Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 31/03/2017, 394926
Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 31/03/2017, 394926
Conseil d'État - 1ère - 6ème chambres réunies
- N° 394926
- ECLI:FR:CECHR:2017:394926.20170331
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
31 mars 2017
- Rapporteur
- M. Frédéric Puigserver
- Avocat(s)
- SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP BOUZIDI, BOUHANNA
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 5 580 euros émis à son encontre le 30 avril 2013 par le président du conseil général de Vaucluse, en vue de la récupération d'un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er juin 2009 au 30 avril 2011. Par un jugement n° 1401899 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2015 et 29 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge du département de Vaucluse la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Bouzidi, Bouhanna, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B...et à la SCP Foussard, Froger, avocat du département de Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'un contrôle effectué en juillet 2010 par les services de la caisse d'allocations familiales de Vaucluse, Mme A...B...s'est vu notifier, le 20 mai 2011, une décision de récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 9 303 euros pour la période courant du 1er juin 2009 au 30 avril 2011. Il résulte des énonciations du jugement attaqué du tribunal administratif de Nîmes qu'alors que Mme B...avait saisi ce tribunal, le 28 mars 2012, d'une demande d'annulation de cette décision, le président du conseil général de Vaucluse a, le 30 avril 2013, sans attendre le jugement de son recours, émis à son encontre un titre exécutoire d'un montant de 5 580 euros, pour le recouvrement des sommes dues au titre de la période du 1er juin 2009 au 31 août 2010.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l'indu, le dépôt d'une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif. / Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois, l'organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir. / (...) / Après la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet (...) les créances du département au président du conseil général. (...) Le président du conseil général constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article 2234 du code civil : " La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ".
5. En adoptant les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, citées au point 2, le législateur a entendu que l'effet suspensif des recours dirigés contre une décision de récupération de l'indu s'attache à l'exigibilité de la créance. Il en résulte que l'exercice d'un tel recours, de même d'ailleurs qu'une demande de remise gracieuse, fait par lui-même obstacle, aussi longtemps que ce recours est pendant devant l'administration ou devant les juges du fond, d'une part, à la possibilité pour l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active d'opérer une compensation avec les sommes dues à l'allocataire et, d'autre part, à l'émission, par le département, d'un titre exécutoire sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, cité au point 3. Dans ce cas, la prescription ne court pas ou est suspendue contre le département, qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, au sens de l'article 2234 du code civil, cité au point 4.
6. Il suit de là que le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit en jugeant que le caractère suspensif conféré par l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles aux recours dirigés contre des décisions de récupération d'indus ne faisait pas obstacle à ce que l'administration émette légalement un titre exécutoire pour le recouvrement d'un indu avant le jugement du recours formé par l'allocataire contre la décision de récupération de cet indu.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre moyen de son pourvoi.
8. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de Vaucluse une somme de 2 000 euros à verser à cette société. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : Le département de Vaucluse versera à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nîmes.
Article 4 : Les conclusions du département de Vaucluse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au département de Vaucluse.
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
ECLI:FR:CECHR:2017:394926.20170331
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 5 580 euros émis à son encontre le 30 avril 2013 par le président du conseil général de Vaucluse, en vue de la récupération d'un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er juin 2009 au 30 avril 2011. Par un jugement n° 1401899 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2015 et 29 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge du département de Vaucluse la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Bouzidi, Bouhanna, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B...et à la SCP Foussard, Froger, avocat du département de Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'un contrôle effectué en juillet 2010 par les services de la caisse d'allocations familiales de Vaucluse, Mme A...B...s'est vu notifier, le 20 mai 2011, une décision de récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 9 303 euros pour la période courant du 1er juin 2009 au 30 avril 2011. Il résulte des énonciations du jugement attaqué du tribunal administratif de Nîmes qu'alors que Mme B...avait saisi ce tribunal, le 28 mars 2012, d'une demande d'annulation de cette décision, le président du conseil général de Vaucluse a, le 30 avril 2013, sans attendre le jugement de son recours, émis à son encontre un titre exécutoire d'un montant de 5 580 euros, pour le recouvrement des sommes dues au titre de la période du 1er juin 2009 au 31 août 2010.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l'indu, le dépôt d'une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif. / Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois, l'organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir. / (...) / Après la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet (...) les créances du département au président du conseil général. (...) Le président du conseil général constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article 2234 du code civil : " La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ".
5. En adoptant les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, citées au point 2, le législateur a entendu que l'effet suspensif des recours dirigés contre une décision de récupération de l'indu s'attache à l'exigibilité de la créance. Il en résulte que l'exercice d'un tel recours, de même d'ailleurs qu'une demande de remise gracieuse, fait par lui-même obstacle, aussi longtemps que ce recours est pendant devant l'administration ou devant les juges du fond, d'une part, à la possibilité pour l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active d'opérer une compensation avec les sommes dues à l'allocataire et, d'autre part, à l'émission, par le département, d'un titre exécutoire sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, cité au point 3. Dans ce cas, la prescription ne court pas ou est suspendue contre le département, qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, au sens de l'article 2234 du code civil, cité au point 4.
6. Il suit de là que le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit en jugeant que le caractère suspensif conféré par l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles aux recours dirigés contre des décisions de récupération d'indus ne faisait pas obstacle à ce que l'administration émette légalement un titre exécutoire pour le recouvrement d'un indu avant le jugement du recours formé par l'allocataire contre la décision de récupération de cet indu.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre moyen de son pourvoi.
8. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de Vaucluse une somme de 2 000 euros à verser à cette société. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : Le département de Vaucluse versera à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nîmes.
Article 4 : Les conclusions du département de Vaucluse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au département de Vaucluse.
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.