menuiserie Alfa's et la SCI du Domeynon ont convenu entre elles, et d'un commun accord, de démembrer la propriété du local qu'elles ont acquis en commun auprès de la SCI Quadra, en attribuant l'usufruit temporaire à l'EURL Menuiserie Alfa's et la nue-propriété à la SCI du Domeynon et en retenant, pour calculer la valeur de l'usufruit, la valeur de la pleine propriété, telle qu'elle résulte du même acte, un loyer théorique équivalent à 9 % de la valeur d'acquisition, sans revalorisation annuelle, et une durée d'usufruit de 12 ans.

12. A défaut d'éléments de comparaison permettant d'évaluer la valeur de l'usufruit en litige, l'administration a utilisé une méthode de valorisation fondée sur la somme actualisée des revenus futurs de l'immeuble. Cette méthode détermine de manière cohérente la valeur vénale de l'usufruit par différence entre la valeur de pleine propriété à la date de l'opération et la valeur actualisée à cette même date de la pleine propriété obtenue à l'extinction de l'usufruit en appliquant un taux d'actualisation égal au taux de rendement de l'investissement immobilier, indépendamment de l'inflation. Pour déterminer ce taux d'actualisation, l'administration a recherché le taux pour lequel la valeur actuelle nette (VAN) du bien, correspondant à la somme de la valeur des flux de revenus futurs et de celle de la pleine propriété future au terme de l'usufruit, de laquelle est retranchée la valeur de la pleine propriété actuelle, est nulle. Pour l'application de cette méthode au cas d'espèce, l'administration s'est fondée sur les données utilisées par l'EURL Menuiserie Alfa's et la SCI du Domeynon pour calculer la valeur de l'usufruit, et notamment, sur le prix d'acquisition du local, la durée de l'usufruit, le montant des loyers bruts potentiels tels qu'ils pouvaient être escomptés à la date de l'acquisition, ainsi que le montant des charges foncières supportées, retenus par les parties. Elle a appliqué une évolution annuelle de 1,5 % au montant des loyers escomptés. Enfin, elle a calculé le taux d'évolution annuel du prix du local qu'elle a estimé à 4 % en se fondant sur la zone géographique d'implantation du bien, situé dans une zone dynamique et recherchée, sa date de construction, récente, les données propres au marché, qui était bien orienté en 2011, en retenant la circonstance que les travaux incombant normalement au nu-propriétaire étaient en l'espèce pris en charge par l'usufruitier et enfin en se fondant sur l'évolution constatée du prix du bien entre sa construction et sa cession, qui était de l'ordre de 4 % par an.

13. En se bornant à faire valoir qu'à la date de la proposition de rectification, le taux d'évolution annuel du prix du local de 4 % était irréaliste et à se prévaloir d'études, établies en 2014 et 2015, du marché immobilier local en 2014, alors qu'il convenait de déterminer la valeur du local au jour de l'acte de cession, le 2 mars 2011, M. F... ne démontre pas que le taux de 4% retenu par le vérificateur, compte tenu des caractéristiques du bien, de celles du marché et de l'évolution du prix de ce même bien constatée au cours des années précédant sa cession, présentait un caractère exagéré au regard des données disponibles à la date de l'opération en litige. L'administration démontre ainsi que la valeur de la pleine propriété future de l'usufruit temporaire s'établit, au terme de douze années, à la somme de 512 000 euros et que le taux d'actualisation s'élève à 11,5 % si bien que la valeur réelle de l'usufruit se limite à la somme de 182 000 euros HT, soit 217 672 euros TTC. La différence entre la valeur de l'usufruit, fixée par l'EURL Menuiserie Alfa's et la SCI du Domeynon le 2 mars 2011 à 260 000 euros HT, soit 310 960 TTC, et la valeur réelle de cet usufruit s'établit ainsi à 93 288 euros, représentant un écart de 42 % entre ces deux valeurs. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant que la valeur de l'usufruit fixée par les parties a été significativement majorée par rapport à sa valeur réelle.

14. Si M. F... fait valoir qu'il était de l'intérêt de l'EURL Menuiserie Alfa's d'obtenir un droit réel sur le bien en cause pour une période de douze ans, supérieure à la durée normale d'un bail commercial et soutient que les loyers escomptés excédaient le prix versé par la société, l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, n'a pas remis en cause l'opportunité pour l'EURL Menuiserie Alfa's d'acquérir l'usufruit du bien en cause mais a uniquement relevé la libéralité qu'elle a accordée en acceptant de verser un prix excessif. Dans ces conditions, le requérant, qui n'établit ni que la société était contrainte d'accepter d'acquérir l'usufruit temporaire du bien à un prix majoré, ni qu'elle aurait bénéficié d'une contrepartie à ce prix excessif, ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise.

15. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que la SCI du Domeynon a bénéficié d'un avantage consistant dans l'écart de prix entre la valeur de l'usufruit, tel que retenu par l'EURL Menuiserie Alfa's et par elle-même, et sa valeur réelle. Il résulte de l'instruction que la cession en cause a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que la valeur de l'usufruit a été déterminée en incluant la taxe. Dans ces conditions, et à supposer même que l'EURL Menuiserie Alfa's aurait par la suite déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant cette cession, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le montant de l'avantage occulte dont il a bénéficié devait être limité à son montant hors taxe.

16. En troisième lieu, pour établir l'intention de l'EURL Menuiserie Alfa's de consentir une libéralité au profit de la SCI du Domeynon, et pour cette dernière de recevoir une telle libéralité, l'administration fait valoir que les deux sociétés ont convenu de consentir l'usufruit du bien en litige à un prix supérieur à sa valeur vénale, que l'écart de prix, équivalent à 42 %, est significatif, que l'EURL Menuiserie Alfa's n'a bénéficié d'aucune contrepartie à raison de cette dépense supplémentaire et indique, sans être contredite, que les deux parties à l'opération de démembrement, qui ont les mêmes associés, M. F..., d'une part, et ce dernier ainsi que son épouse, d'autre part, ont des liens d'intérêts. Dans ces conditions, en l'absence de contrepartie à l'avantage que l'EURL Menuiserie Alfa's a accordé à la SCI du Domeynon, et eu égard à la communauté d'intérêts, non contestée, existant entre ces deux sociétés, l'administration doit être regardée comme établissant que cet avantage s'apparente à une libéralité volontairement consentie et reçue représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices, au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts, imposable entre les mains de M. et Mme F... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

17. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, des termes même de l'acte du 2 mars 2011, que si ce dernier a pour objet la cession, par la SCI Quadra, d'un local artisanal à l'EURL Menuiserie Alfa's et à la SCI du Domeynon, les parties ont également convenu de démembrer la propriété du bien cédé entre les deux acquéreurs, selon des modalités décidées par ces derniers, qui ont eu pour effet de favoriser la SCI du Domeynon au détriment de l'EURL Menuiserie Alfa's. L'administration n'a pas remis en cause l'opération de cession par la SCI Quadra à l'EURL Menuiserie Alfa's et la SCI du Domeynon, et, notamment, le prix de cession du bien. Dans ces conditions, M. F... n'est pas fondé à soutenir que, dès lors que l'opération en litige a uniquement favorisé la SCI Quadra, cette dernière société serait seule imposable à raison de la libéralité constatée.

18. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que, pour imposer la libéralité dont a bénéficié M. F..., l'administration s'est fondée sur les dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement soutenir que l'EURL Menuiserie Alfa's n'a effectué aucun désinvestissement au profit de la SCI du Domeynon.

19. En dernier lieu, M. F... ne peut utilement soutenir que l'administration n'a pas rectifié le bénéfice de l'EURL Menuiserie Alfa's imposable à l'impôt sur les sociétés à raison de l'avantage qu'elle a consenti à la SCI du Domeynon, dès lors que, pour procéder aux redressements en litige, l'administration s'est fondée sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts et non sur celles du 1° du 1 de l'article 109 du même code.

20. Il résulte de ce qui précède, et sous réserve du dégrèvement intervenu en cours d'instance, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. F... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni, en tout état de cause, à celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens.




DECIDE :


Article 1er : A concurrence d'une somme de 4 785 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge du complément de contributions sociales auquel M. F... a été assujetti au titre de l'année 2011 et des majorations correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F... est rejeté.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.



Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 septembre 2020.
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