CAA de DOUAI, 3ème chambre, 22/08/2019, 17DA01303, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le ministre de l'économie et des finances a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner conjointement et solidairement la société Paindavoine Parmentier, la société Architecture Studio, la société Icade Arcoba, la société Qualiconsult Immobilier, la société Nord Art et Peinture, la société SAE Nord-Pas-de-Calais Eiffage, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, la société Cofely Axima Nantes, la société Satelec, la société Luxaflex, la société Somfy, la société Axa France et la société LGL France à verser à l'Etat une somme de 173 490,52 euros, toutes taxes comprises, en réparation des désordres subis à l'atelier n°1 du bâtiment hébergeant l'école nationale des douanes à Tourcoing, une somme de 46 394,32 euros, toutes taxes comprises, en réparation des désordres subis à l'atelier n°2 dudit bâtiment et une somme de 94 552,17 euros, toutes taxes comprises, en remboursement des désordres subis à l'atelier n° 3, une somme de 536 300,40 euros, toutes taxes comprises, au titre de la réparation globale de l'étanchéité du bâtiment et une somme de 101 443,94 euros, toutes taxes comprises, en indemnisation des frais exposés par l'Etat au titre des trois ateliers, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête introductive d'instance.

Par un jugement n° 1303308 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir rejeté les conclusions du ministre dirigées contre la société Axa France comme étant portées devant une juridiction incompétente, a rejeté le surplus des conclusions de la demande et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner in solidum les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale pour les désordres relatifs à l'atelier n°1 pour un montant de 173 490,52 euros toutes taxes comprises, ceux relatifs à l'atelier n°2 pour un montant de 46 394,32 euros toutes taxes comprises, ceux relatifs à l'atelier n°3 pour un montant de 94 552,17 euros toutes taxes comprises, au paiement de la somme de 446 917 euros hors taxes au titre de la réparation globale de l'étanchéité du bâtiment, au paiement de la somme de 101 443,94 euros toutes taxes comprises au titre des dépenses supportées par l'Etat pour la réparation des désordres occasionnés par l'endommagement du bâtiment et pour l'ensemble de ces sommes, à la capitalisation des intérêts à compter de cette date ;

3°) de condamner les défendeurs aux frais d'expertise et aux dépens.

Il soutient que :
- s'agissant des désordres relatifs à l'étanchéité du bâtiment, les infiltrations sont d'une gravité suffisante pour engager la responsabilité décennale des constructeurs ; la présence d'eau a été relevée à plusieurs endroits ;
- ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ; l'expert n'a pas pu constater les conséquences des infiltrations à l'intérieur du bâtiment sauf à mettre en oeuvre des sondages destructifs qui auraient excédé le périmètre de sa saisine ; l'absence d'infiltrations visibles à l'intérieur du bâtiment n'est pas de nature à faire obstacle à ce que soit engagée la responsabilité décennale ; l'envergure des travaux à effectuer atteste de l'importance des désordres ;
- les vices affectant le bâtiment ont évolué à tel point que la sécurité des personnes pourrait être compromise ; le bâtiment est impropre à sa destination, même s'il est partiellement utilisé ; compte tenu des conséquences matérielles de ces infiltrations à l'extérieur et à l'intérieur du bâtiment sur les appareils électroniques ou sur les risques d'électrocution ou d'incendie, l'Etat ne peut laisser le bâtiment se dégrader sans que sa responsabilité ne puisse être recherchée ;
- les désordres étant imputables à la société CIBE, sous-traitant de la société Eiffage, il appartient au titulaire du lot d'engager sa responsabilité ;
- la société Nord Art et Peinture (SNAP) a appliqué le revêtement extérieur qui a participé aux dégradations ; sa responsabilité doit être engagée ;
- concernant les désordres liés à l'atelier 2 " menuiseries électriques ", il appartient à la société Constructions métalliques Roger Delattre de répondre des désordres affectant les menuiseries électriques, quand bien même elle a fait appel à un sous-traitant non déclaré ;
- il ne ressort pas du rapport d'expertise qu'un tiers à l'opération de travaux publics soit intervenu sur les installations électriques des stores ; en tout état de cause, le fait d'un tiers n'est pas exonératoire ; le dysfonctionnement des stores, lié à une suralimentation électrique, empêche le bon fonctionnement de plus de la moitié des stores du bâtiment ;
- la responsabilité de la société Satelec, qui devrait répondre des branchements effectués sur les boitiers de contrôle, est également engagée ;
- s'agissant de l'atelier 3 " climatisation ", ce n'est pas la défaillance du climatiseur en tant qu'élément matériel dissociable du bâtiment qui a été objet de l'expertise mais la climatisation intégrée au bâtiment ; le désordre qui a affecté le groupe froid a conduit au remplacement de nombreux éléments de climatisation ; la société Cofely Axima devra garantir l'Etat au titre de la garantie décennale ;
- la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre est engagée, ce dernier ayant laissé le titulaire du lot 12 apposer un matériau qui ne remplit pas les conditions minimales pour servir de revêtement extérieur ; la maîtrise d'oeuvre et le bureau de contrôle ont manqué à leurs missions de surveillance et de contrôle du chantier.


Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2017, la SAS Eiffage construction Nord-Pas-de-Calais, venant aux droits de la société SAE Nord Pas-de-Calais, représentée par Me Q... D..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société Architecture Studio, la société Paindavoine Parmentier, la société Icade-Arcoba, la société Qualiconsult Immobilier, la société Qualiconsult, la société Nord Art et Peinture, la société Cofely Axima et la société Satelec à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause, à la mise à la charge de l'Etat et de toute partie perdante de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- titulaire du lot 3, elle ne saurait être condamnée in solidum dès lors qu'elle n'est nullement intervenue sur les autres lots ; à supposer remplies les conditions de la garantie décennale pour les ateliers 2 et 3, la présomption de responsabilité n'a vocation à s'appliquer que pour les désordres affectant les travails réalisés par d'autres corps d'état ; par ailleurs, la solidarité ne se présume pas ;
- pour l'intérieur du bâtiment, l'expert n'a constaté qu'une fissuration verticale ainsi que des traces d'exfiltration ; l'amphithéâtre est d'ailleurs utilisé normalement par l'école de douanes ; il n'existe aucune impropriété à la destination, ni aucune atteinte à la solidité, la seule fissuration constatée par l'expert n'étant pas de nature à entrainer un risque de quelque nature que ce soit pour le bâtiment ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à demander à être garantie par les sociétés Architecture Studio, Paindavoine Parmentier, Artélia Bâtiment et Industrie, Qualiconsult Immobilier, Qualiconsult, Nord Art et Peinture, Cofely Axima Nantes et Satelec ;
- il ressort du rapport d'expertise que certains défauts d'exécution sont imputables à la CIBE et auraient pu être décelés par le maître d'oeuvre ; le maître d'oeuvre a commis une faute dans le cadre de sa mission de suivi des travaux ; aucune couvertine n'étant prévue dans le cahier des clauses techniques particulières, il s'agit d'un problème de conception entièrement imputable à la maitrise d'oeuvre ; la maîtrise d'oeuvre a imposé un produit non étanche;
- la responsabilité de la société Qualiconsult apparait également engagée, cette dernière n'ayant pas émis d'avis négatif sur les produits mis en place ou l'absence de couvertine ;
- la société Nord Art et Peinture a procédé à la mise en place du " STUCCO ", produit inadapté ;
- en tout état de cause, s'agissant du montant réclamé par le ministre de l'économie, le coût des travaux de réparation d'étanchéité ne pourra excéder la somme de 156 365,52 euros, dès lors que l'estimation de l'expert pour la réparation du " STUCCO " fait double emploi avec le chiffrage de la société qui a émis un devis laquelle prévoyait déjà le décapage total de ce revêtement d'un produit d'étanchéité ;
- le ministre ne démontre ni dans son montant, ni dans son principe le paiement d'une somme de 101 443,94 euros TTC correspondant à l'indemnisation des dépenses supportées par l'Etat au titre du suivi des désordres et de la mobilisation des agents pour les 3 ateliers au cours des dix dernières années ; il ne verse qu'un détail des dépenses établi par lui-même ;
- le ministre n'a d'ailleurs jamais précisé avoir subi un tel préjudice au cours des opérations d'expertise ;
- s'agissant de la somme de 446 917 euros TTC au titre de la réparation globale de l'étanchéité, l'Etat se prévaut d'un diagnostic avant projet/travaux d'un bureau d'études qui conclut à des problèmes d'infiltration provenant de la toiture ; la société Eiffage ne saurait être concernée par des désordres affectant la toiture, qui concernent le lot " couverture " confié directement à la société CIBE ;
- en tout état de cause, cette demande est tardive dans la mesure où elle a été faite pour la première fois dans un mémoire d'avril 2015 devant le tribunal administratif, alors que la réception a été prononcée le 4 juillet 2013 ; l'expert n'a d'ailleurs jamais donné d'avis sur les désordres affectant la couverture.


Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2017, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, représentée par Me Q... D..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société Architecture Studio, la société Paindavoine-Parmentier, la société Icade-Arcoba, la société Qualiconsult Immobilier, la société Qualiconsult, la société Nord Art et Peinture, la société Cofely Axima et la société Satelec à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause, à la mise à la charge de l'Etat et de toute partie perdante de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- titulaire du lot 6, elle ne saurait être condamnée in solidum dès lors qu'elle n'est nullement intervenue sur les autres lots ; à supposer remplies les conditions de la garantie décennale pour les ateliers 1 et 3, la présomption de responsabilité n'a vocation à s'appliquer que pour les désordres affectant les travaux réalisés par d'autres corps d'état ; par ailleurs, la solidarité ne se présume pas ;
- les désordres affectant les stores électriques ne compromettent ni la solidité de l'ouvrage, ni le rendent impropre à sa destination ; l'expert n'a constaté aucun désordre de nature décennale ;
- en tout état de cause, la demande doit être rejetée en raison de l'existence incontestable d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité ; lors d'une réunion d'expertise en mars 2010, il a été constaté qu'il existait une situation chaotique des installations électriques, une entreprise ou une personne ayant modifié les installations en aggravant la situation initiale ; il n'est pas établi que les stores ayant été réparés lors des opérations d'expertise présentaient antérieurement des dysfonctionnements, auquel cas l'école des douanes aurait dû l'alerter ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à demander à être garantie par les sociétés Architecture Studio, Paindavoine Parmentier, Icade-Arcoba, Qualiconsult Immobilier, Qualiconsult, Nord Art et Peinture, et Cofely Axima Nantes ;
- en tout état de cause, la somme de 101 443,94 euros TTC réclamée par l'Etat n'est démontrée ni dans son montant, ni dans son principe ;
- s'agissant de la somme de 446 917 euros TTC au titre de la réparation globale de l'étanchéité, l'Etat se prévaut d'un diagnostic avant projet/travaux d'un bureau d'études qui conclurait à des problèmes d'infiltration provenant de la toiture ; elle ne saurait être concernée par des désordres affectant la toiture, qui concerne le lot " couverture " confié directement à la société CIBE ; par ailleurs, la solidarité ne se présume pas.



Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 novembre 2017, 12 janvier 2018, 5 mars 2018 et 1er mars 2019, la société Artélia Bâtiment et Industrie, venant aux droits d'Arcoba, représentée par Me M... H... , conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à sa mise hors de cause ;

3°) au rejet des demandes formées par la société Constructions métalliques Roger Delattre, la société Eiffage construction, la société d'architecture Paindavoine Parmentier, Architecture studio, Axima concept ou toute autre partie qui viendrait à solliciter sa condamnation ;

4°) à titre subsidiaire, à la limitation de l'indemnisation de l'Etat au montant des travaux strictement nécessaires ;

5°) en toute hypothèse, à la condamnation in solidum de la société Architecture Studio, la société Paindavoine Parmentier, la société Eiffage construction Nord, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, la société Cofely Axima Nantes et la société Axa France Iard, assureur de la CIBE, à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, de rejeter toute demande en tant qu'elle pourrait la viser, et en tout état de cause, à la mise à la charge de l'Etat et de toute partie perdante de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'expert n'a jamais examiné l'étanchéité de la totalité du bâtiment, aucune mission ne lui ayant été donnée à ce sujet ;
- il n'est pas établi que les désordres ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination avant le 29 juillet 2013 ; il n'est pas davantage démontré que les désordres soient en lien avec la mission confiée à la société Arcoba ;
- s'agissant de l'atelier 1, les erreurs sont imputables à la CIBE ; un maître d'oeuvre, aussi attentif soit- il, ne pouvait les déceler ;
- concernant l'atelier 2, l'expert a constaté l'intervention d'un tiers ;
- pour l'atelier 3, il s'agit d'un problème technique imputable à la société Rino, qui n'a pas effectué un rinçage suffisant ;
- la société Artelia ne saurait donc être concernée par ces désordres ;
- n'ayant commis aucune faute, l'appel en garantie formé par les sociétés Eiffage Nord Construction et Constructions métalliques Roger Delattre ne saurait prospérer ;
- s'agissant de l'appel en garantie formée à son encontre par la société d'architecture Paindavoine, celle-ci ne démontre aucune faute de la part de la société Artélia Bâtiment et Industrie, ni de lien de causalité entre une faute et le préjudice dont elle serait victime ; les honoraires au titre de la mission de direction des travaux de la société Arcoba étaient bien inférieurs à ceux des deux autres sociétés du groupement de maîtrise d'oeuvre ; l'appel en garantie ne peut être qu'être rejeté ;
- à titre très subsidiaire, le quantum des demandes de l'Etat n'est étayé par aucun justificatif ;
- à titre très subsidiaire, elle doit pouvoir être garantie par la société Architecture Studio, la société Paindavoine Parmentier, la société Eiffage construction Nord, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, la société Cofely Axima Nantes et la société Axa France Iard, assureur de la CIBE ;
- s'agissant de la somme de 446 917 euros TTC au titre de la réparation globale de l'étanchéité, cette demande a été introduite par l'Etat dans un mémoire du 24 avril 2015 alors que les opérations d'expertise étaient terminées.


Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre 2017, 12 janvier 2018, 5 mars 2018 et 1er mars 2019, la société Qualiconsult Immobilier SAS et la société Qualiconsult, intervenante volontaire, représentées par la SCP Raffin et associés, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) au rejet de toute demande dirigée contre elles, et en particulier celles présentées par les sociétés Eiffage constructions Nord, Constructions métalliques Roger Delattre, Architecture Paindavoine Parmentier, Architecture Studio, Axima Concept ou toute partie à l'encontre de la société Qualiconsult, contrôleur technique, qui est intervenant volontaire ;

3°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société Architecture Studio, la société Paindavoine Parmentier, la société Eiffage construction Nord, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, la société Cofely Axima Nantes et la société Axa France Iard, assureur de la CIBE, à garantir la société Qualiconsult de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

4°) à la mise à la charge de l'Etat du versement à la société Qualiconsult de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 3 000 euros à la société Qualiconsult immobilier en application des mêmes dispositions.

Elles soutiennent que :
- la société Qualiconsult immobilier, seule attraite dans la procédure, n'est jamais intervenue dans la construction ; elle doit être mise hors de cause ;
- s'agissant de Qualiconsult, contrôleur technique, elle n'a pas été destinataire de la requête d'appel ; l'Etat demande " la condamnation des constructeurs " soit implicitement dirigée contre une société qui n'a pas été attraite à la cause ; toute demande à son encontre devra être rejetée ;
- à titre infiniment subsidiaire, la preuve que les désordres ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination n'est pas rapportée, ni celle que les désordres seraient en lien avec la mission confiée à Qualiconsult ;
- la responsabilité du contrôleur technique s'inscrit dans la stricte limite de sa mission de contrôle ; elle n'a commis aucune faute ;
- l'Etat ne justifie pas du montant des travaux en rapport avec les désordres ;

- en cas de condamnation, elle doit être garantie par la société Architecture Studio, la société Paindavoine Parmentier, la société Eiffage construction Nord, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, la société Cofely Axima Nantes et la société Axa France Iard, assureur de la CIBE ;
- elle ne saurait être tenue solidairement avec les constructeurs dès lors qu'elle n'a qu'un rôle consultatif et n'intervient ni dans la conception, ni dans l'exécution des travaux ; aucune clause de solidarité ne figure dans la convention qu'elle a signée ;
- les conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle par la société Paindavoine Parmentier doivent être rejetées, faute d'une faute du contrôleur technique.


Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2017, la société Satelec, représentée par Me A... F..., conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause, et à la mise à la charge de l'Etat, ou qui mieux le devra, des frais d'expertise ainsi que d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- outre le lot n°16 dont elle est titulaire, elle est intervenue en qualité de sous-traitante de la société Constructions métalliques Roger Delattre, titulaire du lot 6, pour le branchement électrique des stores équipant l'atelier n°2 ; il ne saurait donc y avoir condamnation à son encontre ;
- en tout état de cause, les travaux réalisés par ses soins ne sont pas en rapport avec les désordres affectant les stores, les dysfonctionnements étant à l'origine d'ordre mécanique ;
- ce n'est qu'en raison de l'intervention d'un opérateur tiers que les désordres ont pris une plus grande ampleur ;
- les conclusions de la société Constructions Métalliques Roger Delattre dirigées contre elle dans le cadre de l'appel en garantie sont irrecevables, dès lors qu'elle a été assignée devant le tribunal de grande instance qui a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative ;



Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 décembre 2017 et 3 mai 2018, la société d'architecture Paindavoine Parmentier, représentée par Me R... C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à sa mise hors de cause ;

3°) subsidiairement à ce que la société Eiffage Construction Nord, la société Architecture Studio, la société Icade Arcoba et la société Qualiconsult la garantissent de toutes condamnations prononcées à son encontre du chef des parois de l'amphithéâtre ;

4°) à ce que la société Construction Métalliques Roger Delattre la garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre du chef des stores électriques ;

5°) à ce que la société Cofely Axima la garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre du chef des problèmes de climatisation ;

6°) à ce que les constructeurs précités la garantissent de toutes condamnations prononcées à son encontre du chef des autres faits allégués par l'Etat ;

7°) à la mise à la charge de toutes les parties condamnées de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les désordres ne portent pas atteinte à la solidité du bâtiment lui-même ; il ne s'agit que d'eaux de ruissellement qui, depuis la terrasse accessible comme depuis la terrasse technique, s'insinuent et circulent entre le voile béton et le revêtement extérieur de type " STUCCO " ;
- aucune venue d'eau, ni aucune humidité anormale n'a jamais été constatée à l'intérieur de l'amphithéâtre, excluant que les désordres puissent rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;
- à supposer le désordre décennal, la contribution de la société Paindavoine à la conception a été des plus modestes au regard de l'examen de répartition du forfait initial de rémunération ; elle devra être relevée pour une part prépondérante par les deux autres membres du groupement de maitrise d'oeuvre ; la garantie de la société Qualiconsult lui sera acquise dès lors qu'aucune réserve n'a été portée sur la configuration et la conception de l'ouvrage ;
- concernant les stores électriques, les dysfonctionnements sont imputables à l'intervention d'un tiers sur les commandes électriques ;
- à titre subsidiaire, les équipements techniques sont étrangers au périmètre d'intervention de la maîtrise d'oeuvre ; en cas de condamnation, elle devra être garantie par la société Constructions métalliques Roger Delattre ;
- s'agissant de la défaillance de l'un des groupes froids, la cause des désordres est liée à un rinçage insuffisant et inefficace des canalisations avant la mise en service des climatiseurs ; la responsabilité ne peut qu'incomber à la société Rineau, aujourd'hui devenue Cofely Axima qui a réalisé l'installation et doit en assurer la maintenance ; elle devra être garantie par la société Cofely Axima ;
- les prétentions indemnitaires de l'Etat à hauteur de 101 443,94 euros TTC sont dépourvues de la moindre justification.



Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2017, la société Axa France Iard, représentée par Me R... C..., conclut à l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre elle et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conclusions dirigées contre elle sont irrecevables dès lors que l'action prévue à l'article L. 124-3 du code des assurances ne peut être exercée contre l'assureur d'une personne privée devant la juridiction administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2018, la société Axima Concept, représentée par la SCP Lebegue Pauwels Derbise, conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens, au rejet de la demande de condamnation solidaire présentée par l'Etat et à titre subsidiaire à la condamnation in solidum de la société Architecture Studio, la société Paindavoine Parmentier, la société Artelia Bâtiment Industrie, la société Eiffage construction Nord, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, la société Axa France Iard, assureur de la CIBE, qui doivent la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.


Elle soutient que :
- la société Axima n'est intervenue que pour le lot " chauffage climatisation plomberie " ; elle ne saurait être concernée par les désordres relevant des ateliers 1 et 2 ;
- les désordres affectant le groupe froid et en particulier l'évaporateur de l'un des deux groupes concernent un élément d'équipement indissociable et relèvent de la garantie biennale de fonctionnement, qui était expirée lors du dépôt de la requête en référé ;
- au surplus, ces désordres ne mettent pas en péril l'utilisation du bâtiment ;
- contrairement à ce que soutient l'Etat, le système n'était pas, dans son ensemble, affecté d'un désordre ; la climatisation fonctionne, seul un groupe froid dysfonctionne, ce qui ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination ;
- à titre subsidiaire, l'expert se contente d'affirmer que le dysfonctionnement est imputable à un rinçage insuffisant, alors que les groupes ont fonctionné normalement pendant cinq ans ;
- elle ne saurait être concernée par la demande de condamnation d'un montant de 536 300 euros TTC ; l'existence d'une solidarité décidée contractuellement n'est pas établie ;
- en tout état de cause, il n'y a pas de dommage unique, condition pour le prononcé d'une condamnation in solidum ;
- à titre infiniment subsidiaire, elle est fondée à être garantie intégralement des condamnations par les sociétés Architecture studio, Paindavoine Parmentier, Artélia Bâtiment et Industrie, au titre des fautes commises dans l'exécution de la mission de maîtrise d'oeuvre, de la société Qualiconsult immobilier, contrôleur technique, de la société Eiffage Construction Nord au titre de l'exécution des travaux d'étanchéité, de la société Constructions métalliques Roger Delattre au titre des travaux de fourniture et pose des stores et d'Axa France assureur de la CIBE.


Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2018, la société Architecture Studio représentée par Me O... G... , conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Eiffage construction Nord, la société Arcoba, la société Qualiconsult, la société Constructions Métalliques Roger Delattre, la société Cofely Axima à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les désordres en litige ne sont pas de nature décennale ;
- s'agissant de ceux affectant l'étanchéité de la terrasse, l'expert judiciaire estime qu'il s'agit de défauts d'exécution pouvant être imputés à la société CIBE ;
- pour ceux affectant le système de commande électrique des stores, l'expert n'a pas pu déterminer avec précision les imputabilités techniques en raison de l'intervention d'un opérateur tiers ;
- concernant l'atelier 3, le climatiseur démonté pour les besoins de l'expertise ne présente pas un caractère indissociable de l'ouvrage ;
- au titre de l'étanchéité, sa responsabilité ne peut pas être mise en jeu puisque l'étanchéité de la toiture de l'amphithéâtre ne relève pas de sa mission ; le responsable des désordres est le titulaire du lot gros oeuvre à savoir la société SAE, aux droits desquels intervient la société Eiffage construction Nord Pas de Calais ;


- l'expert n'a pas mis en cause la conception du bâtiment, ni jamais relevé la moindre faute imputable au groupement de maîtrise d'oeuvre ; la société Eiffage n'a d'ailleurs jamais émis une quelconque réserve sur les prescriptions du cahier des clauses techniques particulières alors qu'elle a signé le marché de travaux du lot " Gros oeuvre " ; l'usage du " STUCCO " n'a jamais été remis en cause par l'expert ;
- le bureau d'études Arcoba est le rédacteur du CCTP, sa responsabilité devrait être engagée en cas d'insuffisance du CCTP ; il en va de même du contrôleur technique, qui n'a émis aucun avis défavorable sur les matériaux, ni sur la méthodologie d'exécution ;
- s'agissant des stores électriques, seule la responsabilité biennale de bon fonctionnement des constructeurs peut être recherchée ; cette responsabilité est en tout état de cause prescrite ;
- en tout état de cause, il n'est pas établi que ce désordre ait porté atteinte à la solidité de l'ouvrage ou l'ait rendu impropre à sa destination ;
- elle ne peut être mise en cause, dès lors qu'elle n'est pas l'exécutant des travaux ;
- en outre, un évènement extérieur et imprévisible est intervenu de sorte que le constructeur est exonéré de toute responsabilité ;
- concernant l'atelier climatisation, le désordre résulte selon l'expert du seul fait de l'entreprise titulaire du lot n°15, en raison du rinçage insuffisant et inefficace des canalisations avant la mise en service des climatiseurs ; cela ne pouvait pas être décelé par la maîtrise d'oeuvre ;
- s'agissant du montant réclamé par l'Etat, le montant des travaux réparatoires de l'atelier n°1 doit être limité à la somme de 156 365 euros, la réparation du " STUCCO " n'étant pas nécessaire s'il y a mise en oeuvre d'un produit d'étanchéité ;
- l'Etat ne démontre pas le lien de causalité entre, d'une part, le préjudice subi résultant des dépenses de fonctionnement à la suite des réparations et, d'autre part, les désordres allégués ;
- l'expert n'a pas été saisi de la réparation globale de l'étanchéité de la couverture ; aucun examen contradictoire n'a été réalisé ; la demande de condamnation d'un montant de 44 6917 euros hors taxe doit être rejetée ; au surplus, cette demande est tardive dans la mesure où elle a été formulée après l'expiration du délai de garantie décennale ;
- à titre subsidiaire, en cas de condamnation, la société Eiffage construction Nord-Pas-de-Calais, Arcoba et Qualiconsult seront tenues de la garantir pour les désordres liés à l'atelier 1 ; la société Constructions Métalliques Roger Delattre sera tenue de la garantir des condamnations pour les désordres liés à l'atelier 2 ; s'agissant de l'atelier 3, la société Arcoba et la société Axima devront la garantir des condamnations prononcées contre elle.


Par une ordonnance du 23 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2019 à 12 heures.



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- les observations de Me I... P..., représentant la société Architecture Studio, Me J... B..., représentant la société Paindavoine Parmentier et la société Axa France Iard, Me Q... D..., représentant la société Eiffage Construction Nord et la société Constructions Métalliques Roger Delattre et Me L... E..., représentant la société Satelec.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'économie et des finances a passé en 1999 un marché de maîtrise d'oeuvre avec le groupement constitué des sociétés Architecture Studio, Paindavoine-Parmentier et le bureau technique Arcoba en vue de la construction d'un ensemble immobilier à Tourcoing, destiné à accueillir notamment l'Ecole nationale des douanes. Le contrôle technique du chantier a été assuré par la société Qualiconsult. Le marché de travaux a été confié aux société SAE Nord Pas de Calais et Fourret et Rodhes SNC, aux droits desquelles intervient désormais la société Eiffage Nord construction pour le lot " fondation spéciales gros-oeuvre, cloisons doublage-charpente ", à la société Constructions métalliques Roger Delattre pour le lot " façades rideaux menuiserie extérieure et occultation ", à la société Nord Art et Peinture pour le lot " peintures et revêtement de mur ", à la société Axima pour le lot " chauffage-ventilation-climatisation-plomberie " et à la société Satelec pour le lot " Electricité courant fort- Electricité courant faible ". La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 4 juillet 2003, les réserves ayant été levées le 8 avril 2004. A la suite de l'apparition d'infiltrations d'eau au niveau de l'amphithéâtre et d'un dysfonctionnement des stores électriques et de la climatisation affectant le bâtiment de l'Ecole nationale des douanes, le ministre de l'économie et des finances a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille d'une demande d'expertise aux fins de déterminer l'origine de ces désordres et d'établir leur imputabilité. Par une ordonnance du 18 septembre 2008, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lille a désigné M. K... en qualité d'expert. Celui-ci a remis le 31 mars 2011 deux rapports partiels relatifs aux désordres relatifs à l'étanchéité de la structure amphithéâtre et aux menuiseries électriques, puis un troisième rapport, le 15 novembre 2103, concernant la climatisation. Le ministre de l'économie et des finances recherche la responsabilité des sociétés Paindavoine Parmentier, Architecture Studio, Icade-Arcoba, Qualiconsult Immobilier, Nord Art et Peinture, Eiffage Nord-Pas-de Calais, Construction métalliques Roger Delattre, Cofely Axima Nantes, Satelec, Luxaflec, Somfy, Axa France et LGL France sur le fondement de la garantie décennale, aux fins d'obtenir la réparation des dommages ayant affecté les bâtiments de l'Ecole nationale des douanes. Par un jugement du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir rejeté les conclusions du ministre dirigées contre la société Axa France comme étant portées devant une juridiction incompétente, a rejeté le surplus des conclusions de la demande et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise. Le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et a mis à sa charge les frais d'expertise.

Sur la mise hors de la cause de la société Qualiconsult immobilier :

2. Il résulte de l'instruction que la mission de contrôle technique a été confiée à la société Qualiconsult et non à la société Qualiconsult Immobilier dont la condamnation a été, à tort, sollicitée par le ministre de l'économie et des finances tant en première instance qu'en appel. Il y a lieu, par suite, de prononcer la mise hors de cause de la société Qualiconsult immobilier. En revanche, les observations présentées par la société Qualiconsult, contrôleur technique, qui a eu communication de la procédure d'appel, sont des observations en défense.

Sur la mise en jeu de la garantie décennale des constructeurs :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

4. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

5. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne les désordres relatifs à l'" étanchéité de la structure amphithéâtre " :

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 31 mars 2011 que des infiltrations d'eau ont été constatées au droit des joints de reprises de bétonnage de l'amphithéâtre elliptique de l'école nationale des douanes dont les élévations en béton banché ont été réalisées par phases successivement accolées. Une fissuration verticale relativement rectiligne à chaque joint de reprise affecte le parement en " STUCCO " sur l'extrados du voile béton. A l'extérieur de l'amphithéâtre, des cloques ouvertes, limitées et peu nombreuses du revêtement " STUCCO " ont été constatées. Aucune manifestation d'infiltration n'a été constatée dans l'enceinte de l'amphithéâtre, lequel comporte un doublage acoustique. Ces désordres résultent de défauts d'exécution relevés au niveau de la terrasse accessible, lesquels ont conduit à des pénétrations d'eau sous le complexe d'étanchéité et à des résurgences au niveau de l'extrados du voile de l'amphithéâtre. Des défauts d'étanchéité, consistant en des boîtes à eau non étanches ayant favorisé l'imbibation coté intrados du voile béton ont été constatés cette fois au niveau de la terrasse technique. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ces infiltrations pourraient affecter l'intérieur de l'amphithéâtre. Il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation de l'amphithéâtre aurait été compromise ou que cet ouvrage n'aurait pas fait l'objet d'un fonctionnement normal. Dans ces conditions, les désordres constatés, qui ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, ne sont pas susceptibles d'engager la garantie décennale des constructeurs.

En ce qui concerne les désordres affectant " l'étanchéité globale du bâtiment " :

7. Le ministre de l'économie et des finances demande la condamnation des constructeurs au titre des désordres qui affecteraient, cette fois, l'étanchéité globale du bâtiment. Il résulte de l'instruction que la mission d'expertise confiée à M. K... se limitait aux désordres d'étanchéité affectant le seul amphithéâtre. Par une ordonnance du 14 janvier 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Lille n'a pas fait droit à la demande d'extension d'expertise sollicitée par l'Etat, estimant que l'expert qui serait désigné serait nécessairement amené à faire le même constat que celui contenu dans le rapport d'expertise rendu le 31 mars 2011. Si le ministre fait état d'un dégât des eaux ayant provoqué la chute d'un faux plafond dans le hall du bâtiment en raison d'infiltrations d'eau dans la nuit du 22 au 23 novembre 2011, il résulte de l'instruction et en particulier d'un courrier du 15 février 2012, qu'après le passage du couvreur, il a été constaté que les chéneaux situés du côté de la terrasse intérieure n'avaient pas encore fait l'objet de leur entretien annuel et que les évacuations obstruées par des amas de feuilles n'avaient pas normalement expulsé les eaux de pluie. Ainsi refoulées, les eaux se sont déversées côté intérieur du bâtiment, entrainant cette chute du faux-plafond. De tels désordres ne peuvent être imputés aux constructeurs. Dans ces conditions, et sans qu'y fassent obstacle les conclusions du rapport " Diagnostic/Avant projet " établi non contradictoirement, en janvier 2014, par un bureau d'études techniques et préconisant dans son scénario financier le plus élevé le remplacement total de la toiture, les désordres qui pourraient affecter l'étanchéité globale du bâtiment ne sauraient revêtir, en l'état, un caractère décennal.

En ce qui concerne les désordres relatifs aux " menuiseries électriques " :

8. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise, que des dysfonctionnements affectant les stores électriques ont été constatés après la réception de l'ouvrage. Lors des expertises, l'expert a décrit avoir trouvé une " situation chaotique des installations électriques " et un dysfonctionnement quasi généralisé des boitiers GPS 1020 230/24. Ainsi, par exemple, les boitiers étaient soit ouverts, soit dépourvus de carte électronique, ou encore déposés et non remplacés. Des mises en parallèle d'alimentation de plusieurs stores ont été également effectuées à partir d'un seul boitier, le mettant ainsi en surcharge. Il résulte de l'instruction que la généralisation de ce dysfonctionnement est imputable à l'intervention d'un tiers non identifié sur les boîtiers électriques et les branchements électriques, entre la réception des travaux et le mois de mai 2007, date à laquelle la société Satelec, sous-traitant de la société Mécaniques Constructions Roger Delattre titulaire du lot, a examiné les branchements et constaté l'intervention de ce tiers. Toutefois, l'expert a estimé qu'à l'origine, avant cette intervention sur la commande électrique, les dysfonctionnements des stores étaient en réalité simplement de nature mécanique. Dans ces conditions, eu égard au caractère limité des désordres affectant les stores avant l'intervention de ce tiers non identifié dans les locaux de l'administration douanière, ces désordres ne sauraient être regardés comme étant de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou le rendre impropre à sa destination. Dès lors, la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs doit être, à ce titre, rejetée.

En ce qui concerne les désordres relatifs à la " climatisation " :
9. Il résulte de l'instruction que le climatiseur défaillant a été démonté. Son évaporateur a été transmis pour une expertise plus approfondie auprès du Centre d'études techniques industrielles (CETIM), situé dans l'Oise. Il ne présentait dès lors pas le caractère d'un élément indissociable de l'ouvrage. Sa défaillance, plus précisément celle de son évaporateur qui a " péri par perforations et dégradations sur le circuit fluide caloporteur de l'échangeur sur un tube " résulte d'un rinçage insuffisant et à tout le moins inefficace des canalisations avant la mise en service. Il n'est toujours pas contesté en appel par l'Etat que le second groupe froid est demeuré en état de marche. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'ouvrage n'aurait pas fonctionné de façon normale, aucun enseignement au sein de l'école n'ayant par exemple été supprimé. Par suite, les désordres affectant l'un des deux groupes froids de l'Ecole nationale des douanes n'ont pas été de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou de nature à compromettre sa solidité. Par suite, la responsabilité décennale des constructeurs ne saurait être mise en jeu au titre de ces désordres.

Sur le préjudice subi par l'Etat en raison du suivi des désordres :

10. Le ministre de l'économie et des finances demande la condamnation des constructeurs au versement d'une somme de 101 443, 94 euros toutes taxes comprises, correspondant aux dépenses supportées par l'Etat entre 2004 et 2012 au titre du suivi des désordres affectant l'école des douanes et de la mobilisation des agents au cours de ces années. Pour ce faire, le ministre se borne à produire un tableau recensant, par année, un montant qui correspondrait à des factures. Toutefois, la responsabilité décennale des constructeurs n'étant pas engagée, ces conclusions indemnitaires ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions d'appel provoqué présentées par les autres parties :

11. Le présent arrêt n'aggrave pas la situation des défendeurs. Par suite, les conclusions d'appels en garantie qu'ils ont présentées, qui ont le caractère d'appels provoqués, ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




DÉCIDE :



Article 1 : La société Qualiconsult Immobilier est mise hors de cause.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions d'appels provoqués présentées par les parties sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances, à la société Architecture Studio, à la société Paindavoine Parmentier, à la société Artelia Bâtiment et Industrie venant aux droits de la société Icade-Arcoba, à la société Nord Art et Peinture, à la société Eiffage Construction Nord-Pas-de Calais, à la société Constructions Métalliques Roger Delattre, à la société Cofely Axima Nantes, à la société Qualiconsult Immobilier, à la société Qualiconsult, à la société Satelec et à la société Axa France.
Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 août 2019.

Le rapporteur,
Signé : V. PETIT
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°17DA01303
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N°"Numéro"



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