Conseil d'État, 4ème SSJS, 07/05/2014, 359076, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 24 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 11037 du 12 mars 2012 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision n° C.2009-2262 du 7 juillet 2010 de la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France rejetant sa plainte contre Mme B...C...et à l'accueil de sa plainte, d'autre part, lui a infligé une amende de 1 000 euros pour appel abusif ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 avril 2014, présentée pour Mme C... ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M.A..., à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de Mme C...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 127-42 du code de la santé publique : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. / En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires. / Si l'avis de l'intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible. " ; qu'aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. (...) " ; et qu'aux termes de l'article 372-2 du même code : " A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant " ; qu'aux termes de l'article 373-2 du code civil : " La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale. " ;

2. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l'égard d'un mineur qu'après que le médecin s'est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement ; qu'il n'en va autrement qu'en cas d'urgence, lorsque l'état de santé du patient exige l'administration de soins immédiats ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., psychiatre, a reçu une première fois, le 10 novembre 2008, la fille de M.A..., une jeune fille de seize ans souffrant, selon son diagnostic, d'une " dépression modérée à sévère ", accompagnée de son père, divorcé de la mère de la jeune fille et exerçant conjointement l'autorité parentale avec celle-ci ; qu'à la suite d'une aggravation de l'état de la jeune fille, le médecin l'a reçue une deuxième fois, le 12 novembre 2008, accompagnée de sa mère, et lui a prescrit le médicament Prozac, sans avoir cherché à recueillir le consentement du père avant de faire cette prescription ;

4. Considérant que, pour juger que le psychiatre n'avais commis aucun manquement à la déontologie en s'abstenant de prévenir le père du mineur, la chambre disciplinaire nationale ne s'est pas fondée sur le caractère usuel de l'acte litigieux mais a estimé que la jeune fille se trouvait dans une situation d'urgence justifiant la prescription d'un antidépresseur en application des dispositions précitées ;

5. Considérant que, pour statuer ainsi, la chambre disciplinaire nationale s'est bornée à relever que l'état de la patiente s'était aggravé entre le 10 et le 12 novembre 2008 sans relever les éléments précis qui justifiaient en quoi cette aggravation était de nature à caractériser, à elle seule, une situation d'urgence au sens de l'article R. 4127-42 du code de la santé publique, autorisant l'absence d'information du père de la jeune fille mineure ; que dès lors, la chambre disciplinaire a entaché sa décision d'erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la décision attaquée doit être annulée ;

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A...tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A...qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance et à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance ;



D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins du 12 mars 2012 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...et par Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. D...A...et à Mme B...C....
Copie en sera adressée pour information au Conseil national de l'ordre des médecins.


ECLI:FR:CESJS:2014:359076.20140507
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