Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09/04/2015, 13PA01592, Inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09/04/2015, 13PA01592, Inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Paris - 4ème chambre
- N° 13PA01592
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
09 avril 2015
- Président
- Mme COËNT-BOCHARD
- Rapporteur
- M. Ermès DELLEVEDOVE
- Avocat(s)
- SCP BOUAZIZ-GUERREAU-SERRA-AYALA
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2013, présentée pour la Scp Coudray Ancel, dont le siège est situé 50 boulevard Aristide Briand à Melun (77000), agissant en qualité de liquidateur de la Sarl Club Briard, anciennement Bizon's Club, et pour M. B...A..., demeurant..., représentant légal de la société Club Briard, par Me C...; les requérants demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001309/1 du 5 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du
24 décembre 2009 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a prononcé la fermeture administrative de la discothèque Bizon's club pour une durée de deux mois ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où il n'a pas été précédé de l'avertissement préalable prévu au 1 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en ce que M.A..., gérant de l'établissement, n'a pas été mis en mesure de présenter des observations utiles à défaut pour le préfet de lui avoir communiqué les éléments de la procédure attestant de la véracité des faits allégués, des circonstances de la commission de ceux-ci et de l'identité des personnes concernées ;
- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ni leurs liens avec l'établissement démontrés alors que les faits se sont déroulés à l'extérieur de l'établissement et que la discothèque a continué à bénéficier d'autorisations d'ouvertures tardives ;
- ni le gérant de l'établissement ni ses préposés ne sont responsables de la survenue de ces faits et n'ont jamais été impliqués dans aucune des procédures invoquées dans la décision de fermeture de l'établissement ni n'ont fait l'objet de poursuites en sorte que l'arrêté contesté viole le principe de la présomption d'innocence et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté litigieux est entaché de détournement de pouvoir ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2013, présenté par le préfet de Seine-et-Marne qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que :
- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé par référence au texte applicable et aux faits d'insécurité qui ont porté atteinte à l'ordre et la tranquillité publique de manière répétitive en sorte, d'une part, que la décision de fermeture administrative est fondée sur le 2 de l'article L. 3332-15 et que, d'autre part, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de l'avertissement préalable prévu au 1 de cet article ;
- conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le gérant de l'établissement a été mis en mesure de présenter utilement ses observations écrites et orales, ayant reçu notamment communication du rapport de gendarmerie précisant les faits reprochés, ce qu'il a refusé de faire prétextant à l'absence de communication des procès-verbaux des procédures ;
- les faits pris en compte pour fonder la mesure de fermeture administrative, intervenus sur une période de deux années et en relation directe avec la fréquentation et l'exploitation de l'établissement, comme commis sur le site de la discothèque et impliquant des clients de l'établissement ou ses vigiles, portent atteinte à l'ordre et à la tranquillité publics et sont suffisamment établis par les pièces du dossier en sorte qu'ils sont de nature à justifier légalement la décision de fermeture administrative ;
- les circonstances que le gérant de l'établissement ou son personnel ne seraient pas responsables de la survenue de ces faits ni n'auraient été entendus personnellement par les forces de police sont sans incidence sur le bien fondé de la mesure, en sorte que l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Vu l'ordonnance du 5 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 25 février 2015 à 12 :00 heures, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :
- le rapport de M. Dellevedove,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de M.A...;
1. Considérant que, par un arrêté du 24 décembre 2009 pris en application de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, le préfet de Seine-et-Marne a décidé la fermeture administrative, pour une durée de deux mois, de la discothèque exploitée sous l'enseigne Bizon's Club à Barbizon par la Sarl Bizon's Club, devenue la Sarl Club Briard, dont
M. B...A...était le gérant ; que cette société a été mise en liquidation judiciaire, par jugement du Tribunal de commerce de Melun du 5 juillet 1010, et la Scp Coudray Ancel désignée comme liquidateur ; que la société Coudray Ancel et M. B...A...font appel du jugement en date du 5 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. (...) / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifié les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. (...) " :
3. Considérant que, pour prononcer la fermeture de l'établissement sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, le préfet de Seine-et-Marne s'est référé au rapport établi le 18 novembre 2009 par le colonel, commandant le groupement de gendarmerie de Seine-et-Marne, a relevé dans ce rapport particulièrement 11 faits caractérisés de tapages nocturnes émanant de l'établissement, de dégradations de véhicules, d'ivresse sur la voie publique, de différends entre clients et vigiles, de bagarres au sein et devant l'établissement avec blessés impliquant des clients de l'établissement, et a estimé que ces faits répétitifs, constitutifs d'insécurité, portaient atteinte à l'ordre et la tranquillité publics ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et que le préfet de police s'est livré à un examen particulier de la situation ; que, dès lors, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, en rappelant, dans l'enchaînement des motifs de l'arrêté contesté, que " l'article L. 3332-15 du code de la santé publique habilite le représentant de l'État dans le département à ordonner la fermeture administrative des débits de boissons et restaurants pour une durée n'excédant pas deux mois en cas d'atteinte à l'ordre public, à la tranquillité ou à la moralité publiques ", le préfet du Seine-et-Marne doit être regardé comme s'étant fondé sans équivoque sur le paragraphe 2 de cet article et non sur son paragraphe 1 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont pu en déduire à juste titre, par un jugement exempt de défaut de motivation sur ce point, que les requérants n'étaient pas fondés à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 1 de cet article ni, par voie de conséquence, à soutenir que la décision de fermeture aurait dû être précédée de l'avertissement prévu par ces seules dispositions ;
6. Considérant, en troisième lieu, que les mesures de fermeture d'établissements ordonnées par le préfet, conformément aux dispositions combinées des paragraphes 2 et 4 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques en relation avec l'exploitation ou la fréquentation de l'établissement, comme celles qui sont fondées sur les dispositions du 1 ou les dispositions combinées du 3 et du 4 de ce même article, doivent être regardées non comme des sanctions présentant le caractère de punitions mais comme des mesures de police qui ont pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant ; qu'il s'ensuit que les principes de la procédure pénale et les principes applicables en cas de sanction administrative ne sont pas applicables à la procédure en cause ; qu'en particulier, en l'espèce, d'une part, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la mesure contestée méconnaîtrait le principe de la présomption d'innocence qui ne trouve application qu'en matière répressive, et, d'autre part, la condition posée par les dispositions précitées, tenant à ce qu'une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de l'établissement peut être regardée comme remplie, indépendamment même, le cas échéant, du comportement des responsables ou des personnels de l'établissement ; qu'enfin, la fermeture d'un établissement sur le fondement des dispositions précitées n'étant pas nécessairement conditionnée par l'aboutissement ou même l'engagement de poursuites pénales, la circonstance que le gérant de l'établissement ni ses préposés n'ont fait l'objet de sanctions pénales, ou même de poursuites pénales, ne fait pas obstacle à ce que le préfet use, comme il l'a fait, des pouvoirs de police administrative qu'il tient de ces dispositions ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants soutiennent que le principe du contradictoire assuré par les dispositions susmentionnées de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 a été méconnu dans la mesure où le préfet de Seine-et-Marne aurait refusé de fournir les informations suffisantes pour permettre à la société gérante de la discothèque de présenter utilement ses observations avant que n'intervienne la décision litigieuse ; qu'il ressort, cependant, des pièces du dossier qu'avant de prendre l'arrêté litigieux en date du
24 décembre 2009, par lettre en date du 23 novembre 2009, le préfet de Seine-et-Marne a informé le gérant de la société Bizon's Club qu'il envisageait, sur le fondement des dispositions susmentionnées, de prononcer une mesure de fermeture administrative de son établissement d'une durée de deux mois à raison les faits susmentionnés dont le préfet précisait la nature et la date et qu'il pouvait présenter des observations écrites et être entendu dans un délai de huit jours ; que le conseil du gérant ayant sollicité à plusieurs reprises des délais supplémentaires pour répondre ainsi que la communication de la procédure poursuivie à l'encontre de l'établissement, à la suite de plusieurs reports de délais et de rendez-vous et de la communication, par lettre du 8 décembre 2009, du rapport de gendarmerie susmentionné, le préfet de Seine-et-Marne a, par lettre du 18 décembre 2009, reporté le rendez-vous au 23 décembre 2009 ; que, si, par lettre du 21 décembre 2009, le conseil de la société a informé la préfecture qu'il ne serait pas présent lors du rendez-vous du 23 décembre 2009, que ses clients ne feraient ni observations écrites ni observations orales, dès lors que ne lui avaient pas été communiqués les procès-verbaux et les éléments détaillés de chacune des infractions mentionnées dans le rapport de gendarmerie du 18 novembre 2009, et que son cabinet était fermé à raison des fêtes de fin d'année du 22 décembre au 27 décembre 2009, il ressort des pièces du dossier que ce rapport comportait des éléments suffisamment précis pour permettre à la société d'émettre utilement ses observations sur les faits reprochés et que, en tout état de cause, ni les dispositions susmentionnées ni aucune autre disposition légale ou réglementaire n'imposaient à l'administration de communiquer à la société l'ensemble des pièces de la procédure avant d'ordonner la fermeture de l'établissement et notamment pas les éventuels procès-verbaux d'enquête, couverts par le secret de l'instruction, alors, d'ailleurs, que la fermeture d'un établissement sur le fondement des dispositions précitées du 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique n'est pas nécessairement tributaire de l'engagement de poursuites pénales ; que, dès lors, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure contradictoire doivent être écartés ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que les faits susmentionnés dont la matérialité est suffisamment établie par les pièces versées au dossier, notamment par le rapport susmentionné en date du 18 novembre 2009 ainsi que par le rapport établi le 14 octobre 2009 par le chef d'escadron, commandant la compagnie de gendarmerie de Fontainebleau, s'agissant plus particulièrement des faits de bagarre opposant deux bandes rivales à l'intérieur de la discothèque avec blessés relevés le 27 juin 2009, impliquant selon les cas les clients de l'établissement et ses vigiles, entrent dans la catégorie des atteintes à l'ordre et à la tranquillité publics en relation avec la fréquentation de l'établissement et sont au nombre de ceux qui justifient légalement une mesure de police administrative de fermeture prise sur le fondement du 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de l'importance et du caractère répétitif des troubles à l'ordre public ainsi portés au cours des années 2008 et 2009, le préfet de Seine-et-Marne a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider la fermeture administrative de l'établissement pour une durée de deux mois ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée de la Scp Coudray Ancel et de M. B...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Scp Coudray Ancel, en qualité de liquidateur de la Sarl Club Briard, à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 avril 2015.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
E. COËNT-BOCHARD Le greffier,
A.-L. CALVAIRE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA01592
1°) d'annuler le jugement n° 1001309/1 du 5 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du
24 décembre 2009 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a prononcé la fermeture administrative de la discothèque Bizon's club pour une durée de deux mois ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où il n'a pas été précédé de l'avertissement préalable prévu au 1 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en ce que M.A..., gérant de l'établissement, n'a pas été mis en mesure de présenter des observations utiles à défaut pour le préfet de lui avoir communiqué les éléments de la procédure attestant de la véracité des faits allégués, des circonstances de la commission de ceux-ci et de l'identité des personnes concernées ;
- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ni leurs liens avec l'établissement démontrés alors que les faits se sont déroulés à l'extérieur de l'établissement et que la discothèque a continué à bénéficier d'autorisations d'ouvertures tardives ;
- ni le gérant de l'établissement ni ses préposés ne sont responsables de la survenue de ces faits et n'ont jamais été impliqués dans aucune des procédures invoquées dans la décision de fermeture de l'établissement ni n'ont fait l'objet de poursuites en sorte que l'arrêté contesté viole le principe de la présomption d'innocence et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté litigieux est entaché de détournement de pouvoir ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2013, présenté par le préfet de Seine-et-Marne qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que :
- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé par référence au texte applicable et aux faits d'insécurité qui ont porté atteinte à l'ordre et la tranquillité publique de manière répétitive en sorte, d'une part, que la décision de fermeture administrative est fondée sur le 2 de l'article L. 3332-15 et que, d'autre part, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de l'avertissement préalable prévu au 1 de cet article ;
- conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le gérant de l'établissement a été mis en mesure de présenter utilement ses observations écrites et orales, ayant reçu notamment communication du rapport de gendarmerie précisant les faits reprochés, ce qu'il a refusé de faire prétextant à l'absence de communication des procès-verbaux des procédures ;
- les faits pris en compte pour fonder la mesure de fermeture administrative, intervenus sur une période de deux années et en relation directe avec la fréquentation et l'exploitation de l'établissement, comme commis sur le site de la discothèque et impliquant des clients de l'établissement ou ses vigiles, portent atteinte à l'ordre et à la tranquillité publics et sont suffisamment établis par les pièces du dossier en sorte qu'ils sont de nature à justifier légalement la décision de fermeture administrative ;
- les circonstances que le gérant de l'établissement ou son personnel ne seraient pas responsables de la survenue de ces faits ni n'auraient été entendus personnellement par les forces de police sont sans incidence sur le bien fondé de la mesure, en sorte que l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Vu l'ordonnance du 5 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 25 février 2015 à 12 :00 heures, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :
- le rapport de M. Dellevedove,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de M.A...;
1. Considérant que, par un arrêté du 24 décembre 2009 pris en application de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, le préfet de Seine-et-Marne a décidé la fermeture administrative, pour une durée de deux mois, de la discothèque exploitée sous l'enseigne Bizon's Club à Barbizon par la Sarl Bizon's Club, devenue la Sarl Club Briard, dont
M. B...A...était le gérant ; que cette société a été mise en liquidation judiciaire, par jugement du Tribunal de commerce de Melun du 5 juillet 1010, et la Scp Coudray Ancel désignée comme liquidateur ; que la société Coudray Ancel et M. B...A...font appel du jugement en date du 5 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. (...) / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifié les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. (...) " :
3. Considérant que, pour prononcer la fermeture de l'établissement sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, le préfet de Seine-et-Marne s'est référé au rapport établi le 18 novembre 2009 par le colonel, commandant le groupement de gendarmerie de Seine-et-Marne, a relevé dans ce rapport particulièrement 11 faits caractérisés de tapages nocturnes émanant de l'établissement, de dégradations de véhicules, d'ivresse sur la voie publique, de différends entre clients et vigiles, de bagarres au sein et devant l'établissement avec blessés impliquant des clients de l'établissement, et a estimé que ces faits répétitifs, constitutifs d'insécurité, portaient atteinte à l'ordre et la tranquillité publics ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et que le préfet de police s'est livré à un examen particulier de la situation ; que, dès lors, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, en rappelant, dans l'enchaînement des motifs de l'arrêté contesté, que " l'article L. 3332-15 du code de la santé publique habilite le représentant de l'État dans le département à ordonner la fermeture administrative des débits de boissons et restaurants pour une durée n'excédant pas deux mois en cas d'atteinte à l'ordre public, à la tranquillité ou à la moralité publiques ", le préfet du Seine-et-Marne doit être regardé comme s'étant fondé sans équivoque sur le paragraphe 2 de cet article et non sur son paragraphe 1 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont pu en déduire à juste titre, par un jugement exempt de défaut de motivation sur ce point, que les requérants n'étaient pas fondés à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 1 de cet article ni, par voie de conséquence, à soutenir que la décision de fermeture aurait dû être précédée de l'avertissement prévu par ces seules dispositions ;
6. Considérant, en troisième lieu, que les mesures de fermeture d'établissements ordonnées par le préfet, conformément aux dispositions combinées des paragraphes 2 et 4 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques en relation avec l'exploitation ou la fréquentation de l'établissement, comme celles qui sont fondées sur les dispositions du 1 ou les dispositions combinées du 3 et du 4 de ce même article, doivent être regardées non comme des sanctions présentant le caractère de punitions mais comme des mesures de police qui ont pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant ; qu'il s'ensuit que les principes de la procédure pénale et les principes applicables en cas de sanction administrative ne sont pas applicables à la procédure en cause ; qu'en particulier, en l'espèce, d'une part, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la mesure contestée méconnaîtrait le principe de la présomption d'innocence qui ne trouve application qu'en matière répressive, et, d'autre part, la condition posée par les dispositions précitées, tenant à ce qu'une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de l'établissement peut être regardée comme remplie, indépendamment même, le cas échéant, du comportement des responsables ou des personnels de l'établissement ; qu'enfin, la fermeture d'un établissement sur le fondement des dispositions précitées n'étant pas nécessairement conditionnée par l'aboutissement ou même l'engagement de poursuites pénales, la circonstance que le gérant de l'établissement ni ses préposés n'ont fait l'objet de sanctions pénales, ou même de poursuites pénales, ne fait pas obstacle à ce que le préfet use, comme il l'a fait, des pouvoirs de police administrative qu'il tient de ces dispositions ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants soutiennent que le principe du contradictoire assuré par les dispositions susmentionnées de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 a été méconnu dans la mesure où le préfet de Seine-et-Marne aurait refusé de fournir les informations suffisantes pour permettre à la société gérante de la discothèque de présenter utilement ses observations avant que n'intervienne la décision litigieuse ; qu'il ressort, cependant, des pièces du dossier qu'avant de prendre l'arrêté litigieux en date du
24 décembre 2009, par lettre en date du 23 novembre 2009, le préfet de Seine-et-Marne a informé le gérant de la société Bizon's Club qu'il envisageait, sur le fondement des dispositions susmentionnées, de prononcer une mesure de fermeture administrative de son établissement d'une durée de deux mois à raison les faits susmentionnés dont le préfet précisait la nature et la date et qu'il pouvait présenter des observations écrites et être entendu dans un délai de huit jours ; que le conseil du gérant ayant sollicité à plusieurs reprises des délais supplémentaires pour répondre ainsi que la communication de la procédure poursuivie à l'encontre de l'établissement, à la suite de plusieurs reports de délais et de rendez-vous et de la communication, par lettre du 8 décembre 2009, du rapport de gendarmerie susmentionné, le préfet de Seine-et-Marne a, par lettre du 18 décembre 2009, reporté le rendez-vous au 23 décembre 2009 ; que, si, par lettre du 21 décembre 2009, le conseil de la société a informé la préfecture qu'il ne serait pas présent lors du rendez-vous du 23 décembre 2009, que ses clients ne feraient ni observations écrites ni observations orales, dès lors que ne lui avaient pas été communiqués les procès-verbaux et les éléments détaillés de chacune des infractions mentionnées dans le rapport de gendarmerie du 18 novembre 2009, et que son cabinet était fermé à raison des fêtes de fin d'année du 22 décembre au 27 décembre 2009, il ressort des pièces du dossier que ce rapport comportait des éléments suffisamment précis pour permettre à la société d'émettre utilement ses observations sur les faits reprochés et que, en tout état de cause, ni les dispositions susmentionnées ni aucune autre disposition légale ou réglementaire n'imposaient à l'administration de communiquer à la société l'ensemble des pièces de la procédure avant d'ordonner la fermeture de l'établissement et notamment pas les éventuels procès-verbaux d'enquête, couverts par le secret de l'instruction, alors, d'ailleurs, que la fermeture d'un établissement sur le fondement des dispositions précitées du 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique n'est pas nécessairement tributaire de l'engagement de poursuites pénales ; que, dès lors, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure contradictoire doivent être écartés ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que les faits susmentionnés dont la matérialité est suffisamment établie par les pièces versées au dossier, notamment par le rapport susmentionné en date du 18 novembre 2009 ainsi que par le rapport établi le 14 octobre 2009 par le chef d'escadron, commandant la compagnie de gendarmerie de Fontainebleau, s'agissant plus particulièrement des faits de bagarre opposant deux bandes rivales à l'intérieur de la discothèque avec blessés relevés le 27 juin 2009, impliquant selon les cas les clients de l'établissement et ses vigiles, entrent dans la catégorie des atteintes à l'ordre et à la tranquillité publics en relation avec la fréquentation de l'établissement et sont au nombre de ceux qui justifient légalement une mesure de police administrative de fermeture prise sur le fondement du 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de l'importance et du caractère répétitif des troubles à l'ordre public ainsi portés au cours des années 2008 et 2009, le préfet de Seine-et-Marne a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider la fermeture administrative de l'établissement pour une durée de deux mois ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée de la Scp Coudray Ancel et de M. B...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Scp Coudray Ancel, en qualité de liquidateur de la Sarl Club Briard, à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 avril 2015.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
E. COËNT-BOCHARD Le greffier,
A.-L. CALVAIRE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA01592