Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 22/02/2012, 343052
Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 22/02/2012, 343052
Conseil d'État - 7ème et 2ème sous-sections réunies
- N° 343052
- ECLI:FR:CESSR:2012:343052.20120222
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
22 février 2012
- Président
- M. Philippe Martin
- Rapporteur
- M. Nicolas Polge
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance n° 1014123 du 10 août 2010, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre 2010, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. Nicolas A ;
Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2010 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par M. A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 10 février 2010 du Président de la République le plaçant en retrait d'emploi par mesure disciplinaire pour une durée de trois mois ;
2°) d'enjoindre au Président de la République de le remettre en activité et de rétablir ses droits, y compris en ce qui concerne sa solde, à compter du 21 juin 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : (...) / 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / a) Le retrait d'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-3 : " Doivent être consultés : (...) / 3° Un conseil d'enquête avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-71 du même code : " Ne peuvent faire partie d'un conseil d'enquête : (...) / 6° Les militaires ayant fait partie d'un conseil de discipline ou d'enquête appelé à connaître de la même affaire " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-76 de ce code : " L'autorité (...) notifie au comparant et à son défenseur la liste des membres du conseil et de leurs suppléants et les informe qu'ils disposent, au reçu de cette notification, d'un délai de huit jours francs pour récuser trois au plus des militaires figurant sur la liste (...) " ;
Considérant que la règle résultant du 6° de l'article R. 4137-71 du code de la défense, relative à la composition du conseil d'enquête consulté avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe appliquée à un militaire, constitue pour ce dernier une garantie instituée par le pouvoir réglementaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir abandonné la procédure suivie devant le premier conseil d'enquête convoqué pour examiner le cas de M. A, le ministre de la défense a renvoyé l'affaire devant un second conseil d'enquête ; que la désignation comme membre du deuxième conseil d'enquête d'un officier dont le requérant soutient, sans être démenti, qu'il avait siégé au premier conseil d'enquête, contrevient à ces dispositions ; que cette irrégularité de la composition du deuxième conseil d'enquête, qui a privé l'intéressé d'une garantie, est de nature à entacher la légalité du décret attaqué, sans que puisse y faire obstacle la circonstance, invoquée par le ministre, que M. A n'aurait pas fait usage à l'encontre de cette désignation du droit de récusation qui lui était ouvert en application des dispositions de l'article R. 4137-76 du code de la défense citées ci-dessus ; que M. A est par suite fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation du décret du 10 février 2010 ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au ministre de la défense, en exécution de la présente décision, de procéder à la reconstitution de carrière de M. A à compter du 21 juin 2010, date à laquelle a pris effet la sanction annulée, dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision ; que la présente décision n'implique pas, en revanche, que soit versé à M. A, en l'absence de service fait, le montant de la solde correspondant à la durée du retrait d'emploi, l'intéressé étant seulement fondé à présenter à l'Etat, s'il y a lieu, une demande d'indemnisation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision de sanction ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret du 10 février 2010 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de la défense et des anciens combattants de reconstituer la carrière de M. A à compter du 21 juin 2010, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolas A, au Premier ministre et au ministre de la défense et des anciens combattants.
ECLI:FR:CESSR:2012:343052.20120222
Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2010 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par M. A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 10 février 2010 du Président de la République le plaçant en retrait d'emploi par mesure disciplinaire pour une durée de trois mois ;
2°) d'enjoindre au Président de la République de le remettre en activité et de rétablir ses droits, y compris en ce qui concerne sa solde, à compter du 21 juin 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : (...) / 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / a) Le retrait d'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-3 : " Doivent être consultés : (...) / 3° Un conseil d'enquête avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-71 du même code : " Ne peuvent faire partie d'un conseil d'enquête : (...) / 6° Les militaires ayant fait partie d'un conseil de discipline ou d'enquête appelé à connaître de la même affaire " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-76 de ce code : " L'autorité (...) notifie au comparant et à son défenseur la liste des membres du conseil et de leurs suppléants et les informe qu'ils disposent, au reçu de cette notification, d'un délai de huit jours francs pour récuser trois au plus des militaires figurant sur la liste (...) " ;
Considérant que la règle résultant du 6° de l'article R. 4137-71 du code de la défense, relative à la composition du conseil d'enquête consulté avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe appliquée à un militaire, constitue pour ce dernier une garantie instituée par le pouvoir réglementaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir abandonné la procédure suivie devant le premier conseil d'enquête convoqué pour examiner le cas de M. A, le ministre de la défense a renvoyé l'affaire devant un second conseil d'enquête ; que la désignation comme membre du deuxième conseil d'enquête d'un officier dont le requérant soutient, sans être démenti, qu'il avait siégé au premier conseil d'enquête, contrevient à ces dispositions ; que cette irrégularité de la composition du deuxième conseil d'enquête, qui a privé l'intéressé d'une garantie, est de nature à entacher la légalité du décret attaqué, sans que puisse y faire obstacle la circonstance, invoquée par le ministre, que M. A n'aurait pas fait usage à l'encontre de cette désignation du droit de récusation qui lui était ouvert en application des dispositions de l'article R. 4137-76 du code de la défense citées ci-dessus ; que M. A est par suite fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation du décret du 10 février 2010 ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au ministre de la défense, en exécution de la présente décision, de procéder à la reconstitution de carrière de M. A à compter du 21 juin 2010, date à laquelle a pris effet la sanction annulée, dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision ; que la présente décision n'implique pas, en revanche, que soit versé à M. A, en l'absence de service fait, le montant de la solde correspondant à la durée du retrait d'emploi, l'intéressé étant seulement fondé à présenter à l'Etat, s'il y a lieu, une demande d'indemnisation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision de sanction ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 10 février 2010 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de la défense et des anciens combattants de reconstituer la carrière de M. A à compter du 21 juin 2010, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolas A, au Premier ministre et au ministre de la défense et des anciens combattants.