CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 14/05/2020, 18BX03069, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D..., Mme H... C..., sous la requête n° 1605511, et M. F... G..., sous la requête n° 1700058, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision tacite, née le 26 avril 2016, de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société SCAF du 87 en vue de l'édification de merlons de terre végétale sur des terrains situés au lieu-dit Le Petit Bouchillou, sur le territoire de la commune de Servanches. Mmes C... et D... ont demandé, en outre, l'annulation de la décision de rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1605511, 1700058 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir admis la seule recevabilité de la requête n° 1700058, a annulé la décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société SCAF du 87 en vue de l'édification de merlons en terre végétale.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 3 août 2018 et 20 juin, 1er août et 3 septembre 2019, la société SCAF du 87, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juin 2018 en tant qu'il a annulé la décision de non-opposition aux travaux qu'elle avait déclarés en vue de l'édification de merlons de terre végétale sur des terrains situés au lieu-dit Le Petit Bouchillou, sur le territoire de la commune de Servanches ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de M. G... une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que M. G... justifiait d'un intérêt à agir, les merlons en terre végétale et recouvert de végétation locale, étant insérés dans l'environnement de sorte que leur visibilité est mineure, le projet ne générant ni nuisance sonore, ni risque de pollution des prairies ;
- la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision de non opposition du préfet à la déclaration préalable de travaux présentée par SCAF du 87 est irrecevable en ce que la décision est inexistante, le préfet étant incompétent pour statuer sur la déclaration préalable présentée par la société SCAF du 87 ;
- l'intervention du collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches est irrecevable. En premier lieu, elle vient à l'appui d'une demande elle-même irrecevable, en deuxième lieu, la " porte-parole " du collectif n'a pas qualité pour agir au nom de l'association, en troisième lieu, le collectif ne peut intervenir à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme antérieure à sa création, enfin le projet de création de merlons est étranger à l'objet du collectif ;
- l'intervention de la SEPANSO est irrecevable. En premier lieu, elle vient à l'appui d'une demande elle-même irrecevable, en deuxième lieu, le président de la SEPANSO ne justifie pas de sa qualité à agir, en troisième lieu, la SEPANSO Dordogne ne caractérise pas son intérêt à intervenir ;
- un merlon, constitué exclusivement de terre végétale en exhaussement, ne constitue pas une construction ; c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'en ne s'opposant pas à la déclaration préalable, le maire de Servanches a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ;
- le moyen tiré du vice de procédure n'est pas fondé, le maire ayant émis un avis réputé favorable en vertu de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme ;
- le dossier était composé conformément à la règlementation applicable lors du dépôt de la déclaration préalable et ne comportait aucune erreur ;
- les merlons projetés n'affecteront pas la zone Natura 2000 de la vallée de la Double et ne figurent ni sur la liste nationale, ni sur la liste locale des projets soumis à étude d'incidence Natura 2000 ;
- sur le dépôt de plusieurs autorisations d'urbanisme, l'extension très modeste du chalet et la pause d'un mât n'ont aucune incidence pour apprécier l'impact du projet de merlons au regard de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ;
- aucun permis d'aménager n'était nécessaire. Si le tir constitue bien un sport, le projet de merlons en cause ne comporte aucun " jeux " et l'objet d'une activité qui comporte le maniement d'armes à feu exclut par lui-même la qualification de " jeux ".

Par trois mémoires, enregistrés les 25 mars, 16 juillet et 4 septembre 2019, M. F... G..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête de la société SCAF du 87 et à la mise à la charge de cette dernière une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- son intérêt à agir répond aux exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme en ce que l'implantation des merlons sera visible depuis sa propriété, génèrera des nuisances sonores et un risque de pollution par les grenailles de plomb des eaux des prairies de l'intimé et des eaux de surface par ruissellement ;
- s'agissant d'une autorisation d'urbanisme délivrée par le maire au nom de l'Etat, il était fondé à former un recours hiérarchique auprès du préfet, considéré comme l'auteur de la décision attaquée et n'avait aucune obligation de notifier sa requête introductive d'instance au maire de Servanches ;
- les travaux de réalisation des merlons ne relèvent pas des opérations autorisées en zone N, à savoir les opérations d'adaptation, de changement destination, de réfection ou d'extension de constructions existantes, ainsi que les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ;
- la décision attaquée est irrégulière en l'absence d'avis du maire de Servanches ;
- la personne qui a déposé la déclaration préalable n'était pas habilitée à représenter la société SCAF du 87 ;
- le dossier de déclaration préalable était incomplet et comporte des informations erronées en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme ;
- dès lors que le projet est susceptible d'avoir des incidences significatives sur la zone Natura 2000 Vallée de la Double, il aurait dû faire l'objet du dépôt d'un dossier d'évaluation au titre des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; en outre, le projet étant soumis à déclaration au titre de la législation sur l'eau en application du point 2. 1. 5. 0. de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, il devait également faire l'objet d'une évaluation des incidences au titre de la réglementation Natura 2000.
- plusieurs autorisations successives relevant d'un même projet d'ensemble ont été sollicitées ; non seulement la réalisation des merlons aurait dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager, et ce permis d'aménager aurait dû porter sur l'ensemble du projet d'aménagement d'une aire de sports et de loisirs consacrée au tir sportif ;
- le projet décrit dans la déclaration préalable de travaux litigieuse relève du champ d'application du permis d'aménager en application du h) de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires, enregistrés les 6 août et le 23 septembre 2019, l'association Le collectif des voisins et riverains du ball-trap de Servanches et l'association SEPANSO Dordogne, représentées par M. A..., concluent à titre principal, au rejet de la requête de la société SCAF du 87, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable de travaux formée par la société SCAF du 87 et à la mise à la charge de la société SCAF du 87 au versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- leur intervention est recevable ;
- s'agissant de décisions d'autorisations d'urbanisme prises par le maire au nom de l'Etat, elles sont réputées prises par le préfet, qui dispose à cet égard du pouvoir hiérarchique ; l'acte attaqué n'est donc pas inexistant ;
- l'autorisation d'urbanisme a été délivrée en violation des dispositions de la carte communale applicable sur le territoire de la Commune de Servanches, dans la mesure où la réalisation de travaux d'édification de merlons ne relève pas des opérations autorisées en zone N ;
- la déclaration préalable devait faire mention de la soumission du projet à la rubrique 2. 1. 5. 0 susvisée en application de l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme ;
- les incidences environnementales nombreuses du projet ne permettent pas d'écarter tout risque d'impact significatif sur la zone Natura 2000 Vallées de la Double située en bordure du périmètre ; le projet aurait donc dû faire l'objet d'une évaluation des incidences au titre de la réglementation Natura 2000 ;
- le projet relève du champ d'application du permis d'aménager ; il est de même ampleur que celui qui a fait l'objet d'un permis d'aménager déposé le 23 septembre 2015, refusé le 6 janvier 2016 ;
- la décision tacite attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le projet autorisé fait peser des risques avérés pour la sécurité des personnes qui empruntent le chemin communal d'accès au lieu-dit "Petit Bouchillou" qui est l'un des derniers chemins communaux accessibles à la randonnée et permet l'observation de la faune et de la flore.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant la société SCAF du 87 et les observations de Me A..., représentant M. G..., le collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches et l'association SEPANSO Dordogne.

Une note en délibéré présentée par Me A... pour M. G... a été enregistrée le 2 mars 2020.



Considérant ce qui suit :

1. La société SCAF du 87 a présenté le 26 mars 2016 une déclaration préalable en vue de l'édification de merlons de terre végétale " sur un site utilisé pour la pratique de la chasse et/ou du tir sportif à balles et aux plombs dans le but de sécuriser les zones périphériques " au lieu-dit " petit-Bouchillou " sur le territoire de la commune de Servanches. Du silence gardé par l'autorité compétente est née, le 26 avril 2016, une décision tacite de non-opposition. Mme H... C..., Mme E... D... d'une part et M. F... G... d'autre part ont demandé par des requêtes distinctes au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette décision tacite de non-opposition. La société SCAF du 87 relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, faisant droit à la requête de M. G..., a annulé cette décision.

Sur les interventions :

En ce qui concerne l'intervention du collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches :

2. En premier lieu, il ressort du procès-verbal du 17 septembre 2019 que l'assemblée générale du collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches a habilité la porte-parole du collectif à présenter un mémoire en intervention volontaire au soutien des écritures en défense de M. G.... Par suite, le moyen tiré de l'absence de qualité du représentant du collectif doit être écarté.

3. En deuxième lieu, pour contester la recevabilité de l'intervention du collectif, le SCAF du 87 fait valoir que le collectif " ne saurait intervenir à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme antérieure à sa création ". Toutefois, l'appelant ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, disposition qui s'applique aux actions et non aux interventions.

4. En troisième lieu, le collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches association, dont l'objet social est de lutter contre les nuisances du ball-trap, justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt au maintien de l'annulation prononcée par les premiers juges.

5. Il résulte de ce qui précède que l'intervention du collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches doit être admise.

En ce qui concerne l'intervention de l'association SEPANSO Dordogne :

6. En premier lieu, il ressort de l'article 12 des statuts de l'association SEPANSO Dordogne que son président a qualité pour ester en justice au nom de l'association. En outre, par délibération du 8 juillet 2019, l'assemblée générale de l'association SEPANSO Dordogne a approuvé l'intervention au soutien des écritures en défense de M. G.... Par suite, le président de l'association avait qualité pour intervenir au nom de l'association.

7. En second lieu, compte tenu de l'implantation du projet sur des parcelles agricoles et naturelles d'une superficie de plusieurs hectares, à proximité d'une zone Natura 2000, l'association SEPANSO Dordogne, association agréée, au titre de la protection de l'environnement en application des articles L. 141-1 et L. 142-1 du code de l'environnement, justifie d'un intérêt suffisant au maintien du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juin 2018. Ainsi, son intervention est recevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

8. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme applicable à la date de la décision attaquée : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne sont pas applicables à un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision de non-opposition à une déclaration de travaux.

9. L'intérêt à agir des tiers contre une décision de non-opposition à déclaration préalable s'apprécie au regard de la distance séparant le bien immobilier leur appartenant, ou dont ils ont la jouissance, du bien faisant l'objet des travaux déclarés, de la configuration des lieux et de la nature des travaux.

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste en l'édification de merlons de 2,5, 4 et 5 mètres sur une emprise au sol de 9 810 m² et sera situé à environ 470 mètres de la maison d'habitation de M. G... et à 250 mètres de ses prairies. Si le projet en litige a pour objet l'édification de merlons de terre végétale, qui ne génèrent par eux-mêmes aucune nuisance sonore, il ressort des pièces du dossier que les merlons sont destinés à délimiter trois nouvelles zones de tir étendant la zone de tir du club de tir sportif.

11. S'il résulte des études de mesures acoustiques produites que " dans la zone basse du Grand Bouchillou, chez Mr G..., les tirs n'étaient pas audibles ", ces études mesurent uniquement l'impact de l'activité de tir existante du " Périgord Shooting Club " qui ne s'étend pas aux parcelles du projet. Elles révèlent par ailleurs, qu'à une distance de 450 mètres, les niveaux sonores des tirs sont émergents. Dans ces conditions, alors même que l'édification des merlons n'aurait qu'un impact visuel faible, eu égard à la configuration des lieux et aux caractéristiques du projet, c'est à bon droit que les premiers juges ont admis l'intérêt pour agir de M. G....

12. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes (...) ". L'article R. 422-1 du même code dispose : " Lorsque la décision est prise au nom de l'Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l'article R. 422-2 où elle émane du préfet ". Selon l'article R. 422-2 dudit code : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : (...) / e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16 (...) ". Aux termes de l'article R. 423-72 du même code : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis ou dans le délai de quinze jours à compter du dépôt à la mairie de la déclaration (...) ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) ". Aux termes de l'article R. 423-23 dudit code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable présentée par la société SCAF du 87 a été déposée en mairie de Servanches le 26 mars 2016 et qu'en l'absence de réponse, une décision tacite de non-opposition est née le 26 avril 2016. Par ailleurs, si la commune de Servanches est dotée d'une carte communale depuis le 31 mars 2006, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une délibération pour prendre la compétence en matière d'application des droits des sols serait intervenue à la date de la décision attaquée. L'Etat était donc compétent pour statuer sur cette déclaration. Enfin, l'avis du maire de Servanches, qui a été émis le 11 avril 2016, soit au-delà du délai de quinze jours à compter du dépôt de la déclaration préalable, est réputé favorable. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la décision attaquée relevait de la compétence de l'Etat mais que l'autorité compétente pour se prononcer sur la déclaration préalable était le maire de Servanches au nom de l'Etat. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société SCAF du 87, la demande de M. G..., qui tend clairement à l'annulation de la décision tacite prise en raison de l'absence d'opposition aux travaux déclarés pas la société SCAF du 87 ne peut être considérée comme dirigée contre une décision inexistante alors même qu'il a indiqué dans sa requête que cette décision aurait été prise par le préfet. Dès lors, la société SCAF du 87 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'inexistence de la décision attaquée.

Sur la légalité de la décision de non-opposition :

14. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En vertu de ces dispositions il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.

15. Aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de a décision attaquée : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ". L'article R. 161-4 du même code : " Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 161-4 (...) ". Aux termes de l'article R. 421-23 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (...) f) A moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AO n° 21, 22, 23, 24, 25, 33, 37, 92 p, 94, 95, 96, 104, 111 a et b, terrain d'assiette du projet envisagé par la société SCAF du 87, sont situées en dehors des zones constructibles de la carte communale de Servanches. Le projet consiste en l'édification de merlons, exhaussements de terre végétale d'une hauteur minimale de 2,5 mètres et maximale de cinq mètres, sur une superficie totale de 9 810 m² destinés à délimiter les zones de tirs et à protéger les lieux environnants des tirs. Eu égard à leurs dimensions, à leur destination et à leur caractère permanent, ces ouvrages doivent être regardés comme des installations au sens des dispositions de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme. Le projet d'édification de merlons porté par la société SCAF du 87 a pour objet de permettre l'exercice de ball-trap ou tir sportif par une société privée et ne constitue pas une installation nécessaire à des équipements collectifs au sens des dispositions précitées. Cette installation ne fait donc pas partie des exceptions qui peuvent être autorisées en zone non constructible de la carte communale de Servanches. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé qu'en ne s'opposant pas aux travaux déclarés par la société SCAF du 87, le maire de la commune de Servanches a commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme.

17. Il résulte de ce qui précède que la société SCAF du 87 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision tacite du maire de la commune de Servanches de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société SCAF du 87 en vue de l'édification de merlons en terre végétale.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. G..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société SCAF du 87 demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société SCAF du 87 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. G... et non compris dans les dépens.

19. L'association Le collectif des voisins et riverains du ball-trap de Servanches et l'association SEPANSO Dordogne, intervenants en défense n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la mise à la charge de la société SCAF du 87 de payer à l'association Le collectif des voisins et riverains du ball-trap de Servanches et à l'association SEPANSO Dordogne la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


DECIDE :



Article 1er : Les interventions de l'association Le collectif des voisins et riverains du ball-trap de Servanches et de l'association SEPANSO Dordogne sont admises.
Article 2 : La requête de la société SCAF du 87 est rejetée.
Article 3 : La société SCAF du 87 versera à M. G... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'association Le collectif des voisins et riverains du ball-trap de Servanches et de l'association SEPANSO Dordogne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société SCAF du 87, à M. F... G..., à l'association Le collectif des voisins et riverains du ball-trap de Servanches, à l'association SEPANSO Dordogne et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme I..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2020.
Le président,
Brigitte Phémolant
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03069



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