Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 04/07/2018, 417919, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 04/07/2018, 417919, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 1ère et 4ème chambres réunies
- N° 417919
- ECLI:FR:CECHR:2018:417919.20180704
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
04 juillet 2018
- Rapporteur
- Mme Marie Sirinelli
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par deux mémoires, enregistrés les 12 avril et 6 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. G...A..., M. M...D..., M. B... O..., Mme P...-J...N..., Mme J...C..., Mme K...F..., M. B...F..., M. I...L...et M. H...E...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics n° DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 relative à la cotisation subsidiaire maladie prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de cet article, dans leur rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui a institué une protection universelle maladie : " Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ; / 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple. / Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis. / Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°. / La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat. / Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales ".
3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de cet article L. 380-2, issues de l'article 132 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, que la prise en compte de l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie pour le calcul de l'assiette de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 est subordonnée à l'intervention de mesures réglementaires, lesquelles n'ont pas été prises à ce jour. Dès lors, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision 2015-460 QPC du 26 mars 2015, les dispositions des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, qui ne sont jamais entrées en vigueur, sont insusceptibles d'avoir porté atteinte à un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Elles ne peuvent, par suite, faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.
4. En second lieu, d'une part, le surplus des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, qui n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015, est applicable au litige soulevé par la requête de M. A...et des autres requérants. D'autre part, le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant les charges publiques, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel, dans cette mesure, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, à l'exception des deuxième et troisième phrases de son quatrième alinéa, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A...et des autres requérants jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à M. G...A..., premier dénommé, et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHR:2018:417919.20180704
Par deux mémoires, enregistrés les 12 avril et 6 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. G...A..., M. M...D..., M. B... O..., Mme P...-J...N..., Mme J...C..., Mme K...F..., M. B...F..., M. I...L...et M. H...E...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics n° DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 relative à la cotisation subsidiaire maladie prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de cet article, dans leur rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui a institué une protection universelle maladie : " Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ; / 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple. / Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis. / Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°. / La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat. / Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales ".
3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de cet article L. 380-2, issues de l'article 132 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, que la prise en compte de l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie pour le calcul de l'assiette de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 est subordonnée à l'intervention de mesures réglementaires, lesquelles n'ont pas été prises à ce jour. Dès lors, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision 2015-460 QPC du 26 mars 2015, les dispositions des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, qui ne sont jamais entrées en vigueur, sont insusceptibles d'avoir porté atteinte à un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Elles ne peuvent, par suite, faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.
4. En second lieu, d'une part, le surplus des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, qui n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015, est applicable au litige soulevé par la requête de M. A...et des autres requérants. D'autre part, le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant les charges publiques, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel, dans cette mesure, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, à l'exception des deuxième et troisième phrases de son quatrième alinéa, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A...et des autres requérants jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à M. G...A..., premier dénommé, et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.