Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 28/09/2016, 384465, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 28/09/2016, 384465, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 10ème - 9ème chambres réunies
- N° 384465
- ECLI:FR:CECHR:2016:384465.20160928
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
28 septembre 2016
- Rapporteur
- M. Vincent Villette
- Avocat(s)
- SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007, ainsi que de la pénalité correspondante pour l'année 2007. Par un jugement nos 1006521, 1108456 du 17 juin 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13VE02740 du 24 juin 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 12 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A...B...;
1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux années d'imposition: " Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. / La même faculté est accordée au contribuable qui, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu, au cours d'une même année, la disposition de revenus correspondant, par la date normale de leur échéance, à une période de plusieurs années, même si leur montant n'excède pas la moyenne des revenus nets imposables des trois dernières années.(...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 156 du même code, dans leur rédaction applicable aux années d'imposition : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. ( ... ) " ;
2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'aux fins d'atténuer les effets de la progressivité de l'impôt sur le revenu en cas de perception par le contribuable d'un revenu exceptionnel ou différé, l'impôt dû au titre de l'année où ce revenu a été perçu est, si le contribuable en fait la demande, déterminé selon une méthode de calcul consistant à appliquer le barème progressif de l'impôt sur le revenu au revenu net global dit " ordinaire ", c'est-à-dire hors prise en compte du revenu exceptionnel, calculé conformément aux dispositions de l'article 156 précité, auquel est ajouté le quart du revenu exceptionnel ou différé net des charges catégorielles correspondantes, puis à appliquer à la différence entre les droits ainsi calculés et les droits qui résulteraient de l'application du barème au seul revenu net global " ordinaire " une multiplication par quatre, l'imposition due au titre de cette année étant le résultat de la somme du produit de cette multiplication et des droits calculés par application du barème au seul revenu net global " ordinaire " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a déclaré, en 2007, un revenu différé de 169 130 euros correspondant à un arriéré de droits à pensions assorti d'intérêts moratoires perçu au cours de l'année 2006, pour lequel il a demandé à bénéficier du mode d'imposition dit " du quotient " prévu à l'article 163-0 A précité du code général des impôts, son revenu global, hors revenu différé, étant par ailleurs négatif à hauteur de 23 841 euros ; qu'après avoir admis que cette somme était justiciable de ce mode spécifique de taxation, l'administration a procédé, par voie d'imposition supplémentaire, à la détermination de la cotisation d'impôt sur le revenu correspondante au titre de l'année 2006 ; qu'après avoir remis en cause le report sur l'année 2007 du déficit de revenu global initialement constaté au titre de l'année 2006 par le contribuable au motif que ce déficit avait entièrement été absorbé par le revenu différé perçu en 2006, l'administration a également rehaussé la cotisation d'impôt sur le revenu initialement mise à la charge des époux B...au titre de l'année 2007 et a assorti ce rehaussement d'une majoration de 10 % ; que, contestant le caractère imposable du rappel de pension dont il avait bénéficié et, subsidiairement, la méthode de calcul appliquée par 1'administration pour déterminer, en application de l'article 163-0A du code général des impôt, le montant de l'imposition due par le foyer fiscal au titre de 2006 après prise en compte du revenu différé perçu au cours de cette année, ainsi que les conséquences qu'elle en avait tirées au titre de l'année 2007, M. B...a demandé sans succès au tribunal administratif de Cergy-Pontoise puis à la cour administrative d'appel de Versailles de prononcer la décharge des cotisations mises à sa charge au titre de ces deux années, ainsi que de la pénalité due au titre de l'année 2007 ;
4. Considérant que la cour administrative d'appel, après avoir jugé que les rappels de pension perçus par M. B...avaient la nature non d'une indemnité mais d'un revenu imposable, ce que le contribuable ne conteste plus en cassation, a, pour valider le mode de calcul retenu par l'administration et rejeter l'appel de M.B..., jugé qu'il y avait lieu, afin de respecter les règles de détermination du revenu global définies à l'article 156 du code général des impôts, d'imputer le déficit éventuel résultant des revenus du contribuable autres que le revenu exceptionnel ou différé ainsi que, le cas échéant, les charges déductibles du revenu global sur le revenu exceptionnel avant d'appliquer le système dit " du quotient " prévu par les dispositions de l'article 163-0A du code général des impôts ; que, toutefois, s'il découle de la lettre même des dispositions de l'article 156 qu'un déficit global constaté au titre d'une année, avant prise en compte d'un éventuel revenu exceptionnel ou différé, ne peut être reporté sur les années suivantes que si le contribuable ne dispose pas, au titre de cette même année, de revenus, y compris exceptionnels ou différés, suffisants pour compenser ce déficit, de sorte qu'un déficit global " ordinaire " ne saurait donner lieu à report lorsque le contribuable a disposé de revenus exceptionnels ou différés d'un montant suffisant pour l'absorber, il ne s'en déduit nullement que, pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année de perception du revenu exceptionnel ou différé, il faille, en cas de revenu net global " ordinaire " négatif, déroger à la règle de calcul prévue par les dispositions de l'article 163-0A et exposée au point 2 ci-dessus, en appliquant le système du quotient non au revenu exceptionnel ou différé net mais à ce même revenu réduit du montant du déficit global " ordinaire " ; qu'en jugeant que l'administration, en procédant de la sorte, n'avait pas méconnu les dispositions de l'article 163-0A du code général des impôts, la cour a, par suite, entaché son arrêt d'erreur de droit ; que M. B... est fondé à en demander l'annulation ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 24 juin 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHR:2016:384465.20160928
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007, ainsi que de la pénalité correspondante pour l'année 2007. Par un jugement nos 1006521, 1108456 du 17 juin 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13VE02740 du 24 juin 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 12 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A...B...;
1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux années d'imposition: " Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. / La même faculté est accordée au contribuable qui, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu, au cours d'une même année, la disposition de revenus correspondant, par la date normale de leur échéance, à une période de plusieurs années, même si leur montant n'excède pas la moyenne des revenus nets imposables des trois dernières années.(...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 156 du même code, dans leur rédaction applicable aux années d'imposition : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. ( ... ) " ;
2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'aux fins d'atténuer les effets de la progressivité de l'impôt sur le revenu en cas de perception par le contribuable d'un revenu exceptionnel ou différé, l'impôt dû au titre de l'année où ce revenu a été perçu est, si le contribuable en fait la demande, déterminé selon une méthode de calcul consistant à appliquer le barème progressif de l'impôt sur le revenu au revenu net global dit " ordinaire ", c'est-à-dire hors prise en compte du revenu exceptionnel, calculé conformément aux dispositions de l'article 156 précité, auquel est ajouté le quart du revenu exceptionnel ou différé net des charges catégorielles correspondantes, puis à appliquer à la différence entre les droits ainsi calculés et les droits qui résulteraient de l'application du barème au seul revenu net global " ordinaire " une multiplication par quatre, l'imposition due au titre de cette année étant le résultat de la somme du produit de cette multiplication et des droits calculés par application du barème au seul revenu net global " ordinaire " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a déclaré, en 2007, un revenu différé de 169 130 euros correspondant à un arriéré de droits à pensions assorti d'intérêts moratoires perçu au cours de l'année 2006, pour lequel il a demandé à bénéficier du mode d'imposition dit " du quotient " prévu à l'article 163-0 A précité du code général des impôts, son revenu global, hors revenu différé, étant par ailleurs négatif à hauteur de 23 841 euros ; qu'après avoir admis que cette somme était justiciable de ce mode spécifique de taxation, l'administration a procédé, par voie d'imposition supplémentaire, à la détermination de la cotisation d'impôt sur le revenu correspondante au titre de l'année 2006 ; qu'après avoir remis en cause le report sur l'année 2007 du déficit de revenu global initialement constaté au titre de l'année 2006 par le contribuable au motif que ce déficit avait entièrement été absorbé par le revenu différé perçu en 2006, l'administration a également rehaussé la cotisation d'impôt sur le revenu initialement mise à la charge des époux B...au titre de l'année 2007 et a assorti ce rehaussement d'une majoration de 10 % ; que, contestant le caractère imposable du rappel de pension dont il avait bénéficié et, subsidiairement, la méthode de calcul appliquée par 1'administration pour déterminer, en application de l'article 163-0A du code général des impôt, le montant de l'imposition due par le foyer fiscal au titre de 2006 après prise en compte du revenu différé perçu au cours de cette année, ainsi que les conséquences qu'elle en avait tirées au titre de l'année 2007, M. B...a demandé sans succès au tribunal administratif de Cergy-Pontoise puis à la cour administrative d'appel de Versailles de prononcer la décharge des cotisations mises à sa charge au titre de ces deux années, ainsi que de la pénalité due au titre de l'année 2007 ;
4. Considérant que la cour administrative d'appel, après avoir jugé que les rappels de pension perçus par M. B...avaient la nature non d'une indemnité mais d'un revenu imposable, ce que le contribuable ne conteste plus en cassation, a, pour valider le mode de calcul retenu par l'administration et rejeter l'appel de M.B..., jugé qu'il y avait lieu, afin de respecter les règles de détermination du revenu global définies à l'article 156 du code général des impôts, d'imputer le déficit éventuel résultant des revenus du contribuable autres que le revenu exceptionnel ou différé ainsi que, le cas échéant, les charges déductibles du revenu global sur le revenu exceptionnel avant d'appliquer le système dit " du quotient " prévu par les dispositions de l'article 163-0A du code général des impôts ; que, toutefois, s'il découle de la lettre même des dispositions de l'article 156 qu'un déficit global constaté au titre d'une année, avant prise en compte d'un éventuel revenu exceptionnel ou différé, ne peut être reporté sur les années suivantes que si le contribuable ne dispose pas, au titre de cette même année, de revenus, y compris exceptionnels ou différés, suffisants pour compenser ce déficit, de sorte qu'un déficit global " ordinaire " ne saurait donner lieu à report lorsque le contribuable a disposé de revenus exceptionnels ou différés d'un montant suffisant pour l'absorber, il ne s'en déduit nullement que, pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année de perception du revenu exceptionnel ou différé, il faille, en cas de revenu net global " ordinaire " négatif, déroger à la règle de calcul prévue par les dispositions de l'article 163-0A et exposée au point 2 ci-dessus, en appliquant le système du quotient non au revenu exceptionnel ou différé net mais à ce même revenu réduit du montant du déficit global " ordinaire " ; qu'en jugeant que l'administration, en procédant de la sorte, n'avait pas méconnu les dispositions de l'article 163-0A du code général des impôts, la cour a, par suite, entaché son arrêt d'erreur de droit ; que M. B... est fondé à en demander l'annulation ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 24 juin 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.