Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 12/09/2018, 420585, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 12/09/2018, 420585, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 420585
- ECLI:FR:CECHR:2018:420585.20180912
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
12 septembre 2018
- Rapporteur
- M. Marc Firoud
- Avocat(s)
- SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société La Préface a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'annuler, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation du lot n° 1 du marché public relatif à l'acquisition de documents sur tous supports et à des prestations de services associées pour la médiathèque de la Haute-Garonne, d'annuler la décision du 4 avril 2018 par laquelle le conseil départemental de la Haute-Garonne a décidé de ne pas retenir l'offre qu'elle a présentée et d'enjoindre à ce dernier de procéder à une nouvelle analyse de son offre.
Par une ordonnance n° 1801816 du 27 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a annulé cette procédure de passation.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 mai, 29 mai et 1er août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Haute-Garonne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société La Préface ;
3°) de mettre à la charge de la société La Préface la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du conseil départemental de la Haute-Garonne, et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société La Préface.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique (...) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat " ; qu'aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que le département de la Haute-Garonne a lancé une consultation en vue de la passation d'un accord-cadre portant sur l'acquisition de documents sur tous supports et sur des prestations de services associées, au bénéfice de la médiathèque départementale ; que la société La Préface a présenté une offre pour le lot n° 1 relatif à des " romans adultes en langue française, imprimés (y compris gros caractères) ou enregistrés sauf science-fiction, fantastique, fantasy, romans policier " ; que, par un courrier du 4 avril 2018, le conseil départemental de la Haute-Garonne l'a informée de ce que son offre n'avait pas été retenue ; que, par une ordonnance du 27 avril 2018, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de la société La Préface, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, annulé la procédure de passation litigieuse ; que le département de la Haute-Garonne se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
3. Considérant, en premier lieu, que le juge du référé précontractuel a relevé, par une appréciation non contestée, que le cahier des clauses particulières relatives à l'exécution de l'accord-cadre impose au titulaire du marché de permettre, au moins une fois par mois, aux bibliothécaires de la médiathèque de venir consulter ses fonds d'ouvrages dans ses locaux ; qu'il a également relevé, sans dénaturer les stipulations dont il était saisi, que le règlement de consultation prévoit, parmi les critères de sélection des offres, un critère relatif aux frais de déplacement engendrés, pour la médiathèque, par l'exécution de ce marché et que les modalités de calcul des frais engagés étaient basées exclusivement sur la distance entre l'implantation géographique des librairies candidates et la médiathèque départementale ; que le juge a pu en déduire, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, sans s'abstenir de tirer les conséquences de ses propres constatations, que ce critère de sélection des offres était de nature à favoriser les candidats les plus proches et à restreindre la possibilité pour les candidats plus éloignés d'être retenus par le pouvoir adjudicateur ;
4. Considérant, en second lieu, que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a estimé, sans dénaturer les pièces du dossier et, ce faisant, sans commettre d'erreur de droit, que s'il était loisible au département de la Haute-Garonne de prévoir une consultation mensuelle, par les agents de la médiathèque, des fonds dans les locaux du titulaire du marché et, par suite, de retenir un critère de sélection des offres prenant en compte le coût de ces déplacements, le critère fixé en l'espèce, ne permettait pas de valoriser effectivement l'offre représentant le moindre coût de déplacements ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département de la Haute-Garonne n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société La Préface, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu de condamner le département de la Haute-Garonne à verser à la société La Préface une somme de 3 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du département de la Haute-Garonne est rejeté.
Article 2 : Le département de la Haute-Garonne versera à la société La Préface une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de la Haute-Garonne et à la société La Préface.
Copie en sera adressée à la société Ombres Blanches.
ECLI:FR:CECHR:2018:420585.20180912
La société La Préface a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'annuler, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation du lot n° 1 du marché public relatif à l'acquisition de documents sur tous supports et à des prestations de services associées pour la médiathèque de la Haute-Garonne, d'annuler la décision du 4 avril 2018 par laquelle le conseil départemental de la Haute-Garonne a décidé de ne pas retenir l'offre qu'elle a présentée et d'enjoindre à ce dernier de procéder à une nouvelle analyse de son offre.
Par une ordonnance n° 1801816 du 27 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a annulé cette procédure de passation.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 mai, 29 mai et 1er août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Haute-Garonne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société La Préface ;
3°) de mettre à la charge de la société La Préface la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du conseil départemental de la Haute-Garonne, et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société La Préface.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique (...) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat " ; qu'aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que le département de la Haute-Garonne a lancé une consultation en vue de la passation d'un accord-cadre portant sur l'acquisition de documents sur tous supports et sur des prestations de services associées, au bénéfice de la médiathèque départementale ; que la société La Préface a présenté une offre pour le lot n° 1 relatif à des " romans adultes en langue française, imprimés (y compris gros caractères) ou enregistrés sauf science-fiction, fantastique, fantasy, romans policier " ; que, par un courrier du 4 avril 2018, le conseil départemental de la Haute-Garonne l'a informée de ce que son offre n'avait pas été retenue ; que, par une ordonnance du 27 avril 2018, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de la société La Préface, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, annulé la procédure de passation litigieuse ; que le département de la Haute-Garonne se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
3. Considérant, en premier lieu, que le juge du référé précontractuel a relevé, par une appréciation non contestée, que le cahier des clauses particulières relatives à l'exécution de l'accord-cadre impose au titulaire du marché de permettre, au moins une fois par mois, aux bibliothécaires de la médiathèque de venir consulter ses fonds d'ouvrages dans ses locaux ; qu'il a également relevé, sans dénaturer les stipulations dont il était saisi, que le règlement de consultation prévoit, parmi les critères de sélection des offres, un critère relatif aux frais de déplacement engendrés, pour la médiathèque, par l'exécution de ce marché et que les modalités de calcul des frais engagés étaient basées exclusivement sur la distance entre l'implantation géographique des librairies candidates et la médiathèque départementale ; que le juge a pu en déduire, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, sans s'abstenir de tirer les conséquences de ses propres constatations, que ce critère de sélection des offres était de nature à favoriser les candidats les plus proches et à restreindre la possibilité pour les candidats plus éloignés d'être retenus par le pouvoir adjudicateur ;
4. Considérant, en second lieu, que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a estimé, sans dénaturer les pièces du dossier et, ce faisant, sans commettre d'erreur de droit, que s'il était loisible au département de la Haute-Garonne de prévoir une consultation mensuelle, par les agents de la médiathèque, des fonds dans les locaux du titulaire du marché et, par suite, de retenir un critère de sélection des offres prenant en compte le coût de ces déplacements, le critère fixé en l'espèce, ne permettait pas de valoriser effectivement l'offre représentant le moindre coût de déplacements ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département de la Haute-Garonne n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société La Préface, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu de condamner le département de la Haute-Garonne à verser à la société La Préface une somme de 3 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du département de la Haute-Garonne est rejeté.
Article 2 : Le département de la Haute-Garonne versera à la société La Préface une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de la Haute-Garonne et à la société La Préface.
Copie en sera adressée à la société Ombres Blanches.