CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 10/06/2020, 18BX01017, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... I..., veuve K..., et M. B... L...-K... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) Plaine Ariège Garonne à leur verser une somme de 30 000 euros, portant intérêt légal à compter du 19 février 2015, en réparation du préjudice subi à la suite de l'implantation de canalisations sur leur terrain et sans leur accord.

Par un jugement n° 1502775 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 9 mars 2018,
9 août 2018 et 8 octobre 2019, Mme et M. K..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 décembre 2017 ;

2°) de déclarer nulle et non avenue la convention de servitude signée par le SIVOM le
10 juin 2010 ;

3°) de condamner le SIVOM Saudrune Ariège Garonne, venant aux droits du SIVOM Plaine Ariège Garonne, à leur verser une somme de 70 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2015, en réparation du préjudice subi à la suite de l'emprise irrégulière sur leur propriété ;

4°) d'ordonner la remise en leur état initial des parcelles cadastrées 726 et 1367, aux frais du SIVOM, " sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sans que ce délai ne puisse excéder neuf mois " ;

5°) de mettre à la charge du SIVOM Saudrune Ariège Garonne le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- ils établissent leur qualité de propriétaires co-indivisaires des parcelles litigieuses
n° B 726 et B 1367 ; c'est dès lors à tort que le tribunal a rejeté leur requête pour défaut de qualité pour agir ;
- c'est par une emprise irrégulière et en l'absence de l'accord de tous les co-indivisaires, dont eux-mêmes et Assunta K... qui est sous curatelle renforcée, que le SIVOM a procédé à l'implantation de canalisations et d'une station de relevage sur leur propriété ;
- la convention constitutive de servitude de canalisation souterraine des eaux usées du
10 juin 2010 est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été signée par l'ensemble des indivisaires des parcelles concernées, alors qu'il s'agit d'un acte de disposition, qu'elle ne porte pas sur le poste de relevage, et qu'elle méconnait une promesse unilatérale de vente faite par l'ensemble des
co-indivisaires ; ces derniers s'interdisaient de conférer aucun droit réel ou personnel sur le terrain ; la convention n'expirait qu'au 31 décembre 2011 ; le SIVOM n'avait pas qualité pour faire valoir une éventuelle plus-value pour les terrains, lesquels d'ailleurs ne sont pas devenus constructibles sept ans après ;
- la constitution d'une servitude n'était pas justifiée dès lors que ces travaux auraient pu être réalisés sur des parcelles appartenant à la commune d'Eaunes ; une déclaration d'utilité publique ne serait pas justifiée ;
- les emprises réalisées sont constitutives d'une voie de fait ;
- la remise en état des lieux qu'ils sollicitent représente un coût de 26 223 euros et ils sont en droit d'augmenter leur demande indemnitaire dès lors que le préjudice lié à l'emprise irrégulière persiste ;
- la valeur estimée par le service des domaines est erronée et ne tient pas compte de la seconde parcelle.


Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 mai 2018 et le
7 mai 2019, le SIVOM Saudrune Ariège Garonne, venant aux droits du SIVOM Plaine Ariège Garonne, représenté par Me H..., conclut :

1°) au rejet de la requête de Mme et M. K... ;

2°) à ce que soit mis à la charge des requérants le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute pour les requérants d'établir leur qualité de propriétaires en indivision des parcelles B n° 726 et n° 1367 ;
- la requête est également irrecevable dès lors qu'elle ne repose sur aucun fondement de responsabilité, sur aucune cause juridique ; au surplus la demande indemnitaire est supérieure en appel à ce qu'elle était en première instance et dans la réclamation préalable ;
- elle est enfin irrecevable dès lors que les requérants n'ont pas sollicité au préalable l'enlèvement des ouvrages en cause au SIVOM, ce qui rend leur demande indemnitaire irrecevable ;
- les demandes nouvelles en appel ne relèvent pas pour partie de la compétence de la juridiction administrative ;
- en tout état de cause, les co-indivisaires ne se sont pas opposés à la réalisation des travaux litigieux ;
- l'article 815-3 du code civil permet aux indivisaires détenant au moins les deux-tiers des droits indivis d'effectuer les actes d'administration des biens indivis ;
- l'emprise irrégulière, à la supposer établie, peut faire l'objet d'une régularisation par le biais d'une déclaration d'utilité publique ;
- les requérants n'établissent pas l'existence d'un préjudice en se prévalant du coût de travaux de remise en état qu'ils n'ont pas demandé à l'administration de réaliser et qu'ils ne peuvent pas effectuer eux-mêmes, alors au demeurant que le terrain d'assiette des constructions litigieuses a été évalué par les Domaines à 1 476 euros en 2015.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sorin, premier conseiller rapporteur ;
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public ;
- et les observations de Me Laporte, avocat, représentant le SIVOM Saudrune Ariège Garonne.

Considérant ce qui suit :

1. Le SIVOM Plaine Ariège Garonne, devenu le SIVOM Saudrune Ariège Garonne, a réalisé, entre le mois d'août 2010 et le mois de décembre 2011, des travaux ayant pour but l'installation d'un poste de refoulement sur la parcelle cadastrée section B n° 726 de la commune d'Eaunes (Haute-Garonne) et la pose de canalisations d'assainissement sur les parcelles B n° 726 et n° 1367. M. L...-K... et Mme I... veuve K..., se déclarant propriétaires desdites parcelles dans le cadre d'une indivision, ont réclamé au SIVOM le paiement de la somme de 26 223 euros afin de " déposer l'ouvrage public ". Le syndicat n'ayant pas donné suite à leur demande, M. L...-K... et Mme I... veuve K... ont sollicité du tribunal administratif de Toulouse la condamnation du SIVOM Plaine Ariège Garonne, aux droits duquel vient le SIVOM Saudrune Ariège Garonne, à leur verser une somme de 30 000 euros en réparation des dommages subis à la suite de l'emprise irrégulière réalisée sur leurs terrains. Les consorts K... relèvent appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes et sollicitent, par ailleurs, dans le dernier état de leurs écritures, que soit déclarée nulle et non avenue la convention de servitude signée par le SIVOM le 10 juin 2010, la condamnation du SIVOM à leur verser une indemnité totale de 70 000 euros et qu'il soit enjoint au SIVOM Saudrune Ariège Garonne de procéder à la remise en état initial des deux parcelles, à ses frais.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. La circonstance qu'une station de relevage ait été construite et des canalisations implantées dans le tréfonds du terrain litigieux en bordure de la route départementale n'est pas de nature à emporter pour effet une extinction du droit de propriété. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'implantation de ces ouvrages caractériserait une voie de fait, laquelle aurait entraîné la compétence au fond de la juridiction judiciaire. Dans ces conditions, la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur la demande indemnitaire et pour statuer sur la régularité de l'emprise, sous réserve que le litige ne comporte pas de question soulevant une difficulté sérieuse qui justifierait une question préjudicielle à l'autorité judiciaire.

3. En revanche, il n'appartient pas à la juridiction administrative de déclarer nulle et non avenue la convention de servitude signée entre le SIVOM et une partie des indivisaires. Les conclusions à cette fin, au demeurant présentées pour la première fois en appel, doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la recevabilité de la demande et des conclusions d'appel :

4. En premier lieu, M. L...-K... et Mme I... veuve K... en leur qualité de parties perdantes en première instance sont recevables à relever appel du jugement ayant rejeté leur demande.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites en appel, notamment de l'acte notarié du 7 octobre 2006, que les intéressés, héritiers de M. F... K..., sont membres de l'indivision propriétaire, notamment, des deux parcelles précitées dans la commune d'Eaunes. Ils justifient ainsi de leur qualité de propriétaire des parcelles en litige dans le cadre de l'indivision. La fin de non-recevoir opposée par le SIVOM Saudrune Ariège Garonne tirée du défaut de qualité pour agir des intéressés ne peut donc qu'être écartée.

6. En troisième lieu, il ressort tant des écritures de première instance que de la requête d'appel que les intéressés ont entendu rechercher la responsabilité du SIVOM défendeur sur le terrain de la faute, en raison de l'emprise irrégulière qui aurait été réalisée sur les parcelles litigieuses. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée du défaut de fondement juridique de la demande ne peut qu'être également écartée.

7. En quatrième et dernier lieu, la circonstance que les requérants n'auraient pas sollicité au préalable l'enlèvement des ouvrages publics réalisés sur les parcelles leur appartenant, ce qui est au demeurant inexact alors qu'est produite au dossier de première instance la lettre du
4 décembre 2013 par laquelle leur conseil a mis le SIVOM en demeure de retirer ces ouvrages, n'aurait pas pour effet de rendre irrecevable leur demande tendant à la condamnation du SIVOM à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison de cette emprise irrégulière. Elle ne les prive pas davantage de la possibilité de solliciter du juge de plein contentieux qu'il fasse usage de ses pouvoirs d'injonction à l'encontre de l'administration.

8. Par suite, il y a lieu d'écarter l'ensemble des fins de non-recevoir opposées par le SIVOM Saudrune Ariège Garonne.

Sur le bien-fondé du jugement du 21 décembre 2017 :

9. Pour rejeter la requête de M. L...-K... et Mme I... veuve K..., les premiers juges se sont fondés sur le fait que les intéressés ne produisaient aucun élément de nature à établir leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrées section B n°726 et n°1367 sur la commune d'Eaunes, de sorte qu'ils ne justifiaient pas du caractère irrégulier de la convention de servitude passée avec les propriétaires ni avoir subi un dommage résultant des travaux réalisés par le SIVOM. Il ressort toutefois des pièces produites en appel, notamment de l'acte notarié du 7 octobre 2006, que les intéressés, héritiers de M. F... K..., sont membres de l'indivision propriétaire, notamment, des deux parcelles précitées dans la commune d'Eaunes. Il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a estimé qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'une situation d'emprise irrégulière faute d'établir leur qualité de propriétaires des parcelles en litige. Saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la cour d'examiner les moyens et conclusions des parties en première instance comme en appel.


Sur les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité du SIVOM Saudrune Ariège Garonne :

10. Aux termes, d'une part, de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations (...) ". L'article R. 152-1 du même code précise que : " Les personnes publiques définies au premier alinéa de l'article L. 152-1 et leurs concessionnaires, à qui les propriétaires intéressés n'ont pas donné les facilités nécessaires à l'établissement, au fonctionnement ou à l'entretien des canalisations souterraines d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales, peuvent obtenir l'établissement de la servitude prévue audit article, dans les conditions déterminées aux articles R. 152-2 à R. 152-15. " Et aux termes de l'article R. 152-4 du même code : " La personne morale de droit public maître de l'ouvrage ou son concessionnaire, qui sollicite le bénéfice de l'article L. 152-1, adresse à cet effet une demande au préfet. A cette demande sont annexés : (...) 2° Le plan des ouvrages prévus ; 3° Le plan parcellaire des terrains sur lesquels l'établissement de la servitude est envisagé, avec l'indication du tracé des canalisations à établir, de la profondeur minimum à laquelle les canalisations seront posées, de la largeur des bandes prévues aux 1° et 2° de l'article R. 152-2 et de tous les autres éléments de la servitude. Ces éléments devront être arrêtés de manière que la canalisation soit établie de la façon la plus rationnelle et que la moindre atteinte possible soit portée aux conditions présentes et futures de l'exploitation des terrains (...) ".
11. Aux termes, d'autre part, de l'article 815-3 du code civil : " Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. / Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. / Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°(...) ".

12. L'implantation d'une canalisation publique dans le sous-sol d'une parcelle appartenant à une personne privée, opération affectant l'exercice du droit de propriété, ne peut être régulièrement mise à exécution qu'après soit l'intervention d'un accord amiable conclu avec les propriétaires intéressés, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, soit, enfin, l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.

13. Il résulte de l'instruction que la convention constitutive de servitude pour l'établissement d'une canalisation souterraine d'évacuation des eaux usées sur les parcelles
B n° 726 et B n° 1367 dans la commune d'Eaunes passée, le 10 juin 2010, entre le SIVOM de la plaine Ariège Garonne et les consorts K... n'a pas été signée par M. L...-K... ni par Mme I... veuve K..., héritiers de M. F... alors qu'il ressort de l'acte notarié précité du 7 octobre 2006 qu'ils étaient propriétaires indivis de ces parcelles au même titre que les autres signataires. Il ne résulte pas de l'instruction que les intéressés auraient donné oralement ou par écrit leur accord à la signature de cette convention amiable. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'allègue le SIVOM en défense, une convention de servitude ne saurait manifestement être regardée comme un simple acte d'administration relatif à la gestion courante du patrimoine indivis, mais constitue un acte de disposition affectant substantiellement et durablement le bien immobilier propriété de l'indivision. Il suit de là que la convention de servitude précitée, qui n'a pas recueilli l'accord des requérants en méconnaissance de l'article 815-3 précité du code civil, ne leur est pas opposable. M. L...-K... et Mme I... veuve K... sont, par suite, fondés à soutenir qu'en l'absence d'institution de servitudes légales qui leur seraient opposables, d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, ou de tout autre accord amiable de leur part à l'implantation d'une canalisation publique dans le sous-sol du terrain en litige, les travaux ont été irrégulièrement exécutés et sont à l'origine, en ce qui les concerne, d'une emprise irrégulière.
Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Il appartient au juge administratif de statuer par voie d'injonction sur les mesures propres à mettre fin à une emprise irrégulière, et notamment de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée de l'ouvrage est possible avant, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

15. Il résulte de l'instruction qu'une régularisation appropriée de l'ouvrage reste possible, soit par la voie d'une nouvelle convention amiable constitutive de servitude, soit par l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions susrappelées des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime dès lors que les terrains concernés ne constituent pas des cours ou jardins attenant à des habitations, le recours à une procédure de déclaration d'utilité publique n'étant pas envisagée par la collectivité ainsi qu'il résulte du supplément d'instruction ordonné par la cour. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'une de ces deux solutions ne serait pas réalisable, les requérants ne s'étant pas formellement opposés à ce que la première puisse être régulièrement reprise, tandis que la seconde peut notamment intervenir, en vertu de l'article R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, lorsque les propriétaires intéressés n'ont pas donné à la personne publique concernée les facilités nécessaires à l'établissement d'une servitude légale. Dès lors, la demande des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint au SIVOM Saudrune Ariège Garonne de procéder à la remise en leur état initial des parcelles cadastrées 726 et 1367 à ses frais ne saurait en l'état être accueillie et ce sans qu'il soit besoin d'examiner si la suppression de la canalisation entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général.

Sur les conclusions indemnitaires :
16. Dans le dernier état de leurs écritures, les requérants sollicitent la condamnation du SIVOM Saudrune Ariège Garonne à leur verser une indemnité de 70 000 euros en réparation du préjudice portant atteinte au droit de propriété. Outre que l'augmentation du quantum de leur demande par rapport à la somme demandée en première instance n'est aucunement justifiée et n'est pas recevable en appel, ils n'établissent pas le bien-fondé et la réalité du préjudice à hauteur des sommes demandées. Ainsi et comme il a été dit plus haut, la décision d'édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée, si elle porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, n'a, toutefois, pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette parcelle. Par ailleurs, le montant de la demande indemnitaire des requérants, tel qu'il ressort de leurs écritures de première instance, correspond au coût des travaux nécessaires à la remise en état initial des parcelles en cause, auquel ils ne peuvent prétendre compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 15, et non à l'évaluation du préjudice propre en leur qualité de propriétaires indivis. A cet égard, alors qu'il n'est pas établi ni même soutenu que cette emprise aurait été, par elle-même, de nature à priver les coindivisaires de la possibilité de vendre les parcelles concernées, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les requérants du fait de l'occupation irrégulière du terrain dont ils sont propriétaires indivis en leur accordant chacun une indemnité de 1 000 euros.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D É C I D E :


Article 1er : Le SIVOM Saudrune Ariège Garonne versera à M. L...-K... et à
Mme I... veuve K... la somme de 1 000 euros chacun.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... I..., veuve K..., M. B... L...-K... et au SIVOM Saudrune Ariège Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... J..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
M. Thierry Sorin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2020.
La présidente,
Brigitte J...



La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX01017



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