Conseil d'Etat, 7 / 10 SSR, du 8 mars 1996, 133198, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance en date du 15 janvier 1992, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 janvier 1992, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée à cette cour pour M. André-Henry PELTE ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 24 juin 1991, présentée pour M. André-Henry PELTE, demeurant Rue Labourdonnais à Saint-Denis de la Réunion (97400) ; M. PELTE demande :

1°) l'annulation du jugement en date du 27 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation -a) de la décision du 21 juillet 1989 par laquelle la commission d'appel d'offres du conseil régional de la Réunion, après avoir rejeté son offre, a attribué le marché pour l'enlèvement, le traitement et l'élimination des carcasses de véhicules, aux entreprises A.C. Casse (lot n° 1 et 2) et Rimm (lot n° 3), -b) de la décision prise par le président du conseil régional de conclure avec ces deux entreprises lesdits marchés, ainsi que l'annulation des actes de notification desdits marchés, en date, respectivement des 13 juin et 14 juillet 1990 et par voie de conséquence l'annulation desdits marchés ; d'autre part, à la condamnation de la région de la Réunion à lui verser la somme de 15 000 F au titre des dispositions de l'article 1er de la loi du 2 septembre 1988 ;

2°) l'annulation des décisions précitées ;

3°) la condamnation de la région de la Réunion à lui verser la somme de 45 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. de Lesquen, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. AndréHenry PELTE,

- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offre du 21 juillet 1989 et de celles du président du conseil régional de la Réunion de signer le marché avec les entreprises Casse et Rimm :

Considérant qu'aux termes de l'article 300 du code des marchés publics : "La commission élimine les offres non conformes à l'objet du marché ; elle choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de leur valeur technique, des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des candidats et du délai d'exécution. ... Une offre comportant une variante par rapport à l'objet du marché tel qu'il a été défini par la commission peut être prise en considération, si une telle possibilité a été expressément prévue dans l'appel d'offres. ... Dès que la commission a fait son choix l'autorité habilitée à passer le marché ... peut en accord avec l'entreprise retenue, procéder à une mise au point du marché sans que les modifications entraînées puissent remettre en cause les conditions de l'appel à la concurrence ayant pu avoir un effet sur les offres" ;

Considérant que si le représentant légal de l'entreprise Rimm n'a pas signé le cahier des clauses administratives particulières, et celui de l'entreprise Casse, la page 2 bis de l'acte d'engagement, ces omissions, qui ne modifiaient ni le sens, ni la validité de l'engagement des soumissionnaires, n'étaient pas de nature à entacher d'irrégularité les soumissions de ces deux entreprises ; que, par suite, la commission d'appel d'offres n'était pas tenue, comme le soutient M. PELTE, d'écarter lesdites soumissions comme non conformes à l'objet du marché ;

Considérant qu'il résulte de l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières du marché pour l'enlèvement, la destruction et l'élimination des carcasses de véhicules et des autres objets ou déchets métalliques dans l'Ile de la Réunion, que si le nombre minimum de carcasses de véhicules était fixé à 5 000 et les prix proposés devaient être calculés en fonction de ce chiffre minimum, les entreprises étaient également invitées à proposer des prixdégressifs par millier de véhicules supplémentaires ; que, par suite, M. PELTE ne saurait valablement soutenir que la commission d'appel d'offres aurait accepté une variante interdite par les clauses du marché et que l'entreprise qu'il dirige aurait fait l'objet d'un traitement discriminatoire dès lors que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait la possibilité pour les entreprises de proposer des prix dégressifs ;

Considérant que le règlement particulier d'appel d'offres prévoyait que chaque entreprise pouvait soumissionner soit pour l'un des trois lots du marché, soit pour deux ou trois lots ; que, toutefois, le même règlement précisait que la commission d'appel d'offres se réservait la possibilité d'apprécier l'intérêt financier ou technique de ces propositions ; que la commission a estimé préférable pour des raisons financières et techniques d'attribuer à des entreprises différentes les lots "enlèvements des carcasses et déchets" et le lot "destruction et élimination" ; que, par suite, M. PELTE, qui a d'ailleurs été invité à présenter des propositions pour chacune de ces prestations, ne peut prétendre que la commission d'appel d'offres a méconnu les dispositions du règlement d'appel d'offres ;

Considérant que les nouvelles propositions de l'entreprise PELTE adressées à la commission d'appel d'offres, le 19 juillet 1991, après l'ouverture des plis, ne pouvaient être légalement retenues dès lors qu'elles comportaient d'importantes modifications techniques par rapport au projet initialement remis et ne pouvaient être regardées comme de simples précisions ou compléments que la commission est en droit de demander en application de l'article 300 du code des marchés ; qu'au surplus cette offre n'était pas chiffrée dans tous ses éléments ;

Considérant qu'il ressort du procès-verbal de la commission d'appel d'offres que pour établir son choix entre les différentes offres, la commission s'est essentiellement fondée sur les prix indiqués et la valeur technique des solutions proposées pour la destruction des carcasses et l'élimination des ferrailles ; que ces critères sont parmi ceux énumérés à l'article 300 du code des marchés publics ; que M. PELTE qui avait été invité, en vain, à proposer des prix pour les seuls lots "collecte et enlèvement des carcasses et déchets" ne saurait se plaindre d'avoir été écarté pour l'attribution de ces lots au motif qu'il avait subordonné les prix proposés à l'attribution du lot "destruction et élimination des carcasses et déchets" ; que, par suite, la décision de la commission d'appel d'offres n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le délai qui s'est écoulé entre la décision de la commission d'appel d'offres et la signature du marché a été utilisé à la mise au point du marché ; que la société requérante n'établit pas que les conditions de l'appel d'offres ont été remises en cause ;

Considérant qu'il résulte des stipulations des articles 15 et 16 du cahier des clauses administratives particulières que le marché en cause est conclu pour une durée maximum de cinq ans et qu'il est, dans les limites de cette période, tacitement reconduit d'année en année à l'échéance annuelle ; que, par suite, ce marché ne contrevient pas aux dispositions de l'article 273-2 du code des marchés publics qui limite à cinq ans la durée des marchés de clientèle ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. PELTE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 juillet 1989 de la commission d'appeld'offres et de celles par lesquelles le président de la région de la Réunion a signé les marchés avec les sociétés Rimm et Casse pour l'enlèvement, la destruction et l'élimination des carcasses de véhicules et des déchets métalliques ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des actes de notification des marchés aux sociétés Rimm et Casse :

Considérant que la notification d'un marché, en application de l'article 254 du code des marchés publics n'est pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, M. PELTE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté comme irrecevables ses conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des marchés conclus avec les sociétés Casse et Rimm :

Considérant que les marchés passés entre le conseil régional de la région de la Réunion et les entreprises Casse et Rimm ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté comme irrecevables ses conclusions ;

Sur les conclusions de la région de la Réunion tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. PELTE à verser à la région de la Réunion la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. PELTE est rejetée.
Article 2 : M. PELTE est condamné à verser la somme de 10 000 F à la région de la Réunion au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. André-Henry PELTE, à la région de la Réunion et au ministre de l'intérieur.
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