Conseil d'État, 1ère / 6ème SSR, 30/12/2015, 375838

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 30 juin 2010 par laquelle le ministre de la santé et des sports a annulé l'arrêté du préfet de la Savoie du 5 mars 2010 l'autorisant à transférer l'officine de pharmacie qu'elle exploite, d'autre part, l'arrêté du 15 mars 2011 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes a rejeté sa nouvelle demande d'autorisation de transfert, ainsi que la décision du 6 juillet 2011 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1003801, 1104626 du 24 mai 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces trois décisions.

Par un arrêt n° 13LY01608, 13LY01609 et 13LY02583 du 26 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les appels formés par le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, l'EURL Pharmacie de la Source, la Pharmacie Djian et la SNC Pharmacie Sainte-Anne contre ce jugement.




Procédure devant le Conseil d'Etat

1° Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 375838 les 26 février 2014, 26 mai 2014 et 2 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EURL Pharmacie de la Source, la Pharmacie Djian et la SNC Pharmacie Sainte-Anne demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt du 26 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel.


2° Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 5 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt du 26 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

2°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'EURL Pharmacie de la Source, de la Pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de MmeA..., et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône Alpes ;





1. Considérant que le pourvoi du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, d'une part, ainsi que celui de l'EURL Pharmacie de la Source, de la Pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne, d'autre part, sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que Mme A...a sollicité l'autorisation de transférer l'officine de pharmacie dite " Pharmacie de l'Epine " qu'elle exploitait dans la commune de La Motte-Servolex dans un centre commercial situé dans la même commune ; que, par un arrêté du 5 mars 2010, le préfet de Savoie a accordé cette autorisation ; que sur des recours hiérarchiques formés par le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, l'EURL Pharmacie de la Source, la Pharmacie Djian et la SNC Pharmacie Sainte-Anne, le ministre de la santé et des sports a, par une décision du 30 juin 2010, retiré l'autorisation accordée à MmeA... ; que celle-ci a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Grenoble ; que le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes est intervenu en défense dans cette instance tandis que les trois officines concurrentes ont été mises en cause par le tribunal administratif ; qu'ayant présenté une nouvelle demande d'autorisation rejetée par une décision du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes du 15 mars 2011, rejet confirmé le 6 juillet 2011 à la suite de son recours gracieux, Mme A...a également demandé l'annulation de ces décisions au tribunal ; que, par un jugement du 24 mai 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'ensemble de ces décisions ; que, saisie par le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, d'une part, et par l'EURL Pharmacie de la Source, la Pharmacie Djian et la SNC Pharmacie Sainte-Anne, d'autre part, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leurs requêtes comme irrecevables ; que le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, l'EURL Pharmacie de la Source, la Pharmacie Djian et la SNC Pharmacie Sainte-Anne se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il se prononce sur la décision du ministre de la santé et des sports du 30 juin 2010 :

3. Considérant que des personnes qui, devant le tribunal administratif, sont régulièrement intervenues en défense à un recours pour excès de pouvoir ne sont recevables à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de leur intervention que lorsqu'elles auraient eu qualité, à défaut d'intervention de leur part, pour former tierce opposition contre le jugement faisant droit au recours ; que, de même, des personnes appelées par le tribunal à produire des observations ne sont recevables à faire appel du jugement que si elles auraient eu qualité, en l'absence de mise en cause, pour former tierce opposition contre ce jugement ;

4. Considérant qu'une décision de retrait d'une autorisation de transfert d'officine, lorsqu'elle intervient sur recours gracieux ou hiérarchique formé par des exploitants de pharmacie d'officine concurrents du bénéficiaire de l'autorisation ou par un conseil régional de la section A de l'ordre des pharmaciens, fait naître des droits au profit de ces personnes ; qu'il en résulte qu'elles auraient, à défaut d'intervention en défense de leur part ou de mise en cause devant le tribunal administratif, qualité pour former tierce opposition contre un jugement annulant le retrait ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, la décision de retrait du ministre de la santé et des sports du 30 juin 2010 a été prise sur recours hiérarchique du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, de l'EURL Pharmacie de la Source, de la Pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne ; qu'en jugeant que cette circonstance était sans incidence sur la recevabilité de ces personnes à relever appel du jugement faisant droit au recours de Mme A..., la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour en tant qu'il rejette comme irrecevables les appels qu'ils ont formés contre le jugement du tribunal en ce qu'il a annulé la décision du ministre de la santé et des sports du 30 juin 2010 ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il se prononce sur les décisions du directeur général de l'agence régionale de la santé des 15 mars et 6 juillet 2011 :

7. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, l'EURL Pharmacie de la Source, la Pharmacie Djian et la SNC Pharmacie Sainte-Anne n'ont pas été mis en cause et ne sont pas intervenus dans l'instance à laquelle a donné lieu, devant le tribunal administratif de Grenoble, la demande de Mme A...dirigée contre les décisions du directeur général de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes des 15 mars et 6 juillet 2011 ; que la cour administrative d'appel a pu juger sans erreur de droit que ces personnes n'étaient, dès lors, pas recevables à relever appel du jugement annulant ces décisions ; que les motifs par lesquels la cour administrative d'appel a en outre relevé que ces personnes n'auraient pas eu qualité pour former tierce opposition contre ce jugement revêtent un caractère surabondant ; que les moyens tirés de ce qu'ils seraient entachés d'erreur de droit sont, par suite, inopérants ;

8. Considérant qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour en tant qu'il rejette comme irrecevables les appels qu'ils ont formés contre le jugement du tribunal en ce qu'il a annulé les décisions du directeur général de l'agence régionale de santé des 15 mars et 6 juillet 2011 ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt, en tant qu'il rejette l'intervention de l'EURL Pharmacie de la Source, de la pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne :

9. Considérant qu'une intervention présentée au soutien d'une requête irrecevable est elle-même irrecevable ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour a jugé à bon droit que les conclusions du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes étaient irrecevables en tant qu'elles étaient dirigées contre le jugement du tribunal en ce qu'il a annulé les décisions du directeur général de l'agence régionale de santé des 15 mars et 6 juillet 2011 ; que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que l'intervention à l'appui de ces conclusions de l'appel, présentée par l'EURL Pharmacie de la Source, la pharmacie Djian et la SNC Pharmacie Sainte-Anne, était également irrecevable ;

10. Considérant, en revanche, que, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, l'arrêt de la cour doit être annulé en tant qu'il rejette comme irrecevable l'appel du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes contre le jugement du tribunal en ce qu'il a annulé la décision du ministre de la santé et des sports du 30 juin 2010 ; que la cour a rejeté l'intervention de l'EURL Pharmacie de la Source, de la pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne au soutien de ces conclusions au motif que celles-ci étaient irrecevables ; que, par voie de conséquence, l'arrêt doit également être annulé en tant qu'il refuse d'admettre l'intervention à l'appui de ces conclusions ;

Sur les conclusions présentées au de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes, de l'EURL Pharmacie de la Source, de la pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 26 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les appels formés contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 mai 2013 en ce qu'il a annulé la décision du ministre de la santé et des sports du 30 juin 2010 et en tant qu'il refuse d'admettre, dans la même mesure, l'intervention de l'EURL Pharmacie de la Source, de la pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne à l'appui de l'appel du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Le surplus des conclusions des pourvois du conseil régional des pharmaciens d'officine de Rhône-Alpes et de l'EURL Pharmacie de la Source, de la pharmacie Djian et de la SNC Pharmacie Sainte-Anne est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de Mme A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Rhône-Alpes, à l'EURL Pharmacie de la Source, première requérante dénommée de la requête n° 375838, à Mme B...A...et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Les autres requérants de la requête n° 375838 seront informés de la présente décision par la SCP Piwnica, Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.

ECLI:FR:CESSR:2015:375838.20151230
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