Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 10/08/2005, 258044, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 10/08/2005, 258044, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 3ème et 8ème sous-sections réunies
- N° 258044
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
10 août 2005
- Président
- Mme Hagelsteen
- Avocat(s)
- SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 28 avril 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Mourad X, ensemble la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande de M. X devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 29 janvier 2003 de la décision du PREFET DE LA SEINE-MARITIME du 23 janvier 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un jugement en date du 19 décembre 2001 du tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle le condamnant à dix-huit mois d'emprisonnement du chef de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, que, si M. X réside régulièrement sur le territoire national depuis 1989 et est marié avec une compatriote également en situation régulière avec laquelle il a eu cinq enfants nés en France, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit au respect de la vie familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée à ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dans ces conditions, cet arrêté n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention précitée ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par son jugement du 6 mai 2003, s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 28 avril 2003 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X devant le tribunal administratif et devant le Conseil d'Etat ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...)./ La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant que, ainsi qu'il a été dit, M. X remplit les conditions prévues au 7° de l'article 12 bis précité ; que, par suite, le préfet était tenu de saisir de son cas la commission du titre de séjour, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa présence constitue une menace à l'ordre public ; que faute d'avoir été précédé de cette consultation, le refus de titre de séjour opposé à M. X le 23 janvier 2003 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et est, ainsi, entaché d'illégalité ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 28 avril 2003 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Mourad X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 28 avril 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Mourad X, ensemble la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande de M. X devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 29 janvier 2003 de la décision du PREFET DE LA SEINE-MARITIME du 23 janvier 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un jugement en date du 19 décembre 2001 du tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle le condamnant à dix-huit mois d'emprisonnement du chef de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, que, si M. X réside régulièrement sur le territoire national depuis 1989 et est marié avec une compatriote également en situation régulière avec laquelle il a eu cinq enfants nés en France, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit au respect de la vie familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée à ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dans ces conditions, cet arrêté n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention précitée ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par son jugement du 6 mai 2003, s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 28 avril 2003 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X devant le tribunal administratif et devant le Conseil d'Etat ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors en vigueur : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...)./ La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant que, ainsi qu'il a été dit, M. X remplit les conditions prévues au 7° de l'article 12 bis précité ; que, par suite, le préfet était tenu de saisir de son cas la commission du titre de séjour, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa présence constitue une menace à l'ordre public ; que faute d'avoir été précédé de cette consultation, le refus de titre de séjour opposé à M. X le 23 janvier 2003 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et est, ainsi, entaché d'illégalité ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 28 avril 2003 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Mourad X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.